par Mohamed El Bachir
«Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir.»
([1])
—————————–
Le politicide : une étape vers la servitude volontaire?
«Croyez- vous que des solutions efficaces puissent émerger d’une analyse judicieuse de la réalité observable?»
Cette question fut posée, en 2002, par le journaliste Ron Suskin au conseiller du président W.Bush, Karl Rove. La réponse de ce dernier a été publié par le Wall street journal.En voici la teneur:
«En Vérité , le monde ne marche plus réellement de cette manière. Nous américains, nous sommes maintenant un Empire et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez studieusement cette réalité, nous ne perdons pas de temps, nous agissons et nous créons d’autres réalités nouvelles qu’il vous est loisible d’analyser…C’est ainsi que les choses se passent, pas autrement. Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire. A vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous créons.» ([2])
Réponse on ne peut plus claire! Nul besoin d’explication sur les intentions de l’Empire, le »monde arabe » en offre un tableau, grandeur nature. Chaotique certes mais en parfaite harmonie avec les intentions de l’Empire. Un chaos qui s’intègre dans le tableau peint en 1982 par Oded Yollin, haut fonctionnaire, à l’époque, du ministère des Affaires étrangères israélien et intitulé «Stratégie de l’Etat d’Israël dans les années 80».([3])
Le but étant le morcellement et le démantèlement des Etats arabes que décrit l’ancien ambassadeur M.Rimbaud avec perspicacité en ces termes :«C’est ainsi que l’empire du Bien a inscrit à son palmarès plusieurs politicides, étapes d’un politicide global à l’échelle du Monde arabo-musulman. Il n’est nullement besoin d’être un amateur inavoué de conspirations pour constater que toutes guerres menées par l’Occident en Orient depuis 1990 forment un tout, chacune s’inspirant des précédentes et servant de répétition aux suivantes.» ([4])
Sous prétexte de »droits de l’homme » , »droit de protéger », de la lutte contre le terrorisme et, bien sûr, au nom de la démocratie, des destructions matérielles et humaines d’une grande ampleur ont été commises dans le monde arabe. Irak, Liban,Syrie, Libye, Yémen…
Exception faite du »niet français » à la deuxième destruction de l’Irak en 2003, il faut bien reconnaître que l’Axe du »Bien » israélo-occidental pour terrasser l’Axe du »Mal » s’est comporté et se comporte comme un être se situant au-dessus de la loi internationale. Et le »service après vente » qu’assurent certaines organisations humanitaires et légitimé par l’idéologie des frères musulmans ne sert, en définitif, qu’à doter l’Axe du »Bien », d’une morale dont il est dépourvu!
Si hier la mouvance des frères musulmans et le wahhabisme ([5]) agissaient tel un cheval de Troie pour l’accomplissement de ce politicide, aujourd’hui, la collaboration n’est plus secrète. Mais si, sur le plan des destructions matérielles et humaines en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, la »réussite » est là, les puissances occidentales, l’Etat d’Israël et les monarchies du Golfe ne peuvent que constater l’échec du deuxième volet du politicide, à savoir le démantèlement des Etats. Ce qui ne signifie nullement qu’ils abandonnent la partie, entre autres, au Liban qu’en Syrie.
Cependant, il faut insister sur le fait que cet échec est dû à la résistance de l’armée de l’Etat syrien et à la résistance arabe du Moyen-Orient dont le Hezbollah est le fer de lance. Evidemment, le rôle politique et militaire de l’Iran dont la souveraineté est en ligne de mire est capitale dans cet échec. Sans omettre la Russie dont le »niet » est une bonne nouvelle pour tout Etat et peuple qui refusent la servitude volontaire.Quant au peuple palestinien, à moins d’un changement de direction et politique et stratégique, il est victime d’un politicide sans passer par la case Etat. En revanche, le politicide est un fait en Somalie, en Libye et au Soudan.
Quant à l’Egypte, l’une des cibles principales dans « Stratégie d’Israël pour les années 80», elle ne vit une stabilité, toute relative par ailleurs, qu’une fois les frères musulmans mis hors d’état de nuire.
