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COLONIALISME-Un peu d'Histoire et des histoires.PAR YOUCEF HENDEL

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  • COLONIALISME-Un peu d'Histoire et des histoires.PAR YOUCEF HENDEL

    B - AVANT LE CAMP DE LARZAC (Page 1 / 1) dont j'ai déjà décrit les conditions de détention.

    Après avoir décrit les conditions de vie des militants du FLN dans le Camp de Larzac, je vais faire appel à mes souvenirs pour essayer d'évoquer les circonstances qui m'avaient amené dans ce camp.
    Mais, avant de parler de mon engagement au sein du Front de Libération Nationale (FLN), de mon arrestation par la DST et de ma détention, je voudrais faire un bref rappel historique sur l'origine et l'évolution du mouvement national algérien, la naissance du FLN et la création de la Fédération du FLN en France.

    Depuis son invasion en 1830 et son occupation, l'Algérie était soumise à un régime de domination et d'exploitation coloniale: un dixième de la population d'origine européenne (environ 1 million) avait tous les droits politiques et économiques et les neuf dixièmes restants (environ 9 millions), considérés de race inférieure et soumis au "régime de l'indigénat" , vivaient dans leur quasi-totalité, dans le chômage et la famine, même si une minorité d'entre eux travaillaient chez les colons comme ouvriers agricoles pour des salaires de misère ou servaient comme auxiliaires de la colonisation.
    Toute l'économie du pays était orientée, non pour soulager la misère des populations, mais pour répondre aux besoins de la "métropole": la plupart des terres agricoles spoliées, avaient été reconverties en grands domaines et en vignobles attribués aux colons et dont la production de forte teneur en alcool servait à couper les vins produits en France dont le degré était plus faible.
    Par ailleurs, les algériens avaient été mobilisés massivement pendant les deux guerres mondiales de 1914/1918 et de 1939/1945 pour libérer la France des invasions allemandes et, après les guerres, pour la reconstruction du pays.
    Au retour dans leurs foyers, les soldats "indigènes" survivants des deux guerres s'étaient, à chaque fois, rendu compte, à leur libération, de l'injustice du sort qu était réservé aux leurs et à eux-mêmes.
    Dans la communauté dite musulmane, des partis politiques et associations réformistes étaient nés et revendiquaient l'égalité des droits et des devoirs pour tous les habitants de l'Algérie, l'égal accès aux emplois publics et une juste représentation dans les assemblées élues. Parmi ces divers mouvements qui ne remettaient nullement en cause le système colonial, on peut citer:
    - Le mouvement des "Jeunes Algériens" présidé par l'Emir Khaled, petit-fils de l'Emir Abdelkader et ancien capitaine de l'armée française, dans les années 1910,
    - Le Mouvement de la Jeunesse Algérienne au sein duquel Ferhat Abbas avait fait ses débuts dans la politique dans les années 1920,
    - L' Association des Oulémas Musulmans Algériens créée le 5 mai 1931 à Constantine sous la présidence d'Abdelhamid Ben Badis, visant à défendre et promouvoir la religion musulmane et la langue et la culture arabe,
    - La Fédération des Élus Musulmans de Constantine, courant présidé par le Dr. Ben Djelloul, rejoint par Ferhat Abbas, dans les années 1930.
    Les revendications de la majorité "musulmane" étaient systématiquement rejetées par les puissants lobbys des colons et les gouvernements français successifs de droite, comme de gauche, y avaient toujours répondu par la "sourde oreille" et des tergiversations.
    Il y avait également, surtout dans les milieux colons, des démembrements des partis français favorables au maintien de la domination coloniale (les partis traditionnels tels que le Parti communiste français PCF, le Parti socialiste SFIO, le Parti radical-socialiste)ainsi que des partis fantoches créés par l'Administration coloniale qui présentait et soutenait les candidatures aux élections du deuxième collège des collaborateurs qu'on designait sous les termes de candidats administratifs ou, plus péjorativement,de "béni-oui-oui".
