B - AVANT LE CAMP DE LARZAC (Page 1 / 1) dont j'ai déjà décrit les conditions de détention.
Après avoir décrit les conditions de vie des militants du FLN dans le Camp de Larzac, je vais faire appel à mes souvenirs pour essayer d'évoquer les circonstances qui m'avaient amené dans ce camp.
Mais, avant de parler de mon engagement au sein du Front de Libération Nationale (FLN), de mon arrestation par la DST et de ma détention, je voudrais faire un bref rappel historique sur l'origine et l'évolution du mouvement national algérien, la naissance du FLN et la création de la Fédération du FLN en France.
Depuis son invasion en 1830 et son occupation, l'Algérie était soumise à un régime de domination et d'exploitation coloniale: un dixième de la population d'origine européenne (environ 1 million) avait tous les droits politiques et économiques et les neuf dixièmes restants (environ 9 millions), considérés de race inférieure et soumis au "régime de l'indigénat" , vivaient dans leur quasi-totalité, dans le chômage et la famine, même si une minorité d'entre eux travaillaient chez les colons comme ouvriers agricoles pour des salaires de misère ou servaient comme auxiliaires de la colonisation.
Toute l'économie du pays était orientée, non pour soulager la misère des populations, mais pour répondre aux besoins de la "métropole": la plupart des terres agricoles spoliées, avaient été reconverties en grands domaines et en vignobles attribués aux colons et dont la production de forte teneur en alcool servait à couper les vins produits en France dont le degré était plus faible.
Par ailleurs, les algériens avaient été mobilisés massivement pendant les deux guerres mondiales de 1914/1918 et de 1939/1945 pour libérer la France des invasions allemandes et, après les guerres, pour la reconstruction du pays.
Au retour dans leurs foyers, les soldats "indigènes" survivants des deux guerres s'étaient, à chaque fois, rendu compte, à leur libération, de l'injustice du sort qu était réservé aux leurs et à eux-mêmes.
Dans la communauté dite musulmane, des partis politiques et associations réformistes étaient nés et revendiquaient l'égalité des droits et des devoirs pour tous les habitants de l'Algérie, l'égal accès aux emplois publics et une juste représentation dans les assemblées élues. Parmi ces divers mouvements qui ne remettaient nullement en cause le système colonial, on peut citer:
- Le mouvement des "Jeunes Algériens" présidé par l'Emir Khaled, petit-fils de l'Emir Abdelkader et ancien capitaine de l'armée française, dans les années 1910,
- Le Mouvement de la Jeunesse Algérienne au sein duquel Ferhat Abbas avait fait ses débuts dans la politique dans les années 1920,
- L' Association des Oulémas Musulmans Algériens créée le 5 mai 1931 à Constantine sous la présidence d'Abdelhamid Ben Badis, visant à défendre et promouvoir la religion musulmane et la langue et la culture arabe,
- La Fédération des Élus Musulmans de Constantine, courant présidé par le Dr. Ben Djelloul, rejoint par Ferhat Abbas, dans les années 1930.
Les revendications de la majorité "musulmane" étaient systématiquement rejetées par les puissants lobbys des colons et les gouvernements français successifs de droite, comme de gauche, y avaient toujours répondu par la "sourde oreille" et des tergiversations.
Il y avait également, surtout dans les milieux colons, des démembrements des partis français favorables au maintien de la domination coloniale (les partis traditionnels tels que le Parti communiste français PCF, le Parti socialiste SFIO, le Parti radical-socialiste)ainsi que des partis fantoches créés par l'Administration coloniale qui présentait et soutenait les candidatures aux élections du deuxième collège des collaborateurs qu'on designait sous les termes de candidats administratifs ou, plus péjorativement,de "béni-oui-oui".
En vue de la reconstruction du pays, au lendemain de la première guerre mondiale, les autorités coloniales avaient encouragé l'émigration en France des travailleurs algériens, employés dans le plus souvent dans les mines ou sur les chantiers de construction ou dans des postes de manœuvres dans les usines.
