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Contes et histoires algériennes

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  • Contes et histoires algériennes

    Dhiab le nomade

    Dans la tribu nomade des Bnou Hillal, le jeune Dhiab, fils du chef Ghanem, était le meilleur des bergers. Rusé, grand cavalier, il maniait le sabre, parlait aux plantes et interrogeait le sable.

    Un jour, avant de changer de campement, les sages de la tribu désignèrent un groupe de jeunes garçons pour repérer les terres de leur nouvelle destination. C’était une épreuve d’initiation. Fiers d’entrer ainsi dans le cercle étroit des initiés, ils enfourchèrent leurs chevaux et galopèrent à bride abattue. Quelques jours après, ils revinrent fourbus de fatigue. Pressés de se reposer, ils entravèrent leurs montures en aval de la réunion des sages qui les attendaient. Seul parmi eux, Dhiab prit la peine d’entraver sa jument en amont et fit les salutations d’usage avant de rejoindre la tente de ses parents.

    Un peu plus tard, les jeunes se présentèrent dignement devant leurs aînés qui les interrogèrent.
    - Alors, ce voyage ? Qu’en avez-vous retenu ?
    - Rien de bien particulier ! répondirent les jeunes nomades.
    Ghanem regarda son fils et insista :
    - Et toi Dhiab ? As-tu quelque chose à ajouter ?

    Et à Dhiab d’expliquer :
    - Nous n’avons effectivement pas vu âme qui vive mais la terre que nous avons repérée, venait d’être traversée par une longue caravane. Une caravane qui comptait un dromadaire borgne, un dromadaire sans queue, un homme gaucher, une femme enceinte et une chienne qui venait d’avoir une portée.

    Les anciens, qui savaient la marque de la lignée, tendirent leurs oreilles afin de n’en rien rater :
    - Comment peux-tu être si précis, alors qu’il n’y avait pas âme qui vive ?

    Et Dhiab, inclinant légèrement la tête vers le bas en signe de respect, continua :
    - Les traces de la caravane sur le sol étaient visibles. Quant au reste, voici mes observations. Le dromadaire était borgne car sur le bord de la route, l’herbe n’était broutée que d’un seul côté. Preuve que l’animal ne voit que d’un œil. L’autre dromadaire était sans queue car il était le seul à avoir les crottes alignées. Preuve qu’il ne pouvait les disperser en agitant la queue.
    - Et l’homme gaucher ? Et la femme enceinte ? insista un homme de l’assemblée.
    - Le sable parle ! Comme vous le savez, les nomades ne se séparent jamais de leurs bâtons, prêts à se battre en cas de danger. L’un d’entre eux qui suivait à pieds, portait constamment le sien de la main gauche. Quant à la femme enceinte, ses pas sur le sable montraient qu’en marchant, elle appuyait beaucoup plus sur les talons. Seule une femme alourdie par sa grossesse marche ainsi.
    - Et comment as-tu deviné que la chienne de cette tribu venait d’avoir des petits ?
    - La chienne qui suivait, marchait par moment sur ses pattes arrières seulement, preuve qu’elle s’agrippait à une bête sur laquelle était posée sa portée. Cela chez les chiens nous l’avons tous constaté.

    Les sages, qui étaient en admiration, posèrent une dernière question :
    - Dis-nous pourquoi, en arrivant, contrairement aux autres garçons, tu as attaché ton cheval en amont ?
    - J’ai senti la direction du vent. En aval, l’odeur du crottin de mon cheval risquait de vous incommoder, vous, l’honorable assemblée, conclut enfin Dhiab qui fit, une fois de plus, l’admiration des siens.

    Tous les sages tournèrent leurs regards vers Ghanem son père, qui dit avec fierté : « C’est ainsi ! Pour saisir ce qui est hors de portée, le héros hillalien possède sa main, son sabre, mais également le bord de ses cils ! »

    Conte-moi
    « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

  • #2
    La gazelle d'or

    Il était un prince, voyageur intrépide, qui parvint un jour au pied d’une citadelle, entourée de remparts. En levant la tête au ciel, il s'aperçut que chaque créneau était coiffé d’un crâne humain. Il en compta quatre-vingt-dix-neuf. Emporté par sa curiosité, il franchit le lourd portail qui en permettait l´accès. Une atmosphère austère y régnait. Sur son chemin vint à passer un petit homme à l’allure pressée. Il s´en approcha pour l'interroger, mais l´homme l’interrompit :
    - Quitte cette ville, étranger !
    - Mais pourquoi donc ?
    - Elle cause la perte de tous les jeunes hommes qui s’y aventurent.
    - Et ces crânes humains, qu’est-ce que cela veut dire ?
    - Le sultan fait couper la tête des prétendants de sa fille auxquels il soumet une énigme que personne n’a réussi à résoudre.
    - Ciel ! Mais quelle est donc cette énigme ?
    - La princesse, d’une beauté sans pareille, a une mystérieuse marque de naissance sur le corps. Quiconque voudrait l’épouser doit deviner de quoi il s’agit, à ses risques et périls.

    Le prince, qui aimait les défis, se laissa tenter. Mais avant de se porter candidat, il s’installa discrètement dans la ville. Il avait déjà sa petite idée derrière la tête et se mit à la recherche d’un bijoutier de renom. L’ayant trouvé, il demanda à entrer en apprentissage. Le maître accepta. Mais au bout de quelques jours, il s’aperçut que son apprenti, bien que fidèle au poste chaque matin, n’était pas attentif au métier. Il s’en inquiéta :
    - Jeune homme, je vois bien que ce n’est pas le métier que tu cherches à acquérir. Pour quelle raison es-tu là ?

    Sans détours, le prince sortit une bourse d’or et la posa sur l’établi :
    - Je suis le fils d’un grand roi et je ferai ta fortune si tu m’aides à m’introduire secrètement dans la chambre de la princesse.
    - Mais tu es fou ?
    - Non ! C’est le seul moyen de découvrir la marque qu’elle porte sur le corps afin de l’épouser et d’arrêter le massacre.

    Le bijoutier ne se fit pas prier plus longtemps et se mit à l’ouvrage. Il fabriqua une magnifique gazelle d’or de grande taille dont l’abdomen creux était doté d’une porte secrète. Cette prodigieuse et inestimable œuvre d’art ne pouvait être acquise que par le roi qui en fit cadeau à sa fille. Avant de la livrer, ainsi qu’il en avait été convenu, le bijoutier y enferma le prince. La gazelle fut déposée dans la chambre de la princesse, qui voulait l’admirer tout à son aise.

