Les pays du Golfe, et plus particulièrement les trois acteurs internationaux majeurs que sont les Emirats arabes unis (EAU), l’Arabie Saoudite et le Qatar, affichent des divergences idéologiques et stratégiques majeures qui se sont reflétées récemment dans le blocus des EAU et de l’Arabie Saoudite vis-à-vis de leur voisin qatari, mais également au Yémen, où la coalition émirato-saoudienne semble bien plus fragile qu’elle n’y paraît. Le but de cet article est de démontrer que l’Algérie devrait soutenir la vision idéologique et stratégique du monde arabe telle que souhaitée par les EAU.
forte de son principe de non-ingérence et des bonnes relations qu’elle entretient aussi bien avec l’Iran, la Turquie et les pays arabes, l’Algérie se projette en tant que médiatrice, un pays crédible à l’échelle internationale capable d’activer sa machine diplomatique pour résoudre les situations critiques, comme ce fut le cas lors de la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran. Bien qu’honorable, cette vision de la politique étrangère est et sera mise à mal à l’avenir, et ce, en raison de plusieurs facteurs. Parmi eux, le désengagement progressif des Américains du Moyen-Orient, les conséquences du printemps arabe et l’expansionnisme iranien en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
De ces facteurs résulte une politique étrangère plus agressive et interventionniste des pays du Golfe, qui jusqu’à présent comptaient sur les Etats-Unis pour assurer leur protection, mais qui se doivent désormais l’assumer eux-mêmes. L’on assiste ainsi à un remodelage des alliances et des intérêts au Moyen-Orient et en Afrique. Alger se retrouve donc à subir son environnement, comme lors de la récente rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran qui a isolé l’Algérie et l’a mise en position de faiblesse. Cette crise nous a démontré la non-neutralité des institutions panarabes et islamiques ayant applaudi la décision marocaine, mais également qu’un pays tel que le Qatar, envers lequel l’Algérie a eu une position bienveillante en prônant une solution diplomatique lors de sa brouille avec ses voisins, n’a pas hésité à prendre parti pour Rabat. L’Algérie se retrouve ainsi face à un défi profond : celui de devoir adapter sa politique étrangère aux nouvelles réalités sur la scène arabe, tout en maintenant ses valeurs et principes. A l’aune des dissensions entre les pays du Golfe, dont chacun a pour but d’assumer le rôle de leadership dans la région, l’Algérie a tout intérêt à rompre avec la vision homogène qu’elle a de ces derniers et de se positionner vis-à-vis des divergences entre ces trois pays.
La vision qatarie
Fort d’un enrichissement accéléré et par sa position de deuxième exportateur mondial de gaz, le Qatar, sous l’impulsion de Hamad Al-Thani, le père du présent émir, a très tôt affiché la volonté d’être un acteur géopolitique majeur. Afin de mener à bien cette entreprise, le Qatar se base sur son alliance avec la confrérie des Frères musulmans et sur Al-Jazeera, un outil médiatique puissant capable de faire trembler un pays comme l’Egypte, outil que les Al-Thani utiliseront lors du printemps arabe pour semer le chaos et faciliter l’ascension au pouvoir des Frères musulmans. Cette politique résolument indépendante conduira au blocus emirato-saoudien en raison de son attitude conciliante envers un Iran jugé comme ingérant et expansionniste, mais également en raison de son soutien à un parti politique islamiste se voulant avoir une idéologie transnationale et opposée à tout compromis politique.
Acculée par ses deux puissants voisins, le Qatar trouvera refuge à contrecœur auprès de son voisin perse, mais surtout auprès de la Turquie, pays avec lequel il entretient une alliance forte due au partage de la même vision d’un islam politique transnational. Doha et Ankara s’investiront très tôt en Syrie sous la bienveillance des Saoudiens en appuyant Al-Jabhat Al-Nusra, une fraction islamiste d’Al-Qaïda, le tout sous la bienveillance et l’œil conciliant des Saoudiens.
