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A. Dourari – Journée mondiale du vivre-ensemble en paix 1/2

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  • A. Dourari – Journée mondiale du vivre-ensemble en paix 1/2

    Journée mondiale du vivre-ensemble en paix : Réflexions à brûle-pourpoint


    1) En cette bien nommée journée mondiale du «vivre-ensemble en paix», qui rappelle au monde son humanité et sa vulnérabilité à l’égard des menaces qu’elle fait peser sur elle-même, je voudrais m’incliner avec respect et humilité devant le sacrifice suprême des Palestiniens massacrés par l’Etat théocratique israélien, avide de puissance, sournois et inhumain qui défie le monde et ses organisations internationales. Israël, par ces comportements brutaux, oppose un déni arrogant des accomplissements de l’humanité et de sa civilisation et renie les institutions de règlement des conflits par le droit, tout en jouissant de l’impunité garantie par le soutien immoral et illégal des puissances impérialistes membres du Conseil de sécurité de l’ONU qui se montrent, ailleurs, hypocritement plus exigeantes. Pour le vivre-ensemble en paix, Israël en est bien le contre-exemple.

    2) Les sciences humaines et sociales (SHS) ont démontré, depuis un siècle au moins, pour les esprits qui ne se réfugient pas dans le déni de ces sciences qui s’attellent à la déconstruction de l’organisation des relations internationales et des sociétés (comme la physique s’attelle à la déconstruction de la matière) que les humains vivants en société sont mus par la notion d’intérêt, de représentation de soi et de l’autre et par la notion de rapports de domination.
    A ces notions/concepts se subordonnent d’autres concepts formant un appareil conceptuel à même d’expliciter de manière objective le fonctionnement des relations entre individus, groupes, sociétés et nations. L’être humain est, sur cette planète, partout le même indépendamment des races, des religions et des idéologies (rapport imaginaire des individus à la réalité) et des doxa (discours de rationalisation de ce rapport imaginaire), y compris celle du déni des sciences humaines et sociales, qui tente de mystifier les faits sociaux au profit de la domination de l’idéologie techniciste néolibérale et néoconservatrice.
    Toutes les cultures sont un produit humain et sont justiciables de l’approche scientifique des sciences sociales et humaines.
    Les relations internationales ont démontré depuis quelque temps la pertinence de la notion d’intérêt où l’on a vu des puissances impérialistes se permettre de détruire des nations et des Etats entiers au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sans scrupules, juste pour sauver quelques milliards de dollars en énergie fossile. Daech en est l’être de Frankenstein créé à cet effet grâce à la conjonction de l’idéologie salafiste, de l’organisation et l’armement des puissances impérialistes et de la gestion antidémocratique des dictateurs arabes.
    La scène internationale nous offre actuellement un autre cas de la pertinence du concept d’intérêt construit par les sciences humaines et sociales.
    La divergence en cours entre l’Europe et les USA sur l’accord international signé avec l’Iran sur la non-prolifération nucléaire pousse les Européens à s’opposer, par intérêt commercial, aux USA qui imposent des sanctions à toute entreprise commerçant avec l’Iran. Ayant compris que cette attitude ainsi que les discours qui l’accompagnent (doxa) étaient favorables uniquement aux intérêts des USA et son leadership sur le monde, cela a conduit à une esquisse de recomposition des rapports internationaux où l’Europe semble se rapprocher, par intérêt, de l’autre puissance concurrente, la Russie, naguère représentée, par intérêt, comme l’ennemi contre lequel une guerre commerciale devait se structurer par intérêt égoïste des Occidentaux.
    La théorie mathématique des ensembles peut nous donner une représentation logique de cette configuration, mais les SHS peuvent nous en donner une explicitation satisfaisante grâce aux concepts de mobile, d’intentionnalité, de discours, d’intérêt, de représentation, d’idéologie, de doxa, de domination...