    Voilà comment, dès la première nuit, le prince activa l’astucieux mécanisme et sortit du ventre de la gazelle. Alors que la princesse dormait profondément, à pas de velours, il saisit la chandelle qui se trouvait sur le chevet, l’éteignit, et la déposa sur un guéridon au pied du lit. Dès le réveil, la princesse remarqua que la chandelle avait été déplacée. Et plus surprenant, elle ne s’était pas consumée. Intriguée, elle mena une discrète enquête auprès de ses servantes mais sans résultat. La nuit suivante, elle se cacha derrière les rideaux de sa fenêtre pour confondre un éventuel intrus, mais elle céda rapidement au sommeil. Le prince en profita pour répéter son manège de la veille. La princesse sentit sourdre en elle une angoisse infinie. Elle tenta de veiller sans y parvenir. Après la troisième nuit, convaincue qu’il s’agissait d’une manifestation de l’invisible, elle implora :
    - Ô toi qui perturbes mon sommeil, qui que tu sois, Djinn ou humain, montre-toi !
    - Fais-moi serment sacré de ne révéler ma présence à personne et je te dirai toute la vérité, répondit une voix étouffée.

    La princesse sursauta, se reprit, et fit serment. Alors, le ventre de la gazelle s’ouvrit et le prince apparut, majestueux. Il se présenta selon les coutumes de son rang :
    - Ô merveilleuse princesse, ne crains rien, je suis fils de roi et je ne te veux aucun mal. J’ai risqué ma vie pour venir jusqu’ici. Fais-moi la faveur de me révéler le secret de ta marque de naissance et j’irai demander ta main.

    La surprise passée, le visage de la jeune fille s’illumina et elle s’exclama :
    - Ô noble étranger, ton courage m’honore et une parole donnée relève du sacré.
    Et, joignant le geste à la parole, elle découvrit son épaule. Il ne restait plus au prince qu’à quitter le palais comme il y était entré. Il eut l’idée ingénieuse de briser une patte de la gazelle avant de s’y cacher. La princesse, devenue sa complice, exigea qu’on la portât chez le bijoutier pour la réparer.

    Le lendemain, richement vêtu et portant les armures et les écussons de son royaume, le prince se présenta au sultan et lui demanda la main de sa fille. Le monarque le mit en garde :
    - Ignorez-vous les conditions, mon ami ? Si vous échouez, à tout jamais votre crâne sera le centième à orner mes remparts.
    Le prince, impassible, répondit :
    - Sire ! J’ai la solution à votre énigme. Sur l’épaule droite de la princesse, poussent un long cheveu noir, un long cheveu d’or et un long cheveu d’argent.

    Le sultan n’eut d’autre choix que d’accorder la main de sa fille à ce prétendant si avisé. Une grande cérémonie fut organisée. On y célébra à la fois le mariage et la fin de cette cruelle épreuve. En guise de dot, la princesse n’emporta que la gazelle d’or.


    Mon histoire a suivi le cours de la rivière et moi je suis restée avec les seigneurs !

    Nora Aceval
    « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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    • #3
      Merci , je me regale à la les lire
      La patience n'a l'air de rien, c'est tout de même une énergie.

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      • #4
        You're welcome.
        « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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        • #5
          Le Rhummel

          Puisque des hommes ont pu être les témoins de ce cataclysme, Il n'est pas étonnant qu'il ait laissé des traces dans deux légendes locales qui, toutes deux, se terminent par l'effondrement spectaculaire dans l'abîme d'un palais perché en haut de la falaise du rocher de la Kasbah.
          La première de ces légendes, dont le thème est emprunté à l’AImanach des ondines du lycée de Constantine (1936 38), raconte « qu'aux temps très lointains, un magnifique palais entouré d'un jardin féerique couronnait le rocher de la Kasbah. Un djinn (génie) redoutable et cruel habitait là avec ses six filles.
          Six filles et pas un seul fils ! Pour un djinn si puissant il y avait peut être là quelque raison d'être de méchante humeur. Mais plus à plaindre encore étaient les six jouvencelles à qui il était sévèrement interdit de s'aventurer en dehors des hautes murailles clôturant le jardin.
          Or, comme dans l'histoire des femmes de Barbe Bleu, l'esprit des recluses était obsédé par la curiosité de connaître ce que l'on prétendait leur cacher, en I’occurrence, ce mystérieux monde extérieur qu'elles imaginaient bien plus merveilleux que leur prison dorée.
          Ce que femme veut ...
          Lorsque le djinn s'aperçut de l’évasion de ses filles, sa colère fut si terrible que ses éclats de voix firent rouler d'énormes blocs de rocher jusqu'aux sources de Sidi M'Cid où les fugitives avaient trouvé bon accueil auprès de la reine des eaux et des ondines. Mais le djinn ne tarda pas à découvrir la grotte où se cachaient ses filles et, son coeur étant de pierre, il les punit en les métamorphosant en stalactites.
          Puis Il s'en prit à leur protectrice, la reine des eaux, qui, pour échapper à ses coups, se transforma en libellule, puis en source chaude. Le djinn voulut piétiner celle ci, mais il se brûla cruellement les pieds et poussa un hurlement si effroyable que les rochers en furent ébranlés, le palais du méchant génie bascula avec ses tours et son beau jardin dans l'abîme et le torrent en emporta les débris avec toutes les richesses qu'il contenait ».
          Ce plaisant conte de fée comporte un symbolisme dont l'interprétation s’impose : Le thème fondamental en est la lutte entre le rocher, représenté par le djinn « au coeur de pierre », et par la reine des ondines, c'est à dire, l'eau.
          C'est l'eau qui triomphe de la roche, exactement comme dans l'évolution du cycle érosif qui, au cours des âges géologiques, creusa le fossé des gorges.
          La deuxième légende, recueillie par un jeune instituteur passionné de folklore,
          raconte ce qui suit :
          « Dans son palais de la Kasbah (situé donc juste au dessus de la falaise, témoin de l'effondrement) vivait, il y a très, très longtemps, un roi puissant et malfaisant qui, entre autres prestations et corvées, exigeait de ses sujets aussi celle de la première nuit de noce imposée à toutes les jeunes épousées (coutume que l'Afrique semble avoir partagée avec l'Europe féodale).
          Or, un jour, deux futurs époux qui s'aimaient tendrement, décidèrent de se dérober à l'odieux tribut et ils supplièrent un pieux marabout d'intercéder pour eux auprès du roi. Mais ce dernier chassa le saint homme et lâcha même sur lui ses chiens.
          Le marabout prononça alors sur le roi et son palais une malédiction si terrible qu'ils furent subitement engloutis par un abîme si profond que les vapeurs de l'enfer en jaillirent et qu'aujourd'hui encore les sources de Sidi M'Cid sont chaudes, hiver comme été ».
          Ces deux légendes présentent des éléments communs : Le Rocher était habité par des maîtres féroces dont la sauvagerie semble conditionnée par celle du site hérissé de rocs surplombant l'abîme où se déchaîne la furie des eaux.

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          • #6
            La lettre.

