Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Cheikh Al Akbar Ibn-Al-Arabi

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Cheikh Al Akbar Ibn-Al-Arabi

    Hilyatu al Abdal :La parure des Abdal


    Dans la nuit de lundi 22 du mois de Jumâdâ-l-Ulâ, en l'année 599, me trouvant à l'étape d'ElMâyah à Tâïf, à l'occasion de la visite pieuse que nous avons faite (au tombeau) d'Abdallah Ibn Abbas, cousin du Prophète, j'ai adressé à Allah une "demande de conseil", du fait que mes compagnons Abou Muhammad Badr ibn Abdallah alHabashi (l'Abyssin), affranchi d'Abou-l-Ghanâ'im ben Abi-l-Futûh al-Harrânî, et Abû Abdallah Muhammad ben Khalid es-Sadafî at-Tilimsani (de Tlemcen) -qu'Allah leur soit propice à tous les deux- m'ont demandé de rédiger pour eux, en ces jours de visite pieuse, quelque enseignement dont ils pourraient tirer profit dans la voie vers la vie future. Après avoir accompli ma "demande de conseil", j'ai écrit le présent cahier (kurrâsa) que j'ai intitulé: "La Parure des Abdal et ce qui s'en manifeste en fait de connaissances et états spirituels", qui pourrait leur être, à eux ainsi qu'à d'autres, une aide sur le chemin du bonheur et un texte synthétique traitant des différents modes de la volonté spirituelle (alirâda). Et pour cela, de l'Existentiateur de l'univers nous demandons appui et aide!

    Sache que l'Autorité (alhukm) est fruit de la sagesse (alhikma), et que la Science (al'ilm) est fruit de la connaissance (alma'rifa). Celui qui n'a pas de sagesse n'a pas d'Autorité, celui qui n'a pas de connaissance n'a pas de Science. Celui qui possède à la fois l'Autorité et la Science (alhakîm al'âlim) se dresse "pour Allah" (li-Llâhi qâ'im), et celui qui a la sagesse et la connaissance (alhakîm al 'ârif) reste "par Allah"(biLlâhi wâqif) : les gens d'autorité et savants sont ainsi des lâmiyyûn (ayant comme emblème la lettre lâm) pendant que les sagesconnaisseurs sont des bâ'iyyûn (ayant comme emblème la lettre bâ').

    Tandis que l'ascète (az zâhid) se plaît à renoncer au monde, et que celui qui se confie à Dieu (almutawakkil) repose entièrement sur son Seigneur, et tandis que le désirant (almurîd) recherche les chants spirituels et l'enthousiasme annihilant, et que l'adorateur (al'âbid) est tout à sa dévotion et à son effort, enfin tandis que le sageconnaisseur (alhakîm al'ârif) exerce sa force d'esprit (alhimma) et se concentre sur le but,- ceux qui sont investis de l'Autorité et possèdent la Science (alhakîmûn al'âlimûn) restent cachés dans l'invisible et ne les connaît ni "connaisseur", ni "désirant", ni "adorateur", comme ne les perçoit ni "confiéàDieu", ni "ascète"! L'ascète renonce au monde pour en obtenir le prix, le confiant se remet à son Seigneur pour atteindre son dessein, le désirant recherche l'enthousiasme pour abolir le chagrin, l'adorateur fait du zèle dans l'espoir d'accéder à la "proximité", le connaisseur sage vise par sa force d'esprit 1'"arrivée", mais la Vérité ne se dévoile qu'à celui qui efface sa propre trace et perd jusqu'à son nom! La connaissance est voile sur le Connu, et la sagesse une porte auprès de laquelle on s'arrête; de même tous les autres modes spirituels sont des "moyens" (asbâb) comme les "lettres"; et toutes ces choses ne sont que "faiblesses" ('ilal) qui aveuglent les regards et éteignent les lumières. Car s'il n'y avait pas les Noms, le Nommé paraîtrait, s'il n'y avait pas l'amour, l'union persisterait, s'il n'y avait pas les lots différents (du sort), tous les degrés seraient conquis, s'il n'y avait pas la Huwiyya (le Soi suprême), la Anniyya (le Moi suprême) paraîtrait, s'il n'y avait pas Huwa, Lui, il y aurait Anâ, Moi, s'il n'y avait pas Anta, Toi, se verrait la marque de l'ignorance, s'il n'y avait pas la compréhension (ordinaire) s'affirmerait le pouvoir de la Science (pure): et alors les ténèbres seraient abolies, et toutes ces lourdes bêtes s'envoleraient comme d'impondérables oiseaux dans les exiguïtés de l'extinction!

    A ton coeur se révèle Celui qui n'a jamais cessé
    de résider dans l'inscrutable mystère du Sans-commencement!
    Mais c'est toi-même qui étais le voile sur ton oeil
    bien que cela fût par la vertu même de ta similitude divine.
    Alors au coeur apparaît que Celui qu'il voit
    n'a jamais cessé de l'appeler vers Lui!
    C'est ainsi qu'un Propos vint, renfermant toute Parole,
    et sa gloire fut manifestée par l'Envoyé de la Région Suprême!


    Nous avions autrefois à Marchena, en pays andalous, un compagnon d'entre les saints hommes dont l'occupation était d'enseigner le Coran. C'était un excellent juriste, sachant par cur le Coran et les hadîth, homme de piété et de mérite, toujours au service des fuqarâ': son nom est Abdu-l-Majîd ben Selmah. Il m'a raconté - puisse Allah lui être propice - une chose qui lui est arrivée: "Une nuit, disait-il, pendant que j'étais dans la chambre où je fais d'habitude mes prières, je venais de terminer mon oraison (hizb) et j'avais placé ma tête entre mes genoux pour vaquer à l'invocation (dhikr) d'Allah; alors je constate qu'une personne survient, qui retire l'étoffe sur laquelle je priais et la remplace par une natte grossière. Ensuite cet être me dit: "Fais tes prières sur cette natte"! Or j'avais verrouillé la porte de ma chambre alors que j'étais tout seul. La frayeur s'empara de moi. L'homme me dit: "Celui qui vit dans l'intimité d'Allah ne s'effraye pas"! Et il ajoute: "Mais crains Allah en tout état"! Alors j'eus une inspiration et je lui demandai: "O, Sîdî, par quels moyens les Abdal arrivent-ils à être Abdal"? Il me répondit: "Par les quatre qu'a mentionnés Abû Tâlib (al-Makkî) dans la "Nourriture (des Coeurs)": le silence, la solitude, la faim et la veille". Alors il disparut sans que je sache comment il avait pu entrer ni sortir, car la porte était restée toujours fermée. Cependant la natte qu'il m'avait donnée était sous moi". Cet homme était d'entre les Abdal; son nom est Mu'âdh Ibn Ashras - qu'Allah soit satisfait de lui! Les quatre choses qu'il a mentionnées sont les piliers et les supports de cette noble voie. Qui ne prend pas son appui sur elles et n'obtient pas par elles la stabilité, erre hors de la voie d'Allah - qu'Il soit exalté!

    Notre propos dans ces pages est de parler de ces quatre points en consacrant à chacun une section pour y mentionner les idées et les états spirituels qu'ils comportent. Qu'Allah nous mette, nous et vous, parmi ceux qui les pratiquent toujours et les réalisent. Certes, Il a tout pouvoir pour cela!

    Le Silence (Al Samt)

    Le silence est de deux sortes: "silence de la langue", consistant dans l'abstention de parler autrement que par Allah (bighayriLlâh) ou "avec un autre qu'Allah" (ma'a ghayriLlâh), ces deux conditions étant solidaires; "silence du cur", consistant dans le rejet de toute pensée survenue dans l'âme et traitant de choses créées. Celui dont la langue se tait, même si son cur ne se tait pas, allège son fardeau; celui dont la langue et le cur se taisent tous les deux, purifie son "centre secret" (sirr) et son Seigneur s'y révèle; celui dont le cur se tait, mais dont la bouche parle, prononce les paroles de la Sagesse; mais celui dont ni la langue ni le cur ne se taisent est objet de Satan et soumis à sa domination. Le silence de la langue est un des traits ordinaires de tous les hommes spirituels (al'âmma) et de tous les maîtres de la voie (arbâbu-s-sulûk). Le silence du cur est parmi les caractères distinctifs des "rapprochés" (almuqarrabûn) qui sont des gens de contemplation. Le hâl (l'état) que le silence assure aux "progressants" (assâlikûn) est la préservation des malheurs, et celui qu'il favorise chez les "rapprochés" est l'entretien dans la familiarité seigneuriale. Celui qui observe le silence en tout état et sous tous les modes, n'a d'entretien qu'avec son Seigneur, car il est évident qu'un silence absolu est impossible pour l'homme en son âme; mais en se détachant de la conversation avec les autres vers l'entretien avec son Seigneur, il devient un confident "rapproché", bien assisté dans sa parole; et s'il parle ensuite, il le fait selon la justice, car il parle "selon Allah" ('aniLlâh) ainsi qu'on le voit dans ce qu'Allah dit au sujet de Son Prophète: "Et il ne parle pas selon la passion" (Coran, 53, 3). La parole juste est fruit du silence en tant qu'abstention de fauter (par la parole). La parole "avec un autre qu'Allah" est une faute en tous cas, de même que la parole "autrement que par Allah" est un mal sous tous les rapports. Allah dit: "Dans beaucoup de leurs entretiens il n'y a pas de bien, excepté celui qui ordonne de faire l'aumône, ou ce qui est acceptable, ou ce qui rétablit le bon ordre parmi les hommes" (Coran, 4, 114). Allah dit aussi: "Et on ne leur avait ordonné que d'adorer Allah en lui offrant un culte sincère" (Coran, 98, 5).

    A l'état du silence se rattache le maqâm de la Révélation (alwahy), avec ses différents modes.

    Le silence produit la "connaissance d'Allah" (ma'rifatuLlAh) .

    La Solitude (al'uzla)

    La solitude est un moyen d'assurer le silence de la langue; en effet celui qui s'écarte des hommes et n'a personne avec qui s'entretenir est, d'une façon naturelle, amené à renoncer aux paroles.

    L'isolement est de deux sortes: celui des aspirants (almurîdûn) qui consiste dans le fait d'éviter de se mêler matériellement aux autres, et celui des connaisseurs sûrs (almuhaqqiqûn) qui consiste dans le fait d'éviter intérieurement le contact des choses créaturelles. Les curs de ces derniers n'offrent de place qu'à la Science par Allah (al'Ilmu biLlAh) qui constitue ce Témoin de la Vérité (ShahidulHaqq), résultant de la pratique de la contemplation et résidant dans le cur.

    Ceux qui pratiquent l'isolement ont trois mobiles spirituels: 1) la crainte du mal provenant des hommes; 2) la crainte de faire du mal au prochain; ce point est plus important que le précédent, car dans le premier il est question d'une mauvaise opinion au sujet des autres, alors que dans le deuxième, la mauvaise opinion se rapporte à soi-même; or la mauvaise opinion au sujet de sa propre âme est plus grave car tu te connais mieux (que tu ne connais les autres); 3) le désir de rendre permanente la compagnie du Maître que l'on a du côté de l'Assemblée Sublime. Ainsi l'homme supérieur est celui qui se fuit soi-même pour obtenir la compagnie de son Seigneur. Celui qui préfère la solitude à la fréquentation des autres, de ce fait même préfère son Seigneur à ce qui est autre que Lui; or à celui qui préfère son Seigneur, personne ne peut savoir quels dons et secrets Allah lui accorde. La solitude est éprouvée dans le cur seulement du fait qu'on a quitté une chose et du fait de se trouver en intimité avec Celui vers lequel on s'est retiré et qui fut la cause du désir d'isolement.

    La solitude remplit par elle-même aussi la condition du silence, car celui-ci en découle en mode nécessaire; ceci s'entend naturellement du silence de la langue. Quant au silence du cur, l'isolement ne l'apporte pas nécessairement car quelqu'un peut s'entretenir en soi-même "autrement que par Allah" et "avec un autre qu'Allah". C'est pour cela que nous avons considéré le silence (dans son ensemble) comme règle indépendante de la voie.

    Celui qui s'attache à la solitude découvre le "secret" de l'Unicité divine (alWahdaniyya alilàhiyya), et cela lui procure plus spécialement, en fait de connaissances et secrets, les secrets de l'Unité (alAhadiyya) en tant que qualité (sifa). Le hal propre de la solitude consiste dans le détachement des attributs, qu'il s'agisse de l'initié ordinaire (assalik) ou de celui qui a déjà la réalisation (almuhaqqiq). Le plus haut mode de l'isolement est la "retraite" (al khalwa) car celle-ci constitue un isolement dans l'isolement; aussi son fruit est-il plus précieux que celui de l'isolement ordinaire.

    Celui qui pratique l'isolement doit avoir une certitude au sujet d'Allah, afin qu'il n'ait aucune obsession qui lui ramène la pensée hors de la chambre où il se tient; s'il manque de certitude, qu'il prépare à l'avance sa force en vue de l'isolement, afin qu'il soit renforcé dans sa certitude par ce qui se dévoilera à lui dans sa solitude. Ceci est une chose indispensable et une des règles fermes qui conditionnent la pratique de l'isolement.

    La solitude procure la "connaissance du Monde" (ma 'rifatud Dunya).

  • #2
    Ibn-Al-Arabi suite

    La Faim (aljû')


    La faim est la troisième règle fondamentale de cette voie divine; elle entraîne la quatrième règle qui est la veille, de même que la solitude comporte le silence.
    La faim peut être d'initiative libre (ikhtiyarî): c'est la faim des salikûn. Elle peut être aussi de force majeure (idtirarî) : c'est la faim des muhaqqiqûn ; car l'être réalisé ne s'impose pas lui-même un régime de faim, mais (d'une façon naturelle) sa nutrition décroît lorsqu'il se trouve dans la condition de l'intimité divine (maqamulUns) . Si par contre, il se trouve dans la condition de la Crainte révérentielle (maqamu lHayba), il a besoin de beaucoup de nourriture. L'augmentation de la nourriture chez les muhaqqiqûn est un signe sûr de la violence avec laquelle les lumières de la Vérité essentielle foncent sur leurs curs, comme effet de l'immensité (al'Azama) découverte dans leur Contemplé; la réduction de leur nourriture est de son côté une preuve certaine du rapport d'intimité qu'ils ont avec leur Contemplé. Par contre l'augmentation de la quantité de nourriture chez les salikûn est un signe de leur éloignement d'Allah et de leur renvoi de Sa porte, ainsi que l'esclavage auquel ils sont réduits par l'âme concupiscente et bestiale (an nafs ashshahwaniyya albahîmiyya) ; la réduction de leur nourriture est un signe que les haleines de la grâce divine passent sur leurs curs et leur font oublier les besoins de leurs corps.

    La pratique de la faim est en tout état et de toute façon un moyen qui intercède tant en faveur du salik que du muhaqqiq en vue de l'atteinte d'un degré plus élevé: dans ses "états spirituels" (ahwal) pour le premier, dans ses "secrets acquis" (asrar) pour le second. Il est toutefois entendu que le pratiquant de cette règle de la faim n'exagère pas ainsi la durée de son maintien en état de veille, car un excès à cet égard mènerait à l'extravagance mentale (alhawas), à la perte de la raison, ainsi qu'au déséquilibre organique. Il n'est pas admis que le salik s'applique à la pratique de la faim en vue d'atteindre des états spirituels autrement que par ordre d'un maître initiatique, Cheikh. De sa propre initiative il ne pourra pas s'y adonner, mais il lui est loisible lorsqu'il est seul (sans directeur spirituel) de réduire la quantité de sa nourriture et de pratiquer le jeûne ordinaire d'une façon continuelle (istidamatus siyam), ainsi que de ne prendre qu'un seul repas par jour. Si parfois il veut manger gras qu'il n'en use pas plus de deux fois par semaine s'il veut être en profit; cela jusqu'à ce qu'il ait trouvé un Cheikh, et lorsqu'il l'aura trouvé il n'aura plus qu'à remettre son sort entre ses mains et celuici s'occupera alors de son cas et de tout ce qui concerne ses états.

    La faim a un hal et un maqam. Le hal est caractérisé par l'humilité, la soumission, la modestie, la douceur, l'esprit de pauvreté, l'absence de vanité, la tenue calme, l'absence de pensées viles: tel est le hal des salikûn ; quant à celui des muhaqqiqûn il est fait de finesse, de pureté, d'affabilité, d'éloignement du monde, de transcendance par rapport aux caractères de l'humanité ordinaire par la vertu de la puissance divine et du pouvoir seigneurial.

