Salim Lamrani, lors de votre conférence ici à la Alianza Martiana, vous vous êtes montré assez critique vis-à-vis du rôle des médias et vous avez cité l’exemple de Cuba en donnant quelques informations, quelques détails et statistiques d’Amnesty International. Vous avez évoqué la manière dont cela était reflété dans les médias. Je crois que nous devrions débuter cette interview, cette conversation par cela.
Je crois qu’il faut commencer par le postulat suivant : les grands groupes économiques et financiers du monde contrôlent le secteur de la presse, et le rôle des médias n’est plus de fournir une information vraie et vérifiable au lecteur, à l’opinion publique, mais de contrôler le marché des idées et défendre l’ordre établi. Ainsi, l’objectivité des médias est un mythe car ils défendent des intérêts très précis.
Vous évoquez la question des droits de l’homme, qui est la problématique par excellence dès lors qu’il s’agit de Cuba. Ne comptez pas sur moi pour vous dire qu’il n’existe aucune violation des droits de l’homme à Cuba. Mais si je souhaite me faire une opinion juste et vérifiable sur la situation des droits de l’homme à Cuba et voir s’il existe une spécificité dans ce domaine, par rapport au reste du monde, je n’ai qu’à consulter une source internationale qu’est l’organisation Amnesty International, et qui publie chaque année un rapport détaillé sur la situation des droits de l’homme à Cuba. Le postulat des médias est le suivant : « Cuba est un pays qui viole les droits de l’homme et qui se démarque du reste du continent américain, par exemple, par ses violations des droits de l’homme ». Nous pouvons comparer ce postulat de base avec la réalité des faits en nous référant au rapport. Selon le rapport d’Amnesty International d’avril 2011, sur le continent américain, l’un des pays qui viole le moins les droits de l’homme – sans doute le moins – ou qui les respecte le mieux est Cuba. Ne me croyez pas sur parole, allez sur le site Internet d’Amnesty International où le rapport est disponible en trois langues : français, anglais et espagnol. Amnesty International est une organisation que nous ne pouvons qualifier de procubaine pour la raison suivante : elle a rompu ses relations diplomatiques avec Cuba depuis 1988. En conclusion, il y a un abîme entre la rhétorique médiatique de départ et la réalité des faits. Vous pourriez me rétorquer que la Colombie ou le Honduras ne sont pas des exemples en termes de droits de l’homme, et que la comparaison n’est pas très explicite.
Prenons donc le cas suivant: comparons la situation des droits de l’homme à Cuba et au sein de l’Union européenne. Pourquoi l’Union européenne ?Parce que depuis 1996, l’Union européenne impose à Cuba une Position commune en raison de la situation des droits de l’homme. Qu’est-ce qu’une Position commune ?
Il s’agit du principal pilier de la politique étrangère de Bruxelles vis-à-vis de La Havane, qui limite les échanges diplomatiques, politiques et culturels. Il est singulièrement curieux que le seul pays du continent américain victime d’une Position commune soit Cuba, alors que selon Amnesty International Cuba est le pays qui viole le moins les droits de l’homme. Il s’agit là d’une première contradiction. Maintenant, il convient bien évidemment d’évaluer la légitimité de l’Union européenne à s’ériger en juge sur la question des droits de l’homme, parce que pour pouvoir stigmatiser un pays sur ce thème il faut être irréprochable.
Que dit Amnesty International ?
Selon le rapport d’avril 2011, disponible sur Internet de manière gratuite, dans 23 des 25 pays qui ont voté les sanctions politiques et diplomatiques et culturelles contre Cuba en 2003 – ils étaient 25 et non 27 à l’époque – la situation des droits de l’homme est pire qu’à Cuba. Prenons le cas qui me concerne le plus directement, celui de la France. Nous sommes la patrie des Droits de l’homme. Néanmoins, j’invite tous les auditeurs à se rendre sur le site d’Amnesty International, à prendre le rapport sur Cuba et le rapport sur la France, à les comparer et à tirer leurs propres conclusions. Nous avons donc là un exemple de la manipulation médiatique. Je le répète, Cuba ne présente pas un bilan parfait, propre, sur la question des droits de l’homme. Il y a quelques critiques de la part d’Amnesty International sur la question de la liberté d’expression, de la liberté d’association, etc. Mais quand nous comparons cela avec la réalité existante sur notre continent et sur le continent américain, nous découvrons qu’il s’agit d’une énorme manipulation.