            Dans la petite ville d’Akshéhir où il habite, Nasr Eddin passe pour très savant.
            Un jour, une vieille paysanne vient le trouver, une lettre à la main. C’est la
            première fois qu’elle en reçoit une, et elle ne sait pas lire.
            - Nasr Eddin, je te prie, lis moi cette lettre. Pourvu qu’elle ne m’apporte pas
            une mauvaise nouvelle !
            Nasr Eddin prend la lettre et la parcourt des yeux. Au fur et à mesure qu’il avance
            dans sa lecture, sa physionomie s’assombrit, et soudain il fond en larmes, au
            grand émoi de la paysanne.
            - Ô Nasr Eddin, ne me fais pas languir d’avantage. J’ai perdu ma sœur Aïcha,
            c’est cela ?
            Mais Nasr Eddin continue sa lecture sans répondre et, peu à peu, les larmes
            laissent place à un sourire de plus en plus épanoui, qui, à la deuxième page, se
            transforme en un éclat de rire, en un fou rire irrépressible qui l’ébranle jusqu’à
            son turban.
            La vieille n’y tient plus :
            - Nasr Eddin, tu me feras mourir ! D’abord tu pleures, ensuite tu ris. Aie pitié
            de moi !
            - Ah ! ma bonne vieille, réussit enfin à articuler Nasr Eddin, ne te fais aucun
            souci. Si je pleure, c’est tout simplement parce que tu ne sais pas lire.
            - Mais pourquoi tu ris alors ?
            - Parce que moi non plus.

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            • #7
              Le sermon

              Nasr Eddin, un jour, est de passage dans une petite ville dont l’imam vient de
              mourir. Les habitants, prenant le voyageur pour un saint homme, lui demandent
              de prononcer le sermon du vendredi. Il monte en chaire et interpelle la nombreuse
              assistance :
              - Chers frères, savez-vous de quoi je vais vous parler ?
              - Non, non, font les fidèles, nous ne le savons pas.
              - Comment ? s’écrie Nasr Eddin en colère, vous ne savez pas de quoi je vais
              vous parler dans ce lieu consacré à la prière ! Je n’ai rien à faire avec de tels
              mécréants.
              Et le voilà qui descend de la chaire et quitte la mosquée.
              Impressionnés dans cette sortie qui les confirment dans leur conviction que
              l’homme est d’une grande piété, les gens s’empressent d’aller rattraper le Hodja et
              le supplient de revenir prêcher. Il remonte alors en chaire :
              - Chers frères, vous savez peut-être à présent de quoi je vais vous parler ?
              - Oui, oui, répondent en cœur les fidèles, nous le savons !
              - Fils de chien ! tonne Nasr Eddin. Par deux fois, vous m’importunez pour que
              je prenne la parole, et vous prétendez savoir ce que je vais dire !
              Il quitte alors de nouveau les lieux, laissant derrière lui l’assemblée stupéfaite :
              que faut-il donc répondre pour qu’un tel saint accepte de répandre ses lumières ?
              Une des personnes de l’assistance propose que si la question est encore posée, les
              uns crient : « Oui, oui, nous le savons ! », et les autres : « Non, non, nous ne le
              savons pas ! » L’idée est retenue, et l’on court chercher le Hodja qui monte en
              chaire pour la troisième fois :
              - Chers frères, savez-vous enfin de quoi je vais vous parler ?
              - Oui, oui, répondent certains, nous le savons !
              - Non, non, crient d’autres, nous ne le savons pas !
              - A la bonne heure, conclut Nasr Eddin. Dans ces conditions, que ceux qui
              savent le disent aux autres

              Voila ma contribution pour ce soir Rosella.

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              • #8
                Le Rusé et le simplet (conte Kabyle)

                Dans les montagnes de Kabylie vivaient un vieux et une vieille. Ils avaient 2 fils. L’un était rusé, l’autre simplet. Et oui c’est parfois comme ça dans une famille.

                Un jour le vieux père dit à ses fils :

                - Mes fils, nous sommes vieux et fatigués. Voilà venu le moment de nous venir en aide. Demain vous irez au champ pour retourner la terre à notre place.

                Le lendemain matin, le vieux leur remet deux pioches, la mère une sacoche contenant des olives et un morceau de pain pour le repas.

                Le chemin est long jusqu’au champ et il fait si beau. Alors, ils jouent tout le long du chemin à cache-cache et ils grimpent aux arbres pour dénicher des nids.., jouer donne faim. Ils s’installent donc pour manger les olives et le pain avant de repartir. Arrivés au champ, il fait trop chaud pour travailler. Alors les deux frères s’installent sous un olivier et font une grande sieste. : Hum!

                Quand ils se réveillent, la journée est presque finie :

                -Ah quoi bon travailler ?

                Alors, ils ramassent quelques branches de bois mort pour le feu et rentrent à la maison.

                Une fois arrivés, leur vieux père demande :

                - AIors mes fils vous avez bien travaillé?

                Les deux frères hochent la tête pour dire ui!

                Et le père ajoute :

                - Demain vous sèmerez des fèves et des petits pois. Le lendemain matin le père leur remet un sac contenant des fèves, des petits pois bien tendres et la vielle mère une sacoche avec les olives et le pain pour le repas.

                Les deux frères repartent. Il fait si beau, tellement beau, qu’ils jouent tout le long du chemin et qu’ils grimpent encore aux arbres pour dénicher des nids. Puis, comme ils ont faim, ils s’installent pour manger. Ils mangent les olives et le morceau de pain et comme ils ont encore faim, ils prennent une poignée des fèves et de petits pois. lls sont si tendres et si croquants, qu’ils en mangent une deuxième puis une troisième et bientôt, il ne reste plus rien dans le sac.

                Alors ils repartent. Arrivés au champ, il fait trop chaud pour travailler…Les deux frères s’installent donc à l’ombre de l’olivier et font une grande sieste hum !

                Quand ils se réveillent, la journée est presque finie et ils n’ont plus rien à semer. Alors, ils ramassent quelques branches de bois mort et rentrent à la maison.

                Là, le vieux père leur demande :

                - Alors mes fils, vous avez semé ? Les deux frères se contentent de hocher la tête. Et le père ajoute :

                - Demain, vous irez arroser.

                Et le temps a fait ce qu’il avait à faire, il a passé. Chaque jour, ils allaient au champ et revenaient sans avoir travaillé. L’hiver est venu, le vieux père les envoyait de temps à autre pour surveiller si tout poussait.

                Et puis, l’abeille s’est mise à bourdonner et l’oiseau à chanter. Le printemps était là. Les paysans alentour, remontaient de leurs champs des paniers remplis de fèves et de petits pois qu’ils allaient vendre au marché. Le vieux père a dit à ses fils :

                - Demain vous irez faire la récolte. Le lendemain, ils sont repartis avec un âne chargé de deux grands paniers. En chemin, ils n’ont pas joué, ils n’avaient pas trop envie.

                Arrivés de bonne heure au champ le Simplet a dit à son frère :

                - Qu’est ce qu’on va faire, nous n’avons rien à récolter ?

