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Quand les robots écriront les éditoriaux

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  • Quand les robots écriront les éditoriaux

    L’intelligence artificielle s’attaque avec brio à l’art du débat


    Certains journalistes – les grands initiés, naturellement – ont probablement frissonné quand le système d’intelligence artificielle d’IBM a failli battre deux humains lors d’un débat jugé par un public d’humains. Qu’est-ce qu’un éditorial au final, si ce n’est n’importe quel article d’opinion qui relaie, sous forme imprimée, les propos d’un camp dans un débat ?

    Si un ordinateur peut défendre son opinion lors d’un débat, alors il peut rédiger son opinion sur les grands problèmes de la journée dans un article de 600 mots de prose propre. Les journalistes qui ont une connaissance de l’économie et de l’histoire de la technologie salueront les éditorialistes-robots comme des libérateurs. Comme les ouvriers avant eux, les forçats de l’opinion seront bientôt libérés d’une forme de travail répétitive et épuisante – la corvée de décréter une opinion après l’autre, jour après jour.


    Que le système de débat à base d'intelligence artificielle (appelé, dans le style typique d’IBM, “Debater”) ait perdu de peu face à des homo sapiens n’est qu’une anecdote. Nous savons tous ce qui arrive quand une machine devient capable d’exécuter une tâche ne serait-ce qu’à peu près aussi bien qu’un être humain compétent. Quelques années plus tard – et les temps se raccourcissent sans cesse –, la machine a transformé le primate en une pittoresque relique. Cela a été le cas avec le travail mécanique, les tâches administratives de bureau et les jeux de plateau complexes comme les échecs ou le Go.

    “Debater” se nourrit de millions d’articles de presse en temps réel et a démontré des compétences en rhétorique dignes d’un éditorialiste. Il a compilé des arguments semblables à ceux de la partie adverse avant de tout simplement les renverser. Quand il n’est pas parvenu à trouver une bonne réponse, il a montré des capacités à déconstruire et distraire. Sa maîtrise de la grammaire est en général bonne. Seuls quelques raisonnements incohérents et des assertions bizarres (choses que l’on trouve aussi dans les colonnes des journaux, ne l’oublions pas) ont terni sa performance.

    Tout journaliste correctement formé vous dira qu’écrire un billet d’opinion est une tâche mécanique à la base. Vous commencez par les principes qui définissent la ligne éditoriale du média. Il devrait être facile de les inculquer à une machine. En étant optimistes, ceux-ci peuvent être : le libre-échange, c’est bien. L’intervention du gouvernement dans l’économie, c’est mal. Un ordre international basé sur des règles : bon. Le populisme : mauvais. Innovations amenées par des technologies disruptives : bien. Ces principes de base servent de moules dans lesquels les nouvelles du jour sont coulées. Ensuite vient le polissage, qui peut lui aussi être aisément automatisé par l’application de mots et phrases émulsifiantes. Le mot “naturellement” est bien sûr un lubrifiant indispensable, surtout quand on l’ajoute aux phrases “ils doivent garder leur sang-froid” ; “le pays avant le parti” ; “les fausses promesses de (remplir le blanc) doivent être rejetées” ; “avec certitude” ; et “septièmement”.

    L’innovation technologique détruit des emplois depuis des siècles. Mais elle les a toujours remplacés et ces remplacements ont globalement été préférables à ce qui existait avant. Alors, que va-t-il advenir des éditorialistes devenus superflus ? Eh bien, une possibilité est de les rétrograder à la fonction de simple reporter. Les ordinateurs, pour l’instant, ne savent pas jongler avec les téléphones, frapper aux portes et découvrir ce que de vrais gens, en chair et en os, pensent et ressentent.
    Il faudra bien sûr que quelqu’un dicte aux ordinateurs quels principes fondamentaux valent la peine que l’on en débatte. Décider de ce qui est précieux dans l’humain sera toujours une activité intrinsèquement humaine. Alors, voici la solution : les ex-éditorialistes pourraient devenir des philosophes-maison. Le seul souci est que la philosophie est l’un des domaines qui paient encore moins bien que le journalisme.

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