Je ne poste pas ce message pour répondre à ceux qui s’attachent au confort dans ce monde , qui luttent pour le gagner et consacrent leurs forces à amasser les cailloux de ce monde. Si tu fais partie de ces gents, il est conseillé pour toi de ne pas continuer à lire ce texteparce que tu ne comprendrais pas beaucoup les sens cachés. Mais si , contraire, tu es attaché à ton cœur, par des sentiments nobles qu’on appelle l’amour, alors sache que cela procède de Dieu uniquement car il est Le seul à disposer de cet attribut qu’il distribue à qui Il veut parmi ses serviteurs .
La figure de Satan occupe dans la spiritualité musulmane une place à la fois considérable et marginale. Considérable, car la foi populaire comme savante souligne l’omniprésence du diable dans le recoins les plus intimes de la vie du croyant ; ce dernier est invité par la Tradition à prononcer des formules apotropaïques avant de commencer ses prières, de se mettre au lit et en bien d’autres occasions de la vie courante, de même que les injonctions à la propreté physique, à l’hygiène général reflète aussi le souci de ne laisser aucun brèche ouverte au harcèlement satanique. Mais cette présence du démon semble cependant jouer un rôle assez marginal, parce qu’il ne possède qu’un pouvoir dérisoire par rapport à celui du Dieu unique, tout-puissant et sans rival que professe l’Islam. Il y a là, dès le départ, un profond paradoxe qui exprime de façon très imagée toute une face cachée du vécu religieux : que faire face au mal que Dieu lui-même a voulu, a créé, a maintenu ? Un des textes apotropaïques les plus fréquemment invoqués, la sourate CXIII du Coran, semble refléter cette apparente équivoque :
« Je cherche refuge auprès du Seigneur de l’aube * contre le mal qu’Il a créé * contre le mal de l’obscurité lorsqu ’elle s’étend * contre le mal des femmes qui soufflent sur les noeuds * contre le mal de l’envieux, lorsqu’il porte envie ».
A cette question, les mystiques musulmans - les Soufis - ont répondu avec une force et une franchise qui tranchent avec l’attitude moyenne des croyants et méritent l’analyse. Leur méditation est fondée sur le texte même du Coran et l’esprit de son message. Or que dit le Coran à ce sujet précis ? La figure de l’adversaire apparaît dans cinq passages principaux (Coran II 30-36 ; VII 11-27 ; XV 28-43 ; XVII 61-65 ; XXXVIII 71-75). Il y est nommé Iblîs, vocable dérivé sans doute du grec diabolos - et cet étymologie étrangère suggère que Satan est un produit du monothéisme proprement dit, les Arabes païens d’avant l’Islam ignorant cette personnification du mal moral. En arabe toutefois la racine de ce nom (BLS) évoque d’autres connotations : la tristesse et le désespoir, la sidération du vaincu réduit au silence. Iblîs apparaît dans trois scènes distinctes :
- Dieu informe le conseil des anges de son intention de créer Adam. Les anges sont réticents (« Vas-tu établir sur la terre quelqu’un qui y fera le mal et répandra le sang, alors que
nous célébrons ta louange en te glorifiant et que nous proclamons ta sainteté ? » Coran II 30) mais Dieu se prévaut de sa science supérieure. Il crée Adam - d’argile et d’eau - et lui enseigne le nom de toutes les choses. Puis Dieu fait reconnaître aux anges leur ignorance par rapport à son « lieutenant » (ar. : calife). Enfin, Il leur demande de se prosterner devant Adam. Tous les anges s’exécutent, excepté Iblîs. Ici intervient un débat théologique sur la nature - angélique ou non - d’Iblîs. Car les anges étant impeccables, comment l’un d’entre eux a-t-il pu transgresser l’ordre divin ? Et si Iblîs n’était pas un ange mais un djinn (cf Coran 0), que faisait-il à ce moment dans l’assemblée céleste ? Existerait-il une catégorie d’anges « peccables » ? Cette question n’intéresse toutefois que marginalement notre propos.
- Les causes de cette désobéissance sont désignées dans le texte coranique lui-même comme de l’orgueil. Interpelé, Iblîs rétorque qu’étant créé de feu, il se trouve supérieur à Adam, créé d’argile. Dieu le maudit et l’exclut jusqu’à la fin des temps. Son destin ultime sera l’enfer. Toutefois, Iblîs arrache une concession à Dieu : qu’il devienne le tentateur des hommes durant toute leur histoire : « A cause de l’égarement que Tu as mis en moi, je guetterai (les hommes) sur ta voie droite, puis je les harcèlerai, par devant et par derrière, sur leur gauche et sur leur droite. Tu ne trouveras chez la plupart d’entre eux aucune reconnaissance ». Il entend ainsi apparemment démontrer combien Dieu avait tort d’honorer à ce point un genre humain qui ne serait ni reconnaissant, ni fidèle.
