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Le populisme italien menace-t-il la stabilité de la zone euro ?

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  • Le populisme italien menace-t-il la stabilité de la zone euro ?

    Alors que la zone euro venait de renouer avec une croissance économique relativement dynamique (+2,5 %), le nouveau gouvernement italien fait-il peser une menace sérieuse sur la stabilité de la zone euro ?

    L’Europe est soumise à rude épreuve depuis 2008. Après avoir essuyé la crise des dettes souveraines qui a particulièrement affecté l’Irlande, l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Italie, l’Union européenne se retrouve face à la montée des populismes. Ceux-ci portent au pouvoir des mouvements très critiques vis-à-vis de son fonctionnement et de la zone euro : en 2015, Tsipras arrive au pouvoir en Grèce, en 2016 le Royaume-Uni se prononce en faveur du Brexit, en 2017 la France voit, au dernier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron faire face à Marine Le Pen…

    Nouvel épisode dans cette série anti-européenne : en Italie vient d’être nommé un gouvernement issu d’une coalition improbable entre la gauche anti-système (Mouvement 5 étoiles, en italien Movimento 5 Stelle) et l’extrême droite (Ligue du Nord, Lega Nord per l’indipendenza della Padania), avec en prime comme ministre des Affaires européennes Paolo Savona, un anti-Européen convaincu. Alors que la zone euro venait de renouer avec une croissance économique relativement dynamique (+2,5 %), le nouveau gouvernement italien fait-il peser une menace sérieuse sur la stabilité de la zone euro ?

    L’ÉCHEC DE TSIPRAS N’A PAS SERVI DE LEÇON AUX POPULISTES DE TOUT POIL

    Apparemment l’échec de Tsipras dans sa tentative de défier les règles de l’Euro n’a pas découragé les Italiens. En portant au pouvoir la coalition du Movimento Cinque Stelle (M5S) et la Ligue du Nord, l’Italie semble à son tour déterminée à ne pas vivre sous le diktat de la zone euro.

    Il est important de garder à l’esprit que l’Italie a toujours fait partie des pays les plus eurosceptiques. Aujourd’hui, même s’ils sont en majorité favorables à l’euro, 33 % des Italiens interrogés sont contre, et 11 % ne savent pas quoi en penser, selon le dernier sondage Eurobarometer. Soit la proportion la plus élevée d’Europe… La majorité des Italiens pense que les intérêts de l’Italie ne sont pas pris en compte au niveau européen, et ce principalement sur le dossier de la crise migratoire – 80 % d’entre eux sont en désaccord avec la manière dont l’Europe a géré la question des réfugiés.

    En outre, près de 40 % des Italiens estiment que l’Italie aurait plutôt mieux réussi en dehors de l’Europe, sachant que 19 % d’entre eux n’ont pas d’opinion sur la question. Enfin seuls 54 % des Italiens se sentent Européens, pourcentage le plus faible d’Europe après la Grèce. Toufefois, même s’ils ont en commun le populisme, symptomatique d’une crise de la confiance dans le projet européen, les cas de l’Italie et de la Grèce sont différents. La situation de nos voisins transalpins est à certains égards la plus inquiétante parce qu’elle s’est mise en place malgré l’épisode grec, et parce que l’Italie est la 3e économie de la zone euro.

    LE COÛT DU POPULISME AU POUVOIR

    Si le nouveau gouvernement populiste met en œuvre ses propositions – revenu universel, retour en arrière sur le régime des retraites et impôt sur le revenu basé sur une flat-tax (un taux d’imposition unique pour tous les Italiens) – les finances publiques vont se détériorer alors même que l’Italie vient de renouer avec des déficits publics inférieurs à 3 %, conformément au pacte de stabilité. Or l’Italie traîne une dette publique proche ou supérieure à 100 % du PIB depuis presque 30 ans (elle s’élevait en 2017 à 131,5 % du PIB). Toute augmentation des déficits risque de l’aggraver.

