Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La culture arabe et l’Amérique latine

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La culture arabe et l’Amérique latine

    La conférence animée par la Péruvienne Leyle Bartet, sociologue et chercheuse, à l’auditorium de l’université d’Oran, le mardi 20 février dernier, dans le cadre de la ville, «Alger, capitale de la culture arabe», et en collaboration avec l’ambassade du Pérou, qui a rouvert son siège en 2005, représentait un sujet historique aussi brûlant qu’actuel sur l’immigration.

    Il s’agit, en effet, de la «Mémoire du cèdre et de l’olivier: un siècle d’immigration arabe au Pérou». La conférencière dominait bien son sujet pour avoir déjà participé à un grand projet ACALAPI, organisé par l’UNESCO depuis 1990, sur «la Contribution de la culture arabe aux cultures ibéro-américaines à travers l’Espagne et le Portugal» et dont la IIIe Rencontre des différents chercheurs de ce projet avait eu lieu à Caracas en 1994, après celle de Nouakchott et Grenade.

    Fort heureusement, notre université était présente et avait apporté son concours à cet important événement de la recherche qui concernait trois grands ateliers dont nous signalons quelques axes pour montrer l’importance de cet apport arabo-musulman à l’Amérique latine.

    Le premier atelier intitulé Al-Andalus à travers l’Amérique latine a traité les thèmes suivants:

    - «Bilan global de la culture de Al-Andalus à la culture universelle»;
    - «La présence des esclaves et servantes maghrébines en Amérique latine»;
    - «Les influences de la pharmacologie et de la médecine de Al-Andalus dans le nouveau monde»;
    - «L’introduction de la canne à sucre et les techniques arabes de production sucrière en Amérique latine»;
    - «La transmission des systèmes d’arrosage et de la technologie hydraulique du monde islamique au nouveau monde».

    Le deuxième atelier intitulé Le monde arabe et l’Amérique latine s’est référé à l’immigration:

    - «Les immigrants arabes au Mexique XIX-XXe siècles et leur apport économique et culturel à l’Amérique centrale»;
    - «Les immigrants arabes au Paraguay et en Uruguay»;
    - «L’émigration des Syriens, Libanais et Palestiniens au Venezuela, Equateur et Colombie»;
    - «Le mouvement littéraire américano-arabe en Amérique latine»;
    - «L’Enseignement des langues espagnoles et portugaises dans le monde arabe et celui de l’arabe dans le monde latino-américain».

    Le troisième atelier intitulé L’Art mudéjar a évoqué la question de l’art et l’urbanisme:

    - «L’Art mudéjar aux Caraïbes et en Amérique latine»;
    - «Mudéjar en Colombie et au Venezuela: Architecture et urbanisme»;
    - «Influences mudéjar à Quito»;
    - «Sur la composante «morisque» dans l’architecture brésilienne».

    Quant à Leyle Bartet, à l’époque professeur à l’Université de Caracas, et toujours investie dans sa thématique sur le monde arabe, elle avait présenté une étude sur «l’Image de l’arabité dans la presse latino-américaine. L’étude du cas: la guerre du Golfe».

    Mais dans son exposé sur «l’immigration arabe au Pérou», sujet d’ailleurs original et inédit à la fois pour être rarement abordé à ma connaissance et qui présente un intérêt tout particulier pour avoir retracé et situé rigoureusement l’immigration arabe au Pérou, à travers une enquête complexe et difficile à la fois à cause de cette identité arabe qui disparaissait progressivement au fil des années, laissant derrière elle quelques minuscules maillons et vagues clichés au bout de la troisième génération. Ces enfants originaires des premiers immigrés arabes se sont complètement brassés et engloutis dans la société et la culture péruvienne, oubliant totalement leur identité et leur rapport à un monde arabe lointain et peu représentatif.

    Son étude portait essentiellement sur la deuxième immigration arabe. A à partir de 1860, les Arabes du Moyen-Orient, notamment Syriens, Palestiniens et Libanais qui, sous le joug de l’empire ottoman, fuyaient la région pour des motifs que nous retrouvons aujourd’hui dans une actualité brûlante: guerre, pauvreté, chômage, vie meilleure... etc. L’Argentine qui accédait à son indépendance et qui se reconstituait politiquement à travers sa considérable extension territoriale, offrait des facilités d’accueil et des possibilités attrayantes d’installation sur son territoire. Tout comme les Italiens, une vague importante de la communauté arabe de cette région immigrait, notamment vers ce grand pays et de là, ils avaient la possibilité de se déplacer dans d’autres contrées et pays voisins, tel que l’Uruguay, ou lointains, montagneux et difficiles d’accès comme le Pérou, la Bolivie, etc.

  • #2
    Leyle Bartet a souligné, par ailleurs, l’importance des immigrants palestiniens au Pérou et leur ascension progressive dans le milieu des affaires, notamment, l’exploitation du textile et du caoutchouc, qui leur a permis de monter des usines et d’occuper une place prépondérante dans le marché international au début du XXe siècle.

    Une partie succincte de son étude a fait référence aux Morisques, ces musulmans convertis par la force au christianisme, expropriés de leurs biens et expulsés de la péninsule ibérique. Ils représentaient, en quelque sorte, la première vague camouflée d’immigrants musulmans vers l’Amérique latine, récemment conquise par Christophe Colomb. En effet, même si la vigilance de l’Inquisition était sévère et traquait les musulmans dans tout le territoire espagnol pour contrôler et surveiller leur déplacement, il n’en demeure pas moins que beaucoup de d’entre eux ont pu, sous des noms espagnols, arriver en Amérique latine et répandre leur culture. De nombreuses études et recherches actuelles ont démontré l’importance de l’influence culturelle arabo-musulmane de Al-Andalus à l’époque des XVIe-XVIIe siècles.

