Maroc : droit dans le mur ?
Aujourd’hui le constat semble faire consensus : le roi a mangé son pain blanc et c’est la fin de l’état de grâce. Toutes conditions confondues, les marocains soulignent avec gravité l’échec de la phase qui semble prendre fin avec très peu de réussite. Ils ont le sentiment que le roi se dépense sans compter mais n’arrive plus à mobiliser la population autour de ses projets. Et le jugement sonne comme une fin de règne, tellement Mohamed VI a pris des risques sans filet et sans fusible. Et il est normal que cela se retourne contre sa popularité.
Or, dès son arrivée aux commandes, il était apparu comme le dernier recours face à une admi-nistration corrompue et réfractaire à tout changement : les habitants des bidonvilles en appe-laient à sa grâce, les entrepreneurs à son arbitrage, les paysans à sa protection, les étudiants à ses largesses, les intellectuels à son courage. Toute une nation pendue au cou d’un seul homme, tout frais moulu de surcroît.
A ce rythme, il est clair que la monarchie ne tiendra pas le cap de la modernisation qu’elle ne cesse d’appeler de ses vœux. Car elle n’a plus guère le choix des alliances.
Ou elle s’appuiera sur la partie éradicatrice de l’armée pour réprimer les puissants mouvements islamistes du PJD et de Yacine. Et par la suite de sombrer vers les modèles algérien ou tunisien, c’est-à-dire dans la répression généralisée et la limitation drastique des libertés. Ou alors elle devra s’appuyer sur une partie de l’armée et faire alliance avec une partie des islamistes. Et dans ce cas comme dans l’autre, la démocratie sera renvoyée aux calendes grecques. Mais il est clair que cette option ne pourrait s’accommoder de la présence à la tête de l’Etat de Mohamed VI, et celui-ci ne semble pas en mesure, en l’état actuel, d’emprunter cette voie.
Car il faut bien l’avouer, hormis ces deux possibilités, il n’y a pas d’autres solutions crédibles et immédiates. La monarchie a fini par enterrer les formations politiques traditionnelles que l’on qualifiait de « nationalistes » (de droite ou de gauche par ailleurs). Déjà Hassan II les avaient minées en les réprimant sauvagement ou en leur donnant le baiser de la mort. Et l’on peut aujourd’hui affirmer que le nationalisme est mort de sa plus belle mort, incapable qu’il fut d’allier modernité et Islam, démocratie et développement, liberté et responsabilité.
Et de ce fait, la nouvelle polarisation sera plus brutale et il coulera beaucoup d’eau dans l’Oued Abou Regreg avant qu’un consensus démocratique ne vienne apaiser la scène politi-que marocaine. L’affrontement se fera entre les « modernistes » et les fondamentalistes. Il faut d’emblée souligner que la notion de « moderniste » est des plus floues tant elle couvre des réalités disparates. On peut seulement indiquer un trait commun entre tous ceux qui se ré-clament de la modernité : leur refus de laisser les islamistes accéder aux commandes du pays. Parmi eux, il y a ces généraux corrompus et ces grands affairistes qui tiennent à conserver leurs privilèges indûment acquis. Il y a aussi cette bourgeoisie francophone totalement décon-nectée de la réalité marocaine et qui prendra ses cliques et ses claques à la moindre aggrava-tion de la situation pour s’en aller fructifier ses talents ailleurs. Il y a encore ceux que l’on dé-nomme péjorativement « droits de l’hommistes ». Et enfin les très nombreux acteurs de la so-ciété civile... si dispersés !
Les modernistes n’ont ni partis politiques (hormis les sortants et déjà si déconsidérés). Ils n’ont pas non plus de syndicats puissants, ni des réseaux d’associations ancrées dans le terrain, ni même des réseaux d’élus locaux enracinés dans leur terroir. Pour l’heure, comme puissance active, ils n’ont que le roi et une partie de l’administration et de l’armée. Certes du solide mais d’un poids électoral hypothétique…
Les fondamentalistes, eux, s’accrochent à des postures d’opposition franche, « modérée » ou radicale, afin d’apparaître, le moment venu, comme la seule alternance possible, en cas de dé-ception. Et déception il y a, bien sûr. Et la déception semble si grande que la radicalité gagne chaque jour du terrain, en proportion à l’état de paupérisation avancée de la population. Nul besoin de trop épiloguer sur cette question, il suffit de garder à l’esprit que la moitié des ma-rocains vivent en dessous du seuil de pauvreté, et que l’analphabétisme et la corruption met-tent le pays au banc des nations.