    Le maqam est celui de la Sustentation universelle (almaqam assamadanî). C'est une condition très élevée caractérisée par des secrets intellectuels (asrar), des dévoilements contemplatifs (tajalliyat) et des états spirituels (ahwal) que nous avons mentionnés dans notre livre intitulé Mawaqi' anNujûm, au chapitre relatif au Coeur; cela ne se trouve toutefois que dans certains exemplaires du dit livre, car je l'avais complété sur ce point à Bougie en l'année 597, après qu'il en était déjà sorti partout beaucoup de copies qui ne portaient pas des précisions sur cette demeure initiatique.

    Telle est l'utilité de la faim en vue de l'obtention de l'énergie spirituelle (himma). Il n'est pas question ici de la faim ordinaire; celle-ci peut être pratiquée en vue du rétablissement de l'équilibre organique et du bienêtre du corps, rien de plus.

    La faim procure la connaissance de Satan (ma'rifatu shShaytan); qu'Allah nous préserve ainsi que vous-mêmes du mal de celui-ci.


    La Veille (assahar)

    La veille est le fruit de la faim, car le vide du ventre chasse le sommeil. Il y a deux sortes de veilles; celle du coeur et celle de l'oeil. Le coeur est en état de veille lorsque sortant du sommeil des insouciances, il recherche les contemplations. La veille de l'oeil procède du désir de maintenir la puissance de l'esprit (alhimma) dans le coeur en vue de "l'entretien nocturne" (almusamsra), car lorsque l'oeil dort l'activité du coeur cesse; mais si le coeur veille pendant que l'oeil dort, c'est pour atteindre finalement la vision contemplative dans le "centre secret" (sirr) mentionné précédemment, pas pour autre chose; il ne convient pas qu'on pense à autre chose que cela. L'utilité de la veille est le maintien de l'activité du coeur, et par cela la progression, vers les degrés supérieurs gardés auprès d'Allah le Sublime.

    Le hal qui caractérise la veille est la conservation du moment spirituel (alwaqt) avec Allah, tant chez le salik que chez le muhaqqiq ; seulement ce dernier a dans cet état un accroissement d'attributs seigneuriaux (takhalluq rabbanî) que ne connaît pas le salik. Le maqam rattaché à la pratique de la veille est celui de l'Immutabilité ou de la Subsistance par soi (alQayyûmiyya). Il y a parmi les initiés quelques-uns qui contestent qu'il soit possible de réaliser l'Immutabilité comme vérité personnelle (tahaqquq); d'autres contestent qu'il soit possible d'en revêtir les attributs (takhalluq). J'ai rencontré moi-même Abû Abdallâh ben Junaydî qui contestait la possibilité du takhalluq. Quant à nous, nous sommes de l'avis contraire, car les vérités essentielles nous ont instruit que l'Homme Universel (alInsan alKamil) peut être porteur de tout nom de la dignité divine. S'il y a parmi nos hommes quelqu'un qui n'admet pas ce point, c'est par manque de connaissance de ce qu'est l'Homme dans sa vérité essentielle et selon sa constitution; mais si un tel se connaissait soi-même il ne verrait plus aucune difficulté.

    La veille confère la connaissance de l'âme (ma'rifatunnafs).

    Tels sont les fondements (arkan) de la Connaissance. Celle-ci accomplit son cycle par l'obtention de quatre connaissances (spécifiques): Allah, l'âme, le Monde et Satan. Lorsque l'homme s'éloigne des créatures ainsi que de sa propre âme, et fait taire en lui la conscience du moi pour laisser place seulement à la connaissance du Seigneur, aussi lorsqu'il se détache de la nourriture corporelle et se maintient en état de veille pendant que les autres sont plongés dans le sommeil, lorsqu'il réunit donc en lui ces quatre résultats, sa nature humaine est transmuée en nature angélique, sa servitude est changée en seigneurie, son intelligence ('aql) est convertie en faculté intuitive (hiss), sa réalité invisible (ghayb) devient manifeste (shahada) ! Alors lorsqu'il quitte son endroit il y laisse un "substitut" (badal) constitué par une substance subtile (haqîqa rûhaniyya) avec laquelle se tiennent en rapport les esprits de l'endroit: quand quelqu'un des humains de cet endroit manifeste un désir vif de la personne absente, cette substance subtile prend forme corporelle (tajassadat) devant ceux-ci. On lui parle et elle leur parle. Ses interlocuteurs s'imaginent qu'ils ont affaire avec l'être véritable alors que celui-ci est loin de là jusqu'à ce qu'il ait terminé ce qu'il avait à faire. Cette substance subtile peut prendre forme corporelle aussi dans le cas où celui auquel elle appartient conçoit lui-même un désir intense de l'endroit quitté ou encore quand il y a entre lui et cet endroit une attache qui intéresse sa force spirituelle (ta'alluqu himmatin). Pareille chose peut arriver même à quelqu'un qui n'est pas Badal ; la différence consiste alors en ceci que le Badal véritable en quittant son lieu sait qu'il y a laissé un"substitut" alors que celui qui n'est pas Badal ne sait rien quoiqu'il en ait laissé un; et l'explication de cette différence réside dans le fait que celui qui n'est pas Badal ne possède pas (pleinement) les quatre fondements mentionnés.


    [COLOR="Lime"]O toi qui aspires aux degrés des Abdâl
    Mais qui ne penses pas aux oeuvres requises,
    Ne les convoite pas vainement, tu n'en seras digne
    Qu'en concourrant avec eux par les états ascétiques.

    Fais taire ton coeur, et retire toi au loin,
    Loin de tout ce qui t'éloigne du Seigneur BienAimé!
    Veille etendure la faim. Ainsi tu atteindras leur dignité.
    Et tu seras comme eux, soit en restant chez toi, soit en partant au loin.

    La Maison de la Sainteté a des "angles" bien établis!
    Nos maîtres qui y résident sont des Abdâl.
    Entre Silence, Solitude, Faim et Veille,
    Se dresse le sommet du Pur Transcendant./COLOR]


    Nous demandons à Allah qu'Il nous accorde à nous et à vous la grâce d'accomplir ces règles, et d'accéder aux degrés de la Vertu Parfaite (alIhsân). Certes Il est le Maître généreux. Et louange à Allah le Seigneur des Mondes!

    Commentaire


    • #3
      Il reste plus que vrai que la gnose d'ibn Arabi n’est pas accessible au premier venu, non formé et non préparé, même si ce premier venu en question peut éventuellement être compétant dans d’autres sciences de l’Islam. Tout ce qu'a dit Ibn Arabi doit donc être interprété dans le vrai sens et il ne faut pas se laisser abuser par la pauvreté de la compréhension simpliste. La haine et les calomnies que ses contradicteurs bornés propageaient a son encontre étaient déjà habilement dissimulées dans une certaine lecture et certains arguments affûtés au long des siècles. Mais qu'on le veuille ou non, les Prophètes ont eu pour mission de faire prendre conscience les croyants de la Réalité divine. Les maîtres ésotériques les rejoignent en ce sens et conduisent les initiés à saisir la réalité supreme en leur enseignant le dépassement de leur subjectivité, qui constitue autant de voiles à faire tomber, et justement le plus épais des voiles est l’égo « nafs ». Il faut donc bien comprendre que la sphère de la sainteté qui intéresse les connaissant pour la vision béatifique de Dieu s’étend au-delà du champ du mental, car elle est fondée sur le dévoilement spirituel. C'est ainsi que pour les connaissant, tout s'efface devant la face de Dieu et il n'existe rien d'autres que Dieu et ses attributs.

      Ibn Arabi a tout simplement expliqué a ceux qui peuvent comprendre quelque chose que Allah a créé le cœur de l’être humain comme un miroir poli, dans lequel ce qui est devant lui se reflète. Quand Allah veut du bien à Son serviteur, Il lui fait refléter les lumières de Son royaume et les secrets de Son Essence et le cœur n’est plus attaché à l’amour d’aucune chose ténébreuse et plus aucune illusion ne peut s'accaparer de sa raison. Par la grâce divine, après le temps et l'usure de la oumma dans la vision matérialiste du monde, on revient alors vers le valeureux Ibn Arabi qui nous rappelle que seul Dieu existe et que toute autre chose n'est que pure illusion...
      A chaque instant la vérité nous interpelle, y sommes nous attentifs.
      Rien n'est de moi, Je vous irrigue des écrits et de la connaissance des grands.

      Commentaire


      • #4
        Le Livre des Conseils (kitâb al-wasayâ)

        Le Livre des Conseils (kitâb al-wasayâ) est le dernier chapitre, le 560e, et le plus long de l’immense oeuvre, intitulé Al-Futûhât al-Makkiyya, Les Conquêtes ou Ouvertures Mekkoises qu’Ibn ’Arabî a composée à Damas. En effet, il comprend plus de 120 pages grand format et plus de 300 conseils. Le Maître récapitule en eux les aspects essentiels de son oeuvre ; il y traite de la vie spirituelle sous toutes les modalités les plus élevées, et pouvant s’appliquer à toutes les circonstances de la vie du Fidèle. Dans ses exposés, il utilise toujours les sources principales qui font autorité en Islam : la Parole divine descendue sur le Prophète, le Qur’ân ou Récitation englobante, et la Sunna ou Tradition prophétique. La plupart des hadith-s qu’il cite tout au long de ce chapitre sont extraits de son recueil de Traditions prophétiques intitulé Mishkât al-Anwâr, La Niche des Lumières. Nous donnons, ci-après, la traduction des neuf premiers conseils, en espérant en présenter d’autres ultérieurement, s’il plaît à Dieu.
        CONSEIL 1 – Conseil d’ordre général – l’union fait la force
        Allâh a dit au sujet du conseil d’ordre général : ’Allâh vous a prescrit, en matière de Religion (dîn) ce qu’Il a conseillé à Noé. Ce que Nous t’avons inspiré, ce que Nous avons conseillé à Abraham, à Moïse et à Jésus est : Maintenez-vous dans le Religion et ne vous séparez pas à son sujet” (Coran, 42/13).
        Dieu-le-Vrai (al-Haqq) a ordonné de se conformer à la Religion révélée – qui est la Loi divine (shar’) régissant le moment présent à chaque époque (zamân) et en chaque communauté traditionnelle (milla) – et de se rassembler et non de diverger à son sujet. Car la Main d’Allâh est avec la Communauté rassemblée (jamâ`a). [Selon le proverbe] ’Le loup mange la vieille brebis qui dans sa fuite a pris du retard sur le gros du troupeau et s’en est trouvée isolée’.
        L’enseignement (hikma) qui se dégage de ce proverbe est qu’Allâh n’est reconnu comme Dieu se révélant (ilâh) que par Sa possession des Noms excellents, et non en tant qu’Il en serait démuni. C’est donc nécessairement en relation avec l’Unicité de Son Essence (tawhîd `ayni-Hi), la multiplicité de Ses Noms et par leur synthèse qu’Il est (reconnu) comme le Dieu se révélant (al-Ilâh) 3. La Main d’Allâh, qui représente la force, est donc avec la Communauté unifiée.
        Hakîm (le sage prophète Jacob) donna à ses (douze) enfants, qui formaient une communauté unie, le conseil suivant au moment de sa mort : ’Apportez-moi des bâtons’. Il les assembla et dit à ses enfants : ’Brisez-les !’ Or les bâtons se trouvaient ensemble (réunis) et à cause de cette disposition ils ne purent y arriver. Jacob alors sépara les bâtons et dit à ses enfants : ’Prenez-les un par un et brisez-les’, et ils y parvinrent. Il ajouta : ’C’est ainsi qu’après moi vous ne serez point dominés tant que vous resterez unis. Mais si vous vous séparez, vos ennemis auront pouvoir sur vous et vous anéantiront’.
        De la même manière, ceux qui respectent la Religion en y restant unis et ne divergent pas en elle ne seront pas subjugués par leurs adversaires.
        C’est pourquoi l’être humain, en s’unifiant en conformité avec la Religion d’Allâh, n’est dominé par aucun démon, homme ou djinn, qui cherche à le circonvenir par des suggestions, et cela grâce à l’heureuse assistance de la Foi et de l’ange qui le protège avec ses auxiliaires.
        CONSEIL 2 – La pratique du bien
        Si tu désobéis à Allâh en un lieu, ne le quitte pas sans y avoir fait acte d’obéissance et d’adoration. De même qu’il témoignera contre toi quand on le lui demandera, il témoignera aussi en ta faveur. C’est alors que tu pourras t’en éloigner.
        Tu te comporteras de la même manière avec ton habit si tu viens à désobéir à Allâh quand tu le portes.
        Tu agiras de même quand tu te tailleras la moustache, quand tu te raseras les poils du pubis, quand tu te couperas les ongles ou quand tu rafraîchiras ta chevelure. Tu ne te nettoieras pas et tu ne sépareras rien de ton corps sans être en état de pureté rituelle (tahâra) et sans invoquer Allâh -Sublime, puissant et majestueux soit-Il- car Il te demandera comment tu t’en es défait.
        La plus minime oeuvre d’adoration sur laquelle tu as quelque pouvoir en toutes ces questions consiste à invoquer Allâh pour qu’Il revienne à toi à partir de ce qu’Il t’a ordonné afin que tu t’y conformes impérativement en réponse à Sa Parole : ’Demandez-Moi, Je vous exaucerai’ (Coran, 40/60).
        Il t’ordonne donc de Lui demander. Il ajoute : ’En vérité, ceux qui dédaignent l’adoration qui M’est due…’ (Coran, 40/21). Par adoration il faut entendre ici ’demande’ ou ’supplique spontanée’ (du’â) ce verset se comprenant alors de cette façon : ceux qui dédaignent l’humilité et la pauvreté’. La demande spontanée est appelée ’adoration’ puisque celle-ci implique humilité, componction et pauvreté. Le même verset se termine ainsi : ’entreront humiliés dans le Feu de la Géhenne (Coran, 40/21). Allâh rétribue en les faisant entrer, honorés, dans le Jardin ceux qui ont accompli ce qu’on leur commande.
        Un certain matin, au lever du jour, il m’arriva de rentrer aux bains pour procéder à une toilette générale. C’est alors que je rencontrai Najd ad-Dîn Abû-l-Ma`alî b. al-Lahîb, mon compagnon. Il demanda le barbier pour les soins de la tête. Je l’interpellais alors : ’O Abû-l-Ma’alî !’ Il me dit, avant même que j’ai terminé ma phrase : ’Je suis en état de pureté légale’. J’avais compris que tu voulais me demander cela !’ Je m’étonnai de sa présence d’esprit et de la rapidité de sa compréhension, de sa bienveillante disposition à pénétrer les situations et de la connaissance qu’il en avait eue dans mon cas. Je lui répondis : ’Qu’Allâh te bénisse ! Par Allâh, je ne t’ai interpellé que parce que tu étais en état de pureté rituelle et que tu invoquais Allâh au moment de te faire couper les cheveux !’ Il pria Allâh pour moi et se fit raser.
        En ce domaine, les hommes sont bien insouciants. Ils disent même : ’Si tu désobéis à Allâh en un lieu, retire-t-en !’ Car ils craignent pour toi que cet endroit témoigne de ta désobéissance. Leur propos te convient alors que tu ne fais qu’ajouter péché sur péché. Pourtant, ils n’ont attiré ton attention que par miséricorde pour toi, bien qu’une science importante leur échappe !
        Obéis donc à Allâh par cette injonction, car tu pourras alors partir de ce lieu en réunissant ce qu’ils t’ont recommandé et le conseil que je viens de te donner.
        Toutes les fois que tu te souviens d’une faute que tu as commise, repens-toi des conséquences qu’elle entraîne pour toi et demande pardon à Allâh.
        Souviens-toi de Lui à cette occasion selon la nature de cette désobéissance. Le Messager d’Allâh – sur lui la Grâce et la Paix d’Allâh – disait : ’Fais suivre le mauvais comportement d’un bon comportement qui l’effacera’, car Allâh a dit ’Certes, les bons comportements dissipent les mauvais’ (Coran, 11/114). C’est alors que ce précepte divin sera pour toi le critère par lequel tu apprécieras la juste valeur des mauvais et des bons comportements.
        CONSEIL 3 – La bonne estimation au sujet d’Allâh
        Aie la bonne opinion (zhann) et non la mauvaise au sujet de ton Seigneur en toute circonstance (hâl), car tu ne sais pas si tu n’es pas en train de rendre ton dernier souffle qui va provoquer ta mort. Rencontre donc Allâh avec la bonne opinion à Son égard et non avec la mauvaise, puisque tu ne peux savoir si Dieu te saisira dans le souffle que tu expires.
        Chasse de toi le propos de celui qui parle d’avoir la mauvaise opinion (zhann) pendant la vie (présente) et la meilleure opinion à l’égard d’Allâh à l’heure de la mort. Chez les savants par Allâh, cette attitude est considérée comme ignorance, eux qui demeurent avec Allâh dans tous leurs souffles et en retirent un profit spirituel. La science par Allâh t’impose d’accomplir ce qui Lui revient de droit : d’exiger de toi la Foi, conformément à ce verset : ’Nous vous avons fait exister dans ce que vous ne savez pas” (Coran, 56/61). Il se pourrait qu’Allâh te fît arriver au moment du souffle qui, pensais-tu, provoquerait en toi le processus de la mort et te ferait retourner à Lui, tout en ayant la mauvaise opinion à l’égard de ton Seigneur et que tu Le rencontres alors dans cette disposition. On rapporte du Prophète -sur lui la Grâce et la Paix d’Allâh- cette nouvelle reçue de son Seigneur 4 : ’Je suis auprès de la pensée que Mon serviteur se fait de Moi. Qu’il pense donc le meilleur de Moi !’
        Dans cette nouvelle, Allâh n’a pas privilégié un temps plutôt qu’un autre. Que ta pensée à l’égard d’Allâh soit empreinte de la connaissance certaine qu’Il efface, pardonne et est indulgent. Allâh t’incite à garder cette pensée à Son égard dans le verset suivant : ’O Mes serviteurs qui avez été excessifs envers vous-mêmes, ne désespérez pas de la Miséricorde d’Allâh’ (Coran, 39/53). Il t’interdit donc le désespoir et tu dois t’abstenir de ce qu’Il défend. Il t’informe ensuite – et Son information est véridique – qu’Il ne tolère pas de dérogation (naskh) qui constituerait un désaveu bien impossible de Sa part. N’a-t-Il pas dit : ’Certes, Allâh pardonne tous les péchés” (Coran, 43/54), sans spécifier tel ou tel péché. Il a même insister en ce sens en précisant bien : tous les péchés. Il ajoute : ’En vérité, Lui est bien le Très-Pardonneur et le Très-Miséricordieux” (Coran, 43/54). Le pronom ’Lui’ se rapporte à Allâh en tant qu’Il possède ces [deux] attributs attendu que ’Sa Miséricorde précède Son Courroux’ (selon un hadîth).
        C’est pourquoi, dans le verset précité, Allâh dit :’qui avez été excessifs’ sans préciser tel ou tel excès. Il a employé le pronom ’Mes’ dans Son propos : ’O Mes serviteurs’ qu’Il a étendu à tout être excessif, mettant ainsi en rapport les serviteurs avec Lui, car ils sont bien Ses serviteurs, comme Il l’a mentionné à propos du serviteur intègre Jésus – sur lui la Paix – ’En vérité, si Tu les châties, ils sont Tes serviteurs’ (Coran, 5/118). En conséquence, Il les met en relation avec Lui – exalté soit-Il. Or la noblesse (sharaf) qui suffit est celle que confère la relation avec Allâh.

        Commentaire


        • #5
          le livre des conseils .suite

          Suite:

          CONSEIL 4 – L’obligation de l’invocation d’Allâh
          Vous êtes tenus au dhikr d’Allâh, secrètement et ouvertement, en vous-mêmes et en assemblée. Allâh a dit : ’Faîtes donc Mon Dhikr, Je fais votre dhikr (Coran, 2/152). Il en résulte qu’Il a fait de l’exaucement du (ou = de la réponse favorable au) Dhikr accompli par le serviteur, le Dhikr même qu’Allâh accomplit.
          Le serviteur n’éprouve pas de plus grand dommage que le péché. Le Prophète – sur lui la Grâce et la Paix d’Allâh- disait, quand un préjudice l’atteignait : ’La Louange est à Allâh en toute circonstance’, et dans le contentement de la joie : ’La Louange est à Allâh, le Dispensateur du bienfait et de la faveur’.
          Quand tu gardes, quel que soit ton état, la conscience permanente du Dhikr d’Allâh en ton coeur, celui-ci se trouve assurément illuminé par la lumière du dhikr, de sorte que celle-ci t’accorde le dévoilement (kashf), car par elle, les choses se dévoilent.
          Lorsque le dévoilement se produit, le respect (hayâ’) l’accompagne. Le signe qui t’indique cette concomitance est (par exemple) le respect que tu as à l’égard de ton voisin ou de celui chez qui tu reconnais un droit ou une qualité. Or il est sûr que la Foi t’apporte la vénération de Dieu le Réel (al-Haqq) en ton for intérieur.
          Ces considérations sont réservées seulement à ceux qui sont avec les porteurs de la Foi et notre conseil s’adresse à tout être qui se soumet (à la volonté divine), fidèle à Allâh et à ce qui provient de chez Lui.
          Dans une nouvelle sûre, Allâh précise : ’…et Moi, Je suis avec lui – c’est-à-dire avec le serviteur – au moment où il fait Mon Dhikr (où il Me mentionne). S’il fait Mon Dhikr en son âme, Je fais son dhikr en Mon Ame. S’il fait Mon Dhikr en assemblée, Je fais son dhikr dans une assemblée meilleure que la sienne’ 5.
          Allâh a dit : ’Ceux et celles qui font le Dhikr d’Allâh abondamment’ (Coran, 33/35). Or le Dhikr le plus éminent est le Dhikr d’Allâh en toute circonstance.
          CONSEIL 5 – La proximité d’Allâh
          Applique-toi à parvenir à l’entière proximité par l’effort intense autant que possible en tout temps et en toute circonstance, selon la signification attachée à ce temps et à cette circonstance par lesquels Dieu le Réel s’adresse à toi.
          Si tu portes la Foi, tu ne pourras jamais être délivré d’une désobéissance sauf par une oeuvre d’obéissance qui s’y substitue, car en ta qualité de porteur de la Foi, tu sais qu’il s’agit d’une désobéissance.
          Or si tu joins à cette alliance la demande de pardon et le repentir (tu ajoutes) une obéissance à une (autre) obéissance et une proximité à une autre proximité, de sorte que l’obéissance qui suit l’acte mauvais et la foi s’en trouvent fortifiées en produisant une proximité d’Allâh plus intense et plus considérable.
          Le fondement sur lequel la proximité toute entière et certaines modalités de la foi sont établies est constitué par ton statut vis à vis d’Allâh, selon le principe qu’Il a Lui- même posé, dans la nouvelle prophétique authentique suivante 6 : ’Si le serviteur s’approche de Moi d’un empan, Je M’approche de lui d’une coudée. S’il s’approche de Moi d’une coudée, Je M’approche de lui d’une brasse. S’il vient à Moi en marchant, Je viens à lui en M’empressant.’
          La raison de cette supériorité propre à Allâh, de la faiblesse propre au serviteur et de la surenchère, réside dans le fait que le serviteur doit se trouver raffermi dans son intention de se rapprocher d’Allâh par le comportement [adéquat] et dans le fait qu’il reçoit l’ordre de considérer ses actes selon les critères d’évaluation de la Loi révélée, et cela nécessairement sans retard. S’il montre de l’empressement et s’en qualifie, sa diligence consiste seulement à réaliser les critères d’évaluation de son comportement devant [cette proximité] et non son comportement [en soi]. La réalisation de ces critères d’évaluation par l’acte assure l’accomplissement des oeuvres d’adoration, bien que la proximité divine n’ait nul besoin de balance. La Balance que Dieu le Réel détient dans Sa Main est celle par laquelle tu pèses ce comportement qui te permet de rechercher la proximité d’Allâh. Celui qui possède cette disposition est nécessairement par rapport à toi dans une proximité plus déterminante et plus grande que ta proximité par rapport à Lui.
          Allâh se décrit Lui-même comme s’approchant de toi quand tu t’approches de Lui en t’accordant un surcroît de proximité de Lui, symbole (de mesure) par symbole (de mesure dans le hadîth précité). La raison en est que tu es créé selon la forme (d’Allâh). Or une Lieutenance primordiale (awwal khilâfa) te concerne, celle de ta lieutenance conforme à ton essence, car tu es Son lieutenant dans la terre de ton corps, et le troupeau que tu gardes se compose de tes membres actifs et de tes facultés externes et internes. Sa Proximité-même de toi est donc ta proximité de Lui et un accroissement qui se présente comme Il l’a précisé à propos de la coudée, de la brasse et de l’empressement.
          Dans la surenchère divine, l’empan entraîne en conséquence la coudée, la coudée la brasse et à la marche correspond l’empressement. Dans la première partie (awwal) de chaque séquence, il s’agit de ta proximité de Lui, alors que dans l’autre partie (la dernière = âkhir ) correspondante, il s’agit de Sa Proximité de toi. Ainsi Lui est le Premier (Awwal) et le Dernier (Âkhir) (cf. Coran, 57-3). Il s’agit alors de la proximité corrélative (al-qurb al-munâsaba). Mais la Proximité divine qui concerne l’ensemble des créatures est différente de cette dernière. Allâh n’a t-Il pas dit : ’Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire ” (Coran, 50/16).
          Je ne veux pas parler ici de cette dernière proximité mais bien de celle qui est la conséquence de la proximité que le serviteur a avec Allâh. Or le serviteur n’a de proximité avec Allâh que par la foi en ce qui provient d’Allâh-même en plus de la foi en Allâh et en celui qui transmet (la Révélation) de Sa part.

          Commentaire


          • #6
            le livre des conseils
            Cher Abdelhamid,
            L'extase dans l'amour de Dieu et de cette science sacrée est parvenue a ce maître soufi par la lecture du Coran Vénéré et les commandements profonds du prophète, paix et salut éternels sur lui, et de ses compagnons. Le fait que certaines de ces affirmations sur les réalités spirituelles puissent choquer les non-initiés n'est en rien condamnable, c'est au contraire une condition nécessaire à la véracité de toutes doctrines ésotériques islamiques. Nous comprenons pourquoi l'Imam Ghazali abandonna les arènes du savoir au milieu d'une prestigieuse carrière, en vue de se consacrer à la purification du soi. Certains exégètes pointilleux littéralement du texte coranique irrités par le débordement d'amour et de connaissance du Cheikh El Akbar et de ses adeptes, ont vainement chercher à marginaliser mécaniquement le soufisme. Mais malheureusement pour eux aucun amalgame ne peut exister en ce sens pour les connaissant ou pour ceux qui ont dégusté les saveurs de la foi. En portant préjudice a de telles pensées mystiques, ils essaient donc de déconsidérer la vrai image de cette grande religion musulmane en prônant en remplacement une intolérance violente sous le fallacieux prétexte que le Soufisme ne serait pas conforme à l’orthodoxie sunnite. Pourtant, Ibn Arabi explique tout simplement en se basant sur le Coran vénéré et la Sunna que chaque instant contient plutôt la présence divine, et c’est surtout l’homme qui en est le vrai absent. Il a essayé par le don de sa connaissance et de son amour d'élever la oumma a cette présence mais seulement incompris il est traité de déviant voire de mécréant par certains ignorants.

            Ibn El Arabi a de tout temps proclamé que l'existence a une seule réalité, et que toute chose visible n'est que le reflet d'un aspect de la réalité divine. Les savants pensent qu'une œuvre aussi prodigieuse et complexe que la sienne reste forcément incomprise par une majorité d’individus et est en ce sens inévitablement controversée suscitant des réactions vives et parfois virulentes. Elle a, par bonheur, également ses admirateurs, ceux qui s’en nourrissent, mais aussi ses détracteurs et ses pourfendeurs. Pour ce grand connaissant ésotérique, le monde est l'oeuvre de Dieu ou se reflète toute la réalité divine. Pour lui, l'esprit du soufisme trouve toute sa source en la personne du Prophète Mohammed lui-même. Pour la réelle mise en pratique de cette science ésotérique dans le quotidien musulman, la vie du prophète couvre tout ce qui a trait a mettre en place le soufisme. Grace donc au Soufisme, la réalité spirituelle prend sa place pleine et entière en vie sociale dans la "loi religieuse", mais qui, il faut le signaler, elle aussi dans le soufisme, ne perd en aucune façon une once de la sienne. Le littéralisme asphyxiant qui fait souvent surface n'est que l'ultime refuge face au vide spirituel.
            A chaque instant la vérité nous interpelle, y sommes nous attentifs.
            Rien n'est de moi, Je vous irrigue des écrits et de la connaissance des grands.

            Commentaire


            • #7
              La guidance de Dieu.

              ( Dieu m’a ravi à mon « moi « [illusoire] et m’a rapproché de mon « moi » [réel].)
              Tel est le commencement du Mawqif 7 de l’émir Abd-el-Kader qui me caractérise depuis mon enfance. Dieu m’a retranché des sollicitudes du monde d’ici-bas tout en me faisant « vivre » dans ce monde en me préservant de ses convoitises, en me protégeant de la nécessité de consulter les médecins, en m’honorant de la science et du savoir et pour finalement me procurer ma subsistance et un confort matériel d’une manière dont je ne pouvais pas m’y attendre. Gloire au seigneur des mondes visibles et invisibles. Il m’a guidé et protégé depuis mon enfance jusqu’à m’appeler dans sa voie en me faisant subir de nombreuses épreuves très pénibles et très douloureuses.
              Je me propose de poster un écrit du cheikh el akbar Ibn-el-Arabi :

              " Le dévoilement des effets du voyage "

              Au nom de Dieu le Tout-Miséricordieux
              le Très-Miséricordieux.
              Que Dieu répande la grâce et la paix
              sur notre seigneur Muhammad et les siens.

              § 1 La louange est à Dieu qui réside dans la Nuée et a pour
              attribut d'être établi sur le Trône – majesté de Son
              Essence –, après l'achèvement de la création, depuis
              celle de Sa terre jusqu'à celle de Ses cieux [cf. § 10-12].
              Il fit descendre le Coran dans la Nuit du Destin ou Nuit
              bénie jusqu'au ciel le plus proche, dans la totalité de ses
              sourates et de ses versets [cf. § 18-21]. Il fit voyager les
              planètes dans les mansions du mélange et de
              l'épuration, proclamant ainsi son propre éloge par les
              déterminations de Sa toute-puissance [cf. § 13-17]. Il fit
              voyager de nuit notre seigneur Muhammad Son serviteur
              – que Dieu lui accorde grâce et paix – depuis la Mosquée
              sacrée jusqu'à la Mosquée la plus éloignée et de là,
              jusqu'à la «distance de deux arcs ou plus près» pour lui
              faire voir certains de Ses signes [cf. § 22-25]. Il fit choir
              Adam jusqu'à la terre de Son épreuve et le fit sortir de
              Son Paradis, demeure de Ses délices et de Ses
              jouissances [cf. § 26-31]. Il éleva Idrîs (Enoch) – sur lui
              la paix – depuis le monde des créatures puis le fit
              «descendre» dans le Lieu élevé au plus central de Ses
              degrés [cf. § 32-36]. Il porta Son prophète Noé – sur lui
              la paix – dans le fracas des vagues sur la mer de Son
              déluge, dans l'arche de Son salut [cf. § 37-40]. Il fit
              partir Abraham, Son ami intime – sur lui la paix –, pour
              lui dispenser Sa guidance et Ses dons miraculeux [cf. §
              41-43]. Il fit sortir Joseph – sur lui la paix – pour le
              séparer de son père – sur lui la paix – puis le fit
              rejoindre par celui-ci, afin de le confirmer, lui Joseph,
              dans la vision de la plus heureuse de Ses bonnes
              nouvelles [cf. § 46-49]. Il fit voyager de nuit Loth et sa
              famille pour le sauver de Ses vengeances [cf. § 44-45].
              Il fit se hâter Moïse – sur lui la paix – et laisser son
              peuple, quand il vint trouver son Seigneur au temps fixé
              par Lui [cf. § 50-54]. Il fit briller pour lui une lumière
              sous forme de feu afin qu'il se tourne entièrement vers
              Lui et l'appela à partir de ses besoins [cf. § 61-63].
              Moïse s'empressa vers Lui et Il le combla de Ses
              entretiens intimes [cf. § 55-57]. Il le fit sortir, fuyant son
              peuple1, pour l'envoyer, comme Prophète, gratifié de Ses
              messages [cf. § 64-67]. Il fit voyager de nuit son
              peuple2 pour que se noie celui qui, parmi les rebelles,
              avait disputé à son Seigneur la seigneurie3. Il le fit partir
              quand il manqua de convenance à l'égard de Sa
              science4, à la recherche de celui à qui Il avait enseigné
              une science émanant de Lui et fait don d'une de Ses
              miséricordes. Il le fit suivre dans son voyage par Moïse
              pour lui enseigner ce que Dieu lui avait inspiré de Ses
              jugements et de Ses sentences5. Il transporta Son
              prophète Moïse – sur lui la paix – qui n'avait pas encore
              l'âge de raison, dans Son arche sur la mer de Ses
              perditions6. Il éleva Jésus – sur lui la paix – vers Lui, car

              il était une de Ses paroles. Il fit partir courroucé Son
              prophète Jonas – sur lui la paix – et le tint oppressé dans
              le ventre d'une baleine au sein de Ses ténèbres. Il fit
              sortir Tâlût (Saül) à la tête de ses guerriers, parmi
              lesquels David – sur lui la paix – pour les soumettre à
              l'épreuve du fleuve afin de s'assurer de qui y puiserait de
              sa main7. Il fit franchir les horizons à l'Homme-auxdeux-
              cornes pour dresser une digue entre ceux qui
              obéissent parmi les serviteurs de Dieu et ceux qui
              désobéissent8. Il fit descendre l'Esprit Fidèle (Gabriel)
              sur les coeurs de ceux qui ont reçu Ses prophéties9. Il fit
              remonter vers Lui la parole excellente sur le burâq de
              l'oeuvre pieuse10 pour l'honorer de la contemplation de
              Son Essence. Que la grâce et la Paix soient sur notre
              seigneur Muhammad, le meilleur de ceux qui ont réalisé
              la qualité de ses Noms et de Ses Attributs, sur les siens:
              ses compagnons, ses proches, ses épouses, ses fils et
              ses filles.
              20