    Dans son article intitulé «Nos racines arabes», publié en 1988 dans le journal de l’Occident de Guadalajara, la chercheuse mexicaine Gloria Velàzquez affirmait: » ...Jalisco n’échappe pas à l’influence arabe. Arrêtons-nous devant les maisons de Jalostican pour remarquer avec quel bonheur on peut associer l’ambiance de ce village avec celle de Cordoue ou Grenade...: des escaliers blanchis en forme d’escargot, des balcons orientaux et morisques, et il y a quelques années, le voile couvrant le visage des femmes... Et que nous reste-t-il de la littérature arabe, se demanda-t-elle ?».

    Quant à l’article intitulé «La musique folklorique vénézuélienne et ses antécédents arabes», le musicologue vénézuélien Rafael Zalazar écrivait: »...le substrat folklorique vénézuélien présente des mouvements et des cadences andalouses. Cette influence artistique d’origine arabe se retrouve également dans les instruments de musique, dans les formes de danse et structures poético-musicales souvent improvisées». Rafael Zalazar va plus loin dans sa recherche en faisant remarquer «que certains genres folkloriques musicaux vénézuéliens, tels que le fandango, le joropo, le cante jondo, proviennent des formes antiques de création arabe dénommées macam ou mode musical qui concorde avec l’improvisation au caractère modal».

    Pour revenir au Pérou, l’ambassadeur péruvien et chercheur, Jaime Càceres, qui a vécu à Alger en tant que diplomate représentant son pays, met en exergue cet aspect d’interférence culturelle en affirmant: »...mon travail de recherche historique consiste à prouver qu’au XVIe siècle, il y eut une importante présence morisque au Pérou». Un chapitre assez important de son travail fait référence aux femmes morisques esclaves qui arrivèrent en qualité d’esclaves blanches, mais qui, après peu de temps et à cause de leurs aptitudes, furent libérées. Selon Jaime Càceres, «...elles accomplirent un rôle très important durant les premières années de la colonisation et ce qui est certain, c’est qu’elles laissèrent des empreintes et des indices ineffaçables dans l’art, les moeurs, la cuisine, la langue, les noms et mêmes dans les traits physiques...»

    Enfin, en ce qui a trait à l’influence linguistique arabe sur le parler et lexique latino-américain, le professeur et poète Juan Yaser, Argentin d’origine palestinienne, qui débarqua en Argentine en 1956 et qui, après des années de recherche, publia plusieurs ouvrages. Dans son remarquable ouvrage Héritage arabe en Amérique, il dressa toute une liste de mots qui ont gardé leur origine arabe dans ce nouveau continent tels que:

    Malambo de l’arabe: Mal´ab = danse (Argentine, Chili et l’Uruguay).

    Bagual de l’arabe: Baghl = mulet ou cheval de trait (Argentine, Bolivie, Chili, Uruguay).

    Chiripá de l’arabe: Shirual arabe = bombachón, mot répandu en Argentine = pantalon arabe.

    Zaino de l’arabe: Záin = beau, se servant de sa beauté il devient sadique.

    Chafar de l’arabe: Shafr = racine du poil, de la barbe ou de la paupière.

    Chafariz de l’arabe: Saharidj, plur. de sahridj = bassin.

    Chafarote de l’arabe: Shafarat, plur. de shafra = hache.

    Chal de l’arabe: Shal = mandil = châle ou mantille qui se met sur les épaules.

    Charque de l’arabe: Sharqi = vent de l’Est ou objet qui appartient à l’Est.

    Charrán de l’arabe: Sharrán = shar = mauvais, pervers.

    Chavo y chavalo de l’arabe: Shab = jeune (Amérique Centrale, Mexique et Venezuela).

    Cheque de l’arabe: Shaqq = document ou papier officiel - chèque.

    Chiva de l’arabe: Shiba = shaïb = cheveux blancs.

    Batea de l’arabe: Bathia = jerrican ou baril, fût.

    Cazabe de l’arabe: Qazaba = roseau = canne à sucre.

    Selon Juan Yaser, tous ces vocables américains ne proviennent pas de l’espagnol ni du quechua mais de l’arabe que parlaient les Andalous morisques depuis qu’ils avaient mis les pieds en territoire américain en 1492.

    Pour conclure, on peut dire que la présentation et l’analyse de cette question si importante sur l’immigration arabe en Amérique latine, a permis à Leylet Bartet de nous éclairer sur un pan capital de l’histoire du monde arabe en nous transportant en Amérique latine, ce gigantesque pays, creuset de toutes les cultures et notamment l’influence de la culture arabe qui, de nos jours, reste un créneau marginalisé et n’attire point la recherche scientifique dans le monde arabe. Il a fallu qu’Alger soit capitale de la culture arabe, pour que ces questions connaissent un peu de lumière, et dans ce cas précis, c’est en somme une bonne et heureuse nouvelle.

    Par Le quotidien d'Oran

    Commentaire


    • #3
      Un livre interessant

      Bonsoir,

      En ce qui concerne les emprunts arabes dans la langue espagnole, voici un livre intressant :

      L'origine arabe exacte de certains mots espagnols (Etude accompagnée des corrections à apporter au dictionnaire de l'Académie Royale de Langue espagnole), de Boualem BENHAMOUDA (éditions Dar El Oumma, Alger).

      Benhamouda est un linguiste. Le livre est très interessant et exhaustif. Il présente des étymologies interessantes et des commentaires riches et instructifs.

      Commentaire

      Chargement...
      X