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En Egypte, le plus célèbre marché arabe de livres d'occasion

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  • En Egypte, le plus célèbre marché arabe de livres d'occasion

    Sour El-Azbakia, situé en plein coeur de la capitale égyptienne, à cheval entre El-Fatimiya, l'ancienne ville du Caire, et Misr El-Gadida, (nouvelle ville), est le plus célèbre marché arabe de livres d'occasion qui s'est transformé avec le temps, en un point de rencontre des lecteurs en quête d'ouvrages rarissimes disparus des bibliothèques. Pour les "libraires ambulants" qui sillonnaient les rues du Caire, le mur du célèbre jardin d'El-Azbakia attenant à la non moins célèbre Souk El-Ataba, face au siège de l'ancien opéra égyptien, offrait un lieu propice pour faire une pose et se payer un sandwich aux fèves.
    Le marché de livres d'occasion, vit ainsi le jour dans le milieu des années 1920, lorsque les bouquinistes ambulants, constatant une augmentation sensible des ventes durant ce moment de repos, par rapport au reste de la journée, décidèrent de s'installer le long du mur du jardin d'El-Azbakia qui ne tarda pas à donner son nom à ce marché.

    Celui-ci n'a rien perdu de sa superbe, continuant jusqu'à ce jour à proposer aux férus de la lecture, des ouvrages à des prix imbattables, alors que d'autres marchés du genre comme ceux adossés aux murs des mosquées Zeineb et El-Azhar ont disparu.

    En dépit de la démolition du mur du jardin El-Azbakia, vieux de sept siècles, cédant place à l'Opéra égyptien érigé alors dans le cadre des festivités de l'inauguration du Canal de Suez et à la station de métro, le marché a conservé son appellation et s'est même étendu à l'intérieur du jardin, où les autorités égyptiennes ont aménagé quelque 132 kiosques pour permettre à ces libraires d'écouler leur marchandise inédite au lieu de squatter les trottoirs.

    Au témoignage des vendeurs de ce Souk, des auteurs et penseurs, des intellectuels, hommes de lettres et artistes garnissent leurs bibliothèques personnelles de livres achetés au marché El-Azbakia, qui redevient finalement le point de chute des livres de personnalités célèbres après leur décès. Les personnes qui héritent de ces livres ignorent, apparemment, leur véritable valeur, allant jusqu'à les céder à des prix dérisoires aux vendeurs du marché d'El-Azbakia, dont certains ont développé un flair aigu pour les livres garnissant les étagères des bibliothèques privées des célébrités.

    Parmi les célèbres personnalités dont les bibliothèques privées ont approvisionné le marché El-Azbakia, figurent Abbas Mahmoud El-Aqad et le premier président d'Egypte, Mohamed Naguib, dont l'un des fils a vendu, à la fin des années 1980, quelque 5000 livres de politique et d'histoire qu'il avait hérités de son défunt père à un vendeur de ce marché.

    Sour El-Azbakia n'est plus à présenter, à voir le nombre important de visiteurs qui s'y rendent quotidiennement avant de le quitter avec une quantité considérable de titres inédits, mais à des prix qui n'atteignent même pas le dixième des prix pratiqués ailleurs.

    En dépit de l'exiguïté des kiosques, dont la superficie ne dépasse guère trois mètres sur deux, des milliers de livres meublent les rayons de ces minuscules locaux pouvant contenir quelque 3000 titres chacun. Bien rangés ou empilés à même le sol ces ouvrages embrassent différents domaines: sciences religieuses, chimie, littératures arabes et étrangères, livres pour enfants, dictionnaires, ...etc. De vieux livres et revues datant, parfois, du début du siècle dernier offrent une matière très riche aux historiens et chercheurs, notamment en journalisme, cinéma et théâtre.

    Parmi ces oeuvres figurent les premières éditions des Mille et une nuit, des oeuvres d'El-Asfahani, d'El-Djahidh et des recueils de poètes arabes, tels qu'El-Moutanabi, El-Maari, Chawki aux côtés de traductions d’oeuvres de Shakespeare, de Victor Hugo et autres chefs d’oeuvre de la littérature russe, des encyclopédies de philosophie, de sciences naturelles, de géographie, de chimie et de médecine.