La tradition islamique des siècles suivant immédiatement la révélation coranique enrichirent les données ci-dessus à la fois par un important renfort de légendes (d’origine aggadiques notamment) et par une réflexion théologique soutenue. Quel était, fondamentalement, le péché d’Iblîs, en quoi était-il si grave que, contrairement au péché d’Adam et d’Eve, il ne pouvait être pardonné ? Il s’agit d’une part d’un manque d’humilité fondé sur le raisonnement : Iblîs refuse de se prosterner devant un homme fait d’argile, arguant qu’il avait été crééde feu, or le feu est supérieur à l’argile. Mais la sagesse de Dieu est insondable, c’est une erreur grossière que de vouloir l’appréhender par de telles analogies (attaque indirecte contre la spéculation rationnelle rejettée par l’Islam sunnite littéraliste). D’autre part, Iblîs s’est entêté dans son erreur devant Dieu, il Lui a tenu tête. Cette attitude est exactement l’inverse de celle qui est demandée au musulman, fondée sur une confiante soumission face à des mystères qu’il n’est pas à même de comprendre. Le péché d’Adam - la manducation du fruit de l’arbre - était de toute autre nature. Il s’agissait d’une transgression bénigne, d’une négligence pour ainsi dire. De plus et surtout, les premiers humains implorèrent immédiatement le pardon divin : « Seigneur, nous nous sommes fait tort à nous-mêmes. Si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons parmi les perdants » (Coran VII 23). Ce pardon leur fut d’ailleurs accordé, la miséricorde divine, souligne le Coran, étant immense. Exilés sur la terre, la descendance d’Adam recevra à son tour la guidance des prophètes pour retrouver le chemin de la vérité divine. Mais Iblîs quant à lui n’avait pas demandé pardon, comme s’il reniait au départ la miséricorde divine et, à la limite, accusait Dieu de son propre péché. Certes, le dogme musulman atteste la prédestination des actes humains. Mais ce dogme ne gomme pas la responsabilité des hommes qui, tels Adam et sa compagne, ont à assumer la statut moral des actes qu’ils posent : le « comme si » de la liberté humaine recèle en effet un mystère qui, selon les Soufis,ne peut être compris que par les initiés.
I. HALLAJ
Al-Husayn ibn Mansûr al-Hallâj est l’une des figures les plus marquantes du soufisme . De sa biographie, seules quelques grandes lignes nous sont connues. Né en 857 dans le sud-ouest iranien, il devient après une formation classique une sorte de mystique errant, et effectua de nombreux voyages en Arabie, en Iran, mais aussi en Inde et en Asie centrale. Thaumaturge et provocateur, il prêchait à qui voulait l’écouter une doctrine d’union au divin sans intermédiaire : dans notre prière, n’est-ce pas Dieu Lui-même qui se manifeste ? Hallâj suscita des haines virulentes comme des enthousisames de type messianiques, au point que sa prédication devient un véritable problème politique. En 913, Hallâj est arrêté, mis en prison où il restera pendant huit ans. Le procès sera long et complexe, mais aboutira à la décision de sentence capitale suite à des intrigues politiques et la mise en avant de deux chefs d’accusation : prétention à la divinité (versant mal compris de l’union mystique à Dieu), et doctrine du pèlerinage spirituel n(possibilité d’accomplir à domicile le pèlerinage à La Mecque). Le 26 mars 922, Hallâj est flagellé, intercis, crucifié puis décapité le lendemain matin, supportant son supplice avec une force de caractère qui impressionne profondément le public. Son corps sera brûlé dans le naphte et ses cendres jetées dans le Tigre.
