Les actions russes en Syrie sont un sujet qui continue à fasciner et à provoquer de nombreuses polémiques. Cela se comprend – la question est extrêmement importante à de nombreux niveaux, y compris pragmatiques et moraux, et aujourd’hui, je m’en tiendrai strictement à l’aspect pratique et laisserai de côté, pour un moment, les considérations morales, éthiques, spirituelles. En plus, pour les besoins de l’argumentation, je ferai aussi comme si le Kremlin agissait à l’unisson, qu’il n’y a pas d’intégrationnistes atlantiques dans le gouvernement russe, pas de 5e colonne au Kremlin et pas de lobby sioniste exerçant une grande influence en Russie. Je traiterai de ces questions à l’avenir car je n’ai aucun doute que le temps et les événements prouveront combien ces dénis sont infondés et politiquement motivés dans la réalité. Mais pour les besoins de l’analyse, nous pouvons faire semblant que tout va bien au Kremlin et partir de l’idée que la Russie est totalement souveraine et protège librement ses intérêts nationaux.
Alors que savons-nous de ce qui est en cours en Syrie ?
Je pense qu’il est évident que la Russie et Israël ont passé une sorte d’accord. Les deux parties admettent qu’il y a une certaine compréhension, mais il se passe clairement plus de choses ici qui ne sont pas expliquées en détail. Les Israéliens, comme toujours, se vantent de leur victoire totale et publient des articles comme celui-ci : « In Syria, Putin and Netanyahu Were on the Same Side All Along » (« En Syrie, Poutine et Netanyahou étaient constamment du même côté »), le sous-titre ajoutant « Poutine est prêt à lâcher l’Iran pour satisfaire Israël et sauver la victoire d’Assad ».
Le monde chaotique des annonces et des déclarations contradictoires
Examinons cette thèse d’un point de vue strictement logique. Premièrement, quels étaient initialement les objectifs d’Israël ? Comme je l’ai expliqué ailleurs, les Israéliens avaient au départ les buts suivants :
1. Faire tomber un État arabe laïque fort en même temps que sa structure politique, ses forces armées et ses services de sécurité.
2. Créer un chaos et une horreur totale en Syrie justifiant la création par Israël d’une « zone de sécurité » non seulement dans le Golan mais aussi plus au nord.
3. Déclencher une guerre civile au Liban en lâchant les fous takfiris contre le Hezbollah.
4. Laisser les takfiris et le Hezbollah se saigner mutuellement à mort puis créer une « zone de sécurité », mais cette fois au Liban.
5. Empêcher la création d’un axe chiite Iran-Irak-Syrie-Liban.
6. Diviser la Syrie le long de lignes ethniques et religieuses.
7. Créer un Kurdistan qui pourrait être utilisé contre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran.
8. Permettre à Israël de devenir le courtier incontesté de l’énergie au Moyen-Orient et forcer l’Arabie saoudite, le Qatar, Oman, le Koweït et tous les autres à passer par Israël pour tout projet de gazoduc ou d’oléoduc.
9. Progressivement isoler, menacer, subvertir et finalement attaquer l’Iran avec une large coalition de forces régionales.
10. Éliminer tous les centres de pouvoir chiites au Moyen-Orient.
Arrêtons-nous là et posons-nous une question simple : si Poutine et Netanyahou étaient du même côté depuis le début, qu’aurait dû faire Poutine pour aider les Israéliens ? Je soutiens que la réponse évidente et incontestable est la suivante : absolument rien. Au moment où les Russes ont lancé leur intervention (très limitée mais très efficace) en Syrie, ces plans étaient déjà en bonne voie de réalisation !
La vérité indéniable est que Poutine a déjoué le plan initial d’Israël pour la Syrie.