Pourriez vous citer des exemples, des faits qui se passent au sein de l’Union européenne, alors que l’Union européenne maintient Cuba sous une Position commune ?
Donnons quelques exemples précis. Pour ce qui est de Cuba, Amnesty International n’a jamais rapporté de cas d’assassinat par les forces de l’ordre, comme c’est le cas pour le Royaume-Uni et d’autres pays ; de stérilisation forcée de femmes issues des minorités ethniques, tortures dans les prisons, répressions violentes et massives de manifestations publiques, avec des gaz lacrymogènes etc., discrimination envers les enfants issus des minorités au sein du système éducatif comme cela est le cas pour la République tchèque ou la Slovaquie. Je pourrais multiplier les exemples graves.
Et en Autriche ? Je vous ai entendu dire dans une conférence qu’il y avait un problème avec les minorités en Autriche.
Il y a de très graves violations des droits de l’homme en Autriche, des cas d’assassinats commis par les forces de l’ordre, de brutalités à l’égard des minorités. Mais il y a également eu des déclarations discriminatoires contre les minorités Rom faites par le Président de la République en France. Cett réalité montre donc que la Position commune est une vaste hypocrisie. En fait, ce qui dérange l’Union européenne n’est pas tant la situation des droits de l’homme que le système politique, économique et social qu’il y a à Cuba.
Salim Lamrani, j’aimerais que vous évoquiez le thème migratoire entre Cuba et les États-Unis et que vous fassiez une analyse comparative, comme pour Amnistie Internationale, avec les autres pays d’Amérique latine. Est-ce que les Cubains émigrent plus , ou moins que les autres pays de la région ? Quelles seraient les causes dans un cas et dans l’autre ?
La problématique migratoire est effectivement une problématique qui est politisée dès lors qu’il s’agit de Cuba. Je rencontre toujours dans les médias le postulat suivant : « Les Cubains émigrent massivement vers les Etats-Unis, ce qui illustre l’échec du système économique, politique et social à Cuba ». Néanmoins, ce postulat, cette affirmation ne sont jamais corroborés par des données, des statistiques alors qu’elles existent pour l’émigration cubaine vers les Etats-Unis pour la période allant de 1820 à 2010.
Voyons un peu ce qu’était la réalité migratoire entre les États-Unis et Cuba en 1959. Cuba était un petit pays de 6 millions d’habitants et occupait le second rang du continent américain en termes d’émission migratoire vers les Etats-Unis. Le premier rang a toujours été occupé par le Mexique pour des raisons historiques, géographiques et démographiques évidentes. Cuba donc, petite nation de 6 millions d’habitants, avait une émission migratoire plus forte que celle de tous les pays d’Amérique centrale réunis, plus forte que celle de toutes les nations de la Caraïbe réunies, presque aussi forte que celle de l’Amérique du Sud en totalité. Ainsi, un petit pays d’Amérique latine envoyait plus d’émigrants que la somme d’une quinzaine de pays d’Amérique latine et de la Caraïbe. Vous trouverez ces données, facilement accessibles, sur le site des services d’immigration des Etats-Unis.
Ensuite, à partir de juillet 1960, les Etats-Unis et l’administration Eisenhower plus précisément, imposent des sanctions économiques contre Cuba, ce qui constitue un facteur objectif d’incitation à l’émigration légale et illégale, parce que la situation économique devient plus difficile, et que de l’autre côté les États-Unis acceptent les émigrants. En 1966, en novembre 1966, le Congrès des Etats-Unis adopte ce que l’on appelle la loi d’Ajustement cubain. Qu’est-ce que la loi d’Ajustement cubain ? Il s’agit d’une courte législation de deux pages, une page et demie en réalité, qui stipule que tout Cubain qui à partir du 1er janvier 1959 émigre légalement ou illégalement, pacifiquement ou par la violence, obtient automatiquement au bout d’un an le statut de résident permanent. Il s’agit d’une loi unique au monde et qui constitue un formidable facteur d’incitation à l’émigration légale et illégale. Il convient de souligner la date pour en voir la substance politique : à partir du 1er janvier 1959 , c’est-à-dire que le Cubain qui est arrivé le 31 décembre 1958 ne peut pas bénéficier de la loi d’Ajustement Cubain. Nous en voyons clairement le contenu politique. Il s’agit là d’une arme contre le processus révolutionnaire.
