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Une révolution culturelle au Maroc pourra-t-elle sauver l’éducation?

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  • Une révolution culturelle au Maroc pourra-t-elle sauver l’éducation?

    Il faut savoir qu'au Maroc jusqu'en 2014, la scolarisation n'était pas obligatoire car souscrite à son paiement (cf. "Notre ami le roi" de Gilles Perrault). D'autre part, l'enseignement marocain est médiocre car il est dispensé par des instituteurs eux-mêmes analphabètes.

    -Sous le Protectorat et dans les premières années de l’indépendance du Maroc, l’enseignement est resté peu accessible. Les stigmates que porte ce secteur aujourd’hui trouvent leur source dans un enchaînement historique, rappellé ici par des intellectuels qui appelent à la révolution culturelle.

    De 1955 à 1956, la génération des Marocains scolarisés entre les années 1930 et 1940 accède à l’enseignement supérieur. Les étudiants locaux ne dépassent pas le nombre de 353, selon un rapport de l’économiste Mekki Zouaoui. Quant aux étrangers, la plupart de nationalité française, ils ont été 1170. Le nombre de diplômés parmi les nationaux, lui, a atteint 48, tandis que les non-Marocains ont constitué un ensemble de 181.

    Un système d’apartheid

    Enseignant-chercheur, historien et ancien historiographe du royaume, Hassan Aourid est l’auteur d’un livre récemment paru, intitulé «Pour une révolution culturelle au Maroc». Cet ouvrage évoque la problématique de l’éducation en se distanciant de l’identitaire et en mettant l’accent sur l’universel. Chemin faisant, il évoque la problématique posée par la situation de la langue française, tantôt perçue comme celle du Protectorat, tantôt voulue comme étant un marqueur socioéconomique.

    «C’était un système d’apartheid, déclare Hassan Aourid. C’est pour cela qu’au lendemain de l’indépendance, les nationalistes ont conçu l’enseignement par opposition au système du protectorat». Ce processus s’est opéré à travers quatre étapes, étayées par notre interlocuteur :
    «Il y a eu d’abord une unification, car nous avons été face à plusieurs systèmes d’enseignement : un pour les Français, un pour les notables, un via les écoles israélites… Les nationalistes se sont ensuite axés sur la généralisation de l’enseignement à toutes les catégories sociales. S’en est suivie la marocanisation du secteur qui s’est faite de manière hâtive, puis l’arabisation.
    »

    L’historien rappelle que l’analyse du secteur de l’éducation nationale par Mohamed Abed El Jabri permet de comprendre que «ce système a failli de se conformer à ces quatre principes». L’intellectuel décédé en 2010 a justement expliqué, en 1972, que la doctrine coloniale voulait «créer plusieurs types d’écoles dont chacune doit permettre de faire évoluer la classe sociale bénéficiaire sans bousculer l’ordre établi». Bien des décennies après l’Indépendance, l’éducation nationale a continué à porter les stigmates de cette fragmentation.

    La révolution culturelle, une clé du changement

    Pour toutes ces raisons, Abed El Jabri a appelé depuis 1973 à une révolution culturelle, dont le récent ouvrage de Hassan Aourid fait écho. C’est d’ailleurs tout le sens de ce livre qui cite en ouverture «Lumières sur les problèmes d’enseignement au Maroc», œuvre de l’intellectuel qui a proposé, par anticipation, les solutions à des problèmes tristement d’actualité.
    «Au lendemain de l’Indépendance comme de nos jours, il est certain que la situation de l’enseignement trouve son issue à travers une révolution culturelle globale, apportant des solutions profondes. Mais comment peut-on opérer un tel changement, dans un contexte où la révolution sociale et les changements radicaux essentiels ont été voués à l’échec ? L’Indépendance du Maroc n’est pas le fruit d’une révolution mais de consensus ayant tenté de trouver un juste milieu. C’est ainsi que la révolution a été avortée, alimentant les problématiques sociétales, économiques et politiques actuelles.»Abed El Jabri - «Lumières sur les problèmes d’enseignement au Maroc» in «Pour une révolution culturelle au Maroc», Hassan Aourid (2018)