Face aux islamistes qui frappent aux portes du pouvoir et qui en réclament ostensiblement les clés, les « modernistes » semblent s’aveugler à l’instar de leurs voisins algériens par un passé si présent encore. Mais avec, en moins, cette manne pétrolière si nécessaire pour entretenir une armée de répression. Par ci par là, l’on entend des « démocrates » presser le roi d’agir comme Hassan II en son temps : à savoir décider du sort des élections en dehors des urnes. Ne serait-ce pas là une attitude suicidaire ? Les gouvernants pourraient-ils indéfiniment refouler les choix de la population ? Et la population s’y résignera-t-elle ? Et en quoi cela serait-il dif-férent de cette « démocratie hassanienne » que pérorait ridiculement un ancien ministre de l’intérieur ?
Et quand bien même réussira-t-on à passer en force, ce ne serait que pour maintenir en poste ceux-là même qui mènent le pays à la catastrophe. Et dans ce cas, combien de jeunes se jette-ront-ils dans les bras des islamistes, et combien d’islamistes emprunteront-ils les voies des ra-dicalismes ?
A vrai dire, à moins de vouloir intentionnellement aller droit au mur, il ne semble guère de choix possible à part le franc jeu de la démocratie. Quitte à livrer les commandes aux islamis-tes afin de les mettre à l’épreuve, afin de les obliger à clarifier leur programme, afin de dé-montrer à la population que, pas plus que le nationalisme aujourd’hui moribond, l’islamisme n’est une solution aux maux des populations. Car l’un et l’autre ont été et sont toujours inca-pables de s’inscrire dans les temps modernes que nous traversons parce que leurs principales valeurs s’opposent frontalement à l’émancipation des individus.
Aujourd’hui le constat semble faire consensus : le roi a mangé son pain blanc et c’est la fin de l’état de grâce. Toutes conditions confondues, les marocains soulignent avec gravité l’échec de la phase qui semble prendre fin avec très peu de réussite. Ils ont le sentiment que le roi se dépense sans compter mais n’arrive plus à mobiliser la population autour de ses projets. Et le jugement sonne comme une fin de règne, tellement Mohamed VI a pris des risques sans filet et sans fusible. Et il est normal que cela se retourne contre sa popularité.
Or, dès son arrivée aux commandes, il était apparu comme le dernier recours face à une admi-nistration corrompue et réfractaire à tout changement : les habitants des bidonvilles en appe-laient à sa grâce, les entrepreneurs à son arbitrage, les paysans à sa protection, les étudiants à ses largesses, les intellectuels à son courage. Toute une nation pendue au cou d’un seul homme, tout frais moulu de surcroît.
A ce rythme, il est clair que la monarchie ne tiendra pas le cap de la modernisation qu’elle ne cesse d’appeler de ses vœux. Car elle n’a plus guère le choix des alliances.
Ou elle s’appuiera sur la partie éradicatrice de l’armée pour réprimer les puissants mouvements islamistes du PJD et de Yacine. Et par la suite de sombrer vers les modèles algérien ou tunisien, c’est-à-dire dans la répression généralisée et la limitation drastique des libertés. Ou alors elle devra s’appuyer sur une partie de l’armée et faire alliance avec une partie des islamistes. Et dans ce cas comme dans l’autre, la démocratie sera renvoyée aux calendes grecques. Mais il est clair que cette option ne pourrait s’accommoder de la présence à la tête de l’Etat de Mohamed VI, et celui-ci ne semble pas en mesure, en l’état actuel, d’emprunter cette voie.