Conflit au Yémen et divergences entre Saoudiens et Emiratis
L’ingérence avérée ou non de l’Iran au Yémen et son soutien aux Houthis déclencheront l’offensive menée par Riyad afin de restaurer le gouvernement légitime d’Abd-Mansour Hadi. Pour les Saoudiens, le fait d’avoir à leur frontière sud une faction pro-iranienne modelée à l’image du Hezbollah était inacceptable. Les Emiratis interviendront sous le même mandat onusien, mais avec une stratégie et des objectifs différents des Saoudiens. Alors que Riyad mènera des raids aériens dans le nord contre les Houthis, Abu Dhabi interviendra au sol, au sud, afin de déloger Al-Qaïda et Daech qui s’y étaient installés. L’alliance de façade des deux capitales sera mise à mal en raison de l’enlisement de Riyad au nord dans un conflit meurtrier et de l’incapacité de Hadi à fédérer les Yéménites. Se considérant à juste titre comme discriminés et relégués au rang de seconde zone par le nord, les Yéménites du sud renoueront avec leurs velléités indépendantistes sous l’hospice des Emiratis qui jugeront que la seule solution durable au conflit réside dans la partition du Yémen tel qu’il existait avant son unification en 1990. Les rivalités entre les deux capitales sont anciennes. Déjà à sa création en 1971, les Saoudiens avaient tout fait pour empêcher Cheikh Zayed, le fondateur des EAU, d’inclure le Qatar et Bahreïn dans l’union. S’ensuivra un contentieux territorial sur la frontière qui sépare les EAU du Qatar et la signature forcée en 1974 de l’Accord de Djeddah par les Emiratis qui se sentent depuis lors comme lésés par Riyad.
La politique étrangère saoudienne a pour socle une compréhension sectaire des conflits au Moyen-Orient. Les activités de Riyad sont ouvertement impulsées par son identité sunnite en totale opposition avec toute faction pro-iranienne chiite. Ses motivations en Syrie étaient principalement d’instaurer un régime sunnite contre celui chiite d’Al-Assad. Au Yémen, le conflit contre les Houthis est vu de prime abord comme celui face à des Zaydites chiites. La forte minorité chiite qui vit dans l’est de l’Arabie Saoudite y est, par ailleurs, ouvertement discriminée…
forte de son principe de non-ingérence et des bonnes relations qu’elle entretient aussi bien avec l’Iran, la Turquie et les pays arabes, l’Algérie se projette en tant que médiatrice, un pays crédible à l’échelle internationale capable d’activer sa machine diplomatique pour résoudre les situations critiques, comme ce fut le cas lors de la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran. Bien qu’honorable, cette vision de la politique étrangère est et sera mise à mal à l’avenir, et ce, en raison de plusieurs facteurs. Parmi eux, le désengagement progressif des Américains du Moyen-Orient, les conséquences du printemps arabe et l’expansionnisme iranien en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
De ces facteurs résulte une politique étrangère plus agressive et interventionniste des pays du Golfe, qui jusqu’à présent comptaient sur les Etats-Unis pour assurer leur protection, mais qui se doivent désormais l’assumer eux-mêmes. L’on assiste ainsi à un remodelage des alliances et des intérêts au Moyen-Orient et en Afrique. Alger se retrouve donc à subir son environnement, comme lors de la récente rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran qui a isolé l’Algérie et l’a mise en position de faiblesse. Cette crise nous a démontré la non-neutralité des institutions panarabes et islamiques ayant applaudi la décision marocaine, mais également qu’un pays tel que le Qatar, envers lequel l’Algérie a eu une position bienveillante en prônant une solution diplomatique lors de sa brouille avec ses voisins, n’a pas hésité à prendre parti pour Rabat. L’Algérie se retrouve ainsi face à un défi profond : celui de devoir adapter sa politique étrangère aux nouvelles réalités sur la scène arabe, tout en maintenant ses valeurs et principes. A l’aune des dissensions entre les pays du Golfe, dont chacun a pour but d’assumer le rôle de leadership dans la région, l’Algérie a tout intérêt à rompre avec la vision homogène qu’elle a de ces derniers et de se positionner vis-à-vis des divergences entre ces trois pays.
