Pour profiter du boom de la demande de compétences en Afrique, le royaume chérifien est devenu le terrain de jeu des écoles d’ingénieurs françaises.
Automobile, aéronautique, énergies renouvelables… Les besoins du Maroc en ingénieurs pour accompagner la croissance de l’industrie vont décupler dans les années à venir. Une tendance qui n’a pas échappé aux grandes écoles françaises.
Trois écoles d’ingénieurs, notamment Centrale, installée à Casablanca depuis 2015, et l’Insa EuroMéditerranée, implanté à Fès la même année, ont tenté l’aventure.
Quatre écoles de commerce ont aussi traversé la Méditerranée.
Et bientôt peut-être, l’École nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam), qui travaille sur un projet de campus à Casablanca. "Ces établissements comptent près de 800 élèves ingénieurs.
D’ici trois à cinq ans, on en totalisera plus de 4 000", pronostique Christophe de Beauvais, attaché de coopération scientifique et universitaire à l’ambassade de France au Maroc. L’École d’ingénieurs en génie des systèmes industriels (Eigsi) de La Rochelle a joué le rôle de précurseur puisqu’elle s’est installée à Casablanca dès 2006.
"C’était un sacré pari à l’époque", lance Sylvain Orsat, son directeur général.
L’école a été aussi la première à obtenir l’habilitation de la Commission des titres d’ingénieur (CTI), en juillet 2017, pour délivrer le même diplôme sur ses deux campus.
"C’est une garantie de qualité pour nos étudiants vis-à-vis des entreprises", explique Youssef Ben El Mostafa, le directeur du campus de Casablanca.
Aujourd’hui, l’établissement compte 170 étudiants (recrutement post-bac), dont une centaine de Marocains, une cinquantaine de Subsahariens et une vingtaine de Français.
"À terme, nous aurons une répartition à parité entre étudiants marocains et subsahariens", indique Sylvain Orsat.
L’Eigsi a investi plus de 5 millions d’euros dans un nouveau campus en 2016 afin d’accueillir au moins 500 élèves d’ici à 2022.
Une main-d’œuvre pour l’automobile et l’aéronautique
L’enjeu principal de ces implantations ? Capter une partie des immenses besoins de l’économie marocaine en ingénieurs et, par extension, ceux des économies africaines.
Quand l’Eigsi s’installe dans le pays, le gouvernement marocain vient de lancer le plan Émergence, visant notamment à doubler le nombre d’ingénieurs diplômés pour atteindre 10 000 par an.
Entre 2009 et 2018, celui des étudiants du supérieur a triplé, passant de 300 000 à 900 000. Selon Youssef Ben El Mostafa, les étudiants en Afrique, au nombre de 9 millions actuellement, seront environ 20 millions d’ici à 2030.
Un double enjeu pour les écoles françaises.
Le campus de Centrale Casablanca, qui accueille environ 30 % d’étudiants en provenance de pays subsahariens, comptera 600 élèves d’ici à 2021, contre 200 aujourd’hui (recrutement post-prépa). "Nous accompagnons la croissance de la région, explique Serge Delle-Vedove, le directeur adjoint de l’École. Le diplôme délivré est reconnu à la fois par le Maroc et par la France au travers du label de la CTI".
"Nous n’avons d’autre choix que d’être présents ici, car dans moins de trois ans, des universités anglo-saxonnes et chinoises vont débarquer", lance Youssef Ben El *Mostafa.
Autant avoir un temps d’avance. D’autant que les industriels ne manquent pas : Vinci Énergies, Safran, Stelia Aerospace, Bombardier, Altran, Renault et bientôt PSA, qui ouvrira une usine de 2 200 personnes à Kénitra d’ici à la fin 2018. L’automobile est d’ailleurs le premier secteur industriel, avec 100 000 salariés, un chiffre appelé à doubler d’ici à 2020. Côté aéronautique, selon le Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (Gimas), le secteur de l’aviation va embaucher plus de 23 000 personnes d’ici à 2020, dont 30 % d’ingénieurs. "Boeing vient de signer un accord global avec le Maroc pour amener 120 fournisseurs sur place et créer 8 700 emplois", précise Karim Cheikh, le président du Gimas.
De l’avis général, la présence des écoles d’ingénieurs françaises a permis de réaliser un saut qualitatif pour ces industriels.
Les écoles marocaines ont tendance à être très académiques et pas assez proches des entreprises. "Nous avons besoin d’ingénieurs agiles capables d’accompagner la transition vers l’industrie 4.0, ce qui est le cas des diplômés de l’Eigsi", signale Rida Lyahyaoui, le DRH de Vinci Énergies au Maroc. "Nos élèves ont au minimum quinze mois de stage en entreprise et ont mené entre sept et huit projets professionnels", souligne Serge Delle-Vedove.
Il persiste toutefois quelques points épineux.
Tout d’abord, le Maroc est confronté à une grave pénurie d’enseignants-chercheurs, ce qui amène les écoles françaises à faire appel à des équipes majoritairement venues de France.
Par *ailleurs, l’un des effets à rebours de ces implantations est une inflation des salaires.