Peu à peu, les travailleurs algériens émigrés s'étaient impliqués au côté des travailleurs français, au sein des syndicats, dans des luttes ouvrières et des actions revendicatives.
En 1926, un groupe de travailleurs algériens émigrés avait créé une association dénommée " l'Etoile Nord-Africaine" qui, pour la première fois, avait inscrit dans son programme l'indépendance des pays nord-africains.
L'association, composée en grande majorité de travailleurs émigrés originaires de la Kakylie, était présidée par Messali Hadj qui avait commencé son parcours politique au sein du Parti Communiste Français (PCF) et au Syndicat CGTU, et placée sous la présidence d'honneur de l'Emir Khaled, ancien dirigeant des "Jeunes Algériens" contraint à l'exil en Égypte puis en Syrie.
Cette association avait été dissoute par le Gouvernement français le 24 avril 1929 pour "menace pour l'autorité publique" et ses dirigeants et militants furent durement réprimés.
Recréée le 28 mai 1933 sous un autre nom, " la Nouvelle Étoile Nord-Africaine", avec un bureau exécutif constitué de Messali Hadj, comme président, Imache Amar, comme secrétaire général, Radjef Belkacem, comme trésorier général et Si Djilani Mohammed dit "Djilali Mohand Saïd", comme directeur du journal "El Ouma" (ces derniers étaient tous les trois originaires de la Kabylie), l'Association fut dissoute une nouvelle fois par le Gouvernement du Front Populaire le 25 janvier 1937 et ses dirigeants furent condamnés et emprisonnés, pour "reconstitution de ligue dissoute".
Le 11 mars 1937, les anciens dirigeants de l'Etoile Nord-Africaine dissoute avaient créé, à Nanterre (Paris), le Parti du Peuple Algérien (PPA), toujours sous la présidence de Messali Hadj. Ce parti reprenait, pour l'essentiel, leur ancien programme, sans mentionner expressément la revendication de l'indépendance de l'Algérie pour éviter une nouvelle dissolution. Néanmoins, malgré cette précaution, le PPA subit le même sort: il fut dissous le 26 septembre 1939 et 28 de ses dirigeants furent arrêtés..
Pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale, Messali Hadj étant en prison, le PPA dut poursuivre ses activités dans la clandestinité sous la direction du Dr. Lamine Debaghine, puis finit par s'unir avec le Mouvement des Oulémas et le courant de Ferhat Abbas dont les positions avaient évolué, au sein des "Amis du Manifeste et de la Liberté" (AML).
Après la fin de la guerre, alors qu'en France on fêtait la défaite et la reddition de l'Allemagne nazie, les algériens qui avaient contribué grandement à la victoire par le sang versé et les souffrances endurées, avaient cru que la proclamation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes affichée par les alliés et le vent de liberté qui soufflait à travers le monde, allaient enfin leur apporter la libération du joug colonial.
Le 1er mai à Alger et le 8 mai 1945 à Sétif et dans d'autres villes, pensant participer à cette victoire, les AML dominés par les nationalistes, avaient organisé de grandes marches populaires en arborant le drapeau algérien.
Réprimées par les milices civiles de colons, l'armée coloniale et les services de police dirigés par le tristement célèbre Préfet de Constantine, Maurice Papon, que l'on retrouvera plus tard à la tête de la Préfecture de Police de Paris lors des massacres des manifestations pacifiques du 17 octobre 1961, ces marches furent sauvagement réprimées. Elles furent suivies pendant une longue période de massacres collectifs de plusieurs milliers d'Algériens, notamment à Sétif, Guelma et Kherrata (certains parlent de 45 000 morts) ainsi qu'à des arrestations massives dans les milieux nationalistes.
En 1946, pour participer aux élections organisées au lendemain de la guerre, le PPA clandestin avait créé un parti légal sous la dénomination de "Mouvement pour le Triomphe des Libertés Democratiques (MTLD). Ce parti fut lui aussi dissous par les autorités coloniales le 5 novembre 1954, cinq jours après le déclenchement de la lutte armée.
