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L’affaire cocaïne, des répliques et des conséquences Les bras armés du président Bouteflika ébranlés

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  • L’affaire cocaïne, des répliques et des conséquences Les bras armés du président Bouteflika ébranlés

    L’affaire de l’interception par les services de sécurité appartenant à l’armée et à la gendarmerie nationale, au niveau du port d’Oran, de 701 kilogrammes de cocaïne dans des containers provenant du Brésil éclabousse le régime de Bouteflika en mettant en branle essentiellement deux institutions, celles de la police et de la justice, qui ont constitué jusque-là ses bras armés.
    Au-delà de l’implication de l’importateur véreux, Kamel Chikhi, dit El Boucher, des hauts responsables au niveau du ministère de la Justice - dont le ministre lui-même et plusieurs juges,- et au niveau de la police sont cités. Et une première tête vient de tomber en la personne du général major Abdelghani Hamel, le directeur général de la police (DGSN), qui a été limogé de son poste mardi 26 juin, par un décret présidentiel et remplacé par le directeur général de la protection civile, le colonel Mustapha Lehbiri (78 ans).
    À moins d’un an d’une élection présidentielle, qui demeure incertaine malgré la volonté du régime d’offrir un cinquième mandat au Président Bouteflika, deux institutions que ce dernier s’est attelé depuis son accession en 1999 au pouvoir à en faire son bras armé sont ébranlées à la suite de l’affaire dite de cocaïne. La justice et la police, dirigées jusque-là par des proches des Bouteflika et qui sont originaires du même village, Nedroma, d’où ils sont recrutés pas moins de quatorze ministres, dont celui de justice, et nombre important de responsables.
    Le limogeage du général major Abdelghani Hamel de la tête de la police n’est que la conséquence de l’état de pourrissement dans laquelle se trouve l’institution policière et la tentative de préserver la cohésion de la famille, au sens maffieux du terme, en le sacrifiant à l’aune des rebondissements dans l’affaire cocaïne et se voulant aussi un signal à rassurer et pour atténuer les inquiétudes soulevées par des capitales occidentales par rapport au caractère gravissime de cette affaire.
    Faire de la police un instrument de répression au service du seul pouvoir et de la justice une machine à broyer toute voix récalcitrante a un prix à payer, la mafia génère de la mafia dont les tentacules sont plus profondes. Car il ne s’agit plus de flics ripoux ou de juges corrompus, c’est systémique à un régime qui s’est illustré par la prédation et de la forfaiture. Et il a fait des policiers et des juges des mercenaires. À cet effet, le trafic de drogue devient un moyen d’enrichissement, de financement, de l’entretien des réseaux et d’élargissement de la base de la clientèle. Le sentiment d’impunité et d’être intouchable, pour avoir accompli la sale besogne au profit du pouvoir, aiguisent plus les appétits.
    On se souvient de l’inspecteur de police, Farid Lehbib, celui qui avait arrêté en 2003 Mohamed Benchicou, alors directeur du journal Le Matin, à l’aéroport d’Alger puis convoqué à la barre en 2004 comme témoin à charge. Cité par Le Matin en 2001 dans un reportage ayant trait aux événements du printemps noir, il avait été d’abord muté de la sûreté de daïra d’Akbou, wilaya de Bejaia, à l’aéroport d’Alger, à la police des frontières. Mais quelques années après, il fut arrêté et jugé pour trafic de documents à l’aéroport et il a écopé de sept ans de prison.
    Messaoud Zaine, promu en 2003 à la têté de la police judiciaire d’Alger pour avoir dissimulé l’implication de Soraya Hamiani, copine du Président de la République, pour « vol et recel de vol » dans l’affaire dite de “La Baigneuse”, la statue de la femme nue dans le bassin du Jardin d’Essai d’El Hamma, fut condamné en 2007 à dix ans de prison pour trafic de drogue. Il n’était qu’un inspecteur de police à Hussein Dey quand il y avait eu le vol de la statue et qui a été retrouvé plus tard dans le jardin de la villa de Soraya Hamiani. Le Président de la République qui aurait intervenu en personne pour la protéger, alors qu’un ingénieur vétérinaire avait été incarcéré injustement pendant 5 mois à cause de la disparition de la statue. C’est la télévision officielle qui avait annoncé la promotion du policier en montrant Ali Tounsi, l’ancien DGSN assassiné dans son bureau en 2010 par un de ses proches, aussi responsable d’une unité de la police, et Yazid Zerhouni, l’ancien ministre de l’intérieur et ami de Bouteflika, le féliciter après avoir trouvé la statue.
    Ne faisant pas trop confiance à l’armée, Yazid Zerhouni était l’architecte de cette police exclusivement répressive et on parlait même d’une police Makhzen, une police parallèle qui opérait en dehors de toute légalité, surveillait les imprimeries et les librairies pour traquer des livres et leurs lecteurs, comme celui de Mohamed Benchicou, « Bouteflika, une imposture algérienne », et pourtant autorisé à l’édition.
    La première manifestation pacifique réprimée avec une férocité inouïe inaugurant l’ère Bouteflika est celle des travailleurs d’Asmidal d’Annaba le 19 mai 1999. Et depuis le droit à la manifestation est hypothéqué et toute manifestation est systématiquement réprimée : celle de Staoueli pour dénoncer la campagne anti-couples en passant par celles du printemps noir et ses 128 jeunes assassinés par les balles de gendarmes jusqu’à celles des chômeurs, des patriotes et des gardes communaux, des habitants du sud contre l’exploitation du gaz de schiste, des enseignants vacataires et tout dernièrement les manifestations des médecins résidents.
    Cette même police, comme les procureurs, qui refusent de prendre les plaintes des femmes agressées et violentées, continuent à traquer, avec le concours du ministère des affaires religieuses, les jeunes pour leurs opinions sur les réseaux sociaux. Dès lors qu’on a décidé de faire de la police et de la justice des instruments de répression au service du pouvoir et à protéger les prédateurs, elles se sont exclues et situées de fait en dehors des institutions républicaines. Il n’y a pas lieu donc à s’étonner de leur état de déliquescence et du pourrissement : les pratiques mafieuses sont à ces institutions comme le bébé de Frankenstein est au monstre.

    Youcef Rezzoug- le Matin d'Algérie -
    Dernière modification par ACAPULCO, 30 juin 2018, 10h34.
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)
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