Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L’immunothérapie est-elle en voie de supplanter la chimiothérapie?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L’immunothérapie est-elle en voie de supplanter la chimiothérapie?

    L’immunothérapie, qui fait appel aux forces vives de notre système immunitaire, remporte de francs succès dans la lutte contre le cancer. Serait-elle en voie de supplanter, voire d’éliminer définitivement, la chimiothérapie, qui a tant mauvaise presse ? Rien n’est moins sûr. Les traitements anticancéreux de l’avenir combineront chimiothérapie et immunothérapie. Reste à déterminer les combinaisons gagnantes…

    L’immunothérapie du cancer a plus que jamais le vent dans les voiles. Elle se décline désormais sous différentes approches. La greffe de moelle osseuse, qui est la première immunothérapie à avoir fait ses preuves, demeure le traitement par excellence pour de nombreuses leucémies. Depuis cinq ans, des anticorps synthétiques qui bloquent les freins que les lymphocytes T du système immunitaire s’imposent s’avèrent efficaces pour éliminer certains mélanomes et cancers du poumon, et pour cette raison sont remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

    L’immunothérapie cellulaire, qui consiste à stimuler les lymphocytes T qui infiltrent les tumeurs cancéreuses afin d’améliorer leur force de frappe, donne des résultats très encourageants. « Un patient atteint d’un cancer de la peau métastatique sur deux répond bien à cette thérapie qui guérit complètement un patient sur cinq », précise le Dr Simon Turcotte, chirurgien oncologue et chercheur en immunologie du cancer au CHUM.

    De tels succès annoncent-ils la fin de la chimiothérapie ?

    Cette semaine, le Centre de recherche du CHUM annonçait le lancement d’une étude clinique visant à éprouver une nouvelle technique d’immunothérapie cellulaire faisant appel à un appareil appelé « trieur cellulaire », qui sélectionne les lymphocytes T les mieux armés pour combattre les tumeurs cancéreuses. Des patients atteints d’un mélanome métastatique qui ne répondent pas aux traitements classiques seront invités à participer à cette étude. Et « une fois que nous aurons fait la preuve de concept avec le mélanome, nous effectuerons une étude similaire avec des patients atteints du cancer du côlon et peut-être du cancer du pancréas », affirme le Dr Simon Turcotte, qui est un des responsables de cet essai clinique.

    « Comme scientifique, c’est toujours tentant de parler de révolution, d’affirmer qu’une approche va supplanter l’autre. Ce n’est pas encore le cas, dans le sens où la chimiothérapie va encore demeurer longtemps la pierre angulaire pour la majorité des cancers. L’immunothérapie peut probablement remplacer des chimiothérapies inefficaces, comme pour les cancers de la peau, par exemple. Mais on obtiendra probablement une efficacité encore plus grande avec des combinaisons de thérapies où on associera une chimiothérapie ciblée qui visera certains signaux anormaux dans les cellules cancéreuses à une immunothérapie », croit le Dr Jean-Sébastien Delisle, hématologue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR). « Le grand défi maintenant sera de chercher une synergie entre les différentes approches. On ne peut pas tenter de combiner au hasard. Il faudra se baser sur ce qui a du sens scientifiquement. Et il faudra tester ces combinaisons dans le cadre d’études cliniques. »

    « L’avenir est plutôt dans une utilisation judicieuse de la chimiothérapie combinée à l’immunothérapie. L’avenir est vraiment dans les combinaisons », ajoute le Dr Simon Turcotte, avant de rappeler qu’on a découvert il y a quelques années que plusieurs types de chimiothérapie [les anthracyclines et les sels de platine, par exemple] stimulent le système immunitaire.