    En vue de la reconstruction du pays, au lendemain de la première guerre mondiale, les autorités coloniales avaient encouragé l'émigration en France des travailleurs algériens, employés dans le plus souvent dans les mines ou sur les chantiers de construction ou dans des postes de manœuvres dans les usines.
    Peu à peu, les travailleurs algériens émigrés s'étaient impliqués au côté des travailleurs français, au sein des syndicats, dans des luttes ouvrières et des actions revendicatives.
    En 1926, un groupe de travailleurs algériens émigrés avait créé une association dénommée " l'Etoile Nord-Africaine" qui, pour la première fois, avait inscrit dans son programme l'indépendance des pays nord-africains.
    L'association, composée en grande majorité de travailleurs émigrés originaires de la Kakylie, était présidée par Messali Hadj qui avait commencé son parcours politique au sein du Parti Communiste Français (PCF) et au Syndicat CGTU, et placée sous la présidence d'honneur de l'Emir Khaled, ancien dirigeant des "Jeunes Algériens" contraint à l'exil en Égypte puis en Syrie.
    Cette association avait été dissoute par le Gouvernement français le 24 avril 1929 pour "menace pour l'autorité publique" et ses dirigeants et militants furent durement réprimés.
    Recréée le 28 mai 1933 sous un autre nom, " la Nouvelle Étoile Nord-Africaine", avec un bureau exécutif constitué de Messali Hadj, comme président, Imache Amar, comme secrétaire général, Radjef Belkacem, comme trésorier général et Si Djilani Mohammed dit "Djilali Mohand Saïd", comme directeur du journal "El Ouma" (ces derniers étaient tous les trois originaires de la Kabylie), l'Association fut dissoute une nouvelle fois par le Gouvernement du Front Populaire le 25 janvier 1937 et ses dirigeants furent condamnés et emprisonnés, pour "reconstitution de ligue dissoute".
    Le 11 mars 1937, les anciens dirigeants de l'Etoile Nord-Africaine dissoute avaient créé, à Nanterre (Paris), le Parti du Peuple Algérien (PPA), toujours sous la présidence de Messali Hadj. Ce parti reprenait, pour l'essentiel, leur ancien programme, sans mentionner expressément la revendication de l'indépendance de l'Algérie pour éviter une nouvelle dissolution. Néanmoins, malgré cette précaution, le PPA subit le même sort: il fut dissous le 26 septembre 1939 et 28 de ses dirigeants furent arrêtés..
    Pendant toute la durée de la seconde guerre mondiale, Messali Hadj étant en prison, le PPA dut poursuivre ses activités dans la clandestinité sous la direction du Dr. Lamine Debaghine, puis finit par s'unir avec le Mouvement des Oulémas et le courant de Ferhat Abbas dont les positions avaient évolué, au sein des "Amis du Manifeste et de la Liberté" (AML).
    Après la fin de la guerre, alors qu'en France on fêtait la défaite et la reddition de l'Allemagne nazie, les algériens qui avaient contribué grandement à la victoire par le sang versé et les souffrances endurées, avaient cru que la proclamation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes affichée par les alliés et le vent de liberté qui soufflait à travers le monde, allaient enfin leur apporter la libération du joug colonial.
    Le 1er mai à Alger et le 8 mai 1945 à Sétif et dans d'autres villes, pensant participer à cette victoire, les AML dominés par les nationalistes, avaient organisé de grandes marches populaires en arborant le drapeau algérien.
    Réprimées par les milices civiles de colons, l'armée coloniale et les services de police dirigés par le tristement célèbre Préfet de Constantine, Maurice Papon, que l'on retrouvera plus tard à la tête de la Préfecture de Police de Paris lors des massacres des manifestations pacifiques du 17 octobre 1961, ces marches furent sauvagement réprimées. Elles furent suivies pendant une longue période de massacres collectifs de plusieurs milliers d'Algériens, notamment à Sétif, Guelma et Kherrata (certains parlent de 45 000 morts) ainsi qu'à des arrestations massives dans les milieux nationalistes.