              § 2 Les voyages sont de trois sortes et il n'y en a pas
              quatre. Tels sont ceux que Dieu reconnaît: le voyage
              venant de Lui, le voyage vers Lui et le voyage en Lui. Ce
              dernier est le voyage de l'errance et de la perplexité.
              Celui qui voyage venant de Lui, son gain est ce qui s'est

              trouvé être11; tel est son gain, alors que celui qui
              voyage en Lui ne gagne que lui-même. Ces deux
              premiers voyages ont une fin à laquelle on parvient et on
              s'arrête, tandis que le troisième, celui de l'errance, est
              sans fin.
              La route suivie par les voyageurs est de deux sortes;
              l'une par la terre, l'autre par la mer. Dieu – Il est
              puissant et majestueux – dit: «Il est celui qui vous fait
              aller par terre et par mer» (10: 22). Il faut noter ici que
              si Dieu – exalté soit-Il – a mentionné la terre avant la
              mer et l'a fait avec insistance12, c'est pour que l'on
              sache que celui qui peut aller par terre ne doit pas, sauf
              nécessité, le faire par mer13. 'Umar b. al-Khattâb – Dieu
              l'agrée – disait: «N'était ce verset – et il récitait «Il est
              celui qui vous fait aller par terre et par mer» – j'aurais
              frappé de ce nerf de boeuf celui qui voyage par mer». La
              seule parole divine «certes il y a en cela des signes pour
              tout homme doué de patience et de gratitude» (31: 31
              et 42: 33)14, suffirait comme indication de renoncer au
              voyage en mer.
              Précisons que ces trois voyages, nul ne les accomplit
              sans s'exposer au danger, à moins d'être porté comme
              dans le Voyage Nocturne. Quiconque est emmené en
              voyage est assuré du salut; quiconque voyage par luimême
              est en danger

              § 3 L'existence a pour origine le mouvement. Il ne peut
              donc y avoir d'immobilité en elle, car si elle restait
              immobile, elle reviendrait à son origine qui est le néant.
              Le voyage ne cesse donc jamais dans le monde supérieur
              et inférieur. De même les réalités divines sont sans cesse
              en voyage, allant et venant, telle la descente
              seigneuriale vers le ciel le plus proche15 ou
              l'établissement ascendant vers le ciel16, comme il
              convient à la transcendance et à l'absence de toute
              similitude ou ressemblance. Dans le monde supérieur, les
              sphères entraînent dans leur rotation perpétuelle, sans le
              moindre repos, les êtres qu'elles contiennent. Si elles
              s'immobilisaient, la création serait réduite à néant et
              l'ordonnance du monde parviendrait à son achèvement
              et à sa fin. L'évolution17 des astres dans les sphères18
              est pour ceux-ci un voyage: «Et la lune, Nous en avons
              déterminé les mansions» (36: 39). Les mouvements des
              quatre éléments, des êtres engendrés à chaque minute,
              le changement et les transformations engendrés par
              chaque souffle19, le voyage des pensées dans les
              catégories du louable et du blâmable, le voyage des
              souffles émis par celui qui respire, le voyage des regards
              à travers les choses vues en éveil ou en sommeil et leur
              passage d'un monde à l'autre par la transposition de leur
              signification20; tout ceci est sans aucun doute voyage
              pour tout homme doué d'intelligence. Certains
              considèrent que le monde des corps, depuis l'instant où
              Dieu l'a créé, ne cesse dans sa totalité de descendre,
              dans le vide sans fin21. En réalité nous ne cessons
              jamais d'être en voyage depuis l'instant de notre
              constitution originelle et celui de la constitution de nos
              principes physiques22, jusqu'à l'infini. Quand t'apparaît
              une demeure, tu te dis: voici le terme; mais à partir
              d'elle s'ouvre une autre voie dont tu tires un viatique
              pour un nouveau départ. Dès que tu aperçois une
              demeure, tu te dis: voici mon terme. Mais à peine arrivé,
              tu ne tardes pas à sortir pour reprendre la route.
              § 4 Que de voyages n'as-tu accompli23 à travers les phases
              de la création, jusqu'à devenir du sang dans ton père et
              ta mère. Ils se sont unis pour toi avec ou sans l'intention
              de te voir manifesté. Tu es passé alors à l'état de sperme
              puis tu as pris la forme d'une adhérence, puis d'un
              morceau de chair, puis d'os. Ceux-ci ont été couverts de
              chair puis, ayant reçu une autre constitution, tu as été
              expulsé vers ce monde et tu es passé à l'état d'enfance.
              De l'enfance tu es passé à la jeunesse, de la jeunesse à
              l'adolescence, de l'adolescence à la force juvénile, de
              celle-ci à la maturité, de la maturité à la vieillesse et de
              la vieillesse à la décrépitude, l'âge le plus avilissant24.
              De là, tu es passé à l'état intermédiaire entre ce monde
              et l'autre et dans cet état, tu as voyagé vers le
              Rassemblement final. Puis tu as entrepris le voyage vers
              le Sirât25, soit vers un jardin paradisiaque, soit vers un
              feu infernal, si tu y es voué; sinon, tu as voyagé de
              l'Enfer vers le Paradis et du Paradis vers la Dune de la
              vision divine26. Dès lors, tu ne cesses d'aller et venir
              entre le Paradis et la Dune, pour toujours. Dans le Feu,
              les damnés voyagent sans discontinuer de haut en bas et
              de bas en haut comme des morceaux de viande dans
              une marmite sur le feu: «Dès que leurs peaux sont
              cuites nous les remplaçons par d'autres, afin qu'ils
              goûtent le châtiment» (4: 65).
              § 5 Il n'y a donc aucune immobilité. Le mouvement dans
              ce monde est continuel. Nuit et jour se succèdent,
              comme se succèdent les pensées, les états et les
              dispositions selon l'alternance de la nuit et du jour et des
              réalités divines en toutes ces choses. Tantôt ces
              dernières descendent sur27 le nom divin le Très-
              Miséricordieux, tantôt sur le nom Celui-qui-appelle-aurepentir,
              tantôt le Très-Pardonnant, tantôt le Très-
              Pourvoyant, tantôt Celui-qui-donne-sans-compter, tantôt
              le Vengeur, ainsi de tous les noms de la Présence divine.
              Ces noms font également descendre vers toi ce qu'ils
              contiennent de don, de pourvoyance, de vengeance,
              d'appel au repentir, de pardon et de miséricorde. Il y a
              donc descente de ta part vers ces réalités divines par ta
              demande; descente de leur part sur toi par le don.

              Commentaire


              • #8
                suite

                § 6 Le serviteur doit donc faire un retour sur lui-même en
                réfléchissant et méditant sur la distinction entre, d'une
                part, le voyage auquel la Loi divine lui impose de se
                préparer et dans la préparation duquel réside son
                bonheur: le voyage vers Lui, en Lui et de Lui, autant de
                voyages institués par la Loi; d'autre part, le voyage
                auquel la Loi ne lui impose pas de se préparer comme de
                parcourir la terre dans un but licite, pour le commerce de
                ce monde et la fructification des biens ou autres voyages
                identiques; ou encore le voyage de son propre souffle,
                inspiration et expiration, car d'un certain point de vue, il
                ne lui est pas imposé ni institué par la Loi, seule l'exige
                sa constitution physique. Nous demandons à Dieu belle
                fin et parfaite absolution.
                § 7 Il y a trois sortes de voyageurs venant de Lui. L'un est
                rejeté, comme Iblîs – Dieu le maudisse – et tout
                associateur. L'autre n'est pas rejeté, mais son voyage est
                un voyage de honte comme celui des pécheurs car, ayant
                contrevenu à Sa Loi, ils ne peuvent se tenir dans la
                Présence de Dieu en raison de la pudeur qui s'empare
                d'eux. Quant au troisième, il accomplit un voyage de
                distinction et d'élection, tel celui des envoyés qui
                reviennent de chez Lui vers les créatures et celui des
                héritiers, qui reviennent de la contemplation vers le
                monde des âmes, en exerçant la royauté, la direction des
                affaires, la loi28 et la politique.
                Les voyageurs vers Lui sont également au nombre de
                trois. L'un associe une autre divinité à Dieu, lui prête un
                corps, une ressemblance et une similitude avec les
                créatures et Lui a attribué ce qui est impossible, alors
                qu'Il dit de Lui-même: «Il n'y a rien qui soit comme Lui»
                (42: 11). Un tel voyageur ne Le verra jamais, rejeté qu'il
                est de la miséricorde. Un second professe la
                transcendance de Dieu à l'égard de tout ce qui ne Lui
                sied pas ou plutôt est impossible parmi les expressions
                équivoques de Son Livre, puis affirme en fin de compte:
                Dieu est plus savant au sujet de ce qu'Il dit dans Son
                Livre. Après quoi, mis à part l'associationnisme et
                l'anthropomorphisme, il ne cesse de commettre toutes
                sortes de transgressions. Celui-ci, quand il arrivera,
                rencontrera le reproche mais ni le voile ni un châtiment
                perpétuel. Les intercesseurs qui l'attendent à la porte le
                recevront et l'accueilleront le mieux qui soit, toutefois
                son manque de révérence lui sera reproché. Le troisième
                est impeccable ou préservé29. L'intimité et la familiarité
                divines les mettront à l'aise. Ils n'éprouveront ni peur ni
                affliction, au contraire des autres hommes car ils ont
                dépassé l'une et l'autre. Celui qui a dépassé un état, ne
                saurait y retomber: «Ils ne sont pas affligés par la
                terreur suprême et les anges les accueillent ainsi: voici le
                jour qui vous a été promis» (21: 103). Telle est la bonne
                nouvelle qu'ils recevront dans l'au-delà. Voici pour les
                voyageurs vers Lui.
                Les voyageurs en Lui se partagent en deux groupes.
                L'un a voyagé en Lui par le moyen de la réflexion et de
                l'intellect et s'est écarté de la voie inévitablement, car
                ceux qui voyagent ainsi n'ont, à ce qu'ils prétendent,
                d'autre guide que leur réflexion. Il s'agit des philosophes
                et de ceux qui empruntent leur démarche30. L'autre
                groupe a été emmené en voyage en Lui. Ce sont les
                envoyés, les prophètes, les élus d'entre les saints
                comme ceux qui ont connu la Réalité parmi les maîtres
                soufis tels Sahl b. 'Abdallah (al-Tustarî), Abû Yazîd (al-
                Bistâmî), Farqad al-Sabakhî, Al-Junayd b. Muhammad,
                al-Hasan al-Basrî31 et tous ceux qui se sont rendus
                célèbres jusqu'à nos jours.
                § 8 Cependant le temps aujourd'hui n'est pas le même
                qu'autrefois car il se rapproche de la demeure de l'audelà.
                Le dévoilement se multiplie chez les hommes de
                notre époque. Les scintillements des lumières
                commencent à briller et à paraître. Les hommes de notre
                temps bénéficient aujourd'hui d'un dévoilement plus
                rapide, d'une vision plus fréquente, d'une connaissance
                plus abondante, d'une saisie plus parfaite des réalités
                supérieures, mais leurs oeuvres sont moins nombreuses
                que celles des hommes du temps jadis. Ceux-ci
                accomplissaient plus d'oeuvres et recevaient moins
                d'ouvertures spirituelles et de dévoilements, car ils
                étaient plus éloignés de l'avènement de l'autre monde. Il
                faut excepter le temps des Compagnons gratifiés de la
                vision du Prophète – que Dieu répande sur lui la grâce et
                la paix – et de la descente sur lui, à chaque souffle, des
                esprits angéliques au milieu d'eux. Ceux d'entre eux
                qu'éclairait la Lumière divine avaient cette vision, mais
                ils étaient un très petit nombre à l'instar d'Abû Bakr, de
                'Umar, de 'Alî b. Abî Tâlib – Dieu les agrée – et de leurs
                semblables. La pratique l'emportait autrefois comme la
                science à notre époque et ce fait ne cessera de
                s'amplifier jusqu'à la descente de Jésus – sur lui la paix
                –, au point qu'une seule rak'a32 accomplie par nous
                aujourd'hui équivaut à l'adoration d'un homme
                d'autrefois toute sa vie durant. Le Prophète – que Dieu
                répande sur lui la grâce et la paix – a dit à ce sujet:
                «Celui d'entre eux qui oeuvrera recevra la récompense de
                cinquante hommes accomplissant des oeuvres
                comparables aux vôtres»33. Comme l'expression est
                excellente et subtile l'allusion.
                Ce que nous venons d'évoquer tient à l'approche du
                Temps et à la manifestation des conditions du monde
                intermédiaire (barzakh). Le Prophète – que Dieu répande
                sur lui la grâce et la paix – ne dit-il pas: «L'Heure ne se
                lèvera pas avant que la cuisse de l'homme ne lui dise ce
                que sa femme et le bout de son fouet ont fait»34; ou
                encore: «L'arbre dira: voici un juif derrière moi; tuele!
                »35. Ceci qui se produira dans ce monde ne vient-il
                pas de la manifestation de l'au-delà qui est demeure de
                la vraie vie ?
                La science, à la fois unique et diffuse, a besoin
                d'hommes qui la portent. Quand ceux-ci sont nombreux
                en raison de leur sainteté, car il s'agit de la science des
                saints, la science est partagée entre eux. C'est pourquoi
                elle n'abonde pas chez ceux qui nous ont précédés. Ceux
                qui la détenaient, ne le laissaient pas paraître car ils la
                dominaient. Mais quand sont peu nombreux ceux qui
                peuvent porter la science du fait de la corruption du
                commun des hommes, le saint la reçoit en abondance,
                car la part de chaque homme corrompu lui échoit et il en
                devient l'héritier. Aussi la science, l'ouverture spirituelle
                et le dévoilement abondent-ils chez les hommes des
                époques ultérieures. Lorsque quelqu'un possède une part
                de cette science, elle devient manifeste en lui et
                s'impose à lui par sa profusion. Gloire donc à Celui qui
                donne à tous! Malgré tout le dernier venu est pesé à la
                balance du premier, s'il le suit et le prend pour modèle,
                en ce qui concerne le poids, autrement dit l'oeuvre, mais
                non la science, car la science divine possède sa propre
                balance. «Cela est la grâce de Dieu; Il la donne à qui Il
                veut et Dieu détient une grâce immense» (57: 21 et 62:4)
                § 9 Nous mentionnerons – si Dieu veut – dans ce bref
                traité les voyages dont nous avons eu connaissance par
                science et vision directe, voyages accomplis par les
                prophètes, voyages divins, voyages des entités
                spirituelles, afin de montrer ce que l'on doit désirer
                comme voyage36. Bien que Dieu ait mentionné dans le
                Coran de nombreux voyages accomplis par différentes
                créatures, nous nous sommes limité à ce qui suit.