La vision qatarie
Fort d’un enrichissement accéléré et par sa position de deuxième exportateur mondial de gaz, le Qatar, sous l’impulsion de Hamad Al-Thani, le père du présent émir, a très tôt affiché la volonté d’être un acteur géopolitique majeur. Afin de mener à bien cette entreprise, le Qatar se base sur son alliance avec la confrérie des Frères musulmans et sur Al-Jazeera, un outil médiatique puissant capable de faire trembler un pays comme l’Egypte, outil que les Al-Thani utiliseront lors du printemps arabe pour semer le chaos et faciliter l’ascension au pouvoir des Frères musulmans. Cette politique résolument indépendante conduira au blocus emirato-saoudien en raison de son attitude conciliante envers un Iran jugé comme ingérant et expansionniste, mais également en raison de son soutien à un parti politique islamiste se voulant avoir une idéologie transnationale et opposée à tout compromis politique.
Acculée par ses deux puissants voisins, le Qatar trouvera refuge à contrecœur auprès de son voisin perse, mais surtout auprès de la Turquie, pays avec lequel il entretient une alliance forte due au partage de la même vision d’un islam politique transnational. Doha et Ankara s’investiront très tôt en Syrie sous la bienveillance des Saoudiens en appuyant Al-Jabhat Al-Nusra, une fraction islamiste d’Al-Qaïda, le tout sous la bienveillance et l’œil conciliant des Saoudiens.
Conflit au Yémen et divergences entre Saoudiens et Emiratis
L’ingérence avérée ou non de l’Iran au Yémen et son soutien aux Houthis déclencheront l’offensive menée par Riyad afin de restaurer le gouvernement légitime d’Abd-Mansour Hadi. Pour les Saoudiens, le fait d’avoir à leur frontière sud une faction pro-iranienne modelée à l’image du Hezbollah était inacceptable. Les Emiratis interviendront sous le même mandat onusien, mais avec une stratégie et des objectifs différents des Saoudiens. Alors que Riyad mènera des raids aériens dans le nord contre les Houthis, Abu Dhabi interviendra au sol, au sud, afin de déloger Al-Qaïda et Daech qui s’y étaient installés. L’alliance de façade des deux capitales sera mise à mal en raison de l’enlisement de Riyad au nord dans un conflit meurtrier et de l’incapacité de Hadi à fédérer les Yéménites. Se considérant à juste titre comme discriminés et relégués au rang de seconde zone par le nord, les Yéménites du sud renoueront avec leurs velléités indépendantistes sous l’hospice des Emiratis qui jugeront que la seule solution durable au conflit réside dans la partition du Yémen tel qu’il existait avant son unification en 1990. Les rivalités entre les deux capitales sont anciennes. Déjà à sa création en 1971, les Saoudiens avaient tout fait pour empêcher Cheikh Zayed, le fondateur des EAU, d’inclure le Qatar et Bahreïn dans l’union. S’ensuivra un contentieux territorial sur la frontière qui sépare les EAU du Qatar et la signature forcée en 1974 de l’Accord de Djeddah par les Emiratis qui se sentent depuis lors comme lésés par Riyad.
La politique étrangère saoudienne a pour socle une compréhension sectaire des conflits au Moyen-Orient. Les activités de Riyad sont ouvertement impulsées par son identité sunnite en totale opposition avec toute faction pro-iranienne chiite. Ses motivations en Syrie étaient principalement d’instaurer un régime sunnite contre celui chiite d’Al-Assad. Au Yémen, le conflit contre les Houthis est vu de prime abord comme celui face à des Zaydites chiites. La forte minorité chiite qui vit dans l’est de l’Arabie Saoudite y est, par ailleurs, ouvertement discriminée…
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