    En 1946, pour participer aux élections organisées au lendemain de la guerre, le PPA clandestin avait créé un parti légal sous la dénomination de "Mouvement pour le Triomphe des Libertés Democratiques (MTLD). Ce parti fut lui aussi dissous par les autorités coloniales le 5 novembre 1954, cinq jours après le déclenchement de la lutte armée.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Lors de son congrès du 15 février 1947, sous la pression des militants qui ne croyaient plus à l'efficacité de la lutte pacifique surtout après les massacres du 8 mai 1945, la dure répression qui continuait à frapper les activistes du Parti et les manipulations des élections par l'administration coloniale, le PPA clandestin avait créé en son sein une organisation ultra-secrète dénommée "Organisation Spéciale" (OS), chargée de préparer la lutte armée. Cette organisation fut dirigée successivement par Mohamed Belouizdad, puis, au décès de celui-ci, par Hocine Ait Ahmed, et en dernier lieu, par Ahmed Ben Bella, après la mise à l'écart d'Ait Ahmed pour suspicion de soutien aux "berberistes" en 1949.
    Dans la même année 1947, pour contrecarrer la montée des idées indépendantistes au sein des populations, le Gouvernement français du socialiste Paul Ramadier avait décidé d'octroyer un nouveau statut à l'Algérie.
    Ce statut considérait l'Algérie comme un groupe de trois départements français doté de la personnalité morale et de l'automne financière. Il prévoyait notamment:
    a) la suppression du "régime de l'indigénat", des communes mixtes dirigées par des administrateurs nommés par le Gouverneur Général et du régime des caïds remplacé par des centres municipaux;
    b) la gouvernance de l'Algérie restait confiée à un Gouverneur Général nommé par le Gouvernement français;
    c) l'instauration des deux collèges électoraux séparés suivants:
    - le 1er collège constitué d'électrices et d'électeurs européens au nombre d'environ 470 000 (femmes et hommes) auxquels s'ajoutait une petite minorité d'environ 58 000 électeurs indigènes (hommes seulement) remplissant certains critères dont la naturalisation par la renonciation au statut musulman,
    - le 2ème collège, composé des "musulmans non citoyens", uniquement de sexe masculin, au nombre de 1 400 000;
    d) l'institution d'une Assemblée Algérienne chargée d'une part, du vote du budget et de l'autorisation des emprunts publics, d'autre part, de se prononcer sur l'application en Algérie des lois adoptées par le Parlement français. Cette Assemblée était composée de 120 membres se répartissant comme suit: 60 délégués du 1er collège et 60 délégués du 2ème collège. Les délégués étaient élus pour une période de 6 ans, renouvelables par moitié tous les 3 ans. La présidence et la vice-présidence de l'Assemblée revenaient alternativement à un élu de l'un ou l'autre des deux collèges, tous les trois ans.
    Ce nouveau statut n'était accepté par aucune des parties en présence et ses rares avancées étaient systématiquement sabotées par l'Administration aux mains des tenants du statut quo.
    Alors que les partis européens estimaient qu'il accordait trop de droits aux "indigènes" et contestaient la présence de ces derniers au sein du 1er collège, le PPA/MTLD le jugeait nettement insuffisant du fait qu'il instituait, non l'assemblée constituante élue au suffrage universel qu'il revendiquait, mais un système ségrégationniste injuste.
    Le 11 avril 1948, eurent lieu les premières élections des délégués à l'Assemblée Algérienne dans le cadre du nouveau statut. Elles furent organisées par le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, nommé Gouverneur Général de l'Algérie deux mois auparavant, le 11 février 1948.
    Pour éviter que ces élections ne soient remportées triomphalement, tout au moins dans le 2ème collège, par les partis nationalistes alors très populaires au sein des masses algériennes, l'administration coloniale avait suscité et soutenu, dans le ce collège, des candidats administratifs "béni-oui-oui" et,eut cours à des manœuvres et manipulations de toutes sortes: intimidations, chantