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«Alger, la blanche (Contes, légendes et bouqalate» - Nourreddine Louhal

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  • «Alger, la blanche (Contes, légendes et bouqalate» - Nourreddine Louhal

    Chroniques algéroises La Casbah.....

    «Alger, la blanche (Contes, légendes et bouqalate» (éditions Tafat) est une ode à Alger, au vieil Alger, aux traditions et histoires d’autrefois. Non sans un brin de nostalgie, Nourreddine Louhal nous transmet ces histoires au présent, dans le sens où il invite son lecteur à se souvenir, à (re)considérer les traces qui subsistent d’une histoire et d’un savoir populaire, notamment dans les lieux, et à trouver des réponses dans notre mémoire.
    Un héritage commun matériel (architectural) et immatériel fait de contes, de légendes, de jeux et surtout riche en enseignement. Dans cet entretien, l’auteur revient sur l’élaboration de son ouvrage, son contenu et sur son travail de mémoire.

    Reporters : «Alger, la blanche » (Contes, légendes et bouqalate) est un ouvrage fouillé et bien documenté sur un pan de l’histoire de la ville d’Alger. Comment avez-vous construit cet ouvrage et combien de temps a pris son élaboration ?
    Noureddine Louhal : L’idée d’«Alger la blanche», publié aux éditions Tafat, est née d’un tilt le 2 décembre 2015 à la rue Hector-Berlioz, dans le quartier des musiciens à l’îlot de l’ancienne rue Lulli à Alger et s’enchaîne à mon livre «Les Jeux de notre Enfance» (éditions Anep).
    C’est dire que l’un ne peut exister sans l’autre, étant donné que le sol d’Alger est semblable à une cour de récréation si aisée d’un capital de lieux-dits, où nous avions laissé un bout de notre tendre enfance.
    Seulement, et à l’heure où le beylik lorgne le moindre bout de foncier, il est à peu près sûr que l’urbanisation galopante va gommer un jour ou l’autre de la mémoire collective, ces endroits communs à nos albums de souvenirs.
    D’où l’impératif qu’ils soient intégrés dans la toponymie locale et officielle, du fait que ces lieux revêtent un cachet muséal et nous renvoient encore l’écho du charivari bon enfant de nos jeux d’enfance.
    Pire, l’éventualité d’une perte est d’autant évidente, puisqu’à l’extinction de la génération des seniors, c’est l’Alger qui sera élaguée de ces endroits, où s’épanouissait la joie de vivre. Alors, et pour qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli, j’ai schématisé ces lieux à l’aide d’un capital de détails. Si tant et bien que la curiosité locale de «Dar El Ghoula » (La maison de l’ogresse), où fut captive «Loundja Ben L’ghoul» n’échappera pas à l’œil de la caméra du visiteur, qu’il lui sera loisible de visiter au quartier de Debbih-Chérif (ex-Tournants-Rovigo) dans le quartier de Soustara.
    L’inventaire n’est pas pour autant exhaustif, puisqu’il y a aussi «Dar Raïba» ou la «douera» en ruines que hantait «Yemma R’biha» à l’îlot de Houanet Sidi Abdellah à La Casbah. S’ensuivent alors, l’Oued-K’nis et la tragédie du «ravin de la femme sauvage» et le Djebel Koukou au Frais-Vallon.
    Donc et partant d’une volonté de sauvegarde d’un espace temps et de lieux de l’histoire de bled Sidi Abderrahmane, j’ai imagé les histoires de notre enfance, dans le décor à la fois féerique et aventureux de ces lieux, où vagabondait l’imagination de l’enfant que nous étions.
    Pour ce faire, il m’a fallu refaire le chemin à l’envers vers mon enfance et recueillir bribes après bribes «lemhadjiate» (contes) que me contait ma grand-mère El Hadja Keltouma Hadj-Ali. Bien entendu, cela ne s’était pas fait sans endurer tant de quolibets, mais le challenge en valait la chandelle, puisqu’au bout d’un parcours où il me fallait interroger la mémoire de l’un et de l’autre, j’ai réussi un tant soit peu à reconstituer autant que faire se peut, l’album de nos histoires qui amenait le marchand de sable.

