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Famine au Sahel-Les limites de la solidarité internationale

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  • Famine au Sahel-Les limites de la solidarité internationale

    A l’automne de 1972 les peuples des confins du Sahara, connus sous le nom de Sahel, subissaient par millions les conséquences catastrophiques de cinq années de sécheresse impitoyable. Malgré les secours internationaux, la famine a prélevé un lourd tribut sur les vingt-deux millions d’habitants de la région. Le coût social de la sécheresse s’est en effet traduit non seulement par la perte de vies humaines (la plupart des victimes étaient des enfants), mais aussi par la destruction d’un mode de vie propre à deux millions de nomades, réduits au désespoir, à la maladie et aux aléas de l’approvisionnement alimentaire dans les misérables camps de réfugiés dressés à la hâte. Pour une région déjà très appauvrie, ces masses arrachées à leur économie menaçaient donc d’être un fardeau supplémentaire en même temps qu’une source de désordres sociaux et politiques.

    Assurant des opérations de secours dans les régions sinistrées depuis 1968, les organisations américaines et tes agences de l’ONU ont joué un rôle important dans la lutte contre ce désastre. On sait toutefois, de bonne source, que la sécheresse au Sahel a révélé de graves lacunes dans l’organisation des secours internationaux : les bonnes intentions et les témoignages d’autosatisfaction ne doivent pas dissimuler l’existence d’une bureaucratie pesante, souvent prise au dépourvu et incapable de décider les mesures qui auraient pu éviter la tragédie. Car la catastrophe n’a pas été soudaine. Dès 1971 le lac Tchad était réduit à un tiers de sa surface normale, les grands fleuves Sénégal et Niger à demi-taris, et chaque année le Sahara se déplaçait impitoyablement vers le sud sur un front de plus de 4 000 kilomètres. Pendant au moins quatre ans, de nombreux fonctionnaires des Etats-Unis et de l’ONU ont sillonné les pistes du Sahel, notant l’impuissance des gouvernements locaux à lutter contre la sécheresse, rapportant des informations chiffrées, multipliant les rapports alarmistes... Et pourtant ni les Etats-Unis ni l’ONU n’étaient prêts à faire face à la tragédie lorsque celle-ci atteignit son point culminant à l’automne 1972 : l’aide qui, selon les experts médicaux, aurait permis de sauver de nombreuses vies humaines, n’avait tout simplement pas été prévue.

    Telles sont quelques-unes des conclusions résultant d’un rapport accablant publié par le centre européen de la Dotation Carnegie pour la paix internationale (1). Selon les auteurs de ce document, l’action des organisations internationales au Sahel s’est trouvé freinée le plus souvent par des facteurs administratifs sans commune mesure avec les souffrances des populations frappées par la famine : inertie institutionnelle, rivalités entre bureaux et organismes, défaut de coordination, répugnances à avouer un échec évident. Quant à la politique des Etats-Unis proprement dite dans la lutte contre la sécheresse, elle semble avoir été chichement mesurée. Le rapport Korry (du nom de l’ambassadeur des Etats-Unis en Ethiopie en 1966) révèle en effet les raisons, à la fois politiques et économiques, de l’indifférence relative de Washington à l’égard des six pays du Sahel. D’une part, les Etats-Unis ont eu tendance à négliger certains, comme le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Sénégal, en raison de leurs sympathies communistes ou de leur attitude anti-américaine inspirée par le général de Gaulle ; d’autre part, il faut bien reconnaître que, tout comme les autres fournisseurs d’aide, les Etats-Unis accordaient la leur en fonction du potentiel de développement et des intérêts diplomatiques beaucoup plus que des besoins humains. De 1953 à 1972, l’appui apporté aux six pays sahéliens par des organisations internationales représentait à peu près 800 millions de dollars, alors que les pays africains considérés comme « importants » par Washington faisaient l’objet d’un programme d’assistance de 2,2 milliards de dollars, soit prés de trois fois plus ! Comme le disait naguère l’ex-président Hamani Diori, « plus le pays est pauvre, moins il reçoit d’aide de l’extérieur »...