                Le simplet lui a répondu ;

                - Regarde cette plume que j’ai dans ma main. Je vais la lancer en l’air. Là où elle tombera, nous ferons notre récolte. Il a lancé la plumé qui s’est envolée dans les airs, ils l’ont suivie avec leur âne. Ils ont traversé un ruisseau et voilà que la plume se pose dans un champ extraordinaire !

                Il y a là toutes sortes de fleurs et de plantes gigantesques…et dans un coin du champ, des fèves et des petits pois gros.

                Ils attachent leur âne à un arbre et se mettent à remplir les paniers. Seulement, ce qu’ils ne savent pas c’est que ce champ appartient à TSERIEL, l’ogresse. Et elle se tenait là cachée derrière un arbre en se disant :

                - Patience mes petits, patience…

                En attendant, elle a mangé l’âne et lorsque les deux paniers étaient remplis à ras bord, elle a surgi devant les deux garçons :

                - Alors mes fils, que faites-vous dans mon champ ?

                ils ont tout de suite reconnu TSERIEL et ils ont baissé la tête et se sont mis à trembler. TSERIEL a ajouté :

                Il se fait tard, vous ne pouvez pas rentrer chez vous à cette heure. Vous mangerez et dormirez chez moi ce soir !

                Et TSERIEL les a fait rentrer dans sa maison. Là, elle a demandé au simplet :

                - Qu’est-ce que tu manges, du couscous de blé ou du couscous de cendre ?

                Le simplet n’a pas réfléchi et a dit :

                - Du couscous de blé !

                - Eh bien, tu auras du couscous de cendre ! et puis elle a demandé au rusé :

                - Et toi mon fils, qu’est-ce que tu veux manger ?

                Le rusé a répondu :

                - Du couscous de cendre vieille mère !

                Après ce reaps, ils se sont couchés. Le simplet s’est aussitôt endormi. Le rusé lui ne dormait pas. Il savait bien que personne n’était jamais ressorti vivant de chez l’ogresse et il se demandait quoi faire.

                Il a eu une idée. Il est allé trouver TSERIEL et lui a dit :

                - Vieille mère, parfois la nuit je me réveille et je fais du bruit. Je ne voudrais pas te déranger, toi qui nous a si bien accueillis. Aussi dis-moi comment le sommeil fait-il pour entrer en toi.

                L’ogresse lui a répondu :

                - C’est facile mon fils ! Lorsque tu entendras dans mon ventre tous les animaux que j’ai mangés alors tu peux être sûr que je dors.

                Le rusé s’est recouché, mais il ne dormait que d’un oeil. C’est alors qu’il a entendu son âne braire dans le ventre de TSERIEL et puis une vache meugler, un mouton bêler et 3 poules caqueter.

                Il a réveillé le Simplet qui dormait à poings fermés et il a ouvert la porte de la maison. Puis il lui a dit :

                - Fais bien attention la porte, mon frère. Le simplet a donc pris la porte sur son dos.

                Et ils étaient là dehors à courir, le rusé devant et le simplet qui soufflait derrière. Voilà que le rusé aperçoit un buisson d’épines. Il dit alors à son frère :

                - Fais bien attention aux épines !

                Et le simplet posa la porte et pris les épines sur son dos. Et puis ils ont continué de courir. Plus loin, le rusé voit une pierre il dit à son frère :

                - Mon frère, fais bien attention à la pierre.

                Et le simplet pose les épines et prend la pierre sur son dos. Encore plus loin le rusé aperçoit un olivier qui barre le chemin. Il dit à son frère :

                - Fais bien attention la pierre.

                Et le simplet arrache l’olivier et le porte sur son dos.

                Et voilà que devant le rusé, se trouve une rivière profonde et infranchissable. Il s’arréte et dit son frère :

                - Que faire, nous ne pouvons plus avancer ? Il se retourne et voit l’olivier sur le dos de son, frère. Il lui dit :

                - Quelle bonne idée tu as eu mon frère !

                Le Simplet dépose l’olivier au bord de l’eau. Ils grimpent sur le tronc et emportés par le courant ils s’éloignent…
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                • #9
                  suite

                  Bientôt, ils aperçoivent leur village, partout des cris et de la lumière. C’est que tout le village est à leur recherche. Lorsqu’on les reconnaît, personne n’en croit ses yeux.

                  Alors le rusé dit :

                  - Père, mère, nous avons menti

                  Et la vielle mère lui répond :

                  - Je sais mon fils mais que m’importe les fèves et les petits pois, puisque vous nous êtes rendus…

                  Et c’est ainsi que mon conte finit.



                  source : Ecrit et raconté par Maria Mérel
                  Dernière modification par katiaret, 25 mai 2018, 05h06.
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                  • #10
                    vous lire me mets de bonne humeur dès ce matin
                    La patience n'a l'air de rien, c'est tout de même une énergie.

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                    • #11
                      L'Ogresse....

                      Découvrons l'histoire de l'homme qui épousa une ogresse en Algérie..

                      dz(0000/1111)dz

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                      • #12
                        Fibules d’argent

                        Dans une tribu reculée, il y a fort longtemps vivaient un homme et une femme qui n’avaient pas d’enfant. La femme se désolait et priait, mais son ventre demeurait stérile. Un jour, elle dit en trayant sa vache :


