Des rumeurs persistantes d'attaques américaines sur des sites nucléaires ainsi que sur des bases militaires commencent à inquiéter les iraniens.
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l y a quelques jours, les journaux iraniens s'étaient fait l'écho d'une enquête de la BBC selon laquelle les Etats-Unis préparaient non seulement une attaque des sites nucléaires du pays, mais aussi des bases militaires. Depuis, plus rien.
Publiquement, personne n'évoque cette hypothèse. Vendredi 23 février, premier jour férié après la remise du rapport, accablant pour l'Iran, de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), les rues de Téhéran, rendues à la folie de la circulation du week-end, gardaient leur mutisme. Même la prière du vendredi à la grande mosquée, lieu traditionnel des diatribes politiques en période de crise, n'a été suivie d'aucun débordement : ni drapeaux américains brûlés, ni manifestation, comme c'est souvent le cas.
Le principal orateur, l'ancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, a gardé profil bas. Se concentrant sur une critique de la mauvaise gestion de l'économie, il a juste ajouté quelques phrases sur les "puissances arrogantes" qui "ont peur de la vitalité de l'islam". Tout en appelant à la reprise du dialogue, il a mis en garde les Etats-Unis qui, "s'ils poursuivent leur politique, créeront de nouveaux problèmes pour eux, la région et le monde entier". "Attaquer ? Les Américains n'en ont ni le courage ni la capacité", lâche un jeune soldat. Un vieil homme lève sa canne vers le ciel : "Allah les détruira !" Un mollah répond par un haussement d'épaules et un jeune couple refuse de s'exprimer.
Le sujet serait-il tabou ? Presque, mais en privé, les Iraniens se posent des questions. "Voir des étrangers dans ma boutique me rassure : c'est qu'il n'ont pas été évacués en raison du danger", confie un commerçant du bazar. Un autre avoue à mi-voix "ne pas (pouvoir s')empêcher de regarder en l'air quand un avion survole la ville à basse altitude". "Nous sommes otages, nous, le peuple iranien, de cette politique extrémiste. Le message officiel, c'est : "Ne pensez à rien, nous pensons pour vous et nous sommes prêts"", explique avec humeur Zarah, une étudiante.
En début de semaine, lorsque le groupe aéronaval américain dirigé par le porte-avions John-Stennis a rejoint celui du Dwight-Einsenhower dans le Golfe, la télévision a passé en boucle, sans commentaire, des images des manoeuvres militaires organisées dans seize provinces iraniennes, insistant sur les 750 missiles et munitions sophistiquées qui ont été tirés pour repousser une attaque aérienne simulée.
Critiquer sinon le fond, mais la façon dont a été géré, ici, le dossier nucléaire iranien n'est pas sans risque. Pour l'avoir fait, le journal en ligne Baztab (228 000 visiteurs par jour en temps normal), qui n'a pourtant rien de réformiste, est "filtré" depuis huit jours. "Au nom du réalisme qui a sauvé la République islamique durant vingt-huit ans, nous avons critiqué les positions rigides du président Ahmadinejad sur le nucléaire. Etre obstiné ne résout rien", explique Fouad Sadeghi, l'un des fondateurs de Baztab en 2002. Et de raconter qu'en Iran, les élites prennent au sérieux l'éventualité d'une attaque.
Baztab a publié des articles expliquant les enjeux nucléaires et des listes de sites "sensibles". "Pas pour affoler les gens, mais pour les prévenir au cas où...", explique M. Sadeghi. Le journal a aussi fait le récit d'une réunion secrète, il y a quinze jours, entre M. Rafsandjani et des parlementaires. M. Rafsandjani leur aurait raconté une rencontre entre le Guide suprême de la révolution, l'ayatollah Khamenei, et M. Ahmadinejad. Comme ce dernier disait : "Aucun risque, ils n'attaqueront pas", le Guide aurait répondu sèchement : "Non, c'est sérieux."
D'autres hauts dignitaires ont lancé des mises en garde, dont deux généraux et un groupe de grands ayatollahs, qui aurait envoyé une lettre au gouvernement depuis la ville sainte de Qom. "Tous les jours, nous recevons, à Baztab des milliers d'e-mails, dit encore Fouad Sadeghi. Une majorité explique qu'ils ne veulent pas que l'Iran se retrouve dans une situation de confrontation avec le reste du monde. Certains ajoutent que, si les Européens comprennent la situation, ils devraient essayer de la désamorcer."