Alors qu’un jeune ingénieur formé dans une école marocaine touche 800 à 1 000 euros de salaire mensuel, un autre sorti de Centrale Casablanca ou de l’Eigsi émargera à 2 000 euros. Voire plus s’il a passé trois à quatre ans en France.
"C’est inévitable, mais c’est aussi le reflet de la croissance de l’économie marocaine", justifie Serge Delle-Vedove.
Les antennes françaises
Écoles d’ingénieurs : Eigsi, École centrale, groupe Insa
Écoles de commerce : Essec, EM Lyon Business School, Toulouse Business School, université Paris-Dauphine
Travailler au pays, oui… mais pas tout de suite
Qu’ils soient Marocains ou issus de pays africains, les élèves ingénieurs du campus de l’Eigsi Casablanca affichent une ferme volonté de revenir dans leur pays d’origine… À condition toutefois d’avoir accumulé suffisamment d’expérience dans un autre pays. "Je souhaite d’abord travailler quelques années dans un grand groupe à l’international, en France notamment, avant de retourner en Côte d’Ivoire", lance Philippe, un Ivoirien de 26 ans qui effectue sa troisième année à l’Eigsi Casablanca dans la spécialité des énergies renouvelables.
Pour ces étudiants, passer par une école française, puis par une expérience à l’international est un bon moyen non seulement d’améliorer leur CV, mais aussi de revenir avec un très bon niveau de rémunération par rapport aux moyennes des cadres de leur pays d’origine. "Avoir une expérience en France est un atout pour obtenir un meilleur salaire au Maroc quand je reviendrai", confirme Iman, une étudiante de 20 ans, en deuxième année. "Ma sœur, qui est ingénieur diplômée d’une école marocaine, m’a conseillé d’aller à l’Eigsi pour ne pas répéter son erreur : elle touche 800 euros", ajoute-t-elle sans complexe.
Les élèves apprécient aussi la qualité de l’enseignement.
"J’envoie souvent mes cours à des amis qui sont dans des écoles d’ingénieurs locales, explique Nihal, une troisième année de 20 ans, marocaine, qui a choisi la spécialité management des systèmes industriels.
Et puis nous faisons des stages, ce qui nous permet de nous frotter au monde de l’entreprise.
" Son projet : passer entre deux et cinq ans dans un grand groupe en France, puis créer son entreprise… au Maroc. "Mes secteurs industriels préférés sont le naval et l’aéronautique", ajoute-t-elle avec un grand sourire.
L’USINE NOUVELLE
L’Eigsi, qui a ouvert un campus à Casablanca en 2006, prévoit d’accueillir 500 étudiants
Automobile, aéronautique, énergies renouvelables… Les besoins du Maroc en ingénieurs pour accompagner la croissance de l’industrie vont décupler dans les années à venir. Une tendance qui n’a pas échappé aux grandes écoles françaises.
Trois écoles d’ingénieurs, notamment Centrale, installée à Casablanca depuis 2015, et l’Insa EuroMéditerranée, implanté à Fès la même année, ont tenté l’aventure.
Quatre écoles de commerce ont aussi traversé la Méditerranée.
Et bientôt peut-être, l’École nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam), qui travaille sur un projet de campus à Casablanca. "Ces établissements comptent près de 800 élèves ingénieurs.
D’ici trois à cinq ans, on en totalisera plus de 4 000", pronostique Christophe de Beauvais, attaché de coopération scientifique et universitaire à l’ambassade de France au Maroc. L’École d’ingénieurs en génie des systèmes industriels (Eigsi) de La Rochelle a joué le rôle de précurseur puisqu’elle s’est installée à Casablanca dès 2006.
"C’était un sacré pari à l’époque", lance Sylvain Orsat, son directeur général.
L’école a été aussi la première à obtenir l’habilitation de la Commission des titres d’ingénieur (CTI), en juillet 2017, pour délivrer le même diplôme sur ses deux campus.
"C’est une garantie de qualité pour nos étudiants vis-à-vis des entreprises", explique Youssef Ben El Mostafa, le directeur du campus de Casablanca.
Aujourd’hui, l’établissement compte 170 étudiants (recrutement post-bac), dont une centaine de Marocains, une cinquantaine de Subsahariens et une vingtaine de Français.
"À terme, nous aurons une répartition à parité entre étudiants marocains et subsahariens", indique Sylvain Orsat.
L’Eigsi a investi plus de 5 millions d’euros dans un nouveau campus en 2016 afin d’accueillir au moins 500 élèves d’ici à 2022.
Une main-d’œuvre pour l’automobile et l’aéronautique
L’enjeu principal de ces implantations ? Capter une partie des immenses besoins de l’économie marocaine en ingénieurs et, par extension, ceux des économies africaines.
Quand l’Eigsi s’installe dans le pays, le gouvernement marocain vient de lancer le plan Émergence, visant notamment à doubler le nombre d’ingénieurs diplômés pour atteindre 10 000 par an.
Entre 2009 et 2018, celui des étudiants du supérieur a triplé, passant de 300 000 à 900 000. Selon Youssef Ben El Mostafa, les étudiants en Afrique, au nombre de 9 millions actuellement, seront environ 20 millions d’ici à 2030.