    Pour les auteurs du Dossier politique de la faim au Sahel (2) il s’agissait moins de faire l’historique d’une tragédie que de rechercher les racines et les mécanismes du déséquilibre mis en place depuis plus d’un demi-siècle dans le Sahel africain. Leur argumentation s’articule autour de l’idée que, quelle que soit l’ampleur des phénomènes naturels de sécheresse dans cette région, leur effet s’est trouvé aggravé par la politique de domination économique et de « développement » agricole mise en place dans le cadre de la colonisation puis de la coopération françaises. Le revers inéluctable de cette politique, qui a permis l’approvisionnement du marché international en matières premières à un prix très bas (coton, arachide, etc.), est d’avoir placé l’agriculture vivrière au bord de la ruine. Ainsi au Mali, de 1960 à 1972, le rendement du mil, du sorgho et du riz a baissé de façon sensible dans le temps même où, dans le secteur de traite, les rendements et les surfaces doublaient ou triplaient. Le déficit vivrier s’est également fait sentir au Sénégal dont les importations alimentaires représentent de 30 a 37 % des importations locales.

    La sécheresse, la famine et ses séquelles ont ainsi contribué à mettre au jour, d’une façon brutale, la dépendance des pays africains du Sahel. Dépendance économique d’abord, à l’égard d’une politique agricole inspirée et encadrée par les puissances étrangères qui a conduit leur agriculture vivrière à la crise et compromis leurs capacités de subvenir à leurs besoins de base. Dépendance politique ensuite, vis-à-vis des pays nantis dont l’aide, devenue facteur de survie, s’accompagne de toute une série de gages qui ne font que renforcer la domination impérialiste sur le tiers-monde.

    On peut estimer que si dans les années à venir, des mesures importantes et radicales ne sont pas prises au niveau de l’agriculture vivrière, et si la pénurie de céréales persiste sur le plan mondial, la situation de famine chronique au Sahel ne sera résolue ni par le retour des pluies ni par la mise en œuvre – hypothétique – d’un Plan d’assistance internationale. Des populations entières risquent d’être délibérément vouées à une mort que la bonne conscience universelle aurait trop vite fait d’attribuer à la fatalité.

    Jacques Chevrier

    Février 1975, Archives du Monde diplomatique

    (1) Désastre au désert ; la sécheresse en Afrique occidentale : échec des secours la internationaux. Dotation Carnegie pour la paix internationale, Genève, 1974, 199 pages.

    (2) Comité information Sahel : Qui se nourrit de la famine en Afrique ? François Maspero, Paris, 1974, 279 pages, 33F .
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    Au Mali, la guerre n’a rien réglé

    Juillet 2018

    Une coopération régionale pour s’émanciper de la France

    par Philippe Leymarie

    (aperçu)

    Le Monde diplomatique

    «On ne peut pas régler le problème dans le Sahel avec des fleurs », estime Macky Sall. Le président sénégalais souhaite le renforcement de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), « une des plus meurtrières de l’histoire des Casques bleus » avec 102 morts dans ses rangs. Il craint notamment d’avoir à affronter des « revenants », djihadistes chassés d’Irak ou de Syrie. De son côté, le Département des opérations de paix des Nations unies reconnaît ne pas être à même « d’imposer » une pacification, en raison de mandats qui lui permettent seulement de protéger les populations.

    Ce « défi opérationnel » pourrait être en revanche relevé par des interventions africaines plus offensives. Le mérite du G5 Sahel est d’impliquer directement les États les plus menacés par l’implantation des organisations djihadistes de la région : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Les objectifs de la force conjointe en cours de constitution sont clairs : une cible circonscrite (limitée, dans un premier temps, à la zone des « trois frontières », aux confins du Niger, du Mali et du Tchad) ; un but de guerre précis (contrôle de zone) ; un effet final déterminé (la stabilisation) ; un effectif raisonnable (cinq mille hommes, soit deux bataillons par pays) ; et des règles d’engagement partagées… le tout placé symboliquement sous l’autorité du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine avec le soutien du Conseil de sécurité de l’ONU.

    Dès 2013, le Niger et le Mali avaient noué un partenariat pour sécuriser leur frontière commune, qui avait été suivi d’opérations militaires conjointes. La même année, les chefs d’état-major des cinq États sahéliens décidaient de développer leur coopération transfrontalière. La force mixte tchado-soudanaise a également inspiré le G5 : après cinq ans de guerre par procuration, le Tchad et le Soudan avaient créé, en 2010, un dispositif de sécurisation de leur frontière qui fonctionne sans appui international. Trois mille hommes sont répartis sur une dizaine de postes, avec commandement semestriel (...)

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    Dernière modification par Elghifari, 14 juillet 2018, 00h32.

  • #2
    L'Afrique commence à compter sur ses propres forces ?
    Et à se méfier des anciens colonisateurs ?

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