    3) Pourquoi parler aujourd’hui du vivre-ensemble et lui consacrer une journée internationale ?
    Rappelons, au départ, que «le vivre-ensemble» est un concept des sciences humaines et sociales qui émane de l’analyse des sociétés et des Etats. Posant le désordre mondial actuel comme menace à la vie des Etats (divers paradigmes d’organisation politique des hommes et des sociétés qui leur permet d’agir/d’interagir collectivement sur eux-mêmes, sur leur environnement et sur les autres), et des citoyens dans certaines régions du monde, notamment au Moyen-Orient, et touchent au droit inaliénable à la vie (Déclaration universelle des droits de l’homme), l’analyse énonce que les causes de ce désordre proviennent de la conjonction de raisons intérieures de déni de démocratie et de liberté (modèles d’Etat), et du désir de domination de puissances internationales (ordre international inégalitaire), voulant gouverner le monde et l’humanité selon leur seul intérêt égoïste (géopolitique et géostratégique). Ces puissances agissent souvent par le truchement d’idéologies totalitaires et destructrices nourries et entretenues par le système de production et de reproduction des sociétés de ces Etats autoritaristes : le salafisme, ferment de Daech, d’Al-Qaïda et des autres organisations terroristes.
    Résultat : des Etats sont détruits et des centaines de milliers de morts et d’exilés de tous âges, devenus en un tournemain apatrides et sans domicile, émigrés illégaux engloutis par la mer ou errant à travers le monde, chassés de partout et prétexte à des marchandages immoraux entre Etats dits civilisés ou se revendiquant de la piété…
    L’humanité assiste en ces temps présents à une véritable débâcle morale et juridique internationale et à l’exacerbation extrême de l’ordre mondial inégalitaire issu de la Seconde Guerre mondiale et accru depuis la disparition du monde bipolaire. C’est l’ébauche d’un échec retentissant des rêves les plus fous, caressés par l’humanité, dont une vie meilleure et plus paisible régie par le droit et la justice.
    Ce désordre mondial menace jusqu’à la continuité de la vie humaine sur cette planète et probablement la survie de cette planète elle-même.

    4)
    A) Sens du vivre-ensemble : l’idée du vivre-ensemble implique que dans l’actuelle globalisation le monde est devenu un village avec une reconnaissance de son hétérogénéité linguistique, culturelle, économique, politique, développementale et en termes de niveau d’instruction global, mais dramatiquement inégalitaire socialement où 1% des plus riches s’accaparent 98% des richesses du monde.
    Le vivre-ensemble présuppose deux aspects différents et complémentaires :
    L’identité humaine implique :
    1- la différence des Etats, des nationalités et des sociétés, des origines, des modes de vie, des croyances, des cultures, des représentations (des imaginaires collectifs et individuels), et des perceptions identitaires.
    2- Elle implique, par ailleurs, la mêmeté de l’humain, de ses besoins culturels et sociaux vitaux, y compris le besoin de dignité, d’égalité, de justice, de liberté et de démocratie.

    B) Le vivre-ensemble en paix est, par conséquent, une philosophie de la vie nécessaire quand on est justement différents mais tout autant identiques. Car sans la paix, la vie de l’homme, qui est déjà naturellement perçue comme courte, et la biologie (NBIC) travaille sur les moyens de la prolonger, sera menacée.
    Après les deux grandes guerres, «Plus jamais ça !» avait-on crié. Le réflexe de l’humanité a été de mettre en place des instances internationales de droit capables d’arbitrer les conflits et de les résoudre par les moyens pacifiques : le droit. La création de la SDN puis de l’ONU et ses organisations (le Conseil de sécurité ; l’Assemblée générale de l’Onu, la Cour internationale de justice et d’autres instruments de règlement des conflits internationaux par le droit, entre Etats), et l’imposition de la suprématie de la loi et de la justice à l’intérieur des Etats pour le règlement des conflits entre les personnes, les groupes et les Etats.
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

  • #2
    A. Dourari – Journée mondiale du vivre-ensemble en paix 2/2

    Des instruments juridiques ont été mis en place comme le droit international et des déclarations universelles, comme celle portant les droits de l’homme, la protection des femmes et des enfants… ou le principe d’égalité devant la justice et la suprématie de la loi sur tout autre considération à l’international et à l’intérieur des Etats. «Nul n’est au-dessus de la loi», «» Au niveau des instruments politiques, c’est la mise en place de modalités de gestion des sociétés par la règle démocratique ainsi que la conformation des comportements aux concepts du dialogue des cultures de respect des identités, et du respect des libertés individuelles. Cette posture doit caractériser autant les rapports dans les sociétés que ceux relatifs aux relations internationales. Il s’agit, selon cette logique du vivre-ensemble en paix, de la prépondérance du dialogue et non pas du choc des civilisations, d’esprit de tolérance et de rejet des identités recluses sur elles-mêmes se vantant de détenir la vérité absolue.
    Il s’agit aussi, en droite ligne de ce concept de vivre ensemble en paix, d’exclure les postures fanatiques et celles de l’extrémisme religieux ou identitaire meurtriers existant dans toute culture et religion, et à toute époque et privilégier les outils idéaux qui souligneraient les valeurs humanistes au profit de tous.
    Un arbre a autant besoin de ses racines que de ses branches et l’être humain, sa culture et ses représentations sont le résultat d’un processus complexe, une formation historique.