Car il faut bien l’avouer, hormis ces deux possibilités, il n’y a pas d’autres solutions crédibles et immédiates. La monarchie a fini par enterrer les formations politiques traditionnelles que l’on qualifiait de « nationalistes » (de droite ou de gauche par ailleurs). Déjà Hassan II les avaient minées en les réprimant sauvagement ou en leur donnant le baiser de la mort. Et l’on peut aujourd’hui affirmer que le nationalisme est mort de sa plus belle mort, incapable qu’il fut d’allier modernité et Islam, démocratie et développement, liberté et responsabilité.
Et de ce fait, la nouvelle polarisation sera plus brutale et il coulera beaucoup d’eau dans l’Oued Abou Regreg avant qu’un consensus démocratique ne vienne apaiser la scène politi-que marocaine. L’affrontement se fera entre les « modernistes » et les fondamentalistes. Il faut d’emblée souligner que la notion de « moderniste » est des plus floues tant elle couvre des réalités disparates. On peut seulement indiquer un trait commun entre tous ceux qui se ré-clament de la modernité : leur refus de laisser les islamistes accéder aux commandes du pays. Parmi eux, il y a ces généraux corrompus et ces grands affairistes qui tiennent à conserver leurs privilèges indûment acquis. Il y a aussi cette bourgeoisie francophone totalement décon-nectée de la réalité marocaine et qui prendra ses cliques et ses claques à la moindre aggrava-tion de la situation pour s’en aller fructifier ses talents ailleurs. Il y a encore ceux que l’on dé-nomme péjorativement « droits de l’hommistes ». Et enfin les très nombreux acteurs de la so-ciété civile... si dispersés !
Les modernistes n’ont ni partis politiques (hormis les sortants et déjà si déconsidérés). Ils n’ont pas non plus de syndicats puissants, ni des réseaux d’associations ancrées dans le terrain, ni même des réseaux d’élus locaux enracinés dans leur terroir. Pour l’heure, comme puissance active, ils n’ont que le roi et une partie de l’administration et de l’armée. Certes du solide mais d’un poids électoral hypothétique…
Les fondamentalistes, eux, s’accrochent à des postures d’opposition franche, « modérée » ou radicale, afin d’apparaître, le moment venu, comme la seule alternance possible, en cas de dé-ception. Et déception il y a, bien sûr. Et la déception semble si grande que la radicalité gagne chaque jour du terrain, en proportion à l’état de paupérisation avancée de la population. Nul besoin de trop épiloguer sur cette question, il suffit de garder à l’esprit que la moitié des ma-rocains vivent en dessous du seuil de pauvreté, et que l’analphabétisme et la corruption met-tent le pays au banc des nations.
Face aux islamistes qui frappent aux portes du pouvoir et qui en réclament ostensiblement les clés, les « modernistes » semblent s’aveugler à l’instar de leurs voisins algériens par un passé si présent encore. Mais avec, en moins, cette manne pétrolière si nécessaire pour entretenir une armée de répression. Par ci par là, l’on entend des « démocrates » presser le roi d’agir comme Hassan II en son temps : à savoir décider du sort des élections en dehors des urnes. Ne serait-ce pas là une attitude suicidaire ? Les gouvernants pourraient-ils indéfiniment refouler les choix de la population ? Et la population s’y résignera-t-elle ? Et en quoi cela serait-il dif-férent de cette « démocratie hassanienne » que pérorait ridiculement un ancien ministre de l’intérieur ?
Et quand bien même réussira-t-on à passer en force, ce ne serait que pour maintenir en poste ceux-là même qui mènent le pays à la catastrophe. Et dans ce cas, combien de jeunes se jette-ront-ils dans les bras des islamistes, et combien d’islamistes emprunteront-ils les voies des ra-dicalismes ?
A vrai dire, à moins de vouloir intentionnellement aller droit au mur, il ne semble guère de choix possible à part le franc jeu de la démocratie. Quitte à livrer les commandes aux islamis-tes afin de les mettre à l’épreuve, afin de les obliger à clarifier leur programme, afin de dé-montrer à la population que, pas plus que le nationalisme aujourd’hui moribond, l’islamisme n’est une solution aux maux des populations. Car l’un et l’autre ont été et sont toujours inca-pables de s’inscrire dans les temps modernes que nous traversons parce que leurs principales valeurs s’opposent frontalement à l’émancipation des individus.
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