                § 10 VOYAGE SEIGNEURIAL DEPUIS LA NUÉE JUSQU'AU
                TRÔNE DE L'ÉTABLISSEMENT DONT PREND POSSESSION
                LE NOM DIVIN LE TOUT-MISÉRICORDIEUX.
                Une tradition rapporte que l'on demanda à l'Envoyé de
                Dieu – que Dieu répande sur lui la grâce et la paix –:
                «Où était notre Seigneur avant qu'Il ne crée la création?
                Il répondit: – Dans une nuée au-dessus et au-dessous de
                laquelle (mâ fawqahu wa mâ tahtahu) il n'y avait pas
                d'air», la particule mâ pouvant être ici négative ou
                relative37. Sache que cette nuée est l'Enceinte de la
                Personne divine38, immense obstacle qui empêche les
                êtres de rejoindre la Divinité absolue et Celle-ci de
                rejoindre les êtres, j'entends du point de vue des
                définitions essentielles39. C'est à partir de cette Nuée
                que Dieu – exalté soit-Il – dit, comme le rapporte la
                tradition authentique, d'après le Prophète – que Dieu
                répande sur lui la grâce et la paix –: «Il n'y a rien que Je
                n'hésite autant à faire que de reprendre l'âme du
                croyant. Il déteste la mort et Moi, je déteste lui causer
                du tort. Mais il lui faut venir à Ma rencontre»40. De là
                procède également Sa parole – exalté soit-Il –: «La
                parole ne change pas auprès de Moi» (50: 29). Y font
                aussi allusion des versets comme «Et ton Seigneur
                viendra [ainsi que les anges en rangs successifs]» (89:
                22) et «[Qu'attendent-ils sinon que Dieu et les Anges
                viennent à eux] dans l'ombre de la nue?» (2: 210),
                c'est-à-dire le Jour de la Séparation et du Jugement. Ces
                expressions et d'autres semblables rapportées dans les
                traditions émanent de la Divinité absolue lorsqu'Elle veut
                atteindre les êtres créés. Comme propos analogues
                tenus par l'être créé lorsqu'il veut rejoindre la Divinité
                absolue, on rapporte la parole du Prophète – que Dieu
                répande sur lui la grâce et la paix –: «Je ne peux
                dénombrer les éloges que je T'adresse»41 et «... que Tu
                T'es réservé dans la science de Ton mystère»42 ou
                encore la sentence d'Abû Bakr le Confirmateur de la
                vérité: «L'impuissance à percevoir la perception est une
                perception»

                Commentaire


                • #9
                  suite

                  § 11 Une fois existenciée la sphère qui embrasse tous les
                  êtres et que l'on appelle le Trône ou Siège royal très
                  saint, il lui fallait un roi. Comme Dieu voulait
                  l'existenciation, fruit nécessaire de la générosité de
                  l'existence divine44, la qualité de toute-miséricorde
                  devait régir cette séparation entre le divin et l'humain.
                  Le nom le Tout-Miséricordieux s'établit sur le Trône dans
                  l'Enceinte de la Nuée, comme il convient à la qualité
                  divine de toute-miséricorde, qui est un aspect de la Nuée
                  seigneuriale. Ce voyage de la qualité de toutemiséricorde
                  depuis la Nuée seigneuriale jusqu'à
                  l'établissement sur le Trône, procède de la Générosité,
                  de même que tout ce qui est en-deçà du Trône émane de
                  Celui qui s'est établi dessus, c'est-à-dire le nom le Tout-
                  Miséricordieux dont la miséricorde contient toute chose
                  par nécessité existencielle et don gracieux. Lors du
                  voyage du nom le Tout-Miséricordieux, voyagèrent avec
                  lui tous les noms attachés à la création, ses officiers,
                  desservants et émirs, comme le Pourvoyeur, le
                  Secoureur, le Vivificateur, Celui qui fait vivre, Celui qui
                  fait mourir, le Dommageur, le Bénéfique et tous les noms
                  d'actes en particulier. Tout nom exprimant un acte a fait
                  le voyage avec le Tout-Miséricordieux; aucun autre nom
                  n'y participe.
                  § 12 Lorsqu'on désire voyager vers la connaissance de ce
                  qui est au-delà des noms d'actes en réfléchissant à ces
                  noms, ces réflexions sortent de la sphère du Trône sans
                  pour autant la quitter et s'en séparer et cherchent à
                  s'attacher à la Dignité divine très-sainte. Elles tombent
                  alors dans le territoire inviolable, l'Enceinte de la Nuée,
                  et y sont terrassées. Néanmoins, il faut bien que pour
                  celui qui parvient à Dieu, brillent quelques lueurs
                  fulgurantes de la Divinité absolue lui apportant une
                  certaine connaissance que le Confirmateur de la vérité
                  nomma pour cette raison «perception» et que le
                  Véridique – que Dieu répande sur lui la grâce et la paix –
                  désigne en ces termes: «Je ne peux dénombrer les
                  éloges que je T'adresse». Il eut en effet la vision de ce
                  qui ne peut faire l'objet d'un éloge défini, mais
                  seulement d'un éloge indéterminé tel que «Je ne peux
                  dénombrer...». La perplexité exige cela. Les hommes de
                  spéculation sont dans une nuée, de même que les
                  hommes du dévoilement. Tous les êtres sont dans une
                  nuée, tous étant dans la cécité45 et le tout est à l'image
                  du Tout. Ce voyage dans son esprit et son sens est le
                  passage de la transcendance au Lotus de la similitude46
                  pour que ceux auxquels s'adresse le discours divin
                  puissent comprendre. Et ceci relève encore de cette
                  même cécité.
                  § 13 LE VOYAGE DE LA CRÉATION ET DE L'ORDRE OU LE
                  VOYAGE DE LA CRÉATION NOVATRICE.
                  Dieu – Il est béni et exalté – dit: «Ensu ite Il s'établit vers
                  le ciel, qui était alors une fumée, et lui dit ainsi qu'à la
                  terre: – Venez de gré ou de force. Ils répondirent: –
                  Nous sommes venus de plein gré. Il acheva la création
                  des sept cieux en deux jours et inspira à chaque ciel son
                  ordre. Et Nous avons orné le ciel le plus proche de
                  luminaires, comme protection. Telle est la détermination
                  du Tout-Puissant Très Savant» (41: 11-12); Il accomplit
                  ceci en déliant et en séparant: «Ceux qui ont mécru
                  n'ont-ils pas vu que les cieux et la terre étaient liés et
                  que Nous les avons déliés ?» (21: 30). Le premier verset
                  commence, après la création de la terre47, par
                  «ensuite», ce qui indique généralement un certain délai.
                  Il s'agit du temps de la création de la terre et de la
                  détermination de ses subsistances durant quatre des
                  jours de l'OEuvre divine48: deux jours pour l'être sensible
                  et essentiel de la terre, l'un pour son extériorité et sa
                  manifestation et l'autre pour son intériorité et son
                  occultation; deux jours pour les subsistances, non
                  manifestées et manifestées, déposées dans la terre.
                  Ensuite eut lieu l'Etablissement très-saint, qui éta it le
                  but, et l'orientation vers le déliement et la séparation des
                  cieux. Après l'achèvement de la création des sept cieux
                  en deux des jours de l'OEuvre, Il inspira à chaque ciel son
                  ordre et y déposa tout ce dont les êtres engendrés ont
                  besoin pour leur composition, leur dissolution, leur
                  remplacement, leur transformation et leur passage d'un
                  état à l'autre à travers les cycles et les phases49. Tout
                  ceci relève de l'ordre divin déposé dans les cieux selon
                  Sa parole: «Et Il inspira à chaque ciel son ordre» et ce
                  qu'il comporte d'entités spirituelles et intellectuelles50.
                  Cet ordre s'instaura par la mise en mouvement des
                  sphères pour que se manifeste la production des êtres
                  dans les éléments, selon l'ordre contenu dans ce
                  mouvement et cette sphère.

                  Commentaire


                  • #10
                    suite

                    § 14 Une fois déliés, les cieux entrèrent en rotation. Comme
                    ils étaient transparents en essence et en volume pour ne
                    pas cacher ce qui est au-delà d'eux, les regards
                    aperçurent les luminaires étoilés de la huitième sphère et
                    les imaginèrent dans le ciel le plus proche. Dieu dit:
                    «Nous avons orné le ciel le plus proche de luminaires»
                    (41: 12), or l'ornement d'une chose ne s'y trouve pas
                    nécessairement; «Comme protection» fait allusion aux
                    lapidations qui surviennent dans la sphère de l'éther
                    pour brûler les démons qui écoutent à la dérobée. Dieu a
                    disposé pour cela «une flamme aux aguets» (72: 9): ce
                    sont les étoiles filantes. Le regard transperce
                    l'atmosphère et atteint le ciel inférieur sans apercevoir
                    de fissure. Il y pénètre, mais s'en retourne «dépité et
                    las» (67: 4). Dieu dota chacun des sept cieux d'un astre
                    qui y vogue selon sa parole – exalté soit-Il –: «Chacun
                    vogue dans une sphère» (21: 33 et 36: 40). Les sphères
                    sont produites par le mouvement des astres et non par
                    celui des cieux. Le mouvement des sept astres prouve
                    donc que les luminaires se trouvent dans la huitième
                    sphère. Il a orné le ciel le plus proche de ces luminaires
                    car c'est là que le regard les perçoit. Le discours divin se
                    conforma à ce que donne la vision oculaire. C'est
                    pourquoi il est dit: «Nous avons orné le ciel le plus
                    proche de luminaires» et non: «Nous les y avons créés»,
                    car un ornement ne se trouve pas nécessairement dans
                    ce qu'il orne: garde et suite sont un des ornements du
                    sultan sans être inhérents à sa personne.
                    § 15 Lorsque fut achevée la construction humaine et assuré
                    son équilibre et que l'orientation divine produisit
                    l'insufflation supérieure dans le mouvement de la
                    quatrième des sept sphères, cet être nommé
                    «l'homme», en raison de la perfection de son équilibre,
                    reçut, lui seul, le secret divin. Il accéda ainsi aux deux
                    stations, celle de la Forme divine et celle de la
                    lieutenance. La terre du corps parachevée, «Il y
                    détermina ses subsistances» (41: 10), lui conféra ses
                    facultés propres, en tant qu'être animal et végétal:
                    l'attractive, la digestive, la rétentive, la répulsive,
                    l'augmentative et la nutritive et «délia» ses sept
                    couches: la peau, la chair, la graisse, les veines, les
                    nerfs, les muscles et les os. C'est alors que le secret
                    divin qui se propage dans l'homme avec le souffle de
                    l'esprit, s'établit vers le monde supérieur du corps,
                    constitué de vapeurs montantes comme la fumée. Il y
                    «délia» sept cieux: le ciel le plus proche ou les sens,
                    qu'Il orna d'étoiles et de luminaires tels les yeux, le ciel
                    de l'imagination, celui de la réflexion, de l'intellect, du
                    souvenir, de la mémoration et de la puissance
                    imaginative.
                    § 16 «Et Il inspira à chaque ciel son ordre», c'est-à-dire
                    d'une part la perception des choses sensibles déposée
                    dans les sens – nous ne traiterons pas de la modalité de
                    cette perception en raison d'une divergence à ce sujet,
                    même si nous en avons la science car celle-ci n'abolirait
                    point cette divergence –, d'autre part la représentation
                    des choses imaginées et impossibles dans l'imagination
                    et enfin celle des intelligibles dans l'intellect. Ainsi, dans
                    chaque ciel sont déposées les perceptions correspondant
                    à sa nature, car les habitants de chaque ciel sont créés à
                    partir de celui-ci, de même que les habitants de chaque
                    terre sont créés à partir de celle-ci. Le tempérament des
                    êtres correspond en effet à celui de leur lieu d'origine.
                    Dans chacun de ces sept cieux Dieu créa un astre
                    voguant en correspondance avec les autres planètes
                    nommées, à l'instar des attributs: la Vie, l'Ouïe, la Vue,
                    la Puissance, la Volonté, la Science et la Parole. «Chacun
                    court vers un terme nommé» (13: 2). Chaque faculté ne
                    perçoit que ce pour quoi elle a été créée spécifiquement:
                    la vue ne voit que les choses sensibles et visibles et s'en
                    retourne «dépitée», car elle ne trouve pas de fissure par
                    où pénétrer. L'intellect le confirme, et en sont témoins
                    les mouvements des sphères dans l'homme, par la
                    «détermination du Tout-Puissant Très-Savant» (41: 12).
                    § 17 Ce voyage a dévoilé son visage, indiqué la
                    transcendance de son Maître et produit la manifestation
                    du monde supérieur. Le voyage a été appelé safar parce
                    qu'il dévoile (yusfiru) les caractères des hommes faisant
                    apparaître les caractères blâmables et louables que tout
                    homme recèle en lui. On dit aussi: la femme a dévoilé
                    son visage (safarat 'an wajhihâ) quand elle enlève son
                    voile et qu'apparaît sa beauté ou sa laideur. Dieu dit,
                    s'adressant aux Arabes: «Et par l'aube lorsqu'elle
                    dévoile» (72: 34) c'est-à-dire aux regards ce qu'ils
                    découvrent. Le poète dit:
                    Quand je venais trouver Laylâ, elle se voilait la face.
                    Ce matin j'ai été inquiet de son dévoilement (sufûru -
                    hâ).
                    En effet chez les Arabes, quand la femme veut prévenir
                    qu'elle est menacée, elle découvre son visage. L'auteur
                    de ce vers avait usé de ruse pour rejoindre sa bienaimée,
                    mais la tribu de celle-ci en avait eu vent; le
                    sachant, dès qu'elle l'aperçut, elle découvrit son visage.
                    Il sut alors qu'elle était menacée, prit peur pour elle et
                    s'en fut en récitant ce vers.
                    C'est au cours d'un tel voyage ou d'autres semblables
                    que notre Seigneur descend. Cette allusion dispense d'un
                    plus ample développement. «Et Dieu dit la vérité et Il
                    guide sur la voie» (33 : 4).
                    § 18 LE VOYAGE DU CORAN INCOMPARABLE
                    Dieu – Il est puissant et majestueux – d it: «C'est Nous
                    qui l'avons fait descendre dans la Nuit du destin51 ...»
                    (97: 1), ou: «C'est Nous qui l'avons fait descendre dans
                    une nuit bénie» (44: 3): il s'agit d'une descente
                    d'avertissement52. «C'est Nous qui l'avons fait
                    descendre»: il s'agit du Coran incomparable «dans la
                    Nuit du destin»; les commentateurs précisent, d'après la
                    tradition: en une seule fois jusqu'au ciel le plus proche.
                    Puis il descendit sur le coeur de Muhammad – que Dieu
                    répande sur lui la grâce et la paix – de façon
                    fragmentée53. Ce voyage ne cesse jamais, tant que les
                    langues récitent le Coran intérieurement et à voix haute.
                    La nuit du destin qui perdure en réalité pour le serviteur,
                    n'est autre que son âme devenue pure et sans tâche.
                    Aussi ajouta-t-Il: «En elle est distingué tout
                    commandement sage» (44: 3), de même qu'en l'âme a
                    été créé tout commandement sage. «Il lui inspira sa
                    prévarication» – selon les deux sens de cette
                    expression54 – «ainsi que sa piété» (91: 8). Par
                    transposition, le coeur représente le ciel le plus proche
                    vers lequel le Coran est descendu réuni dans sa totalité,
                    pour redevenir distinction55 à la mesure de ceux
                    auxquels le discours s'adresse. En effet, la vue ne le
                    reçoit pas de la même manière que l'ouïe. Nous disons
                    qu'il est descendu vers ton coeur en une seule fois, mais
                    nous ne voulons pas dire que tu l'as retenu et
                    pleinement saisi, car nous nous plaçons sur le plan de
                    l'esprit et de l'idée. J'entends simplement qu'il se trouve
                    en toi sans que tu le saches, tout comme il n'était pas
                    indispensable que le ciel en retînt le texte quand le
                    Coran descendit vers lui. Il descend ensuite sur toi de
                    façon fragmentée, à partir de toi-même, en ôtant le
                    bandeau qui t'empêche de voir56. Je l'ai constaté sur moi
                    à mes débuts. Je l'ai vu aussi chez mon maître Abû l-
                    'Abbâs al-'Uryâbî de la ville d'al-'Ulyâ à l'Ouest d'al-
                    Andalus57. J'ai entendu dire de plusieurs des gens de
                    notre voie qu'ils retenaient par coeur le Coran ou certains
                    versets sans qu'aucun maître ne le leur ait enseigné
                    comme on le fait d'habitude. Une telle personne, même
                    si elle n'est pas de langue arabe, trouve le Coran dans
                    son coeur, prononcé en langue arabe, tel qu'il est
                    transcrit dans les exemplaires du Coran. Nous avons
                    rapporté, d'après Abû Mûsâ al-Dunbulî, qu'Abû Yazîd al-
                    Bistâmî – Dieu lui fasse miséricorde – ne mourut pas
                    sans savoir le Coran par coeur, bien qu'aucun maître ne
                    le lui eût appris par la voie habituelle58.
                    § 19 serviteurs est prouvée par l'impossibilité pour l'accident
                    de durer deux temps de suite et de se transférer d'un
                    lieu à un autre. La mémorisation du Coran par Zayd ne
                    se transfert pas à 'Amr59. Quand l'oreille entend le
                    maître projeter un verset en elle, Dieu le fait descendre
                    sur le coeur et le disciple le retient. Si le coeur de ce
                    dernier est distrait par une préoccupation, le maître
                    reprend et la descente se répète. Le Coran est donc à
                    jamais en train de descendre. Si quelqu'un affirmait:
                    Dieu a fait descendre sur moi le Coran, il ne mentirait
                    pas, car le Coran voyage sans cesse vers le coeur de
                    ceux qui le retiennent.
                    § 20 Quand Gabriel – sur lui la paix – venait lui apporter le
                    Coran, le Prophète – que Dieu répande sur lui la grâce et
                    la paix – s'empressait de le réciter avant que l'inspiration
                    en ait été décrétée. Grâce à la puissance de son
                    dévoilement, il avait l'intuition de ce qu'apportait Gabriel,
                    le récitait, et sa langue en hâtait la venue, à la manière
                    d'un des nôtres, doué de dévoilement, qui perçoit ta
                    pensée et la dévoile. Ce fait admis par la plupart des
                    hommes convient d'autant mieux au Prophète. Mais son
                    Seigneur lui inculqua la convenance spirituelle et la
                    rendit excellente en lui60. Aussi lui dit-Il: «Ne hâte pas la
                    venue du Coran avant que l'inspiration en ait été
                    achevée» (20: 114). Il lui ordonna de respecter les
                    convenances avec Gabriel – sur lui la paix –, qui lui
                    enseignait comment recevoir la Parole excellente par
                    l'oeuvre pieuse61.