    Toute la sagesse distillée dans votre ouvrage nous présente un savoir-faire et un savoir-vivre. Et on y retrouve tant d’histoires : sur les femmes, sur l’amour, sur la vie...
    «Alger, la blanche» se veut un outil pédagogique porteur d’abord de morale et d’un bouquet d’adages du terroir afin d’étayer au mieux les règles de convenances que tout être-sociétaire se doit de respecter en milieu sociétal. C’est le cas de l’existence à l’eau de rose de «L’maâkra» qu’il me tenait à cœur de redorer, pour avoir souffert de médisances du voisinage au motif qu’elle croquait la vie à belles dents, en ce temps où il était malséant de chanter dans le genre «Messemâat» (orchestre féminin) et de rire à gorge déployée ! C’était suffisant pour que «L’Maâkra» soit clouée au statut peu élogieux, mais faussement de dépravée.
    D’ailleurs, les choses n’ont pas évolué depuis, eu égard au statut de cette éternelle mineur qui demeure clouée au code de l’infamie !
    Donc, il m’a plu d’alléger le poids de la détresse de «L’Maâkra» que j’invite le lecteur à aller à son tour vers celle qui avait défrayé la chronique «people» de l’époque. En ce sens, la gente féminine s’est adjugée la part du lion dans «Alger, la blanche», dont l’inaccessible «Lallahoum» qui écrivit de suggestives pages «people» du temps, où l’on mourait pour moins que ça. Autre révélation, l’adorable «Mimouna» qui nous réconcilie avec l’authenticité de l’Islam de nos parents.
    De l’amour ? Il y en a de quoi pleurer sur la destinée tragique de N’fissa et sa sœur Fatima. A l’amour, succède aussi l’humour, histoire de se dilater la rate avec l’indémodable Djeha à La Casbah. A ce titre, l’œuvre «Alger la blanche» est «à mettre entre les mains du plus grand nombre et, particulièrement, il devrait être proposé (gratuitement pourquoi pas?) à tout nouveau visiteur d’Alger», écrivait l’instituteur Aïssa Bellache dans sa préface.
    D’où le devoir de gratitude envers Sidi Abderrahmane que d’écrire et de décrire tant de belles choses qui ont façonné et bercé notre enfance, notre jeunesse, du temps où la «douera» (bâtisse traditionnelle) abondait dès le chant du coq de : «S’bah El Kheir» (Bonjour) » et de «N’harak Mabrouk» (Bonne journée). Ecrire ! N’est-ce pas là, le minimum qu’il y a à faire pour restituer à l’Alger sa lumière qui doit nous réconcilier avec l’usage, voire le cérémonial scellé depuis la nuit des temps dans le manuel des règles de convenances et dont chacune des familles se devait de faire sien ?

    La Casbah occupe une place particulière dans votre cœur. Mais, au-delà de cet aspect émotionnel, que représente, d’après vous, La Casbah dans et pour Alger ?
    La Casbah, c’est cette perle méditerranéenne qui est à Alger ce que le croissant est à l’étoile.
    Et à l’occasion de mes moult pèlerinages dans l’étroitesse de ses «z’niqat», j’ai cet avantage de revivre, rien qu’au toucher, la splendeur de cette séculaire médina qui est imagée tel ce burnous dans lequel s’emmaillote «El Âassima». Certes qu’il est admis que La Casbah agonise «s’tah» à terre, néanmoins, je continue d’apprécier ses murs chaulés qui sont comparables au haïk, lorsqu’il resplendit sous le soleil. De la même manière, la couleur du bleu Shanghai symbolise aussi la mer que tout Casbadji peut voir et «toucher» de son «menzah», disaient les anciens de cette cité séculaire. Seulement, de nos jours, l’image de La Casbah s’en trouve écornée à cause de ces hideuses constructions qui s’érigent dans l’îlot de Sidi Ramdane dans le hideux style de Semmar et Khraïcia et qui spolient les Casbadji d’une aussi belle vue sur l’Amirauté.