En fait, le Hezbollah et l’Iran étaient déjà intervenus en Syrie et cherchaient désespérément à « boucher des trous » sur un front syrien en déroute. Donc, le cas échéant, c’est Poutine qui doit être crédité du fait que les Israéliens ont été obligés de renoncer à leur « plan A » et de passer au « plan B » que j’ai décrit ici et qui peut être résumé comme suit :
Première étape, utiliser sa machine de propagande et ses agents infiltrés pour relancer le mythe d’un programme nucléaire militaire iranien. (…) Si Trump dit que le JCPOA est un épouvantable accord, alors c’est comme ça. Hé, nous vivons à l’ère « post-Skripal » et « post-Douma » – si quelques dirigeants anglo-saxons (ou juifs) disent « hautement probable », alors tout le monde doit montrer une « solidarité » instantanée sous peine d’être accusé d’« antisémitisme » ou de « théories du complot marginales » (vous connaissez l’histoire). Donc la première étape est le ré-allumage ex nihilo du bobard du programme militaire nucléaire iranien. La deuxième étape consiste à déclarer qu’Israël est « menacé dans son existence et (…) laisser les stupides Américains combattre les Iraniens.
Comme je l’ai expliqué en détail ici, la Russie n’est pas du tout obligée moralement de protéger quiconque quelque part, ni au Moyen-Orient et certainement pas la Syrie et/ou l’Iran. J’ai aussi expliqué très en détail ici pourquoi Poutine a de nombreuses raisons pragmatiques internes pour ne pas impliquer la Russie dans une guerre majeure au Moyen-Orient.
Enfin, comme je l’ai expliqué ici, les Israéliens sont clairement en train de provoquer l’Iran en frappant des cibles iraniennes (ou, plus précisément, des cibles liées ou soutenues par les Iraniens) en Syrie. Ils espèrent que la patience de l’Iran prendra fin et que les Iraniens répliqueront avec suffisamment de puissance de feu pour justifier non seulement une attaque sur des cibles (de relativement faible valeur) liées à l’Iran en Syrie, mais aussi contre l’Iran proprement dit, ce qui conduirait à des représailles assurées contre Israël et au Grand Prix : une attaque américaine massive contre l’Iran.
Examinons une fois de plus les actions russes. Si Poutine était « du même côté que Netanyahou dès le début », il aiderait les Israéliens à faire ce qu’ils font, c’est-à-dire à provoquer les Iraniens, non ? Mais qu’a fait Poutine en réalité ?
Tout a commencé par une déclaration du ministre des Affaires étrangères Lavrov, qui a déclaré que toutes les forces étrangères devaient quitter la Syrie. Je crois comprendre qu’il n’existe pas de citation directe de la déclaration initiale de Lavrov, seulement desparaphrases. Lavrov a également fait quelques commentaires pour clarifier les choses, comme celle-ci. Mais ne nous laissons pas embourber en essayant de savoir lequel était improvisé et lequel était « officiel », et commençons par relever ceci : même avant le commentaire de Lavrov sur « toutes les forces étrangères », le même a également dit que « toutes les forces américaines doivent quitter la Syrie après la défaite des forces terroristes ».
Puis-je aussi rappeler qu’Israël occupe illégalement le Golan syrien depuis des années et que les FDI correspondent exactement à la définition d’une « force étrangère en Syrie » ? La situation s’améliore, selon les Syriens et, franchement, conformément au bon sens et au droit international, les Syriens disent que toutes les forces étrangères doivent quitter la Syrie excepté celles à qui le gouvernement syrien a légalement demandé de rester. Donc lorsque les Russes disent que toutes les forces étrangères, y compris iraniennes (en supposant que Lavrov ait vraiment dit cela), ils n’ont absolument aucune autorité légale ou autre pour l’imposer, à moins qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appuie cette demande. Compte tenu du fait que les Israéliens et les États-Unis se fichent totalement du droit international ou du Conseil de sécurité, nous pourrions peut-être voir un jour une telle résolution être adoptée, appliquée aux seuls Iraniens et ignorée par les Israéliens.
L’astuce ici est qu’il y a eu en réalité assez de « forces » iraniennes en Syrie. Il y a beaucoup plus de « conseillers » (qui ne seraient pas considérés comme une « force ») et beaucoup plus de forces pro-iraniennes qui ne sont pas vraiment « iraniennes ». Il y a aussi le Hezbollah, mais le Hezbollah ne va nulle part, et de toute façon, ce sont des Libanais, pas des Iraniens. Nul doute que les Israéliens affirmeraient que le Hezbollah est une « force iranienne », mais c’est une absurdité totale. Et uniquement pour ajouter à la confusion, les Russes sont mignons, maintenant, et disent : « Bien sûr, le retrait de toutes les forces non syriennes doit être réalisé sur une base réciproque, ce devrait être une voie à deux sens ».Je propose que nous cessions d’énumérer toutes les paraphrases et interprétations possibles et que nous admettions que les Russes ont créé un sacré (ou impie) désordre avec leurs déclarations. En fait, je suggérerais même que ce qui semble être un sacré (ou impie) désordre est une ambiguïté très délibérée et astucieuse.