                    Commentaire


                    • #11
                      suite

                      § 21 SECTION.
                      L'Homme to tal selon la réalité essentielle, est le Coran
                      incomparable descendu de la présence de soi-même vers
                      la Présence de son Existenciateur. Celle-ci est aussi la
                      Nuit bénie du fait de sa non-manifestation. Le ciel le plus
                      proche correspond au Voile de la Toute-Puissance, le plus
                      inviolable et le plus proche62. Là, il devint «distinction»
                      (furqân) et descendit sous forme fragmentée, selon les
                      réalités divines, car leur autorité s'exerce de diverses
                      manières et c'est pourquoi l'Homme se fragmenta
                      également. Il ne cesse de descendre sur son coeur, à
                      partir de son Seigneur, sous forme fragmentée jusqu'à ce
                      qu'il se réunisse là-bas63, laisse le voile derrière lui,
                      dépasse le «où» et l'être créaturel et s'absente de
                      l'absence64. Le Coran descendu est vérité ainsi que Dieu
                      l'a appelé, or «toute vérité immédiate comporte une
                      vérité ultime»65, et la vérité ultime du Coran, c'est
                      l'Homme. Quand on interrogea 'A'isha – Dieu l'agrée –
                      sur le caractère du Prophète – que Dieu répande sur lui
                      la grâce et la paix – elle répondit: «Son caractère était le
                      Coran»66. Elle visait, expliquent les Savants, la parole
                      divine: «Certes tu es selon un caractère magnifique»
                      (68:4). Réalise ce voyage, tu n'auras qu'à te louer de
                      son aboutissement, si Dieu veut.
                      § 22 LE VOYAGE DE LA VISION À TRAVERS LES SIGNES
                      DIVINS ET LA TRANSPOSITION SYMBOLIQUE, selon la
                      parole de Dieu – exalté soit-Il: «Gloire à celui qui a fait
                      voyager Son serviteur de nuit de la Mosquée sacrée à la
                      Mosquée la plus éloignée autour de laquelle Nous avons
                      mis Nos bénédictions, pour lui faire voir certains de nos
                      signes» (17: 1).
                      Gloire à Celui qui a fait voyager de nuit Son serviteur
                      pour lui faire voir Ses signes cachés.
                      Comme la présence dans l'absence, l'ébriété
                      dans la sobriété, l'effacement dans l a confirmation.
                      Celui dont il tire son secret, il le voit
                      refuser, s'il le veut, ou donn er.
                      Par son existence, il abolit la générosité qu'il lui a montrée.
                      La pauvreté est l'un de ses aspects.
                      Gloire à Lui comme seigneur et protecteur
                      en Son essence, qualités et attribu ts.
                      Dieu – gloire à Lui – a attaché la glorification à ce
                      voyage, le voyage nocturne. Il a ainsi voulu ôter du coeur
                      de ceux qui professent la similitude et la corporéité de
                      Dieu, par fausse conception ou sous l'emprise de
                      l'imagination, ce qu'ils imaginaient au sujet de Dieu
                      comme direction, limite et localisation. Dieu ajouta:
                      «Pour lui faire voir certains de nos signes», signifiant que
                      le Prophète était emmené en voyage et, par là, que
                      l'initiative venait de Lui – Il est puissant et majestueux –
                      67. Par don divin et sollicitude éternelle pour le gratifier,
                      le Prophète reçut ce qui n'était pas parvenu à son être le
                      plus intime ni n'avait pénétré sa conscience. Dieu fit que
                      ce voyage s'accomplit de nuit pour confirmer le Prophète
                      dans son élection à la station de l'amour, car Il le prit
                      comme ami intime et bien-aimé. Il le confirma en
                      ajoutant «de nuit» alors qu'isrâ' désigne déjà en arabe
                      un voyage de nuit et non de jour, ceci pour lever le doute
                      et pour qu'on n'imagine pas que seul son esprit fut
                      emmené. Il ôte ainsi cette idée que ce voyage pourrait
                      avoir eu lieu de jour. D'une part le Coran, même s'il a été
                      révélé dans la langue des Arabes, s'adresse à tous les
                      hommes, ceux de langue arabe comme les autres;
                      d'autre part la nuit est le moment le plus cher aux
                      amants parce qu'ils s'y réunissent et que la rencontre
                      seul-à-seul avec le bien-aimé se réalise la nuit. Il fallait
                      aussi que la vision des signes eût lieu grâce à des
                      lumières divines surnaturelles et inconnues des Arabes
                      de l'époque, car la vue par sa propre lumière ne perçoit
                      des choses visibles que l'obscurité et la lumière par
                      laquelle elle découvre les choses. Il ne faut pas
                      cependant que cette lumière ne soit plus forte que la
                      lumière de la vue. Si elle est plus forte, elle produit sur
                      la lumière du regard le même effet que l'obscurité. Il ne
                      voit alors plus qu'elle, de même que la vue ne perçoit
                      dans l'obscurité profonde que l'obscurité. Il faut une
                      lumière modérée pour que la vue perçoive la lumière et
                      les choses qu'elle lui montre. Si l'ascension avait eu lieu
                      de jour, la vision des signes n'aurait pas eu de sens pour
                      celui qui entend ce récit, car ceci va de soi. C'est
                      pourquoi le voyage eut lieu la nuit.
                      En disant «de nuit», Dieu confirme que le Prophète –
                      sur lui la grâce et la paix – voyagea avec son noble
                      corps. La nuit étant déjà exprimée dans le verbe asrâ',
                      «de nuit» est le complément de manière de «Son
                      serviteur»68, comme il est dit dans ce vers:
                      Ô vous qui partez vers l'Élu de Mudar,
                      vous l'avez visité avec vos corps, mais nous avec nos
                      esprits.
                      § 23 «Son serviteur» est précédé de la particule bi pour
                      deux raisons,selon les gens de Dieu, connaisseurs de la
                      Réalité. Tout d'abord à cause de la correspondance entre
                      la servitude qui est humiliation et la particule de
                      l'«abaissement» et de la «brisure», car tout être humilié
                      est brisé69. Il rattacha le serviteur au Soi70, alors que le
                      verset ne comporte aucun nom apparent pour désigner
                      Dieu si ce n'est un nom semi-verbal («Gloire à») qui ne
                      prend de sens que par la proposition relative et le
                      pronom de rappel implicite dans le verbe71. Or le
                      pronom est ici absence72 sans aucun doute et «Son» est
                      aussi un «pronom»; il est donc une absence dans une
                      absence, comme s'il était lui-même le Soi. Dieu nous
                      avertit ainsi de la haute noblesse du voyage nocturne.
                      La mention des deux mosquées, la sacrée et la plus
                      éloignée, est en corrélation avec ce que nous avons dit
                      du serviteur et de la particule de l'«abaissement», le bi.
                      Masjid (mosquée) est un nom de lieu désignant l'endroit
                      où l'homme se prosterne (sujûd). La prosternation est
                      servitude. Le sacré73 implique l'interdiction et la
                      restriction et appelle donc la servitude. «La plus
                      éloignée» rappelle que la servitude se trouve dans un
                      éloignement extrême vis-à-vis des qualités de la
                      seigneurie. Ainsi Dieu – gloire à Lui – choisit pour Son
                      prophète la noblesse parfaite par ces deux derniers
                      termes, en lui conférant la plus haute des qualités de la
                      créature, la servitude ainsi que ces termes en affinité
                      avec elle, la particule de l'abaissement et les mosquées
                      sacrée et éloignée. En contrepartie de cette servitude
                      totale qui confère la connaissance parfaite, Dieu l'honora
                      en ne lui attribuant pas un de Ses Noms qui l'aurait
                      conditionné. Une telle servitude exige de ne pas être
                      conditionnée par un nom divin exerçant une influence
                      sur le serviteur. Elle sollicite au contraire de la divinité
                      absolue une élévation et une transcendance semblables.
                      Quand le serviteur est élevé sous tous les aspects et
                      honoré, sa servitude est affranchie de toutes les qualités
                      dominicales, seigneuriales et divines; telle est sa
                      transcendance. Quand elle reçoit les qualités de la
                      seigneurie, elle est rendue similaire et cette similitude la
                      conduit à sa perte. Dieu – exalté soit-Il – dit: «Goûte!
                      Certes tu es le tout-puissant, le très-généreux» (44: 49)
                      et «Ainsi Dieu appose un sceau sur le coeur de tout être
                      orgueilleux et tyrannique» (40: 35)74. De même quand
                      la divinité absolue est désignée par les noms qui
                      impliquent l'existence des créatures, cela ne confère ni
                      sublimation ni élévation au serviteur interpellé par ces
                      noms. Ces noms comportent une sorte de ressemblance
                      car la seigneurie a besoin de l'effet qu'elle exerce. Dieu
                      conféra à la servitude, au cours de ce voyage nocturne,
                      tout ce qui lui revient sous tous les rapports; de même
                      qu'il confia à la divinité absolue ce qui lui revient en
                      contrepartie de ce qui a été attribué au serviteur. C'est
                      pourquoi il mentionna le Soi et le soi du Soi, ou absence
                      de l'absence. Quand le Prophète – sur lui la grâce et la
                      paix – descendit de sa servitude vers ce que nous avons
                      mentionné, il fut emmené au cours du voyage nocturne
                      vers l'absence de l'absence. De là il contempla son Bien-
                      Aimé, le Vrai en tant qu'Un et Singulier, car l'amour
                      exige la jalousie. Il ne reste alors plus de trace du
                      serviteur. Le serviteur conserve cependant un certain
                      pouvoir et il n'est soumis à aucune restriction. Aussi ne
                      se manifesta là-bas d'autre nom que le Soi. La
                      Révélation fut un entretien nocturne puisque le voyage
                      se passa de nuit. Or de toutes les formes de séances,
                      l'entretien nocturne est la plus élevée car elle est
                      isolement dans l'isolement, lieu de familiarité, de
                      rapprochement et d'élection.
                      § 24 Quant aux signes vus par le Prophète, les uns sont sur
                      les horizons, les autres en lui-même. Dieu – Il est toutpuissant
                      et majestueux – dit: «Nous leur ferons voir Nos
                      signes sur les horizons et en eux-mêmes» (41: 53) et
                      «Et en vous-mêmes que ne regardez-vous!» (51: 21). La
                      «distance des deux arcs» (53: 9) est l'un des signes des
                      horizons. Grâce à lui le Prophète réalisa la station du
                      serviteur face à son Seigneur; «ou plus près encore»
                      désigne la station de l'amour et de l'élection par le Soi.
                      «Il révéla alors à Son serviteur ce qu'Il lui révéla» (53:
                      10) représente la station de l'entretien nocturne ou le soi
                      du Soi et l'absence de l'absence, ce qu'Il confirma par:
                      «Le coeur intérieur ne démentit pas ce qu'il vit» (11). Le
                      coeur intérieur (fu'âd) est le coeur du coeur; comme le
                      coeur a sa vision, le coeur intérieur a la sienne. La vision
                      du coeur peut être atteinte de cécité quand elle quitte
                      Dieu en Lui préférant autrui après qu'Il l'eut rapprochée
                      de Lui: «[Ce ne sont pas les regards qui sont aveugles,]
                      mais les coeurs qui sont dans les poitrines» (22: 46).
                      Mais le coeur intérieur ne saurait être atteint de cécité
                      car il ne connaît pas la création; il n'est attaché qu'à son
                      Seigneur et il ne l'est que par l'absence de l'absence ou
                      le soi du Soi du fait de la correspondance entre les
                      stations spirituelles et les degrés de l'existence. Dieu
                      précisa «le coeur intérieur n'a pas démenti ce qu'il a vu»,
                      car en apparence la vue peut commettre de nombreuses
                      erreurs, bien que l'affirmer ne soit que pure ignorance.
                      C'est celui qui porte un jugement qui se trompe, non ce
                      que perçoivent les sens. Tel est le cas de celui qui
                      affirme que le regard s'est trompé, parce qu'il voit la
                      chose différemment qu'elle n'est et la démentit donc.
                      Dieu nia que ce fait pût s'appliquer au Prophète, car le
                      mensonge n'intervient que dans le monde de la
                      similitude et de la multiplicité. Or il n'y a plus ici aucune
                      similitude: le serviteur est ici serviteur sous tous les
                      rapports, absolument transcendant dans la servitude et
                      ainsi en est-il de l'absence de l'absence ou le soi du Soi.
                      § 25 Les signes que le Prophète vit en lui-même sont sa
                      conformité au soi du Soi en raison de la servitude
                      absolue de la servitude absolue, dans l'absence de
                      l'absence, par l'oeil du coeur du coeur ou du coeur
                      intérieur. Et il n'est pas donné à tout un chacun de voir
                      ces signes. Quant aux signes des horizons, ils sont tout
                      ce que le Prophète – sur lui la paix – dit avoir vu: les
                      étoiles, les cieux, les échelles supérieures, le «Coussin»
                      le plus proche, le grincement des calames, le lieu de
                      l'établissement sur le Trône et ce par quoi Dieu recouvrit
                      le Lotus de la limite. Tout ceci se trouve autour de la
                      station réservée au serviteur et où il fut établi dans
                      l'absence de l'absence. Ceci est indiqué par Sa parole
                      «[la Mosquée la plus éloignée] autour de laquelle Nous
                      avons mis Notre bénédiction». La bénédiction de la
                      station n'est pas précisée parce qu'elle est indicible du
                      fait de la non-similitude. Cette station est si inaccessible
                      que les hommes en sont arrachés. Si bien que la
                      Mosquée sacrée est pour la Mosquée la plus éloignée
                      comme le Feu pour le Paradis, tandis que «le Paradis est
                      entouré d'épreuves pénibles»75. «Ne voient-ils pas que
                      nous avons établi un territoire sacré sûr, alors qu'autour
                      les hommes sont enlevés»(29: 67), «le Feu est entouré
                      par les passions sensuelles». «Jusqu'à la Mosquée
                      éloignée autour de laquelle Nous avons mis Notre
                      bénédiction»: la face intérieure correspond à une face
                      extérieure et la face extérieure correspond à une face
                      intérieure76. Ce voyage a pour résultat la contemplation
                      de ce dont nous avons parlé: l'absence de l'absence.
                      Parler de cette station serait trop long. Retenons donc
                      notre frein, car cette allusion suffit: «Et Dieu dit la vérité
                      et Il guide sur la voie.»

                      Commentaire


                      • #12
                        Salam à tous!

                        Que la grâce et la Paix soient sur notre
                        seigneur Muhammad, le meilleur de ceux qui ont réalisé la qualité de ses Noms et de Ses Attributs, sur les siens:
                        ses compagnons, ses proches, ses épouses, ses fils et
                        ses filles.
                        Que veut dire ici SEIGNEUR!
                        je le retrouve dans le Coran pour traduire RAB!
                        1:2 Louanges à Dieu, Seigneur de l’univers.