De l’oeuvre de Hallâj - une soixantaine de titres sans doute - il ne subsiste que quelques bribes ayant échappé aux efforts de la censure ; elles ont été pour la plupart recueillies et éditées par Louis Massignon, qui consacra une part importante de son oeuvre d’orientaliste à la reconstitution du message hallâjien. Parmi elles figure un très étrange et ésotérique opuscule, le Livre des Tâwasîn, qui fut vraisemblablement rédigé en prison, peut avant l’exécution. Ce sont les chapitres VI et VII de cet ouvrage, qui mettent en scène le drame de Satan, qui nous intéressent ici. Iblîs est d’emblée mis en parallèle avec Mahomet. Les deux ont selon Hallâj émis des prétentions vraies et ont accordé leurs actes avec leur foi jusque dans la transgression. Iblîs a transgressé l’ordre de Dieu - de se prosterner devant Adam - par orgueil. Mahomet, lors de son ascension jusqu’au septième ciel, n’a pas obtempéré aux injonctions de regarder autour de lui, mais par humilité. Cette mise en parallèle des deux figures antinomiques de l’histoire religieuse est déjà un bouleversement audacieux de la tradition antérieure. Mais Hallâj va plus loin en expliquant, voire justifiant l’acte de désobéissance d’Iblîs de trois manières :
Iblîs était un ange et un familier de Dieu depuis la prééternité : un vrai croyant. Il savait mieux que quiconque quels étaient les desseins de Dieu et la nature de ses décrets. Créé de feu, Iblîs savait qu’en fonction de la divine prédestination, il devait revenir au feu, c’est à dire à l’enfer. Sa certitude concernant sa propre damnation était-elle justifiée ou non ? Hallâj ne le précise pas. Toujours est-il qu’Iblîs justifie et argumente devant Dieu : puisque de toute façon mon destin est arrêté, je préfère te rester fidèle, et ne pas me prosterner devant cet être qui m’est inférieur.
Suit un récit mettant en scène Iblîs croisant Moïse sur le mont Sinaï. Moïse reproche à l’ange déchu son obstination dans la désobéissance. Iblîs renvoit Moïse à sa demande de voir Dieu, qui lui fut refusée, Dieu lui accordant seulement de regarder la montagne devant laquelle Il passerait : et Moïse tomba foudroyé (Coran 0, ; cf Exode 0). Le maudit se justifie plus avant : moi, j’aurais quand même tenté de regarder Dieu, quoiqu’il m’en eût coûté. La demande de prosternation de la part de Dieu était une épreuve pour évaluer la fidélité des anges. A l’objection de Moïse sur la déchéance et la déformation de l’aspect physique d’Iblîs, ce dernier rétorque qu’il s’agit là d’une modification de l’aspect extérieur (exotérique) n’altèrant en rien la pureté de la ferveur. Bref, la désobéissance d’Iblîs apparaît ici comme la preuve irréfutable de sa fidélité et de son amour pour Dieu, traduit dans des vers passionnés :
« Mon blasphème, c’est proclamer que Toi seul est Saint ma raison est folie, folie pour Toi.
p { margin-bottom: 0.25cm; direction: ltr; color: rgb(0, 0, 0); line-height: 115%; }p.western { font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 10pt; }p.cjk { font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 10pt; }p.ctl { font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 10pt; }
La figure de Satan occupe dans la spiritualité musulmane une place à la fois considérable et marginale. Considérable, car la foi populaire comme savante souligne l’omniprésence du diable dans le recoins les plus intimes de la vie du croyant ; ce dernier est invité par la Tradition à prononcer des formules apotropaïques avant de commencer ses prières, de se mettre au lit et en bien d’autres occasions de la vie courante, de même que les injonctions à la propreté physique, à l’hygiène général reflète aussi le souci de ne laisser aucun brèche ouverte au harcèlement satanique. Mais cette présence du démon semble cependant jouer un rôle assez marginal, parce qu’il ne possède qu’un pouvoir dérisoire par rapport à celui du Dieu unique, tout-puissant et sans rival que professe l’Islam. Il y a là, dès le départ, un profond paradoxe qui exprime de façon très imagée toute une face cachée du vécu religieux : que faire face au mal que Dieu lui-même a voulu, a créé, a maintenu ? Un des textes apotropaïques les plus fréquemment invoqués, la sourate CXIII du Coran, semble refléter cette apparente équivoque :
« Je cherche refuge auprès du Seigneur de l’aube * contre le mal qu’Il a créé * contre le mal de l’obscurité lorsqu ’elle s’étend * contre le mal des femmes qui soufflent sur les noeuds * contre le mal de l’envieux, lorsqu’il porte envie ».