                        — O Mon Dieu ! Comme j’aimerais avoir une fille à la peau aussi blanche que ce lait !Neuf mois plus tard, elle mit au monde une fille à la peau blanche et lumineuse. Elle l’appela : Fibule d’Argent. Et de crainte qu’on ne lui jetât un sort ou qu’elle fût victime du mauvais œil, elle ne la montra à personne. Elle se disait en elle-même :— Je ne la montrerai à personne et plus tard je n’accorderai sa main à aucun prétendant. Je garderai toujours ma fille près de moi.Le temps passa et la fillette grandit, de jour en jour plus belle. Elle devint éblouissante, illuminant tout autour d’elle. Un matin, une voisine souleva le pan de la tente et entra sans s’annoncer. En découvrant Fibule d’Argent, elle s’exclama :
                        — Dieu que ta fille est belle ! Accorde-moi sa main pour mon fils.
                        En entendant ces mots la mère eut un choc et mourut. Voilà comment Fibule d’Argent devint orpheline.
                        Et le temps passa : vient un jour et part un jour, vient un jour et part un jour… Le père se remaria. Sa femme était d’une grande beauté et avait, elle aussi, une fille du même âge que Fibule d’Argent. En découvrant l’éclat et la splendeur se sa belle-fille, elle éprouva une grande jalousie. Un matin, elle la barbouilla de boue et la poussa sous les guerbas suspendues à des trépieds au fond de la tente. Ensuite, elle se para, sortit et s’adressa au soleil :
                        — Soleil ! O soleil ! Tu es beau et je suis belle. Dis-moi : de nous deux, qui est le plus beau ?
                        Le soleil répondit :
                        — Tu es belle et je suis beau, mais celle qui se trouve sous les guerbas dans la boue est encore plus belle que nous.
                        Le lendemain, elle l’enduisit de suie et l’aspergea de cendre avant de la pousser près du kanoun. Elle se para, sortit et s’adressa au soleil :
                        — Soleil ! O soleil ! Tu es beau et je suis belle. Dis-moi : de nous deux, qui est le plus beau ?
                        Le soleil répondit :
                        — Tu es belle et je suis beau, mais celle qui se trouve dans la cendre près du kanoun, est encore plus belle que nous.
                        Depuis, elle se répéta sans cesse :
                        — Elle va me rendre folle si elle reste sous la même khaïma que moi.
                        Un jour, elle dit d’une voix doucereuse :
                        — Fibule d’Argent ! Nous allons tisser un burnous à ton père. Comme il est grand et fort, il lui faut un large burnous pour se rendre à la djemaâ, la réunion des sages. Il te faut filer beaucoup de laine.
                        Fière de participer à la réalisation du burnous pour son père, la fillette fila tant qu’elle réalisa une très grosse pelote. Sa belle-mère lui ordonna alors :
                        — Prends la pelote et déroule-la pendant que je tiendrai l’extrémité du fil. Nous allons en mesurer la longueur. Tu sais que ton père est grand, ton père est fort, il lui faut un large burnous pour se rendre à la djemaâ. Déroule, déroule la pelote et va, va ! Lorsque je tirerai à mon tour, tu pourras revenir.
                        Fibule d’Argent recula tout en déroulant la pelote et peu à peu elle s’éloigna. De temps en temps elle appelait :
                        — Oh ! Ma mère ! Dois-je cesser de tirer ?
                        — Non ! Non ! Continue ! Va ! Ton père est grand, ton père est fort, il lui faut un grand burnous pour se rendre à la djemaâ, répondait toujours la marâtre.

                        ————————————————————————————-

                        La nuit tomba et Fibules d’Argent n’entendit plus la voix de sa belle-mère qui avait depuis longtemps lâché le fil. Elle ne retrouva pas le chemin et marcha, marcha… Elle rencontra un troupeau d’autruches et comme il faisait froid, elle s’endormit sous leurs ailes. Le lendemain, elle les suivit dans leur course et vécut parmi elles. Le temps passa et, un jour, elle aperçut une lumière au loin. Elle marcha en sa direction. Tout en avançant, elle appela :
                        — Ô lumière ! Viendrais-tu du feu de ma mère et de mon père ? Ô lumière ! Viendrais-tu du feu de ma mère et de mon père ? Peu à peu, elle se retrouva près d’une grotte où habitaient les sept talebs, avec une poule et une chatte chargées du ménage et de la préparation des repas. Fibules d’Argent se cacha dans une cavité. Dès qu’elle entendit les pas des hommes s’éloigner, elle entra dans la grotte et s’occupa aussitôt du ménage. Elle lava, rangea, balaya, secoua, cuisina, mangea, but et retourna se cacher.
                        A leur retour, les talebs trouvèrent leur maison méthodiquement rangée. Ils s’exclamèrent, étonnés :
                        — Comme c’est extraordinaire ! Est-ce la poule et la chatte qui ont fait tout cela ? Non, c’est impossible.
                        — Oui, c’est nous, mentirent les deux amies.
                        Les talebs, intrigués, se concertèrent et désignèrent le plus jeune pour surveiller la maison dès le lendemain. Très tôt le matin, Fibules d’Argent, entendant les pas des hommes s’éloigner, retourna dans la grotte et illumina tout autour d’elle. Le jeune taleb qui était bien caché, pensa sans bouger de sa place :
                        — C’est une Djennia, un être surnaturel. Aucune humaine ne peut être aussi belle. Il resta à l’observer. Elle lava, rangea, balaya, secoua, cuisina puis mangea, but et repartit. Le jeune homme qui n’avait pas osé bouger, raconta aux autres, dès leur retour :
                        — Mes amis ! Une merveille parmi les merveilles ! Une création d’Allah ! Je ne sais qui elle est, mais j’ai vu un être invraisemblable. Sa beauté a éclairé toute notre grotte. Le Cheikh, le plus vieux des talebs, prit la parole :
                        — Demain, c’est moi qui resterai pour voir cette créature.
                        Il attendit à son tour et vit la jeune fille laver, ranger, balayer, secouer, cuisiner puis manger, boire. Mais au moment où elle voulut sortir, il courut, la saisit par la main et cria :
                        — Dis-moi créature ! Es-tu du monde des vivants ou viens-tu du monde des morts ?
                        — Ô Sidi (Monseigneur) ! Je suis du monde des vivants, pas celui des morts. C’est le destin qui m’a conduite jusqu’ici.
                        — Que t’est-il arrivé ? Comment es-tu parvenue jusque-là ? demanda le Cheikh. Elle lui raconta toute son histoire depuis le commencement. Touché par son récit, il lui proposa :
                        — Reste ici. A partir d’aujourd’hui, tu es comme ma fille. Lorsque les autres reviendront, ils t’interrogeront, dis-leur bien que tu es ma fille.

                        —————————————————————————————–

                        A leur retour, les hommes découvrirent la jeune fille lumineuse assise à côté du Cheikh. Saisis par sa beauté, ils demandèrent :
                        — Sidi ! Qui est cette créature ?
                        — C’est ma fille.
                        — Ta fille ? Comment ça ?
                        — Oui ! Désormais elle est comme ma fille. Elle vivra parmi nous.
                        Les talebs en furent ravis, et depuis ce jour, leur estime pour le vieux sage s’en trouva accrue. Chacun d’eux désirait épouser Fibule d’Argent qui se contentait de répondre :
                        — C’est à mon père le Cheikh de décider.
                        Le Cheikh choisit un jour le plus jeune :
                        — C’est à lui que je donne ma fille car il l’a vue le premier.
                        Fibule d’Argent épousa le jeune taleb et cohabita avec la chatte et la poule qui avaient exigé d’elle un serment pour sceller leur amitié :
                        — Jure d’être solidaire et si l’une de nous trois venait à trouver ne serait-ce qu’un grain d’orge, elle devrait le partager avec ses sœurs, car désormais nous serons sœurs.
                        Elle promit. Les hommes s’en allaient le matin et Fibule d’Argent s’occupait du ménage et du repas en compagnie de ses deux amies. Avant de partir, les talebs lui recommandaient sans cesse :
                        — Fibule d’Argent ! N’oublie pas de veiller sur le feu et de l’entretenir. Ne le laisse jamais s’éteindre.
                        Tout allait pour le mieux quand un matin, un grain de raisin tomba des couvertures que Fibule d’Argent secouait pour faire les lits. Elle le ramassa et le mangea discrètement. Mais la poule et la chatte la virent et vexées, lui lancèrent :
                        — Fibule d’Argent ! Tu as manqué à ton serment et tu n’as pas partagé le grain de raisin aveac nous. Nous allons te le faire payer.
                        Pour se venger, elles couvrirent les braises avec la cendre et la terre. La poule grattait, grattait de ses pattes et caquetait, caquetait. Quant à la chatte, elle cardait, cardait de ses griffes et miaulait, miaulait. A deux, elles éteignirent le feu. Fibule d’Argent prit peur et se lamenta :
                        — Oh Mon Dieu ! Que vais-je devenir ? Sans feu, je ne pourrai préparer ni déjeuner ni dîner. Les Talebs vont me chasser et je n’ai pas où aller. J’ai été incapable de garder le feu allumé.
                        Inquiète, elle sortit et scruta l’horizon. En amont de la rivière elle aperçut une lumière qui venait du feu de l’ogre. Elle marcha dans sa direction tout en appelant :
                        — Ô feu ! Es-tu le feu de ma mère et de mon père ? feu ! …
                        Elle se retrouva devant une maison et cria :
                        — Ohé ! Habitants de cette maison !
                        — Avance ! Avance ! lui répondit une voix.
                        — Tes chiens vont me dévorer, fit-elle, inquiète.
                        — Les cordes les retiennent.
                        — Ils vont les rompre.
                        — Les chaînes les entravent.
                        — Ils vont les briser.
                        — Je veille ! Je veille ! Tu peux rentrer, dit enfin l’ogre qui ne voulait pas se montrer.