Un double enjeu pour les écoles françaises.
Le campus de Centrale Casablanca, qui accueille environ 30 % d’étudiants en provenance de pays subsahariens, comptera 600 élèves d’ici à 2021, contre 200 aujourd’hui (recrutement post-prépa). "Nous accompagnons la croissance de la région, explique Serge Delle-Vedove, le directeur adjoint de l’École. Le diplôme délivré est reconnu à la fois par le Maroc et par la France au travers du label de la CTI".
"Nous n’avons d’autre choix que d’être présents ici, car dans moins de trois ans, des universités anglo-saxonnes et chinoises vont débarquer", lance Youssef Ben El *Mostafa.
Autant avoir un temps d’avance. D’autant que les industriels ne manquent pas : Vinci Énergies, Safran, Stelia Aerospace, Bombardier, Altran, Renault et bientôt PSA, qui ouvrira une usine de 2 200 personnes à Kénitra d’ici à la fin 2018. L’automobile est d’ailleurs le premier secteur industriel, avec 100 000 salariés, un chiffre appelé à doubler d’ici à 2020. Côté aéronautique, selon le Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (Gimas), le secteur de l’aviation va embaucher plus de 23 000 personnes d’ici à 2020, dont 30 % d’ingénieurs. "Boeing vient de signer un accord global avec le Maroc pour amener 120 fournisseurs sur place et créer 8 700 emplois", précise Karim Cheikh, le président du Gimas.
De l’avis général, la présence des écoles d’ingénieurs françaises a permis de réaliser un saut qualitatif pour ces industriels.
Les écoles marocaines ont tendance à être très académiques et pas assez proches des entreprises. "Nous avons besoin d’ingénieurs agiles capables d’accompagner la transition vers l’industrie 4.0, ce qui est le cas des diplômés de l’Eigsi", signale Rida Lyahyaoui, le DRH de Vinci Énergies au Maroc. "Nos élèves ont au minimum quinze mois de stage en entreprise et ont mené entre sept et huit projets professionnels", souligne Serge Delle-Vedove.
Il persiste toutefois quelques points épineux.
Tout d’abord, le Maroc est confronté à une grave pénurie d’enseignants-chercheurs, ce qui amène les écoles françaises à faire appel à des équipes majoritairement venues de France.
Par *ailleurs, l’un des effets à rebours de ces implantations est une inflation des salaires.
Alors qu’un jeune ingénieur formé dans une école marocaine touche 800 à 1 000 euros de salaire mensuel, un autre sorti de Centrale Casablanca ou de l’Eigsi émargera à 2 000 euros. Voire plus s’il a passé trois à quatre ans en France.
"C’est inévitable, mais c’est aussi le reflet de la croissance de l’économie marocaine", justifie Serge Delle-Vedove.
Les antennes françaises
Écoles d’ingénieurs : Eigsi, École centrale, groupe Insa
Écoles de commerce : Essec, EM Lyon Business School, Toulouse Business School, université Paris-Dauphine
Travailler au pays, oui… mais pas tout de suite
Qu’ils soient Marocains ou issus de pays africains, les élèves ingénieurs du campus de l’Eigsi Casablanca affichent une ferme volonté de revenir dans leur pays d’origine… À condition toutefois d’avoir accumulé suffisamment d’expérience dans un autre pays. "Je souhaite d’abord travailler quelques années dans un grand groupe à l’international, en France notamment, avant de retourner en Côte d’Ivoire", lance Philippe, un Ivoirien de 26 ans qui effectue sa troisième année à l’Eigsi Casablanca dans la spécialité des énergies renouvelables.
Pour ces étudiants, passer par une école française, puis par une expérience à l’international est un bon moyen non seulement d’améliorer leur CV, mais aussi de revenir avec un très bon niveau de rémunération par rapport aux moyennes des cadres de leur pays d’origine. "Avoir une expérience en France est un atout pour obtenir un meilleur salaire au Maroc quand je reviendrai", confirme Iman, une étudiante de 20 ans, en deuxième année. "Ma sœur, qui est ingénieur diplômée d’une école marocaine, m’a conseillé d’aller à l’Eigsi pour ne pas répéter son erreur : elle touche 800 euros", ajoute-t-elle sans complexe.
Les élèves apprécient aussi la qualité de l’enseignement.
"J’envoie souvent mes cours à des amis qui sont dans des écoles d’ingénieurs locales, explique Nihal, une troisième année de 20 ans, marocaine, qui a choisi la spécialité management des systèmes industriels.
Et puis nous faisons des stages, ce qui nous permet de nous frotter au monde de l’entreprise.
" Son projet : passer entre deux et cinq ans dans un grand groupe en France, puis créer son entreprise… au Maroc. "Mes secteurs industriels préférés sont le naval et l’aéronautique", ajoute-t-elle avec un grand sourire.
L’USINE NOUVELLE
L’Eigsi, qui a ouvert un campus à Casablanca en 2006, prévoit d’accueillir 500 étudiants
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