    « Tout le monde a peur de la chimiothérapie. Au congrès annuel de l’Association américaine d’oncologie clinique (ASCO), la fin de semaine dernière, plusieurs femmes atteintes d’un cancer du sein ont affirmé ne tirer aucun bénéfice des chimiothérapies. En réalité, la chimio, quand elle est utilisée de façon judicieuse, est bien tolérée par la majorité des patients et va même les aider. C’est important de rééquilibrer le message pour qu’il y ait moins d’appréhension et de militer plutôt pour une utilisation judicieuse de la chimiothérapie, notamment en sélectionnant les patients qui en auraient vraiment besoin plutôt que de la donner à tous les patients sans distinction comme on le faisait dans les années 1990. Plusieurs études sont actuellement menées en cancer du sein pour déterminer si on peut réduire la durée de la chimiothérapie ou éviter de la donner au sous-groupe de patientes qui sont moins susceptibles d’avoir une récidive de leur cancer », fait valoir le Dr Turcotte.

    Plusieurs études en cours visent à découvrir les signes qui permettraient de prédire si un cancer sera susceptible de bien répondre à l’immunothérapie. « Un patient qui a un cancer qui est très bien reconnu par le système immunitaire n’aura probablement pas besoin de chimiothérapie. Par exemple, un sous-groupe de patients atteints d’un cancer de la peau qui répond aux inhibiteurs des points de contrôle de façon spectaculaire n’aura jamais besoin d’autres formes de thérapie », souligne-t-il.

    Cancers sensibles à l’immunothérapie

    Deux facteurs sont déterminants dans la sensibilité d’un cancer à l’immunothérapie : la quantité de mutations dans les cellules cancéreuses et les caractéristiques du micro-environnement tumoral.

    Le cancer de la peau est le cancer qui répond le mieux à toutes les formes d’immunothérapie. « C’est le cancer qui est le mieux reconnu par le système immunitaire, entre autres parce que ce sont les rayons ultraviolets qui le causent et qui génèrent des milliers de mutations dans le génome des cellules de ces tumeurs », précise le Dr Turcotte. Les protéines produites par ces cellules mutées sont altérées et donc reconnues comme étrangères par le système immunitaire. « On a établi une bonne corrélation entre le nombre de mutations dans une tumeur et la capacité de mobiliser une réponse immunitaire significative contre celui-ci », indique le Dr Delisle.

    « Les cancers du poumon de fumeurs qui comportent de nombreuses mutations sont aussi plus vulnérables à l’immunothérapie que les cancers du poumon de non-fumeurs. Mais la charge de mutations n’explique pas tout, car le cancer du rein est aussi assez sensible à l’immunothérapie, alors qu’il n’est pas plus muté que les autres cancers. On pense que le cancer du rein est plus sensible en raison de son micro-environnement qui est un milieu inflammatoire. Si vous tentez de vous attaquer à un cancer qui est très peu inflammatoire, très peu infiltré par des cellules immunitaires, il n’y aura rien à ressusciter, ça ne marchera pas. Il y a certains cancers qui sont plus hermétiques et qui ne se laissent pas infiltrer par les cellules immunitaires. Or, Il faut que les cellules immunitaires soient capables d’atteindre le cancer pour faire leur travail. »

    « Il faut qu’il y ait une ébauche de réponse immunitaire dans la tumeur pour que l’immunothérapie fonctionne. Si le cancer a complètement échappé au système immunitaire, il n’y aura aucune forme d’immunothérapie qui pourra fonctionner. Il n’y aura aucun lymphocyte T à potentialiser », explique le Dr Turcotte.

    DIFFÉRENTES FORMES D'IMMUNOTHÉRAPIE
    La greffe de moelle osseuse


    On procède à un prélèvement de moelle osseuse chez un donneur. On isole les cellules souches hématopoïétiques qui sont présentes dans celle-ci. Ces cellules souches qui fabriquent tous les types de cellules sanguines et immunitaires sont injectées au malade atteint d’une leucémie, à qui on a administré au préalable une chimiothérapie afin d’éliminer un maximum de cellules cancéreuses et d’assommer son système immunitaire. « Les cellules souches hématopoïétiques remplaceront les systèmes sanguin et immunitaire du receveur par celui-ci du donneur. Le système immunitaire du donneur se retrouve dans un organisme qu’il reconnaît comme étranger et il provoque alors un rejet des cellules leucémiques. Malheureusement, ce rejet peut s’étendre à d’autres organes. Il faut donc bien contrôler cette réaction immunitaire en donnant des immunosuppresseurs pendant plusieurs mois », précise le Dr Jean-Sébastien Delisle, hématologue à l’HMR.


