Alors que se tient, ces jours-ci, près d'Alger, le procès Khalifa (du nom du milliardaire algérien déchu, aujourd'hui réfugié à Londres), sort en France un petit livre surprenant et passionnant. Un polar noir. "Noir comme l'Algérie", affirme Amid Lartane, son auteur. Lartane ? Un pseudonyme. On comprend aisément que l'auteur ait choisi de se protéger. Son roman policier ne peut que déplaire au plus haut point au pouvoir algérien. Il ne s'agit pas d'une chronique de l'affaire Khalifa, mais d'une chronique de l'Algérie des années 1990, celle des années de sang qui ont vu islamistes armés et forces de sécurité s'affronter avec une violence inouïe. C'est surtout l'occasion de mettre à nu le "système" algérien, mélange de réseaux clientélistes et mafieux qui font de l'Algérie un pays "pauvre à milliards" et empêchent l'émergence d'un Etat de droit.
L'empire Khalifa symbolise parfaitement le "système" algérien. En 1998, le groupe surgit du néant, à la stupéfaction générale. On voit apparaître une banque, puis une compagnie aérienne, puis une chaîne de télévision... Moumen Rafik Khalifa, le golden boy à l'origine de cette mirifique réussite, est célébré de tous côtés. De part et d'autre de la Méditerranée, il est l'emblème de "l'Algérie qui gagne". Tout le monde place ses fonds dans sa banque, à commencer par les collectivités publiques. Mais la chute de Khalifa va être brutale. En mai 2003, le groupe est mis en liquidation après la découverte d'un "trou" de caisse de 320 millions d'euros, selon l'enquête. Des milliers de petits épargnants se découvrent ruinés. D'importants fonds publics se trouvent du même coup engloutis. Lâché par ses "parrains", risquant la prison pour escroquerie, Moumen Rafik Khalifa prend la fuite. Il est aujourd'hui l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré par l'Algérie.
Ni document ni fiction, ce livre ne donne pas les clés du mystère Khalifa. Lartane n'a pas cherché à découvrir la vérité. L'aurait-il voulu qu'il ne l'aurait pas pu. L'auteur sait qu'avec un roman il est libéré de l'obligation d'apporter des preuves. Il a du coup choisi de laisser courir son imagination et de remplir des blancs. Il invente la vérité, et ce qu'il raconte est crédible, même si les personnages ne ressemblent pas à la réalité. Peu importe, d'ailleurs. Car l'Algérie dans laquelle il nous entraîne est bien réelle, elle. On y croise les fous de Dieu et leurs maquis islamistes, des généraux qui se nourrissent sans vergogne sur la bête, des manipulateurs de premier ordre, des élites qui détestent ce régime mais détestent encore plus la société algérienne dans laquelle ils ne se reconnaissent pas... On côtoie surtout une population qui crève de misère et de frustration. Tout le monde en prend pour son grade. Seules les femmes échappent à la colère de Lartane. "C'est elles, le salut de l'Algérie", lâche-t-il, dans un ultime soubresaut de colère et d'amour.
LE Monde .Fr
L'empire Khalifa symbolise parfaitement le "système" algérien. En 1998, le groupe surgit du néant, à la stupéfaction générale. On voit apparaître une banque, puis une compagnie aérienne, puis une chaîne de télévision... Moumen Rafik Khalifa, le golden boy à l'origine de cette mirifique réussite, est célébré de tous côtés. De part et d'autre de la Méditerranée, il est l'emblème de "l'Algérie qui gagne". Tout le monde place ses fonds dans sa banque, à commencer par les collectivités publiques. Mais la chute de Khalifa va être brutale. En mai 2003, le groupe est mis en liquidation après la découverte d'un "trou" de caisse de 320 millions d'euros, selon l'enquête. Des milliers de petits épargnants se découvrent ruinés. D'importants fonds publics se trouvent du même coup engloutis. Lâché par ses "parrains", risquant la prison pour escroquerie, Moumen Rafik Khalifa prend la fuite. Il est aujourd'hui l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré par l'Algérie.
Ni document ni fiction, ce livre ne donne pas les clés du mystère Khalifa. Lartane n'a pas cherché à découvrir la vérité. L'aurait-il voulu qu'il ne l'aurait pas pu. L'auteur sait qu'avec un roman il est libéré de l'obligation d'apporter des preuves. Il a du coup choisi de laisser courir son imagination et de remplir des blancs. Il invente la vérité, et ce qu'il raconte est crédible, même si les personnages ne ressemblent pas à la réalité. Peu importe, d'ailleurs. Car l'Algérie dans laquelle il nous entraîne est bien réelle, elle. On y croise les fous de Dieu et leurs maquis islamistes, des généraux qui se nourrissent sans vergogne sur la bête, des manipulateurs de premier ordre, des élites qui détestent ce régime mais détestent encore plus la société algérienne dans laquelle ils ne se reconnaissent pas... On côtoie surtout une population qui crève de misère et de frustration. Tout le monde en prend pour son grade. Seules les femmes échappent à la colère de Lartane. "C'est elles, le salut de l'Algérie", lâche-t-il, dans un ultime soubresaut de colère et d'amour.
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