    Évidemment, la conviction de ce nouveau gouvernement est que sa politique est la bonne pour stimuler la croissance économique : les déficits devraient donc être compensés par une croissance économique plus élevée. En dehors de tout jugement de valeur quant à l’efficacité de telles mesures sur la croissance, le risque principal déjà avéré pour l’État italien est de devoir s’endetter à des taux plus élevés. En effet, l’offre de titres d’État italien supplémentaires intervient à un moment où la Banque centrale européenne (BCE) a réduit le montant de ses acquisitions, et les titres sont principalement détenus par les investisseurs nationaux dont la capacité d’absorption est, par définition, limitée. L’État italien risque de devoir proposer des taux plus attractifs pour être certain que ces nouvelles émissions soient totalement souscrites.

    Le rejet par le président Sergio Materrella du premier gouvernement formé par Giuseppe Conti, le 27 mai dernier, avait conduit à une forte augmentation du rendement des titres italiens, surtout à court terme. En quelques semaines le rendement des titres d’État à 2 ans est passé d’un taux négatif de -0,27 % à un taux proche de 2,72 % le mardi 29 mai, tandis que le rendement à 10 ans est passé de 2,4 % à 3,39 % dans le même temps alors que ceux de la France sont restés relativement stables autour de respectivement – 0,50 % à 2 ans et 0,70 % à 10 ans.

    LA TRAGÉDIE GRECQUE REJOUÉE À L’ITALIENNE ?

    Si la méfiance des investisseurs se confirme dans les mois à venir, le coût de la dette risque donc de se renchérir d’autant. Ce renchérissement pourrait avoir un effet boule de neige sur l’endettement de l’Italie, qui avoisine les 132 %. En cas d’accélération de la détérioration, l’Italie pourrait se retrouver en défaut de paiement.

    Seul facteur qui peut tempérer cette remontée des taux : la dette italienne est majoritairement détenue par des investisseurs nationaux. En d’autres termes, le risque se reportera sur les détenteurs de la dette, qui sont majoritairement des banques. Mais cette situation n’augure rien de bon sachant que les banques italiennes sont déjà fragiles.

    Malheureusement, étant donné le timing, l’Italie ne pourra guère compter sur la BCE. En effet, la politique d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) est plutôt dans une phase de décélération. Si elle continue à réinvestir le produit des titres arrivés à échéance, la BCE achète moins de titres qu’il y a quelques mois. Et en cas d’aggravation de la situation, elle ne serait pas davantage une alliée. En effet, en cas de crise de défiance envers la dette italienne, la BCE pourra difficilement recourir à sa procédure de dernier ressort appelée OMT (Outright Monetary Transactions). Adoptée en 2012, celle-ci consiste à acheter de façon illimitée les obligations souveraines d’un État dont la dette souveraine est attaquée. En échange, la BCE demande au pays auquel elle vient en aide une série de mesures de restrictions budgétaires. Or celles-ci iraient à l’encontre des principes même qui ont porté au pouvoir la coalition M5S-Ligue du Nord.

    L’Italie se retrouverait donc dans un scénario à la grecque, où elle ne pourrait plus aller se financer sur les marchés et devrait décider de son avenir au sein de la zone euro. On a vu où cela a conduit le gouvernement Tsipras qui, ne voulant pas provoquer la sortie de son pays de la zone euro, a finalement appliqué la politique économique qu’il combattait lorsqu’il a été élu.

    L’ADHÉSION À L’EURO REMISE EN CAUSE ?

    Tout cela n’augure rien de bon. Nous sommes en train de rejouer l’épisode grec avec la troisième économie de la zone euro. Si le gouvernement de la coalition tient (il ne faut pas oublier que l’Italie a eu 65 gouvernements en 70 ans) et persiste dans l’application de son programme, il mettra le pays en porte à faux avec le pacte de stabilité.

    The ConversationLes discussions au sein de la zone euro risquent de devenir plus âpres : si l’adhésion de l’Italie à l’Euro devait se retrouver dans la balance, c’est la stabilité de la zone qui serait menacée. Le pouvoir de négociation sera peut-être moins clairement en faveur des pays du Nord, et le risque d’implosion serait plus élevé que dans l’épisode grec, en raison du poids de l’économie italienne…**

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