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Salvador: le dur labeur des paysans étrangers

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  • Salvador: le dur labeur des paysans étrangers

    Dans les champs de canne à sucre, les étrangers , venus du Honduras ou du Nicaragua , poussés par la misère avec l'espoir de gagner un maigre pécule, remplacent les Salvadoriens qui ne veulent plus se tuer à la tâche.

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    La sueur coule sur Isaïa en dessinant des longues rigoles sur son corps noir de suie. Dans les champs de canne à sucre du Salvador, au bord du Pacifique, la chaleur est assommante. Lors de la moisson, quand les plantations ont été brûlées pour faciliter la coupe, elle devient même insupportable. « Si on ne boit pas, on peut vite tomber dans les pommes, souffle Isaïa, en abattant la lame de sa machaca. Il faut aussi faire attention aux feuilles tranchantes comme des rasoirs, aux épines qui vous rentrent dans l'oeil. Tout ça, en essayant de faire ses six ou huit tonnes dans la journée. » Plantées sur la ligne de coupe, d'autres silhouettes noircies se fraient un chemin à coups de machette, empilant les cannes en longs talus d'où s'échappe une odeur entêtante. Ils sont plus d'une centaine, tous du Honduras, d'où le sucrier salvadorien Cassa a fait venir, pour la deuxième année consécutive, une partie de sa main-d'oeuvre.

    Et ils ne sont pas les seuls : selon le ministère de l'Agriculture, plus de 3 000 travailleurs honduriens ou nicaraguayens participent à la coupe de la canne, mais aussi à la récolte du café ou du coton. Une migration incongrue au Salvador, où la moitié de la population est sous-employée, mais à laquelle les industriels du sucre ont dû se résoudre : « L'éducation est arrivée dans nos campagnes, constate Nilton Quintanilla, responsable de la moisson chez Cassa. La télévision est entrée dans toutes les maisons, les enfants vont à l'école et ne veulent plus faire comme leurs parents. » Un désintérêt pour la terre renforcé par les « remesas », ces mandats que les Salvadoriens vivant aux États-Unis - près d'un sur trois - envoient à leur famille restée au pays. « Dans la zone de Zacatecoluca, où le taux de migration est énorme, les hommes coupent deux tonnes dans la matinée et ils s'arrêtent. Leur seule aspiration est de retourner s'allonger sur leur hamac et d'attendre les dollars qui tombent du ciel », poursuit Nilton Quintanilla.

    Un luxe que ne peuvent pas se permettre les paysans pauvres du Honduras. Dans la région de Choluteca, où les Salvadoriens viennent les recruter, on vit la plupart du temps sans eau ni électricité. La journée de travail d'un ouvrier agricole est payée 50 lempiras, soit 2,50 dollars. « Les gens sèment du maïs et des haricots pour survivre, ajoute Isaïa. Il y a aussi des champs de canne à sucre dans la plaine, mais on préfère tous venir couper ici : on est payé à la tonne, en dollars, on gagne mieux sa vie. » 1,47 dollar la tonne - soit 17 centimes de moins qu'un Salvadorien. La somme est gravée dans la tête de tous ces coupeurs qui peuvent abattre entre cinq et douze tonnes par jour, selon leur âge et leur résistance à la chaleur. Deux par deux, ils progressent en silence depuis l'aube dans les champs calcinés, ignorant le balai des énormes camions qui chargent la marchandise.

    Postés sur les chemins, des « caporaux » honduriens payés au rendement enregistrent les performances de chacun et s'assurent que le plan de travail est bien respecté. Pour améliorer la productivité, Cassa donne une prime de quelques centimes à partir de la cinquième tonne. Soucieuse de fidéliser une main-d'oeuvre de plus en plus difficile à convaincre, l'entreprise a aussi bâti un campement modèle près de son usine, avec dortoirs, terrain de foot, réfectoire... et des règles strictes. « Ils ne peuvent pas sortir, lâche la cuisinière en désignant le haut grillage qui entoure les lieux. S'ils boivent, s'ils se font embarquer par la police, ils sont renvoyés. On leur explique aussi que le pays est soumis à une délinquance terrible, celle des gangs de maras. Ici, dehors, c'est juste des chemins et de la canne à sucre. S'ils se font attaquer, personne ne peut venir les secourir. »

    Seize heures. De vieux bus scolaires s'arrêtent devant le campement, laissant apparaître les visages fatigués et hirsutes des coupeurs. Les plus exténués s'arrêtent devant la porte du médecin, qui fait sa visite hebdomadaire : les uns ont les doigts ensanglantés ; les autres sont tout simplement rompus par l'effort. Soucieux de finir la saison au plus vite, les migrants honduriens travaillent tous les jours de la semaine, ne rentrant dans leur pays que tous les deux mois.

    Pour Wilfredo Berrios, du Front syndical salvadorien, ce rythme d'enfer est surtout profitable aux industriels locaux, qui augmentent leur surface de production et ont exporté pour 72 millions de dollars de sucre en 2006. « Les Honduriens sont seuls, désespérés, c'est une armée de chômeurs qui se laisse exploiter », dénonce-t-il. « Face aux difficultés de recruter au Salvador, nous avons deux solutions », répond un haut responsable de chez Cassa. « Ou nous embauchons des Honduriens, ou nous faisons appel à la machine. Cette dernière est encore un peu chère, la coupe n'est pas aussi parfaite, mais cela nous éviterait tout un tas de problèmes humains et sociaux. Mais, chez nous, on préfère encore les gens », conclut-il. Il est arrivé, en Amérique centrale, que des coupeurs en colère brûlent ces maudites machines qui pourraient leur ôter un jour le pain de la bouche. Désireuse d'éliminer le travail infantile, Cassa s'est aussi heurtée à l'hostilité de nombreux parents qui amènent, depuis toujours, leur progéniture dans les champs, machette à la main. À la fois symbole de l'exploitation et survivance coloniale, la coupe de la canne à sucre reste aussi l'ultime recours des plus pauvres, et la seule source d'argent de nombreuses familles qui ne peuvent plus vivre de leur seul lopin de terre.

    Sans cet impératif, Francisco, 35 ans, ne serait jamais venu pour la deuxième fois s'éreinter dans la campagne salvadorienne. « On gagne un petit peu plus ici qu'au Honduras, et j'ai besoin de cet argent, explique-t-il en lavant un pantalon maculé de suie. Lorsque je rentrerai, en avril, j'achèterai de la nourriture, des médicaments, des fournitures scolaires pour que mes enfants continuent d'étudier. Tout ce qu'un homme peut désirer pour sa famille. »

    Par Le Figaro

  • #2
    Eh oui le monde a vraiment changé, cela fait longtemps que je n'ai pas lu des sujets concernant ces 3 pays (excepté l'élection de Daniel Ortéga), on est bien loin de la révolution sandiniste, du front frabando marti, de l'implication de Reagan dans l'armement des contras en passant par l'Iran et Israël.

    On est, bien sûr, bien loin où un match de qualification pour le mondial 70 s'est conclu par une guerre entre le Salvador et le Honduras avec des milliers de morts.....

    Merci Morjane pour ce sujet même si je n'ai pas commenté son contenu mais je me suis souvenu des JT de la RTA où presque tous les jours nous avions droit aux Sandinistes, le FLMN (Frente Farabundo.....)......etc.
    Les vérités que l'on aime le moins à entendre sont celles que l'on a le plus intérêt à connaître.

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