                        Commentaire


                        • #13
                          suite

                          § 26 LE VOYAGE DE L'ÉPREUVE OU LE VOYAGE DE LA
                          CHUTE DU HAUT VERS LE BAS ET D'UNE PROXIMITÉ
                          VERS UN ÉLOIGNEMENT EN APPARENCE. Il semble être
                          le contraire du voyage précédent et suit pourtant le
                          même cours, même s'il n'a pas la même force.
                          Dieu – Il est puissant et majestueux – s'adresse ainsi à
                          Adam, à Eve et à ceux qui sont descendus avec eux:
                          «Nous leur dîmes: tombez-en tous» (2: 38). Nous avons
                          déjà parlé du voyage du premier père parmi les entités
                          spirituelles, le père d'Adam et du monde ou réalité
                          essentielle et esprit de Muhammad – que Dieu répande
                          sur lui la grâce et la paix –. Parlons maintenant du
                          voyage du père corporel, le père de Muhammad et de
                          tous les fils d'Adam. Chacun d'eux, Muhammad et Adam
                          sont respectivement père et fils l'un pour l'autre, de ce
                          point de vue.
                          Sache – Dieu nous assiste tous – que lorsque Dieu –
                          exalté soit-Il – veut produire un événement, Il l'indique
                          par des signes compris par certains, précédant
                          l'événement et appelés prémisses de l'existence
                          créaturelle. En ont conscience les gens doués de
                          pressentiment. Dans l'existence, ces signes surviennent
                          souvent dans le monde sensible, surtout si leur
                          manifestation apparaît comme insolite. On peut craindre
                          alors que ne survienne un fait en correspondance avec
                          ce phénomène, c'est ce que les Arabes appellent le
                          mauvais et le bon augure; ce dernier est ce que l'âme
                          trouve bon, le premier, ce que l'on a en aversion. Aussi
                          le Législateur – sur lui la grâce et la paix – aimait-il le
                          bon augure, telle une bonne parole et détestait que l'on
                          tirât mauvais augure d'une chose. Le bon augure était
                          pour les Arabes un bien, et le mauvais, un mal; «Et Nous
                          vous soumettons à l'épreuve du bien et du mal» (21:
                          35). Or il n'y a d'autre agent que Dieu, aussi le Prophète
                          détestait-il que l'on augure mal du cours de la
                          prédestination car la prendre en aversion est un manque
                          de respect envers la divinité. Il est préférable de recevoir
                          avec louange, confiance, satisfaction et docilité ce qui ne
                          convient pas à notre intérêt immédiat et de considérer
                          que Dieu a écarté ce qui aurait pû être plus grave. 'Umar
                          b. al-Khattâb – Dieu l'agrée – disait à ce propos: «Dieu –
                          exalté soit-Il – ne m'a atteint d'un malheur sans que j'y
                          vois trois bienfaits : le premier que ce malheur n'ait pas
                          porté atteinte à ma religion; le second, qu'il n'ait pas été
                          plus grave; le troisième, ce qu'il contient de récompense
                          et remise des péchés». Admire la présence de cet
                          homme avec Dieu et son excellente façon de considérer
                          ce qu'Il lui impose comme épreuve.
                          § 27 Ce cours normal des choses77, nous le connaissons par
                          habitude et expérience, mais il n'en allait pas ainsi pour
                          Adam – sur lui la paix –, sans habitude ni expérience
                          préalable de ce fait. Il ne prit pas garde à la restriction
                          divine lui interdisant de manger du fruit de l'arbre. Le
                          lieu du Paradis n'impose pas la restriction; Adam en effet
                          y mangeait ce qu'il voulait et allait là où il voulait. La
                          restriction étant intervenue dans un lieu ne l'exigeant
                          pas, nous comprenons qu'elle allait produire un effet
                          dont la réalité allait nécessairement se manifester et
                          qu'on allait bientôt descendre du monde de la largeur et
                          du repos vers celui de l'étroitesse et de l'imposition
                          légale. Si Adam l'avait su, il n'aurait pas joui de la félicité
                          pendant son séjour au Paradis. Adam s'attribua à luimême
                          l'injustice en disant, entre autres: «Seigneur, nous
                          nous sommes fait injustice à nous-même» (7: 23), en ne
                          prenant pas garde à la restriction et à l'interdiction dans
                          le lieu de la libération et de la permission. Pour cette
                          raison il reçut une interdiction et non un ordre positif.
                          Adam portait alors dans ses reins sa postérité, ceux qui
                          allaient contrevenir à la Loi divine comme ceux qui
                          allaient lui obéir. Il fallait le mouvement du premier
                          transgresseur pour que la transgression soit provoquée,
                          mais, une fois qu'Adam eût projeté sa postérité hors de
                          ses reins, on ne sache pas qu'il ait jamais désobéi à son
                          Seigneur. La désobéissance fut attribuée au seul Adam et
                          non à son épouse dans Sa parole: «Et Adam désobéit à
                          son Seigneur» (20: 121), alors que l'interdiction
                          s'adressait à eux deux et qu'ils avaient tous deux
                          commis l'acte, parce qu'Eve étant une part de lui-même,
                          c'est comme s'il n'y avait que lui, et aussi parce qu'Adam
                          était plus prompt qu'Eve à se souvenir de l'Ordre divin,
                          «il oublia» (20: 115) certes, mais combien plus
                          oublieuse que l'homme est la femme.
                          Pour cette raison deux femmes tiennent lieu d'un seul
                          homme dans le témoignage légal. Dieu – exalté soit-Il –
                          dit: «S'ils ne sont pas deux hommes, que ce soit un
                          homme et deux femmes parmi les témoins que vous
                          agréerez; si l'une se trompe, l'autre lui rappelera la
                          vérité» (2: 282). La femme, en effet, est une moitié
                          issue de l'homme, deux femmes font deux moitiés, donc
                          une constitution complète, équivalant à un homme.
                          Incomplète est sa création et courbe sa constitution,
                          étant une côte, elle dérive de ce mot78. Eve ne se
                          souvint pas au contraire d'Adam – sur lui la paix –.
                          L'oubli d'Adam – sur lui la paix – n'était dû qu'à
                          l'hostilité d'Iblîs, comme Dieu nous l'apprend. Adam ne
                          pouvait imaginer que quelqu'un prêtât serment par Dieu
                          de façon mensongère. Comme Iblîs avait juré par Dieu
                          qu'il leur donnait à tous deux un conseil sincère, ils
                          prirent du fruit de l'arbre interdit. Il y a là une allusion
                          au fait que l'effort de réflexion personnel ne convient pas
                          quand il existe une indication scripturaire sur une
                          question donnée. L'hostilité d'Iblîs envers Eve est pour
                          elle l'annonce de sa félicité, car si elle avait appartenu au
                          parti de Satan, il n'aurait pas été son ennemi. Le blâme
                          s'attacha à la forme de l'acte non à son auteur – si le
                          blâme s'attachait à ce dernier, nous détesterions ceux
                          qui désobéissent à Dieu. Nous n'avons en aversion que la
                          désobéissance, objet d'aversion si elle est désobéissance
                          à Dieu. Notre aversion ne porte pas non plus sur la cause
                          de la désobéissance, car l'interdiction peut en être
                          abrogée et cette cause redevenir licite, l'aversion cessant
                          alors. Si le blâme s'attachait à la cause, celle-ci serait
                          toujours objet de blâme. En fait ce à quoi le blâme
                          s'attache est une réalité subtile, cachée, relative, très
                          instable et il en est de même de la louange. Comprends
                          donc. Les Mu'tazilites ont pressenti à propos de cette
                          question un secret qui a échappé aux Ash'arites. C'est un
                          secret subtil, excellent; médite-le attentivement, tu
                          trouveras ce qu'ont découvert les Mu'tazilites79.
                          § 28 Revenons à notre sujet. Lorsqu'advint à Adam et Eve
                          ce qu'il advint, ils tombèrent sur la terre. Il s'agit en
                          apparence d'un voyage en provenance de chez Lui
                          comme celui d'Iblîs. Tandis qu'au cours de son voyage,
                          ce dernier trouva la royauté et le repos qui le conduiront
                          finalement au malheur éternel, Adam éprouva peine,
                          fatigue et imposition légale qui le conduiront à la félicité.
                          L'élévation de son voyage fut d'aller du désir sensuel de
                          son âme vers la connaissance de sa servitude, car le
                          Paradis n'est destiné qu'aux désirs sensuels, comme il
                          est dit: «Vous y trouverez ce que désirent vos âmes»
                          (41: 31).
                          Dieu compléta son vêtement ici-bas, car il ne possédait
                          au Paradis qu'un seul vêtement, la «plume», et n'avait
                          pas connu le goût du «vêtement de la crainte
                          protectrice», le Paradis, tout entier délice, n'étant pas le
                          lieu de la crainte. La crainte protectrice, supposant le
                          besoin de se protéger, n'a pas de raison d'être au
                          Paradis. Adam – sur lui la paix – ne possédait pas ce
                          vêtement quand survint l'interdiction. Il ne savait pas de
                          quoi se protéger, car la crainte protectrice fait partie des
                          attributs de cette demeure-ci. Quand il descendit du
                          Paradis, le vêtement pour couvrir sa constitution, ainsi
                          que celui de la crainte protectrice lui furent révélés. Il
                          reçut ensuite interdiction, ordre et imposition légale. On
                          ne saurait concevoir après cela de désobéissance de la
                          part d'Adam, grâce à la protection de ce vêtement. La
                          descente vers cette demeure marqua donc l'achèvement
                          de sa constitution et de son rang; le voyage de retour
                          vers le Paradis, la perfection de son rang et de son âme.
                          Ce monde est une demeure d'achèvement et l'autre, de
                          perfection. Il n'y a plus rien à rechercher après la
                          perfection, de même qu'il n'est plus, après la demeure
                          dernière, de demeure.
                          § 29 Au cours de ce voyage, Adam – sur lui la paix –
                          continua d'acquérir les connaissances qu'il n'aurait pu
                          obtenir sans l'imposition légale. Ce monde constitue en
                          effet pour le serviteur une demeure d'achèvement et
                          d'acquisition des connaissances réflexives. Seul ce
                          monde les lui procure, alors que la constitution du
                          Paradis est toute entière dévoilement. Il commença par
                          acquérir les connaissances du gouvernement de soimême,
                          de la distinction, du bien, du meilleur, du plus
                          convenable et du plus adéquat et la connaissance de
                          l'ordonnance du monde depuis son commencement. Ceci
                          ne peut se réaliser que dans ce monde à cause de
                          l'épaisseur de notre constitution et des vapeurs qui
                          empêchent en nous le dévoilement. L'homme a donc
                          besoin d'une faculté dont il ne disposerait pas sans
                          l'existence de ces obstacles. Ceux-ci participent de son
                          achèvement. C'est pourquoi Sahl b. 'Abdallah (al-Tustarî)
                          disait: «L'intelligence n'a d'autre fonction chez l'homme
                          que de repousser le pouvoir de son désir sensuel. Si ce
                          dernier l'emporte, l'intelligence reste sans autorité»80.
                          Cette parole de Sahl est confirmée par ce que Dieu –
                          exalté soit-Il – nous fit connaître lors du dévoilement des
                          secrets. Il nous fit voir en nos secrets intimes, par Son
                          inspiration la plus transcendante, que les anges ont été
                          créés «dans» les connaissances ainsi que les minéraux et
                          les végétaux, alors que l'animal a été créé «dans» les
                          connaissances et le désir sensuel. C'est pourquoi, malgré
                          sa connaissance et son inquiétude de l'Heure, l'homme
                          ne renonce pas à son désir sensuel. Il s'inquiète pour son
                          devenir, à cause de ses transgressions. Un maître vit un
                          homme frapper la tête de son âne. Il l'en empêcha, mais
                          l'âne lui dit: – laisse-le! C'est sur sa propre tête qu'il
                          frappe81. L'homme fut créé «dans» les connaissances
                          nécessaires, le désir sensuel et l'intelligence, et c'est par
                          cette dernière qu'il peut repousser le désir sensuel.
                          § 30 Grâce à la désobéissance et son voyage, Adam – sur lui
                          la paix – acquit la connaissance des noms de son
                          Seigneur et des effets produits par eux, ainsi que leur
                          contemplation, tel le Pardonnant et le pardon, qu'il
                          ignorait jusqu'alors. Si Dieu est aussi le Tout-
                          Pardonnant82, c'est à cause de la gravité de sa
                          désobéissance qui – eu à égard à sa station – équivaut à
                          mille désobéissances commises par autre que lui, mais Il
                          reste pour tout autre Tout-pardonnant. Dieu est à la fois
                          Tout-pardonnant pour Adam selon ce qui précède et
                          pardonnant parce qu'il n'a contrevenu qu'une seule fois à
                          Son ordre. Il se peut que sa faute soit due à une
                          interprétation de sa part. De plus, s'il avait oublié
                          l'interdiction, il n'aurait pas été sanctionné. Il n'a donc
                          oublié que ce que nous avons mentionné. Il obtint ainsi
                          l'élection, le repentir, la demande de pardon,
                          l'absolution, la peur et la sécurité qui survient après la
                          peur, car elle procure une jouissance plus grande que
                          lorsqu'elle accompagne un état

                          Commentaire


                          • #14
                            suite

                            § 31 L'un des effets de ce voyage fut la connaissance de la
                            composition, de la croissance et de la dissolution. Adam
                            connut ainsi la constitution de son édifice corporel selon
                            la succession des cycles, contrairement à la formation du
                            Paradis qui s'accomplit en une seule fois pour celui qui
                            peut la voir. Il sut aussi que dans le Paradis on aspire à
                            la jouissance et aux délices; dans ce monde on aspire à
                            l'accroissement et à la recherche de la science. Pour
                            cette raison l'homme connaît ici ce qu'il ne connaît pas
                            là-bas. Ce voyage produit de nombreux effets
                            semblables. Mais les voyages sont nombreux et je crains
                            d'être trop long. Ce voyage adamique comporte des
                            connaissances si nombreuses qu'il faudrait lui consacrer
                            un recueil à part et ainsi en est-il pour tous les voyages
                            que nous avons mentionnés et que nous mentionnerons
                            dans ce livre. Complète donc ce que nous avons tu, en
                            suivant ce dont nous avons déjà parlé, tu seras bien
                            dirigé, si Dieu veut – Il est puissant et majestueux –.
                            § 32 LE VOYAGE D'ENOCH (IDRÎS) – SUR LUI LA PAIX – OU
                            LE VOYAGE DE LA DIGNITÉ ET DE L'ÉLÉVATION EN LIEU
                            ET DEGRÉ83.
                            Dieu – exalté soit-Il – dit: «Et mentionne dans le Livre
                            Enoch; il était très-véridique et prophète et nous l'avons
                            élevé en un haut lieu» (19: 57)84. On dit qu'il fut le
                            premier des fils d'Adam à écrire au moyen du calame85.
                            Le premier influx spirituel du Calame supérieur fut pour
                            lui – sur lui la paix –. Il avait été emmené en voyage
                            nocturne jusqu'au septième ciel; tous les cieux se
                            trouvèrent donc embrassés par lui.
                            § 33 Sache que Dieu a fait de tous les cieux le réceptacle
                            des sciences cachées relatives aux êtres qu'Il doit faire
                            venir à l'existence dans le monde: substance ou
                            accident, petit ou grand, état ou mutation. Il n'est de ciel
                            où n'ait été déposée une science confiée à son gardien.
                            Dieu a déposé la descente de Son ordre vers la terre
                            dans les mouvements des sphères célestes et dans le
                            passage de leurs astres par les mansions de la huitième
                            sphère. Il a instauré pour les astres de ces sept cieux
                            conjonctions et séparations, montée et descente. Il leur
                            a conféré des influences différentes et provoqué une
                            attirance entre les uns, une répulsion totale entre les
                            autres. Ce qui provoque leur répulsion est le dépôt en
                            l'un du contraire de ce qui est déposé dans l'autre, non
                            qu'ils soient ennemis, mais Dieu ayant créé les habitants
                            des cieux selon des réalités supérieures, elles entraînent
                            inéluctablement ces oppositions. Il a voué ces êtres à
                            l'obéissance et à la glorification de leur Seigneur: «Ils ne
                            désobéissent pas à ce que Dieu leur a ordonné» (66: 6).
                            On rapporte ainsi de Mâlik, le gardien du Feu, qu'il est
                            créé de telle manière qu'il ne rit jamais, au contraire de
                            Ridwân86, créé de joie et de gaieté. Or, ils sont tous
                            deux des serviteurs pieux et obéissants; aucune hostilité
                            ni haine ne les opposent. Toutefois les effets de ces
                            oppositions dans le monde inférieur sont suscités par ces
                            réalités supérieures. La jalousie et l'hostilité
                            interviennent entre nous, pris que nous sommes par nos
                            propres intérêts, mais leur origine remonte à ces mêmes
                            réalités. L'absence de répulsion entre deux êtres en
                            harmonie vient de ce que l'un a été existencié différent
                            de l'autre, mais non comme son contraire; tout contraire
                            est différent, mais tout différent n'est pas contraire.
                            L'intendant87 du septième ciel est en opposition avec
                            celui du sixième, à tel point que lorsque la science de
                            l'ange du sixième ciel doit passer sous l'autorité de
                            l'ange auquel elle est confiée dans le septième ciel, ce
                            dernier corrompt ce qui a été instauré par le premier et
                            réciproquement en passant du septième au sixième ciel.
                            Pourtant ce n'est pas que l'ange corrompe ni qu'il
                            instaure, comme nous disons, c'est qu'il se conforme à
                            l'ordre de son Seigneur et s'acquitte de ce qui lui est
                            confié. Cet ordre est celui que Dieu a inspiré aux cieux
                            comme il le dit Lui-même: «Et Il inspira à chaque ciel
                            son ordre propre» (41: 12)88.
                            § 34 En admettant cela, tu dois savoir que ce fait ne porte
                            nullement atteinte au credo; sinon quel sens aurait la
                            parole divine «et les étoiles soumises par Son ordre»
                            (16: 12). Par quoi, ô mon frère, les a-t-Il soumises? Dieu
                            n'a-t-Il pas soumis certains êtres à d'autres et n'a-t-Il
                            pas dit: «Et Il vous a élevés les uns au-dessus des
                            autres par degrés pour que les uns prennent les autres
                            soumis à leur service» (43: 32), «et Il a soumis pour
                            vous ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre»
                            (45: 13)? Dieu dit donc qu'il y a des choses qui nous
                            sont soumises dans le ciel, comme sur la terre. La foi
                            d'un musulman n'est pas mise en cause parce qu'il sait
                            ce qui a été inspiré au ciel comme ordre et ce pour quoi
                            son monde a été soumis. S'il n'en était pas ainsi, on
                            pourrait l'affirmer de tout ce qui est dans le ciel et la
                            terre. Or, à chaque moment nous avons recours aux
                            causes que Dieu a mises en place pour nous et qu'Il nous
                            a fait connaître comme soumises et non agentes. Nous
                            nous réfugions en Dieu «et je ne Lui associe rien» (72:
                            20). Le Législateur n'a déclaré mécréant que celui qui
                            croit que l'acte revient aux astres et non à Dieu ou qu'Il
                            agit par leur intermédiaire; croire cela est mécréance et
                            associationnisme, mais non pas considérer qu'ils sont
                            soumis et qu'ils suivent le cours que leur a assigné la
                            sagesse divine. Bien plus, ignorer ce que Dieu a déposé
                            dans les astres, ce qu'Il leur a inspiré et ce qu'Il a placé
                            en eux comme effets de Sa sagesse, c'est laisser
                            échapper abondance de bien et grande science. Et «qu'y
                            a-t-il après la vérité si ce n'est l'erreur ?» (10: 32).
                            § 35 Enoch – sur lui la paix – sut par la science que Dieu lui
                            avait inspirée que Dieu avait lié entre elles toutes les
                            parties du monde et soumis certains êtres à d'autres. Il
                            vit que le monde des éléments est réservé aux êtres
                            engendrés. Il considéra les conjonctions et les
                            séparations des astres dans les mansions célestes, les
                            différences entre les êtres et les mouvements des
                            sphères, les uns rapides, les autres lents. Il sut qu'en
                            réglant sa marche et son voyage sur le mouvement lent,
                            il faisait entrer le mouvement rapide sous l'autorité de ce
                            dernier, car le mouvement est circulaire, non rectiligne,
                            et le cycle d'un être petit et rapide doit nécessairement
                            revenir à celui qui est lent. Il apprit ainsi, en côtoyant
                            celui qui avance avec pondération, la raison d'être de
                            celui qui va vite89. Comme Enoch ne vit tout cela que
                            dans le septième ciel, il y resta trente ans à suivre sa
                            rotation à travers la sphère des constellations du
                            zodiaque. Il se tenait au centre de la rotation exercée
                            par l'intendant de ce ciel, ainsi que dans la sphère
                            portant la sphère de la rotation et dans la sphère portant
                            les sphères des rotations, celle que parcourt la sphère
                            des signes du zodiaque. Ayant eu la vision de ce que
                            Dieu avait inspiré dans le ciel ainsi que des astres près
                            d'entrer en conjonction avec le signe du cancer, il sut
                            que Dieu allait inéluctablement faire descendre une
                            quantité d'eau immense et un déluge général. Grâce à ce
                            qu'il avait réalisé comme science en parcourant les
                            degrés de cette sphère, il reçut une science à la fois
                            totale et distinctive.