    P16 Le titre de l’ouvrage et précisément «La blanche» évoque la nostalgie : d’abord êtes-vous nostalgique ? Ensuite, la nostalgie n’est-elle pas un sentiment qui enferme et empêche d’avancer ?
    «Ma nostalgie est différente» chante Gérard Lenorman. Ce qui n’est pas mon cas, puisqu’elle me permet d’inviter d’abord l’élu à lire ce qui est arrivé à l’Alger d’antan, où il faisait bon vivre le soir sous d’éclairantes enseignes de salles de cinéma fermée… (à jamais ?). J’ai fait aussi mien l’adage : «Comparaison n’est pas raison» ! Alors et plutôt que de comparer la cité dite «européenne» qui n’était pas celle de mon père, feu Mohand-Amokrane, puisqu’il souffrait à l’instar d’autres Algériens, du blocus imposé aux Casbadji par l’autorité coloniale, j’ai plaisir à ne comparer que «Casbah mienne», avant qu’elle ne s’effrite. Donc, alléguer qu’«Alger la blanche» » n’est pas nostalgique, c’est faire offense à l’âne si doux ou plutôt «Sidhoum», qui à lui seul, nettoyait toute La Casbah. D’ailleurs, il y réussissait si bien l’âne, là où des «Epic» de la wilaya d’Alger et des municipalités budgétivores échouent à nettoyer l’Alger contemporain, en dépit de dépenses aussi lourdes que «Le tonneau des Danaïdes». D’où ce titre provocateur, pour rappeler au beylik qu’Alger était si propre à la seule force du baudet. S’il en est une preuve d’efficacité, le procédé fut exporté en Sicile ! N’est-ce pas là, la preuve qu’il y a du bon dans la nostalgie ?

    Comment pourrait-on, selon vous, faire vivre ce «patrimoine», cette part de notre histoire au présent ?
    «Alger la blanche» s’adresse avant tout aux enfants de 60 ans, pour lesquels je réitère l’invitation de le lire et de le faire lire à leurs progénitures !
    Ce n’est qu’à cette condition que l’on réconciliera «M’qidech» avec son lectorat qu’il n’aurait jamais dû perdre au profit de personnages de bandes dessinées venus d’ailleurs.
    C’est dire que l’aubaine est d’autant belle pour inviter nos bédéistes à crayonner les histoires de Khedaoudj El Âamia, la belle Zaphira, Settoute et tant de personnages que l’on se doit de pérenniser pour les générations à venir. Outre l’apport de la famille, j’ose auréoler «Alger la blanche» d’un cachet pédagogique et à ce titre, j’en appelle ensuite à l’école pour réconcilier l’élève avec l’épopée héroïque d’El Djazaïr El Mahroussa, son «Baba Merzoug» et la perte de notre fort des 24h de Setti Taklit à Bab El Oued. Alors, de grâce et qu’on se le dise : le mois du patrimoine n’est pas l’apanage unique de la vieille pierre, mais c’est aussi les contes et légendes du terroir ainsi que les bouqalate.

    Ce travail, à l’instar de vos précédents ouvrages, s’inscrit également dans une perspective de mémoire...
    Cela a commencé avec «Chroniques Algéroises La Casbah» publié en 2011 par l’Anep, où je narrais l’épopée de ces petites gens qui faisaient l’actualité à La Casbah et la joie des petits «Ya Ouled», dont «Kilomètres», ce marchand de confiserie avec son binôme, le faiseur du «Qortas» dits les « Oublis ». S’ensuivit ensuite «Sauvons nos salles de cinéma» (publié par le FCNAFA) qui fut préfacé par Khalida Toumi, l’ancienne ministre de la Culture. Une première dans le genre où sont inventoriées les salles de cinéma d’Alger, d’Oran et de Constantine. D’ailleurs, c’est à mon livre que l’on doit la réouverture d’une poignée de salles d’Alger et de l’Algérie profonde.
    Et c’est ainsi que j’ai tracé ma propre ligne éditoriale, dont l’essentiel est axé autour du patrimoine matériel et immatériel, dont «Les jeux de notre enfance» qui a été traduit de la langue française vers tamazight par le Haut-commissariat à l’Amazighité. «Alger la blanche» vient succéder à «Instantané sur une époque» (éditions Anep). En ce sens, ma satisfaction est d’autant grande qu’il fut préfacé par la dame Djoher Amhis-Ouksel, et dont l’essentiel se focalise sur les cafés et les jardins d’Alger.

    Écrit par Sara Kharfi
    Dernière modification par katiaret, 25 mai 2018, 06h34.
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