Par Le Monde
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l y a quelques jours, les journaux iraniens s'étaient fait l'écho d'une enquête de la BBC selon laquelle les Etats-Unis préparaient non seulement une attaque des sites nucléaires du pays, mais aussi des bases militaires. Depuis, plus rien.
Publiquement, personne n'évoque cette hypothèse. Vendredi 23 février, premier jour férié après la remise du rapport, accablant pour l'Iran, de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), les rues de Téhéran, rendues à la folie de la circulation du week-end, gardaient leur mutisme. Même la prière du vendredi à la grande mosquée, lieu traditionnel des diatribes politiques en période de crise, n'a été suivie d'aucun débordement : ni drapeaux américains brûlés, ni manifestation, comme c'est souvent le cas.
Le principal orateur, l'ancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, a gardé profil bas. Se concentrant sur une critique de la mauvaise gestion de l'économie, il a juste ajouté quelques phrases sur les "puissances arrogantes" qui "ont peur de la vitalité de l'islam". Tout en appelant à la reprise du dialogue, il a mis en garde les Etats-Unis qui, "s'ils poursuivent leur politique, créeront de nouveaux problèmes pour eux, la région et le monde entier". "Attaquer ? Les Américains n'en ont ni le courage ni la capacité", lâche un jeune soldat. Un vieil homme lève sa canne vers le ciel : "Allah les détruira !" Un mollah répond par un haussement d'épaules et un jeune couple refuse de s'exprimer.
Le sujet serait-il tabou ? Presque, mais en privé, les Iraniens se posent des questions. "Voir des étrangers dans ma boutique me rassure : c'est qu'il n'ont pas été évacués en raison du danger", confie un commerçant du bazar. Un autre avoue à mi-voix "ne pas (pouvoir s')empêcher de regarder en l'air quand un avion survole la ville à basse altitude". "Nous sommes otages, nous, le peuple iranien, de cette politique extrémiste. Le message officiel, c'est : "Ne pensez à rien, nous pensons pour vous et nous sommes prêts"", explique avec humeur Zarah, une étudiante.
En début de semaine, lorsque le groupe aéronaval américain dirigé par le porte-avions John-Stennis a rejoint celui du Dwight-Einsenhower dans le Golfe, la télévision a passé en boucle, sans commentaire, des images des manoeuvres militaires organisées dans seize provinces iraniennes, insistant sur les 750 missiles et munitions sophistiquées qui ont été tirés pour repousser une attaque aérienne simulée.
Critiquer sinon le fond, mais la façon dont a été géré, ici, le dossier nucléaire iranien n'est pas sans risque. Pour l'avoir fait, le journal en ligne Baztab (228 000 visiteurs par jour en temps normal), qui n'a pourtant rien de réformiste, est "filtré" depuis huit jours. "Au nom du réalisme qui a sauvé la République islamique durant vingt-huit ans, nous avons critiqué les positions rigides du président Ahmadinejad sur le nucléaire. Etre obstiné ne résout rien", explique Fouad Sadeghi, l'un des fondateurs de Baztab en 2002. Et de raconter qu'en Iran, les élites prennent au sérieux l'éventualité d'une attaque.
Baztab a publié des articles expliquant les enjeux nucléaires et des listes de sites "sensibles". "Pas pour affoler les gens, mais pour les prévenir au cas où...", explique M. Sadeghi. Le journal a aussi fait le récit d'une réunion secrète, il y a quinze jours, entre M. Rafsandjani et des parlementaires. M. Rafsandjani leur aurait raconté une rencontre entre le Guide suprême de la révolution, l'ayatollah Khamenei, et M. Ahmadinejad. Comme ce dernier disait : "Aucun risque, ils n'attaqueront pas", le Guide aurait répondu sèchement : "Non, c'est sérieux."
D'autres hauts dignitaires ont lancé des mises en garde, dont deux généraux et un groupe de grands ayatollahs, qui aurait envoyé une lettre au gouvernement depuis la ville sainte de Qom. "Tous les jours, nous recevons, à Baztab des milliers d'e-mails, dit encore Fouad Sadeghi. Une majorité explique qu'ils ne veulent pas que l'Iran se retrouve dans une situation de confrontation avec le reste du monde. Certains ajoutent que, si les Européens comprennent la situation, ils devraient essayer de la désamorcer."
Par Le Monde
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