Mais qu’en est-il de la partie ouest du monde arabe, c’est à dire le Magrheb?
«Un front ouest qui, à première vue, semble poser plus de problèmes, est en fait plus simple que le front est… »([6])
Un Maghreb dans la tempête néo-libérale
Dans sa grande majorité, la population maghrébine subit les mêmes méfaits de l’idéologie néo-libérale qui se traduisent par un chômage de masse, une pauvreté criante. Pauvreté dont les conséquences se traduisent en exode rurale et immigration. Et elle porte le même fardeau, l’absence d’espoir.
Quant aux bourgeoisies et classes dirigeantes maghrébines qui souvent se confondent, ayant comme seule boussole l’accumulation des richesses, elles partagent une même tare: la corruption.
Une corruption matérielle et mentale, légitimée par des imams obscurantistes et des experts psalmodiant des théories économiques tels des versets du Coran, sous la surveillance du FMI et de la BM.
Une bourgeoisie enfermée dans-je cite J.Rancière en supprimant les points d’interrogations- «le penser-petit des individus enfermés dans la mesquinerie, dans l’idiotie des intérêts privés. …L’impuissance de ceux qui ont perdu le ressort de l’action collective.» ([7])
Une bourgeoisie qui théorise sa servitude volontaire envers le neo-libéralisme sous le label islamique pour faire souverain. En servant le maître, elle se sert tout en donnant l’illusion qu’elle sert la plèbe.
Sur ce point, écoutant le conseiller du roi du Maroc, Abbas Jirari, «le roi a déclaré que le pays avait besoin d’un nouveau modèle de développement . Mais qui a répondu à l’appel? Où sont nos experts en développement? Où sont les responsables qui doivent lui soumettre des projets et de nouvelles alternatives?» .([8])
Trois points d’interrogations qui signifient que »le pays vogue tel un bateau ivre »!
Pourtant une armée d’experts locaux est déployée, sous le regard inquisiteur du FMI et de la Banque mondiale, pour singer leurs maîtres occidentaux. Mais le conseiller semble ignorer que,quel que soit le talent d’un acteur singeant un singe, il ne sera jamais un singe!
Et ce constat peut être élargi, à quelques nuances près, aussi bien à l’Algérie qu’à la Tunisie …
Quant à la masse populaire maghrébine, désarmée face aux politiques, aux imams et aux experts, elle est prête à toutes les aventures politiques. Sauf une seule dont elle n’ose même pas rêver parce que combattue sans mesure par des dirigeants et des experts munis de cerveaux colonisés à qui, le discours religieux donne une apparence de souveraineté. Dans un tel climat politico-religieux, la marchandise et la richesse incarne le seul horizon à atteindre tout en reléguant l’espoir dans l’au-delà.
C’est ce qui m’amène à affirmer que les »pressentiments » de M. Ferraoun exprimées dans son Journal, le 12 janvier 1957 s’avèrent être, aujourd’hui, une vérité que subit la jeunesse populaire maghrébine. En effet, ce 12 janvier, il écrivassa du fond de la Kabylie, «pauvres montagnards, pauvres étudiants,pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain seront pires que ceux d’hier.» ([9])
Mais encore faut-il en avoir conscience!
Bref…La dite aventure s’appelle la construction d’un nous solidaire au delà des frontières léguées par le colonialisme dont une porte bien son nom, la frontière des deux mulets ([10]). Depuis, les deux mulets ne sont plus attachés mais sont-ils libres pour autant?
Une aventure politique qui exige une vision à long terme dont dirigeants et experts maghrébins sont dépourvus. Une aventure synonyme de probité et d’honnêteté nécessaires pour mener un combat philosophique et politique d’une grande ampleur. Qualités qui ne peuvent naître dans une terre où ne prospèrent que les mots propices à l’effacement de l’être devant le paraître. Et « l’histoire n’est pas le seul terrain où se joue l’effacement. Il y a aussi l’usage des mots.» ([11])
«Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir.»
