Syrie : «Pour peser, la France doit s'affranchir de l'alliance atlantique»
Alors que la Maison-Blanche a engagé contre la Syrie et les Russes une rhétorique particulièrement belliqueuse, Mezri Haddad implore la France de résister à la tentation de rentrer dans une guerre dont les enjeux ne semblent profiter qu'aux États-Unis. Ancien ambassadeur de la Tunisie auprès de l'Unesco, Mezri Haddad est philosophe et président du Centre international de géopolitique et de prospective analytique (Cigpa). Il est l'auteur d'essais sur la réforme de l'islam.
«La première victime de la guerre, c'est la vérité», disait Kipling.
Si toutes les guerres sont par définition même sales et destructrices, celle qui a été livrée à la Syrie, et que certains veulent relancer et porter à son paroxysme aujourd'hui, est particulièrement nauséabonde, injuste et absurde. Elle restera dans les annales des grands conflits mondiaux, avec néanmoins ce constat hallucinant: si la dernière guerre mondiale a opposé les démocraties aux totalitarismes, les valeurs humanistes à l'abjection nazie, celle dont on parle aujourd'hui a réunie dans une même coalition la barbarie et la civilisation, le monde dit libre aux forces les plus obscurantistes, l'atlantisme à l'islamisme, pour abattre le «régime de Bachar», comme ils disent.
Dans l'euphorie d'un «printemps arabe» qui était dès ses premiers balbutiements en Tunisie un hiver islamo-atlantiste, tout a été implacablement déployé pour déstabiliser un pays qui n‘était sans doute pas un modèle de démocratie, mais qui connaissait depuis juillet 2000 de profondes et graduelles réformes politiques, sociales et économiques, louables et intrinsèquement libérales, de l'aveu même de Nicolas Sarkozy, qui avait invité à l'époque (2008) le jeune Président syrien au défilé du 14 juillet.
Tout a été déployé, y compris cette arme de guerre redoutable et particulièrement détestable, la désinformation, avec son cortège de mensonges éhontés, de manipulations des masses, de subversions des mots.
Dans cette diabolisation systématique de l'ennemi et victimisation de l'ami,
- l'État syrien est ainsi devenu le «régime de Bachar»,
- l'armée arabe syrienne régulière est devenue «milice d'Assad»,
- les terroristes sont devenues les «rebelles» ou l'«armée syrienne libre»,
- Bachar Al-Assad s'est transformé en «tyran sanguinaire qui massacre son peuple»,
- et les hordes islamo-fascistes, d'Al-Qaïda jusqu'à Daech, se sont métamorphosées en «combattants de la liberté» voire même en «défenseurs des droits de l'homme»…
Rien ne pouvait justifier un tel aveuglement.
- Ni l'idéal démocratique auquel aspire effectivement le peuple syrien.
- Ni la question des droits de l'homme que le monde libre a certainement le devoir moral de défendre partout où ses droits sont malmenés.
- Ni le contrat à durée indéterminée entre l'émirat du Qatar et la République sarkozienne!
- Ni même les prétendues attaques chimiques syriennes, qui étaient à la diplomatie française et à ses relais médiatiques ce que les armes de destruction massive furent à la propagande anglo-américaine, lors de la croisade messianiste contre l'Irak dont on connaît la tragédie et le chaos depuis.
Dans ses mémoires, l'honnête homme Colin Powell, avoue regretter jusqu'à la fin de sa vie son discours devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Un autre discours, devant la même instance onusienne, restera, lui, dans l'Histoire: celui de la France égale à elle-même, gaulliste et fidèle à ses valeurs universelles, magistralement lu par Dominique de Villepin.
Son successeur Laurent Fabius à la tête de la diplomatie française, qui se félicitait du «bon boulot» que le front Al-Nosra faisait en Syrie, ne peut pas en dire autant.
Faute d'une vision stratégique et géopolitique à la hauteur des enjeux cruciaux qui se dessinaient et d'une accélération de l'Histoire qui déroutait, la France sarko-hollandienne a eu une politique autiste, aveugle et inaudible qui ridiculisait le pays de De Gaulle auprès des instances onusiennes et même aux yeux de la puissance américaine qu'elle entendait servir avec encore plus de servitude que la couronne britannique ; une politique qui positionnait la France en ennemi formel d'une amie potentielle -la Russie-, en l'extirpant d'un Moyen-Orient où sa voix portait et son rôle pesait…jadis et naguère.