                        ————————————————————————————

                        Elle entra et trouva l’ogre près du feu dans un drôle d’accoutrement. D’une voix tremblante, elle demanda quelques braises et il les lui donna. Elle le remercia et se précipita pour repartir. Mais, il la blessa au mollet avec le tisonnier rougi par le feu. En se sauvant elle laissa les traces de sang. M’ssisi l’oiseau se posa discrètement, gratta la terre pour recouvrir les traces et une fois devant la grotte, il s’envola en claquant brutalement des ailes. Le bruit qu’il fit surprit Fibule d’Argent qui laissa échapper :
                        — Maudit soit celui qui m’a effrayée.
                        L’oiseau grandement vexé, lança :
                        — Ah bon ! Je cache ton sang afin que l’ogre ne te retrouve pas et tu oses me maudire ? C’est ainsi que tu me remercies ? Puis, il retourna sur ses pas et gratta la terre pour découvrir le sang qu’il avait recouvert. L’ogre suivit la piste et arriva devant la grotte. Il cria de sa grosse voix :
                        — Fibule d’Argent !
                        — Oui !
                        — Lorsque tu es venue chercher le feu, que faisait ton seigneur l’ogre ?
                        — Il était assis sur un tapis de laine et préparait de la viande de gazelle. Il remuait sa marmite à l’aide d’une cuillère en or, mentit Fibule d’Argent pour flatter l’ogre.
                        — Comment était-il vêtu ?
                        — Il portait un burnous, un turban de soie et tenait à la main un chapelet de bois.
                        Ainsi flatté, l’ogre repartait chez lui sans tenter de la dévorer. Chaque jour, il revenait, posait les mêmes questions et écoutait les mêmes réponses.
                        Mais Fibule d’Argent habitée par la crainte tomba malade. Elle garda le secret et toute sa splendeur s’éteignit. Un jour, le Cheikh insista fermement :
                        — Fibule d’Argent ! Tu as maigri, tu as perdu toute ta beauté. Dis ce qui te ronge. Parle.
                        — Oh non Sidi ! Non Monseigneur !
                        — Par Allah ! Je ne bougerai pas d’ici avant de découvrir ce qui te rend malade. Il insista tant, qu’elle lui raconta toute sa mésaventure. Le taleb ordonna aux autres de préparer un piège. Ils creusèrent un trou, y déposèrent des fagots et le recouvrirent avec des branchages. Au matin, ils se cachèrent après avoir fait leurs recommandations à Fibule d’Argent qui se tenait de l’autre côté de la fosse. L’ogre apparut et cria de loin :
                        — Oh Fibule d’Argent !
                        — Oui !
                        — Lorsque tu es venue chercher le feu, que faisait ton seigneur l’ogre ?
                        Elle lui répondit d’une voix assurée :
                        — J’ai trouvé ce chien fils de chien assis sur une panse d’âne, il portait sur les épaules une peau d’âne et sa tête était ceinte d’un boyau d’âne. Il remuait sa marmite avec une patte d’âne et cuisait de la viande d’âne. Voilà ce que j’ai vu.
                        Ces mots rendirent l’ogre furieux. Il se précipita vers elle pour la dévorer et tomba dans le trou. Les talebs coururent mettre le feu aux fagots et y précipitèrent aussi la poule et la chatte.
                        Fibule d’Argent resta seule avec les sept talebs. Elle se reposa et recouvra sa santé et sa splendeur. Et le temps s’écoula dans le calme et la tranquillité. Tout aurait pu durer ainsi, si un jour, un mendiant n’était passé près des grottes. En voyant sa silhouette Fibule d’Argent le reconnut et soupira :
                        — Dieu ! C’est mon père !

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                        • #13
                          suite

                          Elle se hâta et lui prépara une galette de pain qu’elle remplit de pièces d’or. Elle la lui offrit sans se montrer.
                          — Prends cette galette, mais attends d’être chez toi pour la manger, lui dit-elle.
                          Une fois chez lui, l’homme rompit le pain et les pièces d’or s’éparpillèrent. Sa femme l’interrogea d’une voix acerbe :
                          — Qui t’a donné ce pain ?
                          — C’est une femme qui vit dans les grottes avec les talebs.
                          A ces mots, la marâtre se para, sortit et s’adressa au soleil :
                          — Soleil ! Ô soleil ! Tu es beau et je suis belle. Dis-moi : de nous deux, qui est le plus beau ?
                          Le soleil répondit :
                          — Tu es belle et je suis beau, mais celle qui se trouve dans les grottes chez les talebs est encore plus belle que nous.
                          Furieuse, elle s’activa et confectionna un peigne empoisonné et ordonna à sa fille :
                          — Lève-toi ! Fibule d’Argent est riche. Va chez elle et coiffe-la avec ce peigne pour la faire mourir. Ainsi, tu pourras prendre sa place et épouser les sept talebs. Ensuite, elle se mit à gémir et à se lamenter devant son mari étonné :
                          — C’est notre fille Fibule d’Argent qui nous a envoyé l’or. Dieu merci, elle est vivante. Emmène sa sœur chez elle avec ce méchoui et ce pain que j’ai préparés. Elle pourra lui tenir compagnie et l’aider car il y a beaucoup de travail dans les grottes.
                          Le père, pensant que sa femme avait changé, accepta de conduire la demi-sœur dans les grottes où ils furent bien reçus. Le père repartit et la demi-sœur resta. Tout en aidant Fibule d’Argent, elle répétait :
                          — Tu te négliges. Tu travailles vraiment trop. Heureusement que je suis là pour t’aider.
                          Lorsqu’elle gagna sa confiance, elle sortit le peigne empoisonné et s’exclama :
                          — Ma pauvre sœur ! Que de nœuds dans tes cheveux ! Viens, je vais te coiffer avec mon beau peigne neuf. Tu te négliges, laisse-moi te démêler les cheveux.
                          Et elle la coiffa tout doucement. Mais de temps en temps, d’un geste brutal, elle lui plantait une dent du peigne dans le crâne. Fibule d’Argent criait et l’autre insistait :
                          — Laisse-moi faire. Patiente. Tu as vraiment trop de nœuds.
                          Une fois la dernière dent du peigne piquée dans la tête, Fibule d’Argent suffoqua et tomba à terre, sans vie, et la demi-sœur fit mine de se lamenter en se labourant le visage avec ses ongles :
                          — Mon Dieu, ma sœur ! Mon Dieu ma sœur ! …
                          A leur retour, les sept talebs découvrirent le malheur. Ils se jetèrent sur le corps de la jeune fille, la secouèrent, crièrent son nom mais rien n’y fit.
                          — C’est à cause de vous qu’elle est morte, les accusa la demi-sœur, l’air faussement endeuillé. Vous l’avez accablée de travail. Votre maison demande trop de force. Elle est morte d’épuisement malgré mon aide.
                          Les hommes accablés par le chagrin étaient inconsolables. Ils se concertèrent et décidèrent de ne pas enterrer leur amie qui semblait dormir. Son mari la plaça sur le dos du chameau Aïni une magnifique jehfa aux longues tentures qui s’éclaira lorsqu’il y déposa le corps de Fibule d’Argent.