A cette question, les mystiques musulmans - les Soufis - ont répondu avec une force et une franchise qui tranchent avec l’attitude moyenne des croyants et méritent l’analyse. Leur méditation est fondée sur le texte même du Coran et l’esprit de son message. Or que dit le Coran à ce sujet précis ? La figure de l’adversaire apparaît dans cinq passages principaux (Coran II 30-36 ; VII 11-27 ; XV 28-43 ; XVII 61-65 ; XXXVIII 71-75). Il y est nommé Iblîs, vocable dérivé sans doute du grec diabolos - et cet étymologie étrangère suggère que Satan est un produit du monothéisme proprement dit, les Arabes païens d’avant l’Islam ignorant cette personnification du mal moral. En arabe toutefois la racine de ce nom (BLS) évoque d’autres connotations : la tristesse et le désespoir, la sidération du vaincu réduit au silence. Iblîs apparaît dans trois scènes distinctes :
- Dieu informe le conseil des anges de son intention de créer Adam. Les anges sont réticents (« Vas-tu établir sur la terre quelqu’un qui y fera le mal et répandra le sang, alors que
nous célébrons ta louange en te glorifiant et que nous proclamons ta sainteté ? » Coran II 30) mais Dieu se prévaut de sa science supérieure. Il crée Adam - d’argile et d’eau - et lui enseigne le nom de toutes les choses. Puis Dieu fait reconnaître aux anges leur ignorance par rapport à son « lieutenant » (ar. : calife). Enfin, Il leur demande de se prosterner devant Adam. Tous les anges s’exécutent, excepté Iblîs. Ici intervient un débat théologique sur la nature - angélique ou non - d’Iblîs. Car les anges étant impeccables, comment l’un d’entre eux a-t-il pu transgresser l’ordre divin ? Et si Iblîs n’était pas un ange mais un djinn (cf Coran 0), que faisait-il à ce moment dans l’assemblée céleste ? Existerait-il une catégorie d’anges « peccables » ? Cette question n’intéresse toutefois que marginalement notre propos.
- Les causes de cette désobéissance sont désignées dans le texte coranique lui-même comme de l’orgueil. Interpelé, Iblîs rétorque qu’étant créé de feu, il se trouve supérieur à Adam, créé d’argile. Dieu le maudit et l’exclut jusqu’à la fin des temps. Son destin ultime sera l’enfer. Toutefois, Iblîs arrache une concession à Dieu : qu’il devienne le tentateur des hommes durant toute leur histoire : « A cause de l’égarement que Tu as mis en moi, je guetterai (les hommes) sur ta voie droite, puis je les harcèlerai, par devant et par derrière, sur leur gauche et sur leur droite. Tu ne trouveras chez la plupart d’entre eux aucune reconnaissance ». Il entend ainsi apparemment démontrer combien Dieu avait tort d’honorer à ce point un genre humain qui ne serait ni reconnaissant, ni fidèle.
La tradition islamique des siècles suivant immédiatement la révélation coranique enrichirent les données ci-dessus à la fois par un important renfort de légendes (d’origine aggadiques notamment) et par une réflexion théologique soutenue. Quel était, fondamentalement, le péché d’Iblîs, en quoi était-il si grave que, contrairement au péché d’Adam et d’Eve, il ne pouvait être pardonné ? Il s’agit d’une part d’un manque d’humilité fondé sur le raisonnement : Iblîs refuse de se prosterner devant un homme fait d’argile, arguant qu’il avait été crééde feu, or le feu est supérieur à l’argile. Mais la sagesse de Dieu est insondable, c’est une erreur grossière que de vouloir l’appréhender par de telles analogies (attaque indirecte contre la spéculation rationnelle rejettée par l’Islam sunnite littéraliste). D’autre part, Iblîs s’est entêté dans son erreur devant Dieu, il Lui a tenu tête. Cette attitude est exactement l’inverse de celle qui est demandée au musulman, fondée sur une confiante soumission face à des mystères qu’il n’est pas à même de comprendre. Le péché d’Adam - la manducation du fruit de l’arbre - était de toute autre nature. Il s’agissait d’une transgression bénigne, d’une négligence pour ainsi dire. De plus et surtout, les premiers humains implorèrent immédiatement le pardon divin : « Seigneur, nous nous sommes fait tort à nous-mêmes. Si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons parmi les perdants » (Coran VII 23). Ce pardon leur fut d’ailleurs accordé, la miséricorde divine, souligne le Coran, étant immense. Exilés sur la terre, la descendance d’Adam recevra à son tour la guidance des prophètes pour retrouver le chemin de la vérité divine. Mais Iblîs quant à lui n’avait pas demandé pardon, comme s’il reniait au départ la miséricorde divine et, à la limite, accusait Dieu de son propre péché. Certes, le dogme musulman atteste la prédestination des actes humains. Mais ce dogme ne gomme pas la responsabilité des hommes qui, tels Adam et sa compagne, ont à assumer la statut moral des actes qu’ils posent : le « comme si » de la liberté humaine recèle en effet un mystère qui, selon les Soufis,ne peut être compris que par les initiés.