                            Commentaire


                            • #15
                              suite

                              § 36 Puis il redescendit, et choisit parmi les adeptes de sa
                              religion et de sa loi, ceux chez qui il avait reconnu
                              sagacité et pénétration. Il leur enseigna ce qu'il avait
                              contemplé et ce que Dieu a déposé comme secrets dans
                              ce monde supérieur. Parmi ce dont la connaissance a été
                              déposé dans les cieux, un immense déluge,
                              l'anéantissement des hommes et l'oubli de la science.
                              Voulant que cette science perdure pour ceux qui
                              viendraient après, il ordonna qu'on l'inscrivît sur les
                              rochers et les pierres. Par la suite, Dieu l'éleva dans le
                              haut lieu. Il descendit dans la sphère du soleil, la
                              quatrième, au centre des sphères célestes correspondant
                              au coeur, car au-dessus se trouvent cinq régions et de
                              même au-dessous. Dieu lui octroya au cours de ce
                              voyage par lequel Il l'éleva vers Lui, la station de pôle et
                              la constance. Il fit tourner toute chose autour de lui.
                              Auprès de lui se réunit ce qui monte et ce qui descend.
                              Ce voyage produisit pour lui comme effet, la science du
                              temps et des siècles et de ce qui doit advenir, or la
                              science du temps est l'une des connaissance infuses les
                              plus sublimes. Un autre de ses effets fut la connaissance
                              de la réalité spirituelle de la nuit et du jour et de ce qui y
                              trouve repos90.
                              Celui qui, comme Enoch, voyage vers le monde de son
                              coeur, voit le monde angélique le plus grandiose et à lui
                              se manifeste la théophanie du monde suprême de la
                              Toute-Puissance. Il
                              aperçoit aussi le secret de la vie,
                              esprit par lequel elle se propage dans tous les animaux.
                              Il fait la différence entre l'esprit de beaucoup et l'esprit
                              de peu, rend à chacun son dû, a connaissance des
                              degrés de ses propres âmes inférieures et de ses esprits
                              supérieurs, de la façon dont les conséquences jaillissent
                              des principes et comment les conséquences retournent à
                              leurs principes, ainsi que la forme de l'univers et la
                              sagesse divine qui préside au cycle et autres
                              connaissances semblables. Ceci suffit pour le voyage
                              d'Enoch – sur lui la paix –.
                              § 37 LE VOYAGE DU SALUT OU LE VOYAGE DE NOÉ – SUR
                              LUI LA PAIX –.
                              Noé – sur lui la paix – sut qu'approchait le temps de la
                              conjonction astrale que Dieu dans Sa sagesse avait
                              déterminée et provoquée91. Il vit qu'elle se produirait
                              dans le signe du cancer dont l'élément est l'eau. C'est
                              dans ce signe changeant et instable que Dieu a créé le
                              monde d'ici-bas. Quand on entra dans ce signe et que
                              l'ascendant de ce monde coïncida avec lui, Dieu voulut
                              par son anéantissement et sa permutation vers la
                              demeure dernière, lui conférer un ascendant semblable
                              et stable, le lion. Telle est la sagesse d'un être
                              omniscient !
                              Noé – sur lui la paix – se mit à construire l'arche. Le
                              signe de sa prophétie ne résidait ni dans cette
                              conjonction ni dans le Déluge, car certains savants parmi
                              ses compagnons pouvaient en avoir eu la science et la
                              partager avec lui. Il reçut donc le Four (al-Tannûr)92
                              comme signe. S'il avait annoncé cette conjonction, il se
                              serait agi d'une science et non d'un miracle prophétique.
                              C'est pourquoi son peuple se moqua de lui et sans doute
                              aussi les astronomes de son époque. Il advint ensuite ce
                              que l'on sait et son fils resta en arrière car il se rendit
                              coupable d'une oeuvre impie «et il fut parmi les noyés»
                              (11: 43).
                              § 38 Noé emmena ses compagnons en voyage. Il fit entrer
                              dans l'Arche «un couple de chaque espèce» (11: 40) et
                              dit: «Embarquez ! Au nom de Dieu est sa course et son
                              ancrage; certes mon Seigneur est très-pardonnant trèsmiséricordieux
                              » (11: 41), quand le Four se mit à
                              bouillonner et que les nuées grosses de pluie mirent bas
                              leur fardeau. Dans cet anéantissement, les deux eaux
                              furent réunies: celle de la terre et celle du ciel. Dans sa
                              course, l'Arche portait Noé et les siens «à travers des
                              vagues comme des montagnes». Noé appela: «Ô mon
                              fils, monte avec nous!» (11: 42) et le fils de répondre:
                              «Je me réfugierai sur une montagne qui me protégera de
                              l'eau», et Noé – sur lui la paix – de répliquer: «Rien ne
                              protège aujourd'hui contre l'ordre de Dieu si ce n'est
                              ceux à qui Il a fait miséricorde» (11: 43), c'est-à-dire les
                              passagers de l'Arche. L'invocation prononcée auparavant
                              par Noé, «ne laisse pas sur la terre le moindre des
                              incroyants» (71: 26), avait été exaucée. Ceux qui
                              s'étaient réfugiés sur la montagne et tous ceux qui
                              n'étaient pas dans l'Arche se noyèrent. Alors du nonmanifesté
                              se fit entendre l'appel du Soi. En effet, Celui
                              qui lança l'appel ne se mentionna pas Lui-même et n'usa
                              pas directement du vocatif93. La terre engloutit son eau,
                              le ciel s'arrêta et l'eau diminua. L'Arche du salut s'établit
                              sur le mont Jûdî, allusion à la générosité (jûd) divine.
                              Depuis cette station fut prononcée cette parole: «Banni
                              soit le peuple des injustes !» (11: 44), ceux qui s'étaient
                              moqués.
                              § 39 Sache, ô secret subtil établi par Dieu à un rang
                              analogue à celui de Son prophète Noé – sur lui la paix –,
                              que Dieu – Il est puissant et majestueux – a achevé ton
                              arche et l'a façonnée de Ses Mains par Son inspiration.
                              Quand Dieu inspirait l'Arche, celle-ci se trouvait «par Son
                              oeil», autrement dit conservée en Dieu qui la faisait voir
                              à Noé94. Dieu dit, s'adressant à ce secret: qui es-tu pour
                              que Dieu accomplisse vers toi une telle descente, depuis
                              la station du Moi divin de surcroît? Ton âme ordonnant le
                              mal, ton satan, ton monde d'ici-bas, ta passion ne
                              cessent ensuite de se moquer de toi tant que tu édifies
                              cette arche qui est la constitution du salut. Le four, le
                              réceptacle du feu à ton côté dit: de là sortira l'eau. Eux,
                              convaincus qu'une chose ne peut en aucune façon se
                              transformer en son opposé, se sont moqués et ont dit à
                              Noé: tu n'es qu'un niais. Ils n'ont pas fait la différence
                              entre le réceptacle du feu et l'eau par ignorance de la
                              substance et des formes du monde. S'ils avaient su que
                              le feu est une forme dans cette substance tout comme
                              l'eau, ils ne se seraient pas moqués. S'imaginant que
                              l'eau et le feu sont tous deux une substance distincte
                              s'opposant ensuite l'une à l'autre, ils trouvèrent absurdes
                              les paroles de Noé et se moquèrent de lui. Toi qui
                              t'occupes à édifier ton arche, l'arche du salut, et te
                              prépares à recevoir, sur l'ordre de Dieu, Son
                              Commandement qui est une manifestation du Moi,
                              réponds aux moqueurs que s'ils périssent dans une
                              chose, ils lui seront voués sans pouvoir jamais en sortir.
                              Embarque dans ton arche par le bâ' qui est le nom
                              d'Allâh, redresse l'alif de la réalisation de l'unité entre le
                              bâ' et le sîn de bismi 95. Tu ne verras pas ici le Tout-
                              Miséricordieux le Très-Miséricordieux, car Nous restons
                              en arrière de ton arche. Sa course s'accomplit par le bâ',
                              particule d'abaissement, ainsi que son ancrage au rivage
                              de la générosité divine. Par la générosité (jûd) est
                              apparue l'existence (wujûd), et sur le mont Jûdî s'est
                              manifesté ce que contenait l'Arche. Fais sortir de ton
                              arche «un couple de chaque espèce» pour
                              l'engendrement et la procréation, car tu es le produit de
                              la multiplication du monde supérieur par le monde
                              inférieur, toi et tous les êtres engendrés. La présence du
                              couple est indispensable dans ce voyage
                              d'anéantissement.
                              § 40 L'eau symbolise la science, la vie provenant de l'une
                              sur le plan sensible, de l'autre sur le plan spirituel. Aussi
                              périrent-ils par l'eau pour avoir refusé la science. L'eau
                              provenait du Four parce que c'est en cette eau qu'ils
                              avaient mécru, rejetant la science que Noé leur avait
                              transmise de vive voix par la langue du four de son
                              corps. Ils ne surent pas qu'il traduisait ainsi la
                              signification du Four, qui est la lumière absolue. L'eau du
                              Four voila pour eux le four (tannûr), et ils ne comprirent
                              pas qu'il s'agissait de la lumière (nûr) à laquelle s'était
                              ajouté le tâ' de l'achèvement (tamâm) de la constitution
                              humaine par l'existence du corps. La lumière devint
                              «four», c'est-à-dire une lumière accomplie dans le
                              monde du Royaume, la lumière du tâ' et son lieu de
                              manifestation. L'ignorance les conduisit également à déclarer absurde
                              la transmutation. S'ils avaient regardé le Four, ils
                              l'auraient considéré comme la source de l'eau. Il n'y a
                              d'opposition sous aucun rapport entre l'un et l'autre, car
                              le froid embrasse [les autres états de la matière]. Ils
                              ignorèrent le secret de Dieu dans la nature et le secret
                              de Dieu dans le rôle privilégié du Four, et ils périrent.
                              Tous ceux à qui Noé avaient adressé la parole ne périrent
                              que par l'eau du Four, car ils n'avaient rien refusé
                              d'autre. Le reste du monde périt à la fois par l'eau du
                              Four et par celle du ciel. Cette dernière est celle de la
                              roue à godets qui recueille l'eau distillée dans l'alambic
                              du froid glacial et retournée à son origine. Dieu – Il est
                              puissant et majestueux – fait périr par le feu, mais ici, à
                              cause de l'intervention de la mission prophétique, le feu
                              fut introduit dans l'eau, car «la jambe n'a pas encore été
                              découverte»96. Le feu fit sortir les humidités et les
                              vapeurs et commença de s'élever en redevenant de la
                              vapeur. Il se mit à exercer dans l'air la même action que
                              la roue de la noria quand elle fait monter l'eau du puits.
                              Il continua à s'élever jusqu'à atteindre le cercle du froid
                              glacial et retomba en goutte de pluie par «la
                              détermination du Tout-Puissant le Très-Sage». Les
                              cercles de la détermination ne cessent de tourner dans la
                              sphère de la formation des êtres dans ce monde et dans
                              l'autre.
                              Un des effets de ce voyage est de faire connaître que la
                              Sagesse divine97 peut s'interrompre, alors que la Toute-
                              Puissance continue de s'exercer sur le couple pour la
                              reproduction; que la sagesse divine, si elle n'est pas
                              d'ordre supérieur, n'est pas authentique; que de la
                              Générosité dépend le salut. Ne vois-tu pas que Moïse –
                              sur lui la paix – lorsqu'il invoqua Dieu pour qu'Il fasse
                              périr son peuple, Lui demanda de lui infliger l'avarice.
                              Devenus avares, ils coururent à leur perte. Il apparut
                              aussi que la Parole divine s'oriente nécessairement vers
                              chaque être dans le monde; tantôt à partir du nonmanifesté
                              du non-manifesté, s'il s'agit de la voix où
                              l'agent n'est pas nommé98: «Sera amenée ce jour-là la
                              Géhenne (89: 23) ou «il fut dit: bannis... et il fut dit: ô
                              terre absorbe ton eau» (11: 44); tantôt par le Nous:
                              «Lorsque Nous dîmes...»; tantôt par la Divinité: «Dieu
                              dit»; tantôt encore par la Seigneurie: «Ton Seigneur
                              dit...». Toute parole dépend du nom qui lui est attaché.
                              Celui qui accomplira le voyage de Noé connaîtra
                              certaines des sciences relatives au monde intermédiaire
                              et créaturel. C'est au cours de ce voyage que l'on
                              apprend le Grand OEuvre. C'est pourquoi ce dernier
                              s'achève par la Générosité qui est sa raison d'être. En
                              voici assez sur le voyage de Noé; dire son secret serait
                              trop long.

                              Commentaire

                              Chargement...
                              X