    5) L’expérience algérienne
    L’Algérie mise sous le feu d’une guerre impitoyable menée contre elle par l’islamisme salafiste terroriste a failli en faire les frais durant les années 1990 et s’en est sortie grâce à ses forces vives, son peuple, ses services de sécurité et son armée. Des souffrances, des atrocités, des mémoires troublées, des familles décimées, des espoirs tués… C’est à cette aune qu’on mesure l’importance de cette idée de «journée du vivre-ensemble en paix» qui rappellera à l’humanité ses devoirs et ses missions humanitaires envers la planète, envers les autres humains, envers les cultures… ses devoirs de construction de sociétés démocratiques respectueuses des différences politiques, culturelles et des intérêts idéels et matériels gouvernés dans le cadre de l’Etat de droit.
    L’Algérie a vécu la guerre d’indépendance violente et connu les véritables souffrances de la guerre, de la domination, de l’exploitation et du déni de liberté. Elle a aussi connu et résisté à celle plus pernicieuse de la tentative islamiste de destruction de l’Etat algérien au profit d’un projet politique. Elle en est sortie meurtrie, mais grandie et avertie.
    Aussi, la proposition de cette journée du vivre-ensemble en paix par l’Algérie, par devant l’instance onusienne, est par conséquent naturelle ; elle vient en droite ligne de son vécu ancien et récent pour que ne se répètent plus ces aventures inhumaines désastreuses.
    C’est aussi la logique sous-jacente à sa politique étrangère reposant sur la diplomatie et la discussion, loin des attitudes belliqueuses, dans une planète globalisée où l’autre bout de la terre est à bout de clic, grâce à l’accélération de la communication mondiale par l’internet et les réseaux sociaux, et où le moindre changement qui affecte un endroit de la planète aura des répercussions sur tout le reste. C’est «l’effet papillon» connu chez les météorologues.