I. HALLAJ
Al-Husayn ibn Mansûr al-Hallâj est l’une des figures les plus marquantes du soufisme . De sa biographie, seules quelques grandes lignes nous sont connues. Né en 857 dans le sud-ouest iranien, il devient après une formation classique une sorte de mystique errant, et effectua de nombreux voyages en Arabie, en Iran, mais aussi en Inde et en Asie centrale. Thaumaturge et provocateur, il prêchait à qui voulait l’écouter une doctrine d’union au divin sans intermédiaire : dans notre prière, n’est-ce pas Dieu Lui-même qui se manifeste ? Hallâj suscita des haines virulentes comme des enthousisames de type messianiques, au point que sa prédication devient un véritable problème politique. En 913, Hallâj est arrêté, mis en prison où il restera pendant huit ans. Le procès sera long et complexe, mais aboutira à la décision de sentence capitale suite à des intrigues politiques et la mise en avant de deux chefs d’accusation : prétention à la divinité (versant mal compris de l’union mystique à Dieu), et doctrine du pèlerinage spirituel n(possibilité d’accomplir à domicile le pèlerinage à La Mecque). Le 26 mars 922, Hallâj est flagellé, intercis, crucifié puis décapité le lendemain matin, supportant son supplice avec une force de caractère qui impressionne profondément le public. Son corps sera brûlé dans le naphte et ses cendres jetées dans le Tigre.
De l’oeuvre de Hallâj - une soixantaine de titres sans doute - il ne subsiste que quelques bribes ayant échappé aux efforts de la censure ; elles ont été pour la plupart recueillies et éditées par Louis Massignon, qui consacra une part importante de son oeuvre d’orientaliste à la reconstitution du message hallâjien. Parmi elles figure un très étrange et ésotérique opuscule, le Livre des Tâwasîn, qui fut vraisemblablement rédigé en prison, peut avant l’exécution. Ce sont les chapitres VI et VII de cet ouvrage, qui mettent en scène le drame de Satan, qui nous intéressent ici. Iblîs est d’emblée mis en parallèle avec Mahomet. Les deux ont selon Hallâj émis des prétentions vraies et ont accordé leurs actes avec leur foi jusque dans la transgression. Iblîs a transgressé l’ordre de Dieu - de se prosterner devant Adam - par orgueil. Mahomet, lors de son ascension jusqu’au septième ciel, n’a pas obtempéré aux injonctions de regarder autour de lui, mais par humilité. Cette mise en parallèle des deux figures antinomiques de l’histoire religieuse est déjà un bouleversement audacieux de la tradition antérieure. Mais Hallâj va plus loin en expliquant, voire justifiant l’acte de désobéissance d’Iblîs de trois manières :
Iblîs était un ange et un familier de Dieu depuis la prééternité : un vrai croyant. Il savait mieux que quiconque quels étaient les desseins de Dieu et la nature de ses décrets. Créé de feu, Iblîs savait qu’en fonction de la divine prédestination, il devait revenir au feu, c’est à dire à l’enfer. Sa certitude concernant sa propre damnation était-elle justifiée ou non ? Hallâj ne le précise pas. Toujours est-il qu’Iblîs justifie et argumente devant Dieu : puisque de toute façon mon destin est arrêté, je préfère te rester fidèle, et ne pas me prosterner devant cet être qui m’est inférieur.
Suit un récit mettant en scène Iblîs croisant Moïse sur le mont Sinaï. Moïse reproche à l’ange déchu son obstination dans la désobéissance. Iblîs renvoit Moïse à sa demande de voir Dieu, qui lui fut refusée, Dieu lui accordant seulement de regarder la montagne devant laquelle Il passerait : et Moïse tomba foudroyé (Coran 0, ; cf Exode 0). Le maudit se justifie plus avant : moi, j’aurais quand même tenté de regarder Dieu, quoiqu’il m’en eût coûté. La demande de prosternation de la part de Dieu était une épreuve pour évaluer la fidélité des anges. A l’objection de Moïse sur la déchéance et la déformation de l’aspect physique d’Iblîs, ce dernier rétorque qu’il s’agit là d’une modification de l’aspect extérieur (exotérique) n’altèrant en rien la pureté de la ferveur. Bref, la désobéissance d’Iblîs apparaît ici comme la preuve irréfutable de sa fidélité et de son amour pour Dieu, traduit dans des vers passionnés :
« Mon blasphème, c’est proclamer que Toi seul est Saint ma raison est folie, folie pour Toi.
p { margin-bottom: 0.25cm; direction: ltr; color: rgb(0, 0, 0); line-height: 115%; }p.western { font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 10pt; }p.cjk { font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 10pt; }p.ctl { font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 10pt; }
Commentaire