L’état de santé réel d’Abdelaziz Bouteflika, fortement diminué, est un mystère. Le président pourrait malgré tout se représenter en 2019, mais l’armée veille
Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a atterri lundi soir à Genève. Il est venu pour effectuer des «contrôles médicaux périodiques», a indiqué la présidence à Alger, tentant de couper court aux spéculations sur l’état de santé réel du président. Agé de 81 ans, Abdelaziz Bouteflika est fortement diminué par les séquelles de l’accident vasculaire cérébral qu’il a subi en 2013. Il avait été opéré à Paris. Il se déplace depuis en fauteuil roulant et il ne s’exprime plus en public.
Ce n’est pas la première fois que le patient Bouteflika se rend en Suisse. Il s’y était déjà fait soigner pendant plusieurs jours en 2016. Selon les médias algériens, il aurait été admis à la clinique privée de Genolier, sur les hauteurs de Nyon, où il s’était déjà rendu il y a deux ans. Ces dernières années, il a aussi séjourné dans une clinique de Grenoble. A part pour des soins, Abdelaziz Bouteflika n’effectue plus aucun déplacement à l’étranger.
«Abdelaziz Bouteflika connaît bien et apprécie la Suisse pour y avoir séjourné durant sa longue traversée du désert entre les années 1980 et 1990, rappelle Hasni Abidi, directeur du Cermam, le Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen. C’est en Suisse que les généraux algériens sont venus le chercher en 1999 pour présider l’Algérie au sortir de la décennie noire.» En 1992, l’armée avait interrompu le processus électoral après la victoire des islamistes, plongeant le pays dans la guerre civile.
Plus que l'ombre de lui-même
Témoignage du lien entre la Suisse et l’Algérie, cette dernière a acquis en 2008 une somptueuse propriété à Genève, qui passait pour être la résidence officieuse du président Bouteflika, avant qu’il ne soit frappé par un AVC. Mardi, derrière les hauts murs, rien ne traduisait une agitation inhabituelle. Selon les médias algériens, une dizaine de personnes auraient pris place dans le jet présidentiel pour accompagner Abdelaziz Bouteflika jusqu’à Genève.
Les Algériens sont reconnaissants au président Bouteflika d’avoir mené la réconciliation. Mais ce dernier n’est plus que l’ombre de lui-même. Après son AVC, son entourage avait réussi en 2014 le tour de force de le faire réélire haut la main sans organiser le moindre meeting électoral. La tentation est forte de rééditer la manœuvre. Le FLN, le parti historique de l’indépendance, et ses formations alliées appellent d’ores et déjà le président à «poursuivre sa mission». Le dépôt des candidatures est fixé au début de l’année prochaine, trois mois avant la présidentielle d’avril 2019.
Sur fond d’épidémie de choléra
Le séjour helvétique du président intervient alors que l’Algérie se débat avec une épidémie de choléra. Cette maladie frappe habituellement les pays les plus pauvres de la planète, mais les hôpitaux algériens ont bien de la peine à y faire face. «Les citoyens ordinaires n’ont pas accès aux meilleurs soins en Suisse», fulmine Amine Arib, secrétaire général de Nouvelle génération, un parti d’opposition et animateur de la campagne «citoyenneté-démocratie» qui milite pour le départ du président et un renouvellement politique.
Si les différents pôles du pouvoir algérien parviennent à un consensus sur un cinquième mandat, le maintien d’Abdelaziz Bouteflika, même très diminué, peut garantir la préservation des équilibres entre sa famille et ses conseillers, l’armée ainsi que les milieux d’affaires. En cas d’empêchement soudain pour briguer un cinquième mandat, seule l’armée paraît en mesure d’arbitrer et de gérer la succession et la transition», explique Hasni Abidi.
«Personne n’est dupe en Algérie»
«Les ministres ont beau affirmer à la sortie de leurs entrevues avec le président qu’il leur a dit de faire ceci ou cela, plus personne n’est dupe en Algérie: le président est incapable d’assumer le pouvoir. La preuve: il ne s’est plus adressé à son peuple depuis des années», réagit Amine Arib. Pourtant, malgré la situation économique et sociale explosive (30% des jeunes sont au chômage), la rue algérienne demeure étonnamment calme et l’opposition peu audible.
«Le pouvoir agite sans cesse les exemples de la Libye voisine ou de la Syrie, et les Algériens demeurent traumatisés par la décennie de guerre civile», avance Hasni Abidi. «Nous avons été marqués par la violence terrible des années 1990, concède Amine Arib. Il n’est pas question aujourd’hui de jouer les apprentis sorciers. Nous visons un changement pacifique. Il va forcément arriver. La population algérienne est très jeune, elle voit l’arrivée de la nouvelle génération au pouvoir, comme en France.» En attendant, ce nouveau séjour médical à l’étranger ne plaide pas pour un cinquième mandat du président Bouteflika.
