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La France condamnée à verser 6,5 millions d'euros après une interpellation violente

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  • La France condamnée à verser 6,5 millions d'euros après une interpellation violente

    Faute de témoignages concordants, la reconstitution n’avait pas permis d’établir les circonstances exactes de l’interpellation d’Abdelkader Ghedir.
    L’Europe vient d’infliger une amende record à l’Etat français, à la suite de l’interpellation d’un jeune homme en 2004 qui l’a laissé handicapé à vie.
    Près de quatorze ans de procédure pour arriver à une décision historique. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de condamner la France à verser 6,5 millions d’euros à Abdelkader Ghedir pour « traitements inhumains et dégradants », au titre du préjudice matériel et moral.

    Cet habitant du quartier de la Fontaine-Mallet, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), âgé de 35 ans, est aujourd’hui lourdement handicapé. Le 30 novembre 2004, vers 20 heures, Abdelkader Ghedir avait été interpellé par des agents de la Suge, le service de sécurité de la SNCF, qui intervenaient après des jets de pierre sur un train, dans la gare de Villeparisis-Mitry-le-Neuf (Seine-et-Marne). Ils pensaient qu’il en était l’auteur.

    « Il n’y était absolument pour rien », précise Grégory Thuan Dit Dieudonné, un de ses avocats. Selon lui, son client a subi une balayette et reçu un coup de genou à la tête une fois au sol. Le jeune homme était tombé dans le coma, alors qu’il était en garde à vue au commissariat de Mitry-Mory. Il avait été hospitalisé à l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine), où il s’était réveillé quelques semaines plus tard.

    A l’époque, les agents de la Suge avaient assuré que le jeune homme n’avait reçu aucun coup et était en bonne santé quand il avait été confié aux policiers. Des employés de la SNCF avaient manifesté par deux fois à Paris, pour soutenir leurs trois collègues, mis en examen pour violences volontaires. L’un d’eux avait été placé en détention provisoire pendant sept mois.




    Non-lieu de la justice française
    Une reconstitution sous haute surveillance avait été organisée en gare de Villeparisis-Mitry-le-Neuf en novembre 2007 : personne n’était d’accord sur le déroulé de l’interpellation. Des témoins avaient décrit un groupe composé indistinctement de policiers et d’agents de la SNCF autour d’Abdelkader Ghedir. Au final, le juge d’instruction du tribunal de Meaux avait prononcé un non-lieu, décision confirmée par la cour d’appel de Paris et par la Cour de cassation.

    Si la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie en 2012, c’est parce que la justice française n’a jamais fait le lien entre les coups portés à Abdelkader Ghedir et son état de santé actuel. L’arrêt de la CEDH, rendu le 15 février dernier, est définitif depuis le 15 mai.

    Du côté du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, on indique avoir « pris acte de l’arrêt rendu le 15 février 2018 » : « Conformément à l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’Etat va se conformer à l’arrêt définitif, notamment en versant au requérant les sommes allouées par la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la satisfaction équitable. L’exécution suit son cours (l’Etat dispose d’un délai de trois mois pour cela, à compter du 15 mai 2018). »

    «La négociation a été menée sans humanité»
    Les deux avocats d’Abdelkader Ghedir évoquent une condamnation record. « Les indemnisations versées à une personne physique par la CEDH se montent habituellement à 100 000 euros », indique Me Grégory Thuan Dit Dieudonné. Avant de détailler : « La cour avait condamné la France sur le principe en 2015. Nous devions négocier le montant de l’indemnisation avec le gouvernement. Il y a eu des propositions et des contre-propositions. L’Etat essayait de tirer vers le bas. Nous avons donc saisi à nouveau la CEDH, qui a fixé le montant. »

    Le commentaire de Me Alex Ursulet, son second avocat, qui écrit actuellement un livre sur cette affaire, est très dur : « C’est un scandale judiciaire. La négociation a été honteuse et menée sans humanité par le gouvernement. »

    Aujourd’hui, Abdelkader Ghedir — placé sous tutelle — vit entre son fauteuil roulant et son lit médicalisé, entre le domicile de ses parents et un institut. Il doit être sous surveillance 24 heures sur 24. Il ne peut rien faire seul et éprouve de grosses difficultés pour s’exprimer.
    Le Parisien
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