    6) L’Algérie : le vivre-ensemble en paix chez soi
    Pour être un acteur positif dans cette configuration mondiale, l’Algérie a besoin de se constituer en acteur collectif déterminé et se doter d’un projet cohérent. En SHS, on distingue bien entre les dispositions de jure et les situations de facto. Une loi n’est intéressante que dans la mesure où elle est appliquée.
    En droit, il fallait bien régler les questions qui rongeaient le corps social et l’empêchaient d’agir de toute la force de ses membres réunis en synergie. Les questions linguistique et identitaire ont été prises à bras-le-corps dans la réforme constitutionnelle de février 2016. Yennayer, fête agraire maghrébine millénaire et l’un des symboles de l’algérianité historique, est promu fête nationale algérienne.
    Le tamazight, langue algérienne historiquement la plus ancienne d’Afrique du Nord, est reconnu aussi comme langue nationale et officielle dans toutes ses variétés à côté de la langue arabe scolaire qui a accompagné le Maghreb et l’Algérie depuis les premières dynasties amazighes d’Afrique du Nord constituées dès le VIIIe siècle après J.-C.
    Le Maghreb, dirigé par les dynasties amazighes autochtones depuis les Rostumides (VIIIe-Xe siècles après J.-C.) et jusque et y compris durant la domination turque du XVIe au XIXe siècle, ont utilisé l’arabe scolaire comme langue fonctionnelle pour gouverner, produire de la littérature et de la pensée.
    Cette langue fut une langue universelle pour la science, la philosophie et l’humanisme dans toute la Méditerranée. L’arabe algérien ou maghrébin fut aussi pendant tout ce temps-là et depuis le XIIIe siècle après J.-C., la langue parlée par la majorité de la population du Maghreb et continue à être un symbole et un instrument d’intégration nationale.
    La crise linguistique qui opposait les élites algériennes (arabisante et francisante) de manière aussi puérile qu’inutilement violente est en passe d’être dépassée. Le renforcement de l’apprentissage et la maîtrise de l’arabe scolaire est confirmé et la nécessité de la maîtrise des langues étrangères aussi.
    La grave crise qui a failli prendre avec elle l’Algérie en tant qu’Etat et peuple, causée par l’islamisme politique, provoquant tant de dégâts et de meurtrissures au peuple algérien, pourra certainement trouver son issue dans la mise en œuvre des dispositions de la Constitution de février 2016 sur la liberté de culte et de conscience et sur les libertés individuelles.
    L’affirmation du principe de dialogue des cultures ne signifie pas que chacune doit rester telle quelle dans ses frontières revendiquées ou assignées, une réforme des représentations religieuses doit absolument être entreprise de manière audacieuse par l’élite éclairée de la nation pour aboutir à la conformation du discours religieux au siècle et aux dispositions de la constitution et des principes humanistes prépondérant dans les traités et conventions internationaux.
    La réforme du système éducatif en cours, en visant méthodiquement les trois composantes du triangle pédagogique, tout en recentrant la mission de l’école sur l’acquisition des savoirs scientifiques universels, et en la dotant des principes éthiques y relatifs (notamment sur l’éducation des apprenants aux comportements citoyens et aux principes du vivre-ensemble en paix), aboutira sans doute à construire d’autres représentations de soi et des autres, à privilégier la pensée scientifique (vs mythologique), la discussion (vs. la violence), l’acceptation et la coopération de/avec l’autre (et non pas son rejet). Soit un citoyen éclairé par la raison scientifique, apaisé et ouvert.
    En somme, la refonte de la politique linguistique, culturelle et éducative (l’officialisation de tamazight, de Yennayer, la liberté du culte et de conscience, les libertés individuelles, tout autant que la relecture objective de l’histoire non sélective du temps et des acteurs), font faire à l’Algérie — Etat et société— un grand pas dans la reconnaissance de la citoyenneté.
    Citoyenneté que la France coloniale ne leur a jamais reconnue. Cette citoyenneté référera à l’algérianité tout autant plurielle qu’unie dans une dialectique qui conjugue l’un et le multiplie. La reconnaissance des différences et des spécificités des Algériens s’accompagnera de l’émergence et de la mise en valeur de leurs liens communs : c’est le noyau nommé «citoyenneté» que l’Etat de droit protègera et que les citoyens eux-mêmes protègeront pour l’intérêt de tous. Pour cela, et loin de tout angélisme, il est nécessaire de rester vigilant quant à la confusion entretenue par certains groupes entre les revendications économiques, sociales et politiques légitimes et les revendications identitaires exclusives mettant en péril le vivre-ensemble.
    Ce sont-là les fondements du vivre-ensemble en paix chez soi. L’algérianité, c’est cette appartenance à l’Algérie moderne, dont les frontières sont reconnues internationalement ; c’est cette appartenance à l’Etat algérien, représenté par un emblème national, et un gouvernement qu’une approche démocratique pourra faire évoluer pour représenter les intérêts spécifiques des citoyens algériens, devenus acteurs de leur propre destin… L’Algérianité, c’est aussi une histoire commune, plurimillénaire, une culture commune foisonnante de couleurs, des espoirs communs en un avenir meilleur et une action commune sur eux-mêmes et envers les autres, leur faisant face et s’ouvrant sur eux avec toute la force créée par l’union de tous dans la diversité.
    La citoyenneté/algérianité c’est de ne pas se confiner dans le passé et de faire face aux difficultés qui pourraient se dresser devant les facteurs du vivre ensemble. C’est le savoir-vivre ensemble en paix chez-soi, dans le concept d’algérianité et de citoyenneté, qui permet aux Algériens de s’accepter entre eux en bonne intelligence, de s’ouvrir aux autres et de contribuer à implémenter le vivre-ensemble en paix dans le monde.
    Le vivre-ensemble en paix est une revendication humaine et civilisationnelle qui a pour corollaire la modernisation des sociétés par le biais des valeurs de la citoyenneté, des droits humains et de la démocratisation institutionnelle.
    L’algérianité citoyenne est donc ce bol de salade de fruits où chaque fruit apportera sa saveur propre pour donner au final une saveur meilleure, plus riche et spécifique, dépassant les saveurs de chaque fruit tout en la retrouvant. C’est le multiculturalisme cosmopolite citoyen.

    Pr. Abderezak Dourari
    Le Soir d’Algérie
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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    • #3
      Merci benam. Très intéressant.

      Ma critique à Dourari est toujours la même ; un peu trop pragmatico-rationaliste.
      "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
      Socrate.

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