    Les inhibiteurs de points de contrôle


    Ce sont des anticorps fabriqués en laboratoire et qui bloquent les freins — appelés points de contrôle — que les lymphocytes T du système immunitaire expriment à leur surface pour contrôler leur activité. « Si l’activation des lymphocytes T se faisait sans aucun contrôle, ce serait dangereux pour la cellule elle-même, car elle pourrait s’épuiser, et dangereux aussi pour l’organisme d’être soumis à une réaction immunitaire non contrôlée », explique le Dr Delisle. En se liant à ces freins (appelés **-1 et CTLA-4) présents sur les lymtphocytes T, les anticorps réactivent ces combattants du système immunitaire qui s’étaient en quelque sorte endormis.


    Certains cancers hématologiques, dont particulièrement le lymphome de Hodgkin, ainsi que le mélanome et certains cancers du poumon répondent bien à cette forme d’immunothérapie.


    L’immunothérapie cellulaire


    La technique actuelle d’immunothérapie par transfusion de cellulaires immunitaires consiste à prélever les lymphocytes T qui ont infiltré une métastase d’un cancer solide (par opposition aux cancers liquides ou sanguins) et à les multiplier en laboratoire avant de les ré-infuser au patient.


    Cette technique n’a fait ses preuves que sur des cancers solides, tels que des cancers de la peau.


    Le CRCHUM lancera d’ici un an et demi une étude clinique visant à éprouver une version améliorée de cette technique. « La première génération de cette technique ne comportait aucune sélection parmi les lymphocytes T puisés dans la tumeur. On réinjectait au patient tout ce qui provenait de la tumeur. Ça fonctionnait dans certains cas, mais l’efficacité était sous-optimale. Entre-temps, nous avons compris que seulement un petit pourcentage de lymphocytes T présents dans la tumeur reconnaissent les antigènes de la tumeur et s’y attaquent vraiment », explique le Dr Simon Turcotte, coresponsable de l’étude clinique. « Le trieur cellulaire que le CRCHUM vient d’acquérir permettra de sélectionner la petite fraction de lymphocytes T qui sont réellement antitumoraux. En général, on réussit à en sélectionner environ 500 000 à partir d’une métastase d’au moins un à deux centimètres. On les fait ensuite proliférer dans un incubateur pour en produire plus d’un milliard. Et on les infuse au patient. »


    « Avant de procéder à la transfusion de cette préparation cellulaire, on administre au patient une chimiothérapie dans le but de diminuer ses défenses immunitaires et ainsi de donner toute la place aux lymphocytes T antitumoraux que l’on a sélectionnés. »


    Vaccins antitumoraux


    On développe des vaccins qui induisent la formation d’anticorps contre des antigènes présents sur les cellules cancéreuses tumorales, qui ont été découverts comme étant une bonne cible pour le système immunitaire.


    La thérapie cellulaire modifiée, ou CAR T-cell (Chimeric Antigen Receptor T-cell)


    On prélève des lymphocytes T circulant dans le sang du patient. En laboratoire, on insère à la surface de ces lymphocytes un récepteur artificiel capable de reconnaître un antigène qui est présent et abondant à la surface des cellules cancéreuses, mais qui est différent de celui que reconnaît le récepteur naturel des lymphocytes T. « Ce récepteur antigénique chimérique (CAR) est couplé à la machinerie de signalisation du récepteur classique du lymphocyte T. Alors, quand ce CAR reconnaît l’antigène spécifique qui lui correspond, le lymphocyte T réagit comme s’il venait de reconnaître la tumeur par son récepteur classique », explique le Dr Delisle. Finalement, on injecte ces lymphocytes T modifiés au patient.


    La thérapie par CAR T-cell est particulièrement efficace pour traiter des cancers liquides, comme certains lymphomes et leucémies.

    le Devoir
Chargement...
X