Simon Petite
Chef de la rubrique «International»LE TEMPS.CH
Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a atterri lundi soir à Genève. Il est venu pour effectuer des «contrôles médicaux périodiques», a indiqué la présidence à Alger, tentant de couper court aux spéculations sur l’état de santé réel du président. Agé de 81 ans, Abdelaziz Bouteflika est fortement diminué par les séquelles de l’accident vasculaire cérébral qu’il a subi en 2013. Il avait été opéré à Paris. Il se déplace depuis en fauteuil roulant et il ne s’exprime plus en public.
Ce n’est pas la première fois que le patient Bouteflika se rend en Suisse. Il s’y était déjà fait soigner pendant plusieurs jours en 2016. Selon les médias algériens, il aurait été admis à la clinique privée de Genolier, sur les hauteurs de Nyon, où il s’était déjà rendu il y a deux ans. Ces dernières années, il a aussi séjourné dans une clinique de Grenoble. A part pour des soins, Abdelaziz Bouteflika n’effectue plus aucun déplacement à l’étranger.
«Abdelaziz Bouteflika connaît bien et apprécie la Suisse pour y avoir séjourné durant sa longue traversée du désert entre les années 1980 et 1990, rappelle Hasni Abidi, directeur du Cermam, le Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen. C’est en Suisse que les généraux algériens sont venus le chercher en 1999 pour présider l’Algérie au sortir de la décennie noire.» En 1992, l’armée avait interrompu le processus électoral après la victoire des islamistes, plongeant le pays dans la guerre civile.
Plus que l'ombre de lui-même
Témoignage du lien entre la Suisse et l’Algérie, cette dernière a acquis en 2008 une somptueuse propriété à Genève, qui passait pour être la résidence officieuse du président Bouteflika, avant qu’il ne soit frappé par un AVC. Mardi, derrière les hauts murs, rien ne traduisait une agitation inhabituelle. Selon les médias algériens, une dizaine de personnes auraient pris place dans le jet présidentiel pour accompagner Abdelaziz Bouteflika jusqu’à Genève.
Les Algériens sont reconnaissants au président Bouteflika d’avoir mené la réconciliation. Mais ce dernier n’est plus que l’ombre de lui-même. Après son AVC, son entourage avait réussi en 2014 le tour de force de le faire réélire haut la main sans organiser le moindre meeting électoral. La tentation est forte de rééditer la manœuvre. Le FLN, le parti historique de l’indépendance, et ses formations alliées appellent d’ores et déjà le président à «poursuivre sa mission». Le dépôt des candidatures est fixé au début de l’année prochaine, trois mois avant la présidentielle d’avril 2019.
Sur fond d’épidémie de choléra
Le séjour helvétique du président intervient alors que l’Algérie se débat avec une épidémie de choléra. Cette maladie frappe habituellement les pays les plus pauvres de la planète, mais les hôpitaux algériens ont bien de la peine à y faire face. «Les citoyens ordinaires n’ont pas accès aux meilleurs soins en Suisse», fulmine Amine Arib, secrétaire général de Nouvelle génération, un parti d’opposition et animateur de la campagne «citoyenneté-démocratie» qui milite pour le départ du président et un renouvellement politique.
Si les différents pôles du pouvoir algérien parviennent à un consensus sur un cinquième mandat, le maintien d’Abdelaziz Bouteflika, même très diminué, peut garantir la préservation des équilibres entre sa famille et ses conseillers, l’armée ainsi que les milieux d’affaires. En cas d’empêchement soudain pour briguer un cinquième mandat, seule l’armée paraît en mesure d’arbitrer et de gérer la succession et la transition», explique Hasni Abidi.
«Personne n’est dupe en Algérie»
«Les ministres ont beau affirmer à la sortie de leurs entrevues avec le président qu’il leur a dit de faire ceci ou cela, plus personne n’est dupe en Algérie: le président est incapable d’assumer le pouvoir. La preuve: il ne s’est plus adressé à son peuple depuis des années», réagit Amine Arib. Pourtant, malgré la situation économique et sociale explosive (30% des jeunes sont au chômage), la rue algérienne demeure étonnamment calme et l’opposition peu audible.
«Le pouvoir agite sans cesse les exemples de la Libye voisine ou de la Syrie, et les Algériens demeurent traumatisés par la décennie de guerre civile», avance Hasni Abidi. «Nous avons été marqués par la violence terrible des années 1990, concède Amine Arib. Il n’est pas question aujourd’hui de jouer les apprentis sorciers. Nous visons un changement pacifique. Il va forcément arriver. La population algérienne est très jeune, elle voit l’arrivée de la nouvelle génération au pouvoir, comme en France.» En attendant, ce nouveau séjour médical à l’étranger ne plaide pas pour un cinquième mandat du président Bouteflika.
Simon Petite
Chef de la rubrique «International»LE TEMPS.CH
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