([1])
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Le politicide : une étape vers la servitude volontaire?
«Croyez- vous que des solutions efficaces puissent émerger d’une analyse judicieuse de la réalité observable?»
Cette question fut posée, en 2002, par le journaliste Ron Suskin au conseiller du président W.Bush, Karl Rove. La réponse de ce dernier a été publié par le Wall street journal.En voici la teneur:
«En Vérité , le monde ne marche plus réellement de cette manière. Nous américains, nous sommes maintenant un Empire et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez studieusement cette réalité, nous ne perdons pas de temps, nous agissons et nous créons d’autres réalités nouvelles qu’il vous est loisible d’analyser…C’est ainsi que les choses se passent, pas autrement. Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire. A vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous créons.» ([2])
Réponse on ne peut plus claire! Nul besoin d’explication sur les intentions de l’Empire, le »monde arabe » en offre un tableau, grandeur nature. Chaotique certes mais en parfaite harmonie avec les intentions de l’Empire. Un chaos qui s’intègre dans le tableau peint en 1982 par Oded Yollin, haut fonctionnaire, à l’époque, du ministère des Affaires étrangères israélien et intitulé «Stratégie de l’Etat d’Israël dans les années 80».([3])
Le but étant le morcellement et le démantèlement des Etats arabes que décrit l’ancien ambassadeur M.Rimbaud avec perspicacité en ces termes :«C’est ainsi que l’empire du Bien a inscrit à son palmarès plusieurs politicides, étapes d’un politicide global à l’échelle du Monde arabo-musulman. Il n’est nullement besoin d’être un amateur inavoué de conspirations pour constater que toutes guerres menées par l’Occident en Orient depuis 1990 forment un tout, chacune s’inspirant des précédentes et servant de répétition aux suivantes.» ([4])
Sous prétexte de »droits de l’homme » , »droit de protéger », de la lutte contre le terrorisme et, bien sûr, au nom de la démocratie, des destructions matérielles et humaines d’une grande ampleur ont été commises dans le monde arabe. Irak, Liban,Syrie, Libye, Yémen…
Exception faite du »niet français » à la deuxième destruction de l’Irak en 2003, il faut bien reconnaître que l’Axe du »Bien » israélo-occidental pour terrasser l’Axe du »Mal » s’est comporté et se comporte comme un être se situant au-dessus de la loi internationale. Et le »service après vente » qu’assurent certaines organisations humanitaires et légitimé par l’idéologie des frères musulmans ne sert, en définitif, qu’à doter l’Axe du »Bien », d’une morale dont il est dépourvu!
Si hier la mouvance des frères musulmans et le wahhabisme ([5]) agissaient tel un cheval de Troie pour l’accomplissement de ce politicide, aujourd’hui, la collaboration n’est plus secrète. Mais si, sur le plan des destructions matérielles et humaines en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, la »réussite » est là, les puissances occidentales, l’Etat d’Israël et les monarchies du Golfe ne peuvent que constater l’échec du deuxième volet du politicide, à savoir le démantèlement des Etats. Ce qui ne signifie nullement qu’ils abandonnent la partie, entre autres, au Liban qu’en Syrie.
Cependant, il faut insister sur le fait que cet échec est dû à la résistance de l’armée de l’Etat syrien et à la résistance arabe du Moyen-Orient dont le Hezbollah est le fer de lance. Evidemment, le rôle politique et militaire de l’Iran dont la souveraineté est en ligne de mire est capitale dans cet échec. Sans omettre la Russie dont le »niet » est une bonne nouvelle pour tout Etat et peuple qui refusent la servitude volontaire.Quant au peuple palestinien, à moins d’un changement de direction et politique et stratégique, il est victime d’un politicide sans passer par la case Etat. En revanche, le politicide est un fait en Somalie, en Libye et au Soudan.
Quant à l’Egypte, l’une des cibles principales dans « Stratégie d’Israël pour les années 80», elle ne vit une stabilité, toute relative par ailleurs, qu’une fois les frères musulmans mis hors d’état de nuire.