Alors que savons-nous de ce qui est en cours en Syrie ?
Je pense qu’il est évident que la Russie et Israël ont passé une sorte d’accord. Les deux parties admettent qu’il y a une certaine compréhension, mais il se passe clairement plus de choses ici qui ne sont pas expliquées en détail. Les Israéliens, comme toujours, se vantent de leur victoire totale et publient des articles comme celui-ci : « In Syria, Putin and Netanyahu Were on the Same Side All Along » (« En Syrie, Poutine et Netanyahou étaient constamment du même côté »), le sous-titre ajoutant « Poutine est prêt à lâcher l’Iran pour satisfaire Israël et sauver la victoire d’Assad ».
Le monde chaotique des annonces et des déclarations contradictoires
Examinons cette thèse d’un point de vue strictement logique. Premièrement, quels étaient initialement les objectifs d’Israël ? Comme je l’ai expliqué ailleurs, les Israéliens avaient au départ les buts suivants :
1. Faire tomber un État arabe laïque fort en même temps que sa structure politique, ses forces armées et ses services de sécurité.
2. Créer un chaos et une horreur totale en Syrie justifiant la création par Israël d’une « zone de sécurité » non seulement dans le Golan mais aussi plus au nord.
3. Déclencher une guerre civile au Liban en lâchant les fous takfiris contre le Hezbollah.
4. Laisser les takfiris et le Hezbollah se saigner mutuellement à mort puis créer une « zone de sécurité », mais cette fois au Liban.
5. Empêcher la création d’un axe chiite Iran-Irak-Syrie-Liban.
6. Diviser la Syrie le long de lignes ethniques et religieuses.
7. Créer un Kurdistan qui pourrait être utilisé contre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran.
8. Permettre à Israël de devenir le courtier incontesté de l’énergie au Moyen-Orient et forcer l’Arabie saoudite, le Qatar, Oman, le Koweït et tous les autres à passer par Israël pour tout projet de gazoduc ou d’oléoduc.
9. Progressivement isoler, menacer, subvertir et finalement attaquer l’Iran avec une large coalition de forces régionales.
10. Éliminer tous les centres de pouvoir chiites au Moyen-Orient.
Arrêtons-nous là et posons-nous une question simple : si Poutine et Netanyahou étaient du même côté depuis le début, qu’aurait dû faire Poutine pour aider les Israéliens ? Je soutiens que la réponse évidente et incontestable est la suivante : absolument rien. Au moment où les Russes ont lancé leur intervention (très limitée mais très efficace) en Syrie, ces plans étaient déjà en bonne voie de réalisation !
La vérité indéniable est que Poutine a déjoué le plan initial d’Israël pour la Syrie.
En fait, le Hezbollah et l’Iran étaient déjà intervenus en Syrie et cherchaient désespérément à « boucher des trous » sur un front syrien en déroute. Donc, le cas échéant, c’est Poutine qui doit être crédité du fait que les Israéliens ont été obligés de renoncer à leur « plan A » et de passer au « plan B » que j’ai décrit ici et qui peut être résumé comme suit :
Première étape, utiliser sa machine de propagande et ses agents infiltrés pour relancer le mythe d’un programme nucléaire militaire iranien. (…) Si Trump dit que le JCPOA est un épouvantable accord, alors c’est comme ça. Hé, nous vivons à l’ère « post-Skripal » et « post-Douma » – si quelques dirigeants anglo-saxons (ou juifs) disent « hautement probable », alors tout le monde doit montrer une « solidarité » instantanée sous peine d’être accusé d’« antisémitisme » ou de « théories du complot marginales » (vous connaissez l’histoire). Donc la première étape est le ré-allumage ex nihilo du bobard du programme militaire nucléaire iranien. La deuxième étape consiste à déclarer qu’Israël est « menacé dans son existence et (…) laisser les stupides Américains combattre les Iraniens.