                          ————————————————————————————–

                          Aïni (nom du chameau qui transporte le corps de Fibule d’Argent) devait se promener dans le Sahara durant tout le jour et retourner le soir près des grottes. Il suffisait de prononcer son nom (Aïni) pour le faire obéir. Ainsi, les talebs pouvaient continuer à veiller et à admirer la beauté de leur amie. Dès qu’ils entendaient parler d’un médecin, ils le conduisaient auprès d’elle dans l’espoir de la ressusciter. Cependant, tous conseillaient avec sagesse :
                          — Acceptez la volonté d’Allah ! Nous venons tous de la terre et nous devons tous y retourner. Enterrez-la.
                          Un jour, Aïni s’éloigna et des nomades tentèrent de le capturer. Ils passèrent la journée à le traquer, en vain. Le chameau s’arrêta dans une région inconnue où jouaient des enfants. Ces derniers chahutaient, quand soudain, l’un d’eux frappa l’autre à l’œil.
                          — Oh mon Dieu ! Aïni ! Mon œil !
                          Dès que le chameau entendit ce mot, il s’agenouilla et se mit à blatérer. Les enfants accoururent et découvrirent Fibule d’Argent sous la jehfa. Ils alertèrent tout le monde et le Sultan arriva avec toute son escorte. La foule s’exclama :
                          — Mais c’est une femme ? Elle est morte et pourtant elle semble dormir. Fibule d’Argent fut transportée au palais et le Sultan consulta la vieille Settout (que Dieu la maudisse). Elle ausculta la morte et demanda aussitôt :
                          — Monseigneur, si je te la ressuscite, que me donneras-tu en échange ?
                          — Si tu la ressuscites, je t’enrichirai si Dieu accepte de t’enrichir.
                          — Qu’on me rapporte donc du beurre et du miel des plus purs.
                          On lui donna un pot de beurre et un pot de miel qu’elle mélangea pour en faire un baume. Et de cette préparation, elle massa la jeune femme en commençant par les pieds et monta jusqu’à la tête. Enfin, sous les cheveux, ses doigts rencontrèrent les dents du peigne qu’elle arracha l’une après l’autre. A la dernière, Fibule d’Argent souffla et ouvrit les yeux. Le Sultan s’exclama devant un tel miracle :
                          — Qu’Allah soit glorifié ! Je jure d’épouser cette femme.
                          — Tu veux m’épouser ? demanda Fibule d’Argent.
                          — Oui !
                          — Je suis d’accord, mais j’ai des conditions.
                          — Demande ce que tu veux, se réjouit le Sultan.
                          — Je souhaite poser et lever le camp sept fois. Promène-moi en caravane dans sept régions différentes. Le Sultan fit préparer la caravane avec tentes, chameaux, serviteurs et esclaves. Au moment du départ, Fibule d’Argent exigea de monter sur son propre chameau qui n’avait pas bougé de sa place. Tous ignoraient qu’il n’obéissait qu’après avoir entendu le mot «Aïni».
                          — Mais ton chameau est paralysé, personne n’a réussi à le faire bouger de sa place, dirent les serviteurs.
                          — Je veux essayer, mais éloignez-vous car il est craintif, prétendit Fibule d’Argent. Elle monta, s’installa sous sa jehfa, se pencha et souffla à l’oreille de son chameau :
                          — Aïni ! Lève-toi et cours. Emmène-moi chez les talebs. Même au péril de ta vie, ne t’arrête pas avant d’arriver.

                          ——————————————————————————–

                          A la surprise générale, le chameau – en entendant son nom – se leva et s’élança dans une course effrénée. Lorsque le Sultan et ses hommes réagirent, il était déjà trop tard. Il courait trop vite. On aurait dit un éclair.
                          Aïni ne s’arrêta qu’une fois devant la maison des talebs. Il s’agenouilla et blatéra. En l’entendant, les hommes se précipitèrent pour regarder sous la jehfa. Quel ne fut pas leur bonheur de découvrir Fibule d’Argent
                          vivante ! Ils se mirent à crier :
                          — Fibule d’Argent est vivante ! Fibule d’Argent est vivante !
                          Ils la portèrent à l’intérieur de la maison. Leur joie était immense. Quant à la demi-sœur, surprise et pleine de dépit, elle fit mine de se réjouir pour Fibule d’Argent qui avait changé après cette épreuve et qui lui lança :
                          — Tu es donc toujours là ?
                          — Oui je suis là, répondit-elle, et elle ajouta : Tu es vivante ! Grâce à Dieu ! Mais Fibule d’Argent la saisit par les cheveux, l’égorgea, la découpa en morceaux, la fit cuire et déposa le tout dans un mezwed (outre en peau de brebis ou de chèvre) en y ajoutant des galettes de pain. Elle envoya l’outre à sa belle-mère. Ce don de nourriture devait être fait par la demi-sœur. La marâtre qui attendait depuis longtemps, cria de joie en ouvrant le mezwed :
                          — C’est ma fille qui m’envoie ce méchoui. C’est signe qu’elle a réussi à prendre la place de Fibule d’Argent.
                          Elle distribua la viande et le pain aux voisines en répétant :
                          — Mes voisines ! Tenez ! Tenez ! C’est ma fille qui nous régale.
                          De chaque morceau qu’elle offrait, elle en goûtait un peu. Elle distribuait, distribuait, quand, soudain, elle s’arrêta net, horrifiée. Elle comprit qu’il s’agissait de la chair de sa fille et se mit à hurler :
                          — Ô voisines ! Vous qui avez mangé avec moi, venez pleurer avec moi. Ô voisines ! Vous qui avez mangé avec moi, venez pleurer avec moi.
                          Les voisines répondirent :
                          — Nous n’avons mangé aucun morceau et nous ne verserons aucune larme.
                          Chacune lui rendit le morceau reçu. Seule une vieille qui avait déjà goûté au foie accepta d’aIler pleurer avec elle.
                          Toutes deux, s’assirent sous un arbre où était perché un corbeau. Elles devaient pleurer jusqu’au jour où le corbeau deviendrait blanc.
                          Elle a pris le feu, le feu, j’ai pris la route, la route !
                          Elle a mangé du Diss (plante dénotant la dégradation de la forêt), j’ai mangé du Rfiss (galette farcie de beurre et de dattes) !

