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Samir Amin, un regard marxiste venu du Sud

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  • Samir Amin, un regard marxiste venu du Sud

    Le 12 août, l'économiste franco-égyptien Samir Amin est décédé à l'âge de 86 ans. Il était un des plus grands penseurs marxistes de notre temps. Son travail a apporté un éclairage marquant sur les mécanismes de la mondialisation capitaliste et les défis du tiers-monde pour se libérer de ceux-ci. Samir Amin laisse un héritage impressionnant.

    La liste des ouvrages de Samir Amin donne une idée de la diversité de son œuvre : il a travaillé sur le monde arabe, l'Afrique de l'ouest, le Congo, Cuba, la Chine...1 Mais cette liste laisse aussi paraître un fil rouge : comment tous ces pays subissent l'impact du développement inégal propre au capitalisme. En mai 2018, revenant sur son œuvre, Samir Amin expliquait : « Je voulais démontrer que le "développement" et le "sous-développement" ne sont que les deux faces de la même pièce de monnaie : l’expansion mondiale du capitalisme. Le sous-développement n’est pas un retard que l’on pourrait rattraper, il est le produit même du capitalisme. »2 D'où la réflexion sur la manière, et sous quelles conditions, les pays du Sud pourraient s'engager dans une voie réellement indépendante, débouchant sur un véritable développement. Cette question constitue l'autre fil rouge de l'œuvre de Samir Amin.

    Joindre l'acte à la parole

    À la fin des années 1940, jeune étudiant, Samir Amin s'engage dans la lutte anticoloniale. Cela sera une constante dans sa vie : il a en permanence combiné son travail de chercheur et de professeur dans diverses universités en France et en Afrique avec un engagement militant pour un autre monde – en tant que membre du Parti communiste français pendant ses années d'études à Paris, il a été conseiller de dirigeants révolutionnaires africains comme Thomas Sankara (Burkina Faso), il a été directeur du Forum du Tiers Monde à Dakar, Sénégal, et, dans les années 2000, il a été un des moteurs du Forum social mondial. Ses Mémoires livrent donc un récit passionnant d'une vie particulièrement riche.3

    On y lit aussi comment, jeune adolescent, Samir Amin a découvert Karl Marx, qui sera une source d'inspiration pendant toute sa vie tant dans son travail que dans son engagement. Car Samir Amin est toujours resté marxiste. Il expliquait une interview : « Être marxiste, c’est partir de deux choses gigantesques produites par Marx. Premièrement, la critique de la réalité. Mais la réalité située dans son époque. Bien que le capitalisme d’aujourd’hui ne soit plus ce qu’il était, cela reste fondamentalement la critique du capitalisme. Deuxièmement, la critique de l’image idéologique de ce capitalisme, c’est-à-dire de la théorie économique et de l’économisme. » Et il précisait ensuite : « Être marxiste veut dire nécessairement être communiste, parce que Marx ne dissociait pas la théorie de la pratique — l’engagement dans la lutte pour l’émancipation des travailleurs et des peuples. Et être communiste veut aussi dire être internationaliste. Il est impossible de changer le monde en oubliant la majorité des peuples, surtout ceux de la périphérie. »4

    Colonialisme et néocolonialisme

    Dans les années 1950 et 1960, les pays du Sud ont l'un à la suite de l'autre conquis leur indépendance. Mais le colonialisme a fait place au néocolonialisme. « Pour des raisons multiples et combinées, analysait Samir Amin en 2011. Celles-ci tiennent à la fois à ses propres limites et contradictions internes et au succès de l’impérialisme qui parvient à inventer de nouveaux modes de contrôle du système mondial en renforçant ses moyens de contrôle de l’invention technologique, de l’accès aux ressources de la planète, de maîtrise du système financier mondialisé, des communications et de l’information, des armements de destruction massive. »5

    La domination occidentale a été modernisée et dissimulée sous les fables du libre-échange et de l'aide au développement. Samir Amin : « Ce que l’on appelle l’aide occidentale, ce que l’on appelle les donateurs, les États-Unis, les pays européens, l’Union européenne, le Japon et leurs instruments internationaux imposent aux pays africains la conditionnalité, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent accéder au marché mondial qu’à la condition d’accepter que leur politique nationale soit soumise aux principes du libéralisme, à savoir la privatisation de toutes les activités économiques, des services sociaux, l’ouverture incontrôlée au capital, etc. Les Occidentaux prétendent que les pays qui accepteraient ces règles se verraient bénéficier d’un apport de capitaux gigantesques qui permettraient leur développement ; ce n’est pas le cas. Mais cela donne la possibilité du pillage des ressources naturelles du continent africain, non seulement le pétrole et le gaz, mais également les nouvelles ressources naturelles que sont la terre agricole et, on peut dire, l’eau et l’air. »6