Après avoir décrit les conditions de vie des militants du FLN dans le Camp de Larzac, je vais faire appel à mes souvenirs pour essayer d'évoquer les circonstances qui m'avaient amené dans ce camp.
Mais, avant de parler de mon engagement au sein du Front de Libération Nationale (FLN), de mon arrestation par la DST et de ma détention, je voudrais faire un bref rappel historique sur l'origine et l'évolution du mouvement national algérien, la naissance du FLN et la création de la Fédération du FLN en France.
Depuis son invasion en 1830 et son occupation, l'Algérie était soumise à un régime de domination et d'exploitation coloniale: un dixième de la population d'origine européenne (environ 1 million) avait tous les droits politiques et économiques et les neuf dixièmes restants (environ 9 millions), considérés de race inférieure et soumis au "régime de l'indigénat" , vivaient dans leur quasi-totalité, dans le chômage et la famine, même si une minorité d'entre eux travaillaient chez les colons comme ouvriers agricoles pour des salaires de misère ou servaient comme auxiliaires de la colonisation.
Toute l'économie du pays était orientée, non pour soulager la misère des populations, mais pour répondre aux besoins de la "métropole": la plupart des terres agricoles spoliées, avaient été reconverties en grands domaines et en vignobles attribués aux colons et dont la production de forte teneur en alcool servait à couper les vins produits en France dont le degré était plus faible.
Par ailleurs, les algériens avaient été mobilisés massivement pendant les deux guerres mondiales de 1914/1918 et de 1939/1945 pour libérer la France des invasions allemandes et, après les guerres, pour la reconstruction du pays.
Au retour dans leurs foyers, les soldats "indigènes" survivants des deux guerres s'étaient, à chaque fois, rendu compte, à leur libération, de l'injustice du sort qu était réservé aux leurs et à eux-mêmes.
Dans la communauté dite musulmane, des partis politiques et associations réformistes étaient nés et revendiquaient l'égalité des droits et des devoirs pour tous les habitants de l'Algérie, l'égal accès aux emplois publics et une juste représentation dans les assemblées élues. Parmi ces divers mouvements qui ne remettaient nullement en cause le système colonial, on peut citer:
- Le mouvement des "Jeunes Algériens" présidé par l'Emir Khaled, petit-fils de l'Emir Abdelkader et ancien capitaine de l'armée française, dans les années 1910,
- Le Mouvement de la Jeunesse Algérienne au sein duquel Ferhat Abbas avait fait ses débuts dans la politique dans les années 1920,
- L' Association des Oulémas Musulmans Algériens créée le 5 mai 1931 à Constantine sous la présidence d'Abdelhamid Ben Badis, visant à défendre et promouvoir la religion musulmane et la langue et la culture arabe,
- La Fédération des Élus Musulmans de Constantine, courant présidé par le Dr. Ben Djelloul, rejoint par Ferhat Abbas, dans les années 1930.
Les revendications de la majorité "musulmane" étaient systématiquement rejetées par les puissants lobbys des colons et les gouvernements français successifs de droite, comme de gauche, y avaient toujours répondu par la "sourde oreille" et des tergiversations.
Il y avait également, surtout dans les milieux colons, des démembrements des partis français favorables au maintien de la domination coloniale (les partis traditionnels tels que le Parti communiste français PCF, le Parti socialiste SFIO, le Parti radical-socialiste)ainsi que des partis fantoches créés par l'Administration coloniale qui présentait et soutenait les candidatures aux élections du deuxième collège des collaborateurs qu'on designait sous les termes de candidats administratifs ou, plus péjorativement,de "béni-oui-oui".
En vue de la reconstruction du pays, au lendemain de la première guerre mondiale, les autorités coloniales avaient encouragé l'émigration en France des travailleurs algériens, employés dans le plus souvent dans les mines ou sur les chantiers de construction ou dans des postes de manœuvres dans les usines.