                          L’Algérie des contes et légendes
                          Nora Aceval
                          dz(0000/1111)dz

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                          • #14
                            Le Chêne de l’Ogre

                            Que mon conte soit beau et se déroule comme un long fil !

                            L’on raconte qu’aux temps anciens il était un pauvre vieux qui s’entêtait à vivre et à attendre la mort tout seul dans sa masure. Il habitait en dehors du village. Et jamais il n’entrait ni ne sortait, car il était paralysé. On lui avait traîné son lit près de la porte, et cette porte, il en tirait la targette à l’aide d’un fil. Or ce vieux avait une petite fille, a peine au sortir de d’enfance, qui lui apportait tous les jours son déjeuner et son dîner. Aicha venait de l’autre bout du village, envoyée par ses parents qui ne pouvaient eux-mêmes prendre soin du vieillard.
                            La fillette, portant une galette et un plat de couscous, chantonnait a peine arrivée :
                            - Ouvre moi la porte, o mon père Inoubba, o mon père Inoubba ! Et le grand-père répondait :
                            - Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !
                            La fillette heurtait l’un contre l’autre ses bracelets et il tirait la targette. Aicha entrait, balayait la masure, serait le lit. Puis elle servait au vieillard son repas, lui versait à boire. Après s’être longuement attardée près de lui, elle s’en retournait, le laissant calme et sur le point de s’endormir. La petite fille racontait chaque jour a ses parents comment elle avait veille sur son grand-père et ce qu’elle lui avait dit pour le distraire. L’aïeul aimait beaucoup à la voir venir.
                            Mais un jour, l’Ogre aperçut l’enfant. Il la suivit en cachette jusqu’à la masure et l’entendit chantonner :
                            - Ouvre moi la porte, o mon père Inoubba, o mon père Inoubba ! Il entendit le vieillard répondre :
                            - Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !
                            L’Ogre se dit ; « J’ai compris. Demain je reviendrai, je répèterai les mots de la petite fille, il m’ouvrira et je le mangerai ! »
                            Le lendemain, peu avant que n’arrive la fillette, L’Ogre se présenta devant la masure et dit de sa grosse voix :
                            - Ouvre moi la porte, o mon père Inoubba, o mon père Inoubba !
                            - Sauve-toi, maudit ! lui répondit le vieux. Crois-tu que je ne te reconnaisse pas ?
                            L’Ogre revint à plusieurs reprises mais le vieillard, chaque fois, devinait qui il était. L’Ogre s’en alla finalement trouver le sorcier.
                            - Voici, lui dit-il, il y a un vieil impotent qui habite hors du village. Il ne veut pas m’ouvrir parce que ma grosse voix me trahit. Indique-moi le moyen d’avoir une voix aussi fine, aussi claire que celle de sa petite fille.
                            Le sorcier répondit :
                            - Va, enduis-toi la gorge de miel et allonge-toi par terre au soleil, la bouche grande ouverte. Des fourmis y entreront et racleront ta gorge. Mais ce n’est pas en un jour que ta voix s’éclaircira et s’affinera !
                            L’Ogre fit ce que lui recommandait le sorcier; il achetait du miel, s’en remplit la gorge et alla s’étendre au soleil, la bouche ouverte. Une armée de fourmis entra dans sa gorge.
                            Au bout de deux jours, l’Ogre se rendit à la masure et chanta
                            - Ouvre moi la porte, o mon père Inoubba, o mon père Inoubba !
                            Mais le vieillard le reconnut encore.
                            - Éloigne-toi, maudit ! lui cria-t-il. Je sais qui tu es.
                            L’Ogre s’en retourna chez lui.
                            Il mangea encore et encore du miel. Il s’entendit de longues heures au soleil. Il laissa des légions de fourmis aller et venir dans sa gorge. Le quatrième jour, sa voix fut aussi fine, aussi claire que celle de la fillette. L’Ogre se rendit alors chez le vieillard et chantonna devant sa masure :
                            - Ouvre moi la porte, o mon père Inoubba, o mon père Inoubba !
                            - Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille ! reponda l’aieul.
                            L’Ogre s’était muni d’une chaîne ; il la fit tinter. La porte s’ouvrit. L’Ogre entra et dévora le pauvre vieux. Et puis il revêtit ses habits, prit sa place et attendit la petite fille pour la dévorer aussi.
                            Elle vint, mais elle remarqua, des qu’elle fut devant la masure, que du sang coulait sous la porte. Elle se dit : « Qu’est-il arrive a mon grand-père ? ».
                            Elle verrouilla la porte de l’extérieur et chantonna :
                            - Ouvre moi la porte, o mon père Inoubba, o mon père Inoubba !
                            L’Ogre répondit de sa voix fine et claire :
                            - Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !
                            La fillette qui reconnut pas dans cette voix celle de son grand-père, posa sur le chemin la galette et le plat de couscous qu’elle tenait, et courut au village alerter ses parents.
                            - L’Ogre a mangé mon grand-père, leur annonça-t-elle en pleurant. J’ai ferme sur lui la porte. Et maintenant qu’allons-nous faire ?
                            Le père fit crier la nouvelle sur la place publique. Alors, chaque famille offrit un fagot et des hommes accoururent de tous côtés pour porter ces fagots jusqu’à la masure et y mettre le feu. L’ogre essaya vainement de fuir. Il pesa de toute sa force sur la porte qui résista. C’est ainsi qu’il brûla.
                            L’année suivante, a l’endroit même ou l’Ogre fut brûlé, un chêne s’élança. On l’appela le « Chêne de l’Ogre ». Depuis, on le montre aux passants.
                            Mon conte est comme un ruisseau, je l’ai conte à des Seigneurs.

                            « Le Grain Magique »
                            Taos Amrouche (Paris : Chez François Maspero, 1971)
                            dz(0000/1111)dz

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                            • #15
                              Que de souvenirs heureux !


                              Merci à vous, Rhummel , Katiaret
                              « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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