Je crois qu’il faut commencer par le postulat suivant : les grands groupes économiques et financiers du monde contrôlent le secteur de la presse, et le rôle des médias n’est plus de fournir une information vraie et vérifiable au lecteur, à l’opinion publique, mais de contrôler le marché des idées et défendre l’ordre établi. Ainsi, l’objectivité des médias est un mythe car ils défendent des intérêts très précis.
Vous évoquez la question des droits de l’homme, qui est la problématique par excellence dès lors qu’il s’agit de Cuba. Ne comptez pas sur moi pour vous dire qu’il n’existe aucune violation des droits de l’homme à Cuba. Mais si je souhaite me faire une opinion juste et vérifiable sur la situation des droits de l’homme à Cuba et voir s’il existe une spécificité dans ce domaine, par rapport au reste du monde, je n’ai qu’à consulter une source internationale qu’est l’organisation Amnesty International, et qui publie chaque année un rapport détaillé sur la situation des droits de l’homme à Cuba. Le postulat des médias est le suivant : « Cuba est un pays qui viole les droits de l’homme et qui se démarque du reste du continent américain, par exemple, par ses violations des droits de l’homme ». Nous pouvons comparer ce postulat de base avec la réalité des faits en nous référant au rapport. Selon le rapport d’Amnesty International d’avril 2011, sur le continent américain, l’un des pays qui viole le moins les droits de l’homme – sans doute le moins – ou qui les respecte le mieux est Cuba. Ne me croyez pas sur parole, allez sur le site Internet d’Amnesty International où le rapport est disponible en trois langues : français, anglais et espagnol. Amnesty International est une organisation que nous ne pouvons qualifier de procubaine pour la raison suivante : elle a rompu ses relations diplomatiques avec Cuba depuis 1988. En conclusion, il y a un abîme entre la rhétorique médiatique de départ et la réalité des faits. Vous pourriez me rétorquer que la Colombie ou le Honduras ne sont pas des exemples en termes de droits de l’homme, et que la comparaison n’est pas très explicite.
Prenons donc le cas suivant: comparons la situation des droits de l’homme à Cuba et au sein de l’Union européenne. Pourquoi l’Union européenne ?Parce que depuis 1996, l’Union européenne impose à Cuba une Position commune en raison de la situation des droits de l’homme. Qu’est-ce qu’une Position commune ?
Il s’agit du principal pilier de la politique étrangère de Bruxelles vis-à-vis de La Havane, qui limite les échanges diplomatiques, politiques et culturels. Il est singulièrement curieux que le seul pays du continent américain victime d’une Position commune soit Cuba, alors que selon Amnesty International Cuba est le pays qui viole le moins les droits de l’homme. Il s’agit là d’une première contradiction. Maintenant, il convient bien évidemment d’évaluer la légitimité de l’Union européenne à s’ériger en juge sur la question des droits de l’homme, parce que pour pouvoir stigmatiser un pays sur ce thème il faut être irréprochable.
Que dit Amnesty International ?
Selon le rapport d’avril 2011, disponible sur Internet de manière gratuite, dans 23 des 25 pays qui ont voté les sanctions politiques et diplomatiques et culturelles contre Cuba en 2003 – ils étaient 25 et non 27 à l’époque – la situation des droits de l’homme est pire qu’à Cuba. Prenons le cas qui me concerne le plus directement, celui de la France. Nous sommes la patrie des Droits de l’homme. Néanmoins, j’invite tous les auditeurs à se rendre sur le site d’Amnesty International, à prendre le rapport sur Cuba et le rapport sur la France, à les comparer et à tirer leurs propres conclusions. Nous avons donc là un exemple de la manipulation médiatique. Je le répète, Cuba ne présente pas un bilan parfait, propre, sur la question des droits de l’homme. Il y a quelques critiques de la part d’Amnesty International sur la question de la liberté d’expression, de la liberté d’association, etc. Mais quand nous comparons cela avec la réalité existante sur notre continent et sur le continent américain, nous découvrons qu’il s’agit d’une énorme manipulation.