Comme je l’ai expliqué en détail ici, la Russie n’est pas du tout obligée moralement de protéger quiconque quelque part, ni au Moyen-Orient et certainement pas la Syrie et/ou l’Iran. J’ai aussi expliqué très en détail ici pourquoi Poutine a de nombreuses raisons pragmatiques internes pour ne pas impliquer la Russie dans une guerre majeure au Moyen-Orient.
Enfin, comme je l’ai expliqué ici, les Israéliens sont clairement en train de provoquer l’Iran en frappant des cibles iraniennes (ou, plus précisément, des cibles liées ou soutenues par les Iraniens) en Syrie. Ils espèrent que la patience de l’Iran prendra fin et que les Iraniens répliqueront avec suffisamment de puissance de feu pour justifier non seulement une attaque sur des cibles (de relativement faible valeur) liées à l’Iran en Syrie, mais aussi contre l’Iran proprement dit, ce qui conduirait à des représailles assurées contre Israël et au Grand Prix : une attaque américaine massive contre l’Iran.
Examinons une fois de plus les actions russes. Si Poutine était « du même côté que Netanyahou dès le début », il aiderait les Israéliens à faire ce qu’ils font, c’est-à-dire à provoquer les Iraniens, non ? Mais qu’a fait Poutine en réalité ?
Tout a commencé par une déclaration du ministre des Affaires étrangères Lavrov, qui a déclaré que toutes les forces étrangères devaient quitter la Syrie. Je crois comprendre qu’il n’existe pas de citation directe de la déclaration initiale de Lavrov, seulement desparaphrases. Lavrov a également fait quelques commentaires pour clarifier les choses, comme celle-ci. Mais ne nous laissons pas embourber en essayant de savoir lequel était improvisé et lequel était « officiel », et commençons par relever ceci : même avant le commentaire de Lavrov sur « toutes les forces étrangères », le même a également dit que « toutes les forces américaines doivent quitter la Syrie après la défaite des forces terroristes ».
Puis-je aussi rappeler qu’Israël occupe illégalement le Golan syrien depuis des années et que les FDI correspondent exactement à la définition d’une « force étrangère en Syrie » ? La situation s’améliore, selon les Syriens et, franchement, conformément au bon sens et au droit international, les Syriens disent que toutes les forces étrangères doivent quitter la Syrie excepté celles à qui le gouvernement syrien a légalement demandé de rester. Donc lorsque les Russes disent que toutes les forces étrangères, y compris iraniennes (en supposant que Lavrov ait vraiment dit cela), ils n’ont absolument aucune autorité légale ou autre pour l’imposer, à moins qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appuie cette demande. Compte tenu du fait que les Israéliens et les États-Unis se fichent totalement du droit international ou du Conseil de sécurité, nous pourrions peut-être voir un jour une telle résolution être adoptée, appliquée aux seuls Iraniens et ignorée par les Israéliens.
L’astuce ici est qu’il y a eu en réalité assez de « forces » iraniennes en Syrie. Il y a beaucoup plus de « conseillers » (qui ne seraient pas considérés comme une « force ») et beaucoup plus de forces pro-iraniennes qui ne sont pas vraiment « iraniennes ». Il y a aussi le Hezbollah, mais le Hezbollah ne va nulle part, et de toute façon, ce sont des Libanais, pas des Iraniens. Nul doute que les Israéliens affirmeraient que le Hezbollah est une « force iranienne », mais c’est une absurdité totale. Et uniquement pour ajouter à la confusion, les Russes sont mignons, maintenant, et disent : « Bien sûr, le retrait de toutes les forces non syriennes doit être réalisé sur une base réciproque, ce devrait être une voie à deux sens ».Je propose que nous cessions d’énumérer toutes les paraphrases et interprétations possibles et que nous admettions que les Russes ont créé un sacré (ou impie) désordre avec leurs déclarations. En fait, je suggérerais même que ce qui semble être un sacré (ou impie) désordre est une ambiguïté très délibérée et astucieuse.
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