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Iran : les négociateurs de l’accord nucléaire « ont une cible dans le dos »

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  • Iran : les négociateurs de l’accord nucléaire « ont une cible dans le dos »

    Les principaux artisans du texte de 2015, dénoncé par le président américain, font l’objet d’une campagne d’intimidation dans leur pays.

    Combien de temps auront-ils voix au chapitre ? Certes, l’équipe du président modéré iranien, Hassan Rohani, a encore la main sur le dossier nucléaire : le Guide suprême, Ali Khamenei, a validé dans un discours solennel, mercredi 23 mai, son projet de protéger les relations économiques retissées depuis 2016 avec l’Europe et de diviser autant que possible les Européens et les Etats-Unis, après le retrait américain de l’accord nucléaire, le 8 mai. Mais le Guide suprême se démarque nettement de cette ligne modérée – en prédisant déjà son échec – et fixe des conditions impossibles à tenir, en réplique aux douze exigences maximalistes posées lundi par le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo.

    Vendredi, lors d’une réunion à Vienne avec les autres pays signataires (la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne), les diplomates iraniens ont fixé un ultimatum aux Européens afin qu’ils clarifient, avant la fin mai, comment ils comptent sauver l’accord. L’Iran exige notamment qu’ils « compensent » une chute de ses exportations de pétrole sous l’effet des sanctions américaines, et demande le maintien de son accès au système d’échange interbancaire Swift. Puis Téhéran décidera, d’ici quelques semaines, s’il reste dans l’accord, s’il relance partiellement ses activités nucléaires ou s’il s’en dégage totalement.

    Les alliés politiques de M. Rohani n’ont pas attendu ces tractations de la dernière chance pour s’éloigner de lui, craignant d’être entraînés dans sa déchéance : l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, et le président du Parlement, le conservateur Ali Larijani, prennent déjà le large. Quant aux factions adverses, elles font circuler l’idée d’une démission forcée de M. Rohani – une perspective inédite et peu probable – et de son remplacement par un militaire. Dans le même temps, elles accentuent la pression sur l’entourage du président, annonciatrice d’une purge plus sévère. Dans l’entourage de M. Rohani, on fait savoir que le danger n’est pas seulement politique, mais bien physique.

    Lutte entre factions iraniennes

    « Ils savent qu’ils ont une cible accrochée dans le dos », note Ali Vaez, analyste à l’International Crisis Group. Ces pressions politiques et poursuites judiciaires, qui visent presque tous les technocrates ayant négocié l’accord de Vienne, ont débuté dès avant 2015, date de la signature de l’accord : elles font partie de la lutte habituelle entre factions iraniennes.

    L’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, dont les menaces de déchirer l’accord ont ralenti les investissements étrangers, a renforcé ces gardiens de l’orthodoxie révolutionnaire. Ainsi, en septembre 2017, le député ultraconservateur Javad Karimi Ghoddousi, un ancien général des gardiens de la révolution, la principale force armée iranienne, affirmait avoir été informé « de l’identité de quatre espions dans l’équipe des négociateurs, dont trois ont fui l’Iran ». Le meneur désigné de ce « cercle des quatre espions » serait Cyrus Nasseri, un homme d’affaires et diplomate qui avait pris une part marginale aux négociations. Visé par un mandat d’arrêt après la signature du « deal », il a quitté son pays.

    M. Nasseri est le beau-frère de l’un des principaux négociateurs de 2015, Madjid Takht-Ravanchi, adjoint à la présidence pour les affaires politiques. Le propre frère du président Rohani, Hossein Fereydoun, est poursuivi en justice dans une affaire de corruption.

    En octobre 2017, Abdolrasoul Dorri-Esfahani, qui avait représenté la Banque centrale aux négociations de Vienne, a été condamné pour espionnage à cinq ans de prison, puis libéré sous caution quelques jours plus tard. Le ministre du renseignement a dénoncé le verdict, affirmant que M. Dorri-Esfahani travaillait en réalité, à Vienne, pour le compte de son ministère.

    « L’Iran se radicalisera »

    M. Dorri-Esfahani a été accusé, dans la presse, d’avoir sciemment affaibli le système bancaire iranien, alors que le pays subit une crise de la monnaie gravissime *depuis le retrait américain de l’accord. Le quotidien Vatan-e-Emrooz l’accuse d’avoir conspiré dans ce sens avec Hamid Baeidinejad, ancien négociateur nommé depuis ambassadeur à Londres, à l’abri de telles pressions.

    Tous ces proches de M. Rohani et du ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, ont été visés, entre 2013 et février 2017 au moins, par un réseau de hackeurs, qui s’est donné le nom de « chatons volants », et qui avait pénétré leurs comptes e-mails, selon une enquête de la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Ce réseau américain de think tanks avait conclu que le groupe était lié aux gardiens de la révolution.

    M. Zarif, quant à lui, demeure relativement épargné. Le principal artisan de l’accord, l’une des personnalités les plus populaires en Iran, maintient des relations ouvertement cordiales avec des figures des gardiens, et multiplie les marques d’allégeance au Guide suprême. Mais si ses démarches pour convaincre l’Europe de rester dans l’accord échouent, « l’Iran se radicalisera contre la menace extérieure (…), et il sera naturel et nécessaire que des figures sécuritaires prennent un rôle plus important », estime Hossein Mousavian, chercheur à l’université américaine de Princeton.

    Par Louis Imbert
    Le Monde
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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