Peu à peu, les travailleurs algériens émigrés s'étaient impliqués au côté des travailleurs français, au sein des syndicats, dans des luttes ouvrières et des actions revendicatives.
En 1926, un groupe de travailleurs algériens émigrés avait créé une association dénommée " l'Etoile Nord-Africaine" qui, pour la première fois, avait inscrit dans son programme l'indépendance des pays nord-africains.
L'association, composée en grande majorité de travailleurs émigrés originaires de la Kakylie, était présidée par Messali Hadj qui avait commencé son parcours politique au sein du Parti Communiste Français (PCF) et au Syndicat CGTU, et placée sous la présidence d'honneur de l'Emir Khaled, ancien dirigeant des "Jeunes Algériens" contraint à l'exil en Égypte puis en Syrie.
Cette association avait été dissoute par le Gouvernement français le 24 avril 1929 pour "menace pour l'autorité publique" et ses dirigeants et militants furent durement réprimés.
Recréée le 28 mai 1933 sous un autre nom, " la Nouvelle Étoile Nord-Africaine", avec un bureau exécutif constitué de Messali Hadj, comme président, Imache Amar, comme secrétaire général, Radjef Belkacem, comme trésorier général et Si Djilani Mohammed dit "Djilali Mohand Saïd", comme directeur du journal "El Ouma" (ces derniers étaient tous les trois originaires de la Kabylie), l'Association fut dissoute une nouvelle fois par le Gouvernement du Front Populaire le 25 janvier 1937 et ses dirigeants furent condamnés et emprisonnés, pour "reconstitution de ligue dissoute".
Le 11 mars 1937, les anciens dirigeants de l'Etoile Nord-Africaine dissoute avaient créé, à Nanterre (Paris), le Parti du Peuple Algérien (PPA), toujours sous la présidence de Messali Hadj. Ce parti reprenait, pour l'essentiel, leur ancien programme, sans mentionner expressément la revendication de l'indépendance de l'Algérie pour éviter une nouvelle dissolution. Néanmoins, malgré cette précaution, le PPA subit le même sort: il fut dissous le 26 septembre 1939 et 28 de ses dirigeants furent arrêtés..
Pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale, Messali Hadj étant en prison, le PPA dut poursuivre ses activités dans la clandestinité sous la direction du Dr. Lamine Debaghine, puis finit par s'unir avec le Mouvement des Oulémas et le courant de Ferhat Abbas dont les positions avaient évolué, au sein des "Amis du Manifeste et de la Liberté" (AML).
Après la fin de la guerre, alors qu'en France on fêtait la défaite et la reddition de l'Allemagne nazie, les algériens qui avaient contribué grandement à la victoire par le sang versé et les souffrances endurées, avaient cru que la proclamation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes affichée par les alliés et le vent de liberté qui soufflait à travers le monde, allaient enfin leur apporter la libération du joug colonial.
Le 1er mai à Alger et le 8 mai 1945 à Sétif et dans d'autres villes, pensant participer à cette victoire, les AML dominés par les nationalistes, avaient organisé de grandes marches populaires en arborant le drapeau algérien.
Réprimées par les milices civiles de colons, l'armée coloniale et les services de police dirigés par le tristement célèbre Préfet de Constantine, Maurice Papon, que l'on retrouvera plus tard à la tête de la Préfecture de Police de Paris lors des massacres des manifestations pacifiques du 17 octobre 1961, ces marches furent sauvagement réprimées. Elles furent suivies pendant une longue période de massacres collectifs de plusieurs milliers d'Algériens, notamment à Sétif, Guelma et Kherrata (certains parlent de 45 000 morts) ainsi qu'à des arrestations massives dans les milieux nationalistes.
En 1946, pour participer aux élections organisées au lendemain de la guerre, le PPA clandestin avait créé un parti légal sous la dénomination de "Mouvement pour le Triomphe des Libertés Democratiques (MTLD). Ce parti fut lui aussi dissous par les autorités coloniales le 5 novembre 1954, cinq jours après le déclenchement de la lutte armée.
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