Plus troublant encore, cette politique qui ne manquait pas de machiavélisme suscitait des doutes quant à la volonté réelle du gouvernement français de mener une guerre globale et sans pitié contre l'islamo-terrorisme, qu'il se fasse appeler Daech, Al-Qaïda ou Al-Nosra, rebaptisé pour la circonstance Fatah Al-Sham.
À l'inverse de l'ancien chef de la diplomatie française Laurent FABIUS pour lequel «Bachar el-Assad ne mérite pas d'être sur terre» et «Al Nosra fait du bon boulot», Vladimir Poutine a eu le mérite de la cohérence et de la constance: «on ira les buter jusque dans les chiottes», promettait-il en septembre 1999, lorsqu'il n'était encore que le premier ministre de Boris Eltsine. En France, les fichés S sont présupposés innocents jusqu'à leur passage à l'acte!
ne peuvent plus dissimuler l'alliance objective entre le monde "dit libre" et les hordes barbares de l'obscurantisme islamiste.
Contrairement à la propagande politique, la tragédie qui se joue en Syrie n'oppose pas un «animal qui massacre son peuple» -comme vient de le tweeter le très diplomate Trump- à des gladiateurs de la liberté qui n'aspirent qu'à la démocratie,
mais un État légal et même légitime, à des hordes sauvages et fanatisées, galvanisées par ceux-là mêmes qui avaient ordonné les plus ignobles actions terroristes dans les capitales européennes.
Cette tragédie se joue entre un État reconnu par les Nations Unies, qui entend reconquérir jusqu'à la dernière parcelle de son territoire tombé sous le joug totalitaire et théocratique des «islamistes modérés», et des djihadistes sans scrupule qui se servaient des civils d'Alep, de Ghouta et aujourd'hui de Douma comme de boucliers humains.
Pas plus qu'à Al-Ghouta hier, quel intérêt pour le «régime de Bachar» de bombarder aux armes chimiques une ville, Douma en l'occurrence, quasiment libérée des mains criminelles des islamo-fascistes?
Les crimes de guerre imputés à Bachar dans cette ville raisonnent :
- comme le requiem bushéen «Saddam possède des armes de destruction massive»
- et comme son futur refrain sarkozien, «éviter un bain de sang à Benghazi»!
Alors que la Maison-Blanche a engagé contre la Syrie et les Russes une rhétorique particulièrement belliqueuse, Mezri Haddad implore la France de résister à la tentation de rentrer dans une guerre dont les enjeux ne semblent profiter qu'aux États-Unis. Ancien ambassadeur de la Tunisie auprès de l'Unesco, Mezri Haddad est philosophe et président du Centre international de géopolitique et de prospective analytique (Cigpa). Il est l'auteur d'essais sur la réforme de l'islam.
«La première victime de la guerre, c'est la vérité», disait Kipling.
Si toutes les guerres sont par définition même sales et destructrices, celle qui a été livrée à la Syrie, et que certains veulent relancer et porter à son paroxysme aujourd'hui, est particulièrement nauséabonde, injuste et absurde. Elle restera dans les annales des grands conflits mondiaux, avec néanmoins ce constat hallucinant: si la dernière guerre mondiale a opposé les démocraties aux totalitarismes, les valeurs humanistes à l'abjection nazie, celle dont on parle aujourd'hui a réunie dans une même coalition la barbarie et la civilisation, le monde dit libre aux forces les plus obscurantistes, l'atlantisme à l'islamisme, pour abattre le «régime de Bachar», comme ils disent.
Dans l'euphorie d'un «printemps arabe» qui était dès ses premiers balbutiements en Tunisie un hiver islamo-atlantiste, tout a été implacablement déployé pour déstabiliser un pays qui n‘était sans doute pas un modèle de démocratie, mais qui connaissait depuis juillet 2000 de profondes et graduelles réformes politiques, sociales et économiques, louables et intrinsèquement libérales, de l'aveu même de Nicolas Sarkozy, qui avait invité à l'époque (2008) le jeune Président syrien au défilé du 14 juillet.
Si toutes les guerres sont par définition même sales et destructrices,
celle qui a été livrée à la Syrie est particulièrement nauséabonde, injuste et absurde.
celle qui a été livrée à la Syrie est particulièrement nauséabonde, injuste et absurde.
Dans cette diabolisation systématique de l'ennemi et victimisation de l'ami,
- l'État syrien est ainsi devenu le «régime de Bachar»,
- l'armée arabe syrienne régulière est devenue «milice d'Assad»,
- les terroristes sont devenues les «rebelles» ou l'«armée syrienne libre»,
- Bachar Al-Assad s'est transformé en «tyran sanguinaire qui massacre son peuple»,
- et les hordes islamo-fascistes, d'Al-Qaïda jusqu'à Daech, se sont métamorphosées en «combattants de la liberté» voire même en «défenseurs des droits de l'homme»…
Rien ne pouvait justifier un tel aveuglement.