Mais qu’en est-il de la partie ouest du monde arabe, c’est à dire le Magrheb?
«Un front ouest qui, à première vue, semble poser plus de problèmes, est en fait plus simple que le front est… »([6])
Un Maghreb dans la tempête néo-libérale
Dans sa grande majorité, la population maghrébine subit les mêmes méfaits de l’idéologie néo-libérale qui se traduisent par un chômage de masse, une pauvreté criante. Pauvreté dont les conséquences se traduisent en exode rurale et immigration. Et elle porte le même fardeau, l’absence d’espoir.
Quant aux bourgeoisies et classes dirigeantes maghrébines qui souvent se confondent, ayant comme seule boussole l’accumulation des richesses, elles partagent une même tare: la corruption.
Une corruption matérielle et mentale, légitimée par des imams obscurantistes et des experts psalmodiant des théories économiques tels des versets du Coran, sous la surveillance du FMI et de la BM.
Une bourgeoisie enfermée dans-je cite J.Rancière en supprimant les points d’interrogations- «le penser-petit des individus enfermés dans la mesquinerie, dans l’idiotie des intérêts privés. …L’impuissance de ceux qui ont perdu le ressort de l’action collective.» ([7])
Une bourgeoisie qui théorise sa servitude volontaire envers le neo-libéralisme sous le label islamique pour faire souverain. En servant le maître, elle se sert tout en donnant l’illusion qu’elle sert la plèbe.
Sur ce point, écoutant le conseiller du roi du Maroc, Abbas Jirari, «le roi a déclaré que le pays avait besoin d’un nouveau modèle de développement . Mais qui a répondu à l’appel? Où sont nos experts en développement? Où sont les responsables qui doivent lui soumettre des projets et de nouvelles alternatives?» .([8])
Trois points d’interrogations qui signifient que »le pays vogue tel un bateau ivre »!
Pourtant une armée d’experts locaux est déployée, sous le regard inquisiteur du FMI et de la Banque mondiale, pour singer leurs maîtres occidentaux. Mais le conseiller semble ignorer que,quel que soit le talent d’un acteur singeant un singe, il ne sera jamais un singe!
Et ce constat peut être élargi, à quelques nuances près, aussi bien à l’Algérie qu’à la Tunisie …
Quant à la masse populaire maghrébine, désarmée face aux politiques, aux imams et aux experts, elle est prête à toutes les aventures politiques. Sauf une seule dont elle n’ose même pas rêver parce que combattue sans mesure par des dirigeants et des experts munis de cerveaux colonisés à qui, le discours religieux donne une apparence de souveraineté. Dans un tel climat politico-religieux, la marchandise et la richesse incarne le seul horizon à atteindre tout en reléguant l’espoir dans l’au-delà.
C’est ce qui m’amène à affirmer que les »pressentiments » de M. Ferraoun exprimées dans son Journal, le 12 janvier 1957 s’avèrent être, aujourd’hui, une vérité que subit la jeunesse populaire maghrébine. En effet, ce 12 janvier, il écrivassa du fond de la Kabylie, «pauvres montagnards, pauvres étudiants,pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain seront pires que ceux d’hier.» ([9])
Mais encore faut-il en avoir conscience!
Bref…La dite aventure s’appelle la construction d’un nous solidaire au delà des frontières léguées par le colonialisme dont une porte bien son nom, la frontière des deux mulets ([10]). Depuis, les deux mulets ne sont plus attachés mais sont-ils libres pour autant?
Une aventure politique qui exige une vision à long terme dont dirigeants et experts maghrébins sont dépourvus. Une aventure synonyme de probité et d’honnêteté nécessaires pour mener un combat philosophique et politique d’une grande ampleur. Qualités qui ne peuvent naître dans une terre où ne prospèrent que les mots propices à l’effacement de l’être devant le paraître. Et « l’histoire n’est pas le seul terrain où se joue l’effacement. Il y a aussi l’usage des mots.» ([11])
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