    A travers ces mots, Abed El Jabri aura pressenti tôt l’échec de la politique de l’Etat dans le secteur de l’éducation. En effet, les années 1960 ont été marquées par un système se voulant axé sur le bilinguisme, ce qui n’a pas fait l’unanimité, donnant lieu plus tard à une arabisation massive. Hassan Aourid nous le rappelle :
    «La question de l’arabisation traduit un rejet de la langue française, considérée comme intruse. En 1965, lorsque le ministre de l’Education du l’époque, Mohamed Benhima, a opté pour un enseignement bilingue, des réactions des deux partis nationalistes (Istiqlal et UNFP) ont suivi, occasionnant des émeutes. Toutes les réactions ont laissé entendre que la langue française devait disparaître petit à petit.»

    [B]L’arabisation, une politique marquant les disparités
    [/B
    ]A partir des années 1980, une politique d’arabisation a été instaurée, portée par Azzeddine Laraki, alors ministre de tutelle. «Il y avait une volonté délibérée, mais elle a donné lieu à une dévalorisation de la qualité l’enseignement», nous fait remarquer Hassan Aourid.

    «Au-delà des prises de position idéologiques, revenons aux faits : l’arabisation a eu un effet néfaste, surtout sur les disciplines scientifiques. On a assisté à un éclatement de la société. D’une part, ceux qui ont en les moyens accèdent à un enseignement de qualité avec la langue française comme vecteur. Ceux qui n’ont pas cette chance accèdent à l’enseignement public, essentiellement en langue arabe. C’est pour cela que la problématique de l’enseignement au Maroc repose en partie sur le statut de la langue française.»

    Dans le sillage de la politique d’arabisation, celle de la généralisation des écoles coraniques et de l’enseignement originel se pose. Elle constitue même les prémices de ce processus. Ainsi, un autre livre de Hassan Aourid paru en 2015, «L’impasse de l’islamisme - cas du Maroc», évoque la nomination au cabinet royal de Mohamed Chafik, expert en éducation et auteur d’une étude sur ces écoles traditionnelles. «Le souverain avait établi une corrélation entre l’étude de la sociologie et la contestation sociale, rappelle l’ouvrage. Autant il fallait se distancier de l’étude de la sociologie, autant il fallait s’approprier l’enseignement religieux».

    Un an avant la sortie de ce livre, Mohamed Chafik a justement témoigné de cette évolution, dans «Le métier d’intellectuel, dialogues avec quinze penseurs du Maroc», co-dirigé par Driss Ksikes et Fadma Aït Mous (éd. En toutes lettres, 2014). Dans un entretien, le spécialiste explique avoir été appelé en 1968 pour la préparation d’un rapport technique sur la valeur pédagogique de l’enseignement coranique. Concluant que «l’enseignement dans les msids est l’une des causes principales de notre retard civilisationnel», l’étude a été suivie d’une ouverture massive desdits établissements dans les différentes régions du Maroc.

    Le choix de l’universalité
    Plus qu’un appel reprenant celui d’Abed El Jabri, «Pour une révolution culturelle au Maroc» insiste sur l’«intelligence de trouver un équilibre dans ce que nous voulons faire et produire à travers l’éducation». Pour Hassan Aourid, c’est le questionnement que posent les considérations identitaire et universelle à l’enseignement au Maroc.

    «Il existe des spécificités géographiques, certes. Mais le plus important au-delà de ce déterminisme socioculturel est d’être dans l’universel. Il faut que l’on bénéficie d’une formation donnant à chacun la possibilité de pouvoir vivre et de réussir partout.» Hassan Aourid.

    Ya….bi (extraits)
    Dernière modification par rago, 08 août 2018, 11h53.
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