    La domination occidentale est cependant fragile, et certainement ces dernières décennies. Un deuxième « éveil du Sud » est possible, constate Amin. « Les sociétés du Sud — au moins certaines d’entre elles — sont aujourd’hui équipées de moyens qui leur permettraient de réduire à néant les moyens de contrôle des centres impérialistes. Ces sociétés sont capables de se développer par leurs propres forces, sans tomber dans la dépendance. Elles disposent d’un potentiel de maîtrise technologique qui leur permettrait d’en faire usage pour elles-mêmes. Elles peuvent contraindre le Nord, en récupérant l’usage de leurs ressources naturelles, à s’ajuster à un mode de consommation moins néfaste. Elles peuvent sortir de la mondialisation financière. Elles remettent déjà en question le monopole des armes de destruction massive que les États-Unis veulent se réserver. Elles peuvent développer des échanges Sud-Sud — de marchandises, de services, de capitaux, de technologies — qui ne pouvaient être imaginés en 1955 lorsque tous ces pays étaient démunis d’industries et de maîtrise technologique. Plus que jamais, la déconnexion est à l’ordre du jour du possible. Ces sociétés le feront-elles ? Et qui le fera ? Les classes dirigeantes en place ? Les classes populaires parvenues au pouvoir ? »7

    Au-delà du capitalisme

    Si l'on veut donner un avenir à l'humanité, il faut selon Samir Amin non seulement combattre des symptômes du capitalisme, mais aussi le capitalisme lui-même. C'est ce que résumait le sous-titre de son livre « Sur la crise », paru en 2011 : « Sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise ».

    Dans un texte de 2007, il mettait également l'alter-mondialisme face à ce choix : « La forme actuelle de la mondialisation a peu à offrir à la grande majorité des peuples du Sud : profitable pour une minorité de personnes, elle exige en contrepartie la paupérisation des autres, en particulier des sociétés paysannes, qui rassemblent près de la moitié de l’humanité. A l’échelle globale, la logique du profit entraîne la progressive destruction des bases naturelles de la reproduction de la vie sur la planète. Avec la privatisation des services publics, elle réduit aussi les droits sociaux des classes populaires. Au vu de cette réalité, le capitalisme, dont la mondialisation est l’expression contemporaine, devrait être considéré comme un système obsolète. Cependant, la majorité des mouvements qui luttent contre ses effets remettent de moins en moins en question ses principes fondamentaux, ce qui hypothèque leur capacité de proposer des solutions alternatives pourtant à la fois nécessaires et possibles. Celles-ci devraient associer, et non dissocier, la démocratisation de la gestion de tous les aspects de la vie – politique, économique, sociale, écologique et familiale – à des progrès bénéficiant à tous les citoyens, en commençant par les plus démunis. » 8

    Pour le marxiste Samir Amin, le but final restait un autre monde, au-delà du capitalisme. «Le capitalisme est fondé sur le principe d’une croissance exponentielle. Par conséquent, il ne peut pas durer éternellement. Le capitalisme est une parenthèse dans l’histoire universelle. Mais une parenthèse décisive, car en peu de temps – un ou deux siècles – il a crée les conditions d’une étape supérieure de la civilisation humaine : le communisme. » 9

    Marc-Antoon De Schryver

    1. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Samir_Amin • 2. Samir Amin raconte Samir Amin, interview RFI, 13 août 2018 • 3. Éd. Les Indes savantes, 2015 • 4. La gauche radicale doit être plus audacieuse, https://lavamedia.be/fr/la-gauche-ra...audacieuse/• 5. “La montée en puissance des pays émergents”, https://lavamedia.be/fr/la-montee-en...ays-emergents/ • 6. “Le colonialisme, c’est l’abolition formelle de la souveraineté nationale”, interview RFI, 13 mars 2017 • 7. “La montée en puissance des pays émergents”, https://lavamedia.be/fr/la-montee-en...ays-emergents/ • 8. “Quel alternmondialisme?”, Le monde diplomatique, januari 2007, https://www.monde-diplomatique.fr/2007/01/AMIN/14356• 9. “Samir Amin raconte Samir Amin”, interview RFI, 13 août 2018

    16 Août 2018

    solidaire

  • #2
    La théorie et la pratique de Karl Marx nous donnent les outils pour créer une société mondiale débarrassée de la pauvreté, de la maladie, de l'injustice, du colonialisme, du néocolonialisme, des guerres et du capitalisme qui est la source de tous nos malheurs !!

    Ce sont là les nobles buts de l'Islam du Coran et du Prophète !

    Ce qui explique l’existence de la propagande anticommuniste et de la propagande anti-islam diffusées par le capitalisme et ses mercenaires : nos gouvernants du Maghreb et du Machrek !!

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