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Évocation - Il y a 15 ans disparaissait le professeur Khaled Benmiloud : un touche-à-tout magnifique

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    Évocation - Il y a 15 ans disparaissait le professeur Khaled Benmiloud : un touche-à-tout magnifique



      J'ai connu le professeur Khaled Benmiloud, psychiatre et essayiste, au début des années 1980, comme patient. Atteint d'une dépression «artistique» carabinée, j'ai cherché son aide, attiré par sa réputation de médecin hors pair. Dans son petit cagibi de «concierge» de l'hôpital Mustapha, à Alger, devant une espèce de table de cuisine qui lui servait de bureau, en blue-jean et tee-shirt, il était au téléphone en train de griffonner sur un bout de mur décrépi qu'il utilisait comme bloc-notes des mots et des numéros de téléphone, restés pour moi à jamais énigmatiques.

    L'air malicieux, les yeux brillants d'intelligence, attentif sous un faux air distrait, il parcourut rapidement les quelques vers de poésie que je lui avais montrés (rédigés sur un papier) et il me proposa ensuite, comme thérapie, de m'aider à publier un article qu'il m'invita à écrire sur-le-champ, «peut-être sur les aborigènes d'Australie ?».

    Je ne connaissais alors rien de cet homme natif de l'oasis de Tiout, à quelques kilomètres de Aïn Sefra, fils d'un grand notable de la région, qui avait fait ses études de médecine à Paris et à Genève et était considéré comme le père fondateur de la psychiatrie algérienne.

    Je l'ai vu, cet après-midi-là, quitter l'hôpital Mustapha, au volant de sa petite Fiat 128 blanche, simple et tranquille, comme un homme qui n'aurait de comptes à rendre qu'à lui-même et sa conscience. J'ai appris, par la suite, que ce «fils de paysan» comme il se présentait lui-même parfois, avait refondu et humanisé la clinique psychiatrique de l'hôpital Mustapha et que, dans l'exercice de son métier, il était redouté pour son courage et sa rigueur.

    J'ai appris également qu'il avait été l'ami et le confident de Kateb Yacine, de Malek Haddad et de l'artiste peintre M'hamed Issiakhem, qu'il avait écrit le scénario du film «L'olivier de Boulhilet» de Nadir Mohamed Azizi, tourné en 1979.

    Le taquinant un jour, timidement, sur l'utilité de faire figurer sa photographie en haut d'un article brillant intitulé «Eloge de l'intellectuel praticien» qu'il avait fait paraître dans les colonnes de l'hebdomadaire «Algérie-Actualités», il préféra, en souriant et sans prononcer un seul mot, tacitement me concéder le point.

    Lui qui débarquait parfois, la nuit, dans son service à l'hôpital Mustapha pour voir si tout allait bien. Lui qui n'hésitait pas, à l'occasion, de donner un coup de main, à titre, je suppose, d'ami de la poésie, à un jeune inconnu qui était arrivé chez lui, par train, avec ses poèmes à la noix.

    Khaled Benmiloud publia, plus tard, deux livres: «Propos épars» aux éditions Enal et surtout son œuvre de maturité, «La raison para-magique, sous-développement et mentalités», en 1993, aux éditions Dahlab, qui révéla, au large public, son immense et éclectique culture. Homme libre, esprit ouvert et non conformiste, même dans la pratique de sa profession, touche-à-tout magnifique, il lui est même arrivé de croquer l'actualité dans des dessins de presse parus, vers la fin des années 1960, dans le journal «Algérie-Actualités», dirigé alors par feu Mohammed Farhi.

    Adieu Maître. Voilà déjà 15 ans, depuis ce triste 25 juillet 2003, que vous n'êtes plus parmi nous. Un certain temps auparavant, à l'un de vos contradicteurs, ministre de la Santé en fonction, avec lequel vous avez eu un désaccord sur la manière de concevoir le fonctionnement de votre service, à l'hôpital, vous avez déclaré, avant de lui présenter votre démission: «Je peux devenir ministre. Vous ne pourrez jamais devenir professeur de médecine!». Avec la lucidité magnanime de ceux qui se sont frottés aux secrets et aux remous de l'âme, vous aimiez répéter «qu'avec l'âge, les qualités s'améliorent et les défauts s'accentuent». Est-ce dans ces mots (peut-être pas toujours véridiques) qu'il faudrait aller chercher l'explication de ce regard bienveillant mais sans complaisance que vous posiez, au soir de votre vie, sur les êtres et le monde ?


    Amine bouali

    *Libraire à Tlemcen

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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