- Ni l'idéal démocratique auquel aspire effectivement le peuple syrien.
- Ni la question des droits de l'homme que le monde libre a certainement le devoir moral de défendre partout où ses droits sont malmenés.
- Ni le contrat à durée indéterminée entre l'émirat du Qatar et la République sarkozienne!
- Ni même les prétendues attaques chimiques syriennes, qui étaient à la diplomatie française et à ses relais médiatiques ce que les armes de destruction massive furent à la propagande anglo-américaine, lors de la croisade messianiste contre l'Irak dont on connaît la tragédie et le chaos depuis.
Dans ses mémoires, l'honnête homme Colin Powell, avoue regretter jusqu'à la fin de sa vie son discours devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Un autre discours, devant la même instance onusienne, restera, lui, dans l'Histoire: celui de la France égale à elle-même, gaulliste et fidèle à ses valeurs universelles, magistralement lu par Dominique de Villepin.
Son successeur Laurent Fabius à la tête de la diplomatie française, qui se félicitait du «bon boulot» que le front Al-Nosra faisait en Syrie, ne peut pas en dire autant.
Faute d'une vision stratégique et géopolitique à la hauteur des enjeux cruciaux qui se dessinaient et d'une accélération de l'Histoire qui déroutait, la France sarko-hollandienne a eu une politique autiste, aveugle et inaudible qui ridiculisait le pays de De Gaulle auprès des instances onusiennes et même aux yeux de la puissance américaine qu'elle entendait servir avec encore plus de servitude que la couronne britannique ; une politique qui positionnait la France en ennemi formel d'une amie potentielle -la Russie-, en l'extirpant d'un Moyen-Orient où sa voix portait et son rôle pesait…jadis et naguère.
Plus troublant encore, cette politique qui ne manquait pas de machiavélisme suscitait des doutes quant à la volonté réelle du gouvernement français de mener une guerre globale et sans pitié contre l'islamo-terrorisme, qu'il se fasse appeler Daech, Al-Qaïda ou Al-Nosra, rebaptisé pour la circonstance Fatah Al-Sham.
À l'inverse de l'ancien chef de la diplomatie française Laurent FABIUS pour lequel «Bachar el-Assad ne mérite pas d'être sur terre» et «Al Nosra fait du bon boulot», Vladimir Poutine a eu le mérite de la cohérence et de la constance: «on ira les buter jusque dans les chiottes», promettait-il en septembre 1999, lorsqu'il n'était encore que le premier ministre de Boris Eltsine. En France, les fichés S sont présupposés innocents jusqu'à leur passage à l'acte!
- Le jusqu'au-boutisme droit-de-l'hommiste,
- l'humanisme à géométrie variable,
- l'homélie de l'islamisme «modéré»,
- le manichéisme simpliste qui réduit un conflit géostratégique majeur à un affrontement entre le bien (Al-Qaïda et ses métastases) et le mal (le régime de Bachar al-Assad et ses alliés)
ne peuvent plus dissimuler l'alliance objective entre le monde "dit libre" et les hordes barbares de l'obscurantisme islamiste.
Contrairement à la propagande politique, la tragédie qui se joue en Syrie n'oppose pas un «animal qui massacre son peuple» -comme vient de le tweeter le très diplomate Trump- à des gladiateurs de la liberté qui n'aspirent qu'à la démocratie,
mais un État légal et même légitime, à des hordes sauvages et fanatisées, galvanisées par ceux-là mêmes qui avaient ordonné les plus ignobles actions terroristes dans les capitales européennes.
Cette tragédie se joue entre un État reconnu par les Nations Unies, qui entend reconquérir jusqu'à la dernière parcelle de son territoire tombé sous le joug totalitaire et théocratique des «islamistes modérés», et des djihadistes sans scrupule qui se servaient des civils d'Alep, de Ghouta et aujourd'hui de Douma comme de boucliers humains.
Pas plus qu'à Al-Ghouta hier, quel intérêt pour le «régime de Bachar» de bombarder aux armes chimiques une ville, Douma en l'occurrence, quasiment libérée des mains criminelles des islamo-fascistes?
Les crimes de guerre imputés à Bachar dans cette ville raisonnent :
- comme le requiem bushéen «Saddam possède des armes de destruction massive»
- et comme son futur refrain sarkozien, «éviter un bain de sang à Benghazi»!
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