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L'Égypte musèle ses Frères musulmans

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  • L'Égypte musèle ses Frères musulmans

    L'Égypte durcit sa politique envers les Frères musulmans, vagues d'arrestations et gel d' avoirs de 29 hommes d'affaires proches de la confrérie des Frères Musulmans.

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    Vagues d'arrestations, procès de dirigeants devant un tribunal militaire, gel d'avoirs financiers : le gouvernement égyptien a lancé ces dernières semaines une vaste offensive contre les Frères musulmans, son principal adversaire politique, interdit, mais toléré, au point d'avoir remporté un cinquième des sièges au Parlement lors des législatives de 2005. Pour justifier ce durcissement, le régime d'Hosni Moubarak met en avant une démonstration d'arts martiaux organisée en décembre par des étudiants islamistes de l'université al-Azhar, preuve, selon lui, que la confrérie cherche à constituer une milice paramilitaire, bien qu'elle ait officiellement renoncé à la violence depuis trente ans.

    Le mois dernier, le président Moubarak a qualifié la confrérie de « menace pour la sécurité nationale », faisant écho à son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul-Gheit, qui l'avait accusée l'an dernier d'avoir « commis les attentats du 11 septembre 2001 à travers ses émanations ». « Un islamiste modéré, ça n'existe pas », avait ajouté le ministre. Une mise en garde implicite aux États-Unis et à l'Union européenne, qui ont envisagé de nouer des contacts avec le mouvement islamiste après sa percée électorale.

    « Ce que le régime redoute par-dessus tout, c'est une reconnaissance des Frères musulmans par l'Occident », souligne Alain Roussillon, directeur de l'antenne du CNRS au Caire. « Le gouvernement veut les empêcher de récolter le bénéfice de leurs résultats électoraux en obtenant une double légitimité, celle des urnes et celle de l'étranger. » Pour Alain Roussillon, ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les précédents procès de Frères musulmans devant des tribunaux militaires remontent à 1995, une période où les États-Unis cherchaient déjà, par pragmatisme, à établir un dialogue avec les courants islamistes dits modérés.

    Ce dialogue semble pour l'instant virtuel. Si une délégation de parlementaires européens a rencontré en novembre un parlementaire islamiste, aucun contact formel n'a eu lieu avec Washington, malgré des déclarations contradictoires. « Les Frères musulmans sont méfiants, car ils ont compris que c'est une ligne rouge pour le pouvoir », souligne Alain Roussillon. Un éventuel rapprochement avec l'Occident n'est cependant pas la seule motivation du pouvoir, engagé dans un débat sur la réforme de la Constitution, et la définition des conditions de candidature à l'élection présidentielle.

    L'opposition, Frères musulmans en tête, accuse le régime de cadenasser le processus électoral pour préparer la transmission du pouvoir d'Hosni Moubarak, 78 ans, à son fils cadet Gamal, 43 ans. « Les négociations sont ouvertes, la position des Frères musulmans sur la succession n'est pas arrêtée et il n'est pas impossible qu'ils passent un accord avec le régime », estime Alain Roussillon.

    La presse égyptienne de plus en plus perplexe


    En 2005, la confrérie avait laissé entendre qu'elle pourrait ne pas faire de vagues sur la succession, en contrepartie de sa légalisation. Mais le pouvoir a catégoriquement exclu cette hypothèse et, en décembre, Hosni Moubarak a réitéré son rejet des partis fondés sur une base religieuse. Le guide suprême de la confrérie, Mehdi Akef, lui a aussitôt répliqué en dévoilant un projet de formation d'un nouveau parti ouvert aux non-musulmans, mais placé sous une autorité islamique.

    La réponse du pouvoir a été cinglante : les services de sécurité ont multiplié les rafles, en ciblant pour la première fois les milieux économiques. Le mois dernier, les avoirs de 29 hommes d'affaires, dont ceux du numéro trois de la confrérie, Khairat el-Shater, ont été gelés, et les responsables islamistes traduits devant la justice militaire, en vertu de la loi d'urgence, pour « blanchiment d'argent et financement d'un mouvement interdit ». En attendant leur procès, un tribunal criminel du Caire a rejeté hier un pourvoi contre le gel des avoirs. Selon les experts, les finances de la confrérie ne sont pas pour autant menacées, car elles reposent largement sur les cotisations des membres. Mais le coup de semonce est clair.

    Cette escalade laisse la presse égyptienne de plus en plus perplexe. Ainsi, le quotidien indépendant Masri al-Yom fustige la réaction « arriérée du régime ». « Les Frères musulmans ont tout à y gagner, car chaque durcissement à leur encontre, en particulier quand il est fondé sur des allégations, ne fait que renforcer leur popularité », s'inquiète le journal. Plus significatif, un éditorialiste du très officiel al-Ahram, Salama Ahmed Salama, dénonce le recours aux tribunaux militaires, où les droits de la défense sont bafoués et les jugements sans possibilité d'appel. « Exagérer la crainte du courant islamiste au lieu de lui faire face politiquement (...) entrave l'avancée vers la démocratie et entraîne davantage d'extrémisme », critique l'éditorialiste. « Le risque, c'est que la situation échappe au pouvoir et à la confrérie, et dégénère en confrontation violente », prévient de son côté le politologue Amr Choubaki. « Les Frères musulmans savent que le régime veut les pousser à la faute. Pour l'instant, ils gardent le contrôle de leurs troupes, et en particulier des jeunes. Mais pour combien de temps ? »

    Par Le Figaro

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