Pourriez vous citer des exemples, des faits qui se passent au sein de l’Union européenne, alors que l’Union européenne maintient Cuba sous une Position commune ?
Donnons quelques exemples précis. Pour ce qui est de Cuba, Amnesty International n’a jamais rapporté de cas d’assassinat par les forces de l’ordre, comme c’est le cas pour le Royaume-Uni et d’autres pays ; de stérilisation forcée de femmes issues des minorités ethniques, tortures dans les prisons, répressions violentes et massives de manifestations publiques, avec des gaz lacrymogènes etc., discrimination envers les enfants issus des minorités au sein du système éducatif comme cela est le cas pour la République tchèque ou la Slovaquie. Je pourrais multiplier les exemples graves.
Et en Autriche ? Je vous ai entendu dire dans une conférence qu’il y avait un problème avec les minorités en Autriche.
Il y a de très graves violations des droits de l’homme en Autriche, des cas d’assassinats commis par les forces de l’ordre, de brutalités à l’égard des minorités. Mais il y a également eu des déclarations discriminatoires contre les minorités Rom faites par le Président de la République en France. Cett réalité montre donc que la Position commune est une vaste hypocrisie. En fait, ce qui dérange l’Union européenne n’est pas tant la situation des droits de l’homme que le système politique, économique et social qu’il y a à Cuba.
Salim Lamrani, j’aimerais que vous évoquiez le thème migratoire entre Cuba et les États-Unis et que vous fassiez une analyse comparative, comme pour Amnistie Internationale, avec les autres pays d’Amérique latine. Est-ce que les Cubains émigrent plus , ou moins que les autres pays de la région ? Quelles seraient les causes dans un cas et dans l’autre ?
La problématique migratoire est effectivement une problématique qui est politisée dès lors qu’il s’agit de Cuba. Je rencontre toujours dans les médias le postulat suivant : « Les Cubains émigrent massivement vers les Etats-Unis, ce qui illustre l’échec du système économique, politique et social à Cuba ». Néanmoins, ce postulat, cette affirmation ne sont jamais corroborés par des données, des statistiques alors qu’elles existent pour l’émigration cubaine vers les Etats-Unis pour la période allant de 1820 à 2010.
Voyons un peu ce qu’était la réalité migratoire entre les États-Unis et Cuba en 1959. Cuba était un petit pays de 6 millions d’habitants et occupait le second rang du continent américain en termes d’émission migratoire vers les Etats-Unis. Le premier rang a toujours été occupé par le Mexique pour des raisons historiques, géographiques et démographiques évidentes. Cuba donc, petite nation de 6 millions d’habitants, avait une émission migratoire plus forte que celle de tous les pays d’Amérique centrale réunis, plus forte que celle de toutes les nations de la Caraïbe réunies, presque aussi forte que celle de l’Amérique du Sud en totalité. Ainsi, un petit pays d’Amérique latine envoyait plus d’émigrants que la somme d’une quinzaine de pays d’Amérique latine et de la Caraïbe. Vous trouverez ces données, facilement accessibles, sur le site des services d’immigration des Etats-Unis.
Ensuite, à partir de juillet 1960, les Etats-Unis et l’administration Eisenhower plus précisément, imposent des sanctions économiques contre Cuba, ce qui constitue un facteur objectif d’incitation à l’émigration légale et illégale, parce que la situation économique devient plus difficile, et que de l’autre côté les États-Unis acceptent les émigrants. En 1966, en novembre 1966, le Congrès des Etats-Unis adopte ce que l’on appelle la loi d’Ajustement cubain. Qu’est-ce que la loi d’Ajustement cubain ? Il s’agit d’une courte législation de deux pages, une page et demie en réalité, qui stipule que tout Cubain qui à partir du 1er janvier 1959 émigre légalement ou illégalement, pacifiquement ou par la violence, obtient automatiquement au bout d’un an le statut de résident permanent. Il s’agit d’une loi unique au monde et qui constitue un formidable facteur d’incitation à l’émigration légale et illégale. Il convient de souligner la date pour en voir la substance politique : à partir du 1er janvier 1959 , c’est-à-dire que le Cubain qui est arrivé le 31 décembre 1958 ne peut pas bénéficier de la loi d’Ajustement Cubain. Nous en voyons clairement le contenu politique. Il s’agit là d’une arme contre le processus révolutionnaire.
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