    Interrogé sur les livres relatifs à l'Algérie, un libraire indique disposer d’oeuvres traitant, en majorité, de l'Histoire de l'Algérie, notamment de la Révolution de libération vue par des écrivains égyptiens et étrangers, dont certains d'expression française (chose peu commune dans un pays ou prévalent les langues arabe et anglaise), ainsi que des livres sur la littérature algérienne contemporaine.

    Certains kiosques portant des noms inspirés de grandes maisons d'édition ou d'illustres personnalités culturelles, scientifiques et littéraires ont opté pour la spécialisation. Ainsi certains vendent des dictionnaires, d'autres des livres scolaires, des romans ou des livres religieux.

    Avec le temps, le marché d'Al-Azbakia a acquis une valeur historique et culturelle. Nombre de personnalités littéraires de renom y puisaient leur savoir à l'image des "El-Harafich" (Les Marginaux), amis du Prix Nobel de la littérature, Nadjib Mahfoud, qui arpentaient les allées du marché avant de rejoindre la conférence culturelle qui les regroupait avec Nadjib Mahfoud dans le Café Opéra, sur la rue jouxtant le Sour, ou dans le Café El-Fichaoui, situé dans le quartier Khan El-Khalili.

    Romancier dont le regard caresse quotidiennement les étals garnis de livres du Sour El-Azbakia, Youcef El-Qaid estime que ce marché est un centre de diffusion du savoir.

    Un des plus anciens bouquinistes du Souk, Cheikh Hocine, affirme exercer cette activité "peu lucrative", depuis 1949, tout en concédant qu'il a pu, grâce à son travail élever et éduquer ses enfants, assouvir sa soif de lecture depuis son jeune âge et nouer des amitiés avec les clients du Souk dont la majorité est constituée d'intellectuels.

    A l'image de l'ensemble des bouquinistes du souk, "Ammi Hocine", ce septuagénaire spécialisé dans la vente de livres variés en langues française et anglaise (romans, livres pour enfants, livres de chimie ou de philosophie), est toujours prêt à mettre son expérience au service de ses clients en les orientant vers le dictionnaire, le magazine ou le livre qu'ils cherchent, à l'intérieur ou à l'extérieur du Souk dans les différentes librairies du Caire.

    Ce bouquiniste qui dit avoir constitué, grâce à son travail, une bibliothèque scientifique et littéraire d'une richesse inestimable pour ses enfants, a déploré le peu d'engouement pour la lecture affiché par la nouvelle génération qui, se détournant des classiques de la pensée et de la littérature, se contente des livres superficiels et ceux relatifs aux programmes scolaires.

    Pour sa part, Ahmed, un autre bouquiniste spécialisé dans la vente des livres de littératures anglaise et française s'est plaint de l'envahissement du souk part les étals de vente d'articles importés de Chine, de cassettes audio et d'accessoires informatiques, sous prétexte que la vente de livres n'est désormais plus une activité porteuse.

    La plupart des bouquinistes appréhendent, en effet, le transfert du souk de la place actuelle, théâtre de travaux d'aménagement pour l'élargissement de la station métro. Ils affirment ignorer leur prochaine destination, rappelant avoir été contraints de se déplacer ça et là depuis le début de la réalisation de cette station.

    De leur coté, les habitués du marché sont inquiets du sort réservé à Sour El-Azbakia qu'ils considèrent comme un des monuments de la mémoire culturelle égyptienne tant pour sa valeur historique et culturelle dans l'histoire contemporaine de l'Egypte que pour sa qualité de temple touristique et culturel, selon les propos de Mohamed Aouadh, jeune étudiant en quête, dans cette librairie populaire, d'ouvrages pour les besoins de sa thèse de magister.

    Afin de préserver ce site situé au milieu d'autres édifices historiques à l'image des trois théâtres adjacents, l'ancienne maison de l'opéra dévorée par les flammes dans les années 1950 ainsi que la prestigieuse mosquée d'Al Azhar, les bouquinistes entendent se constituer en association afin de faire prévaloir leurs droits et promouvoir leur profession qui est à vocation davantage culturelle que commerciale. Ils projettent de réactiver le rôle culturel de la zone du Sour à travers l'organisation de conférences culturelles, et d'un café culturel dans la perspective d'y attirer les intellectuels au bon souvenir des rencontres culturelles qui animaient, durant les décennies écoulées, la capitale égyptienne et qui ont révélé au monde une pléiade d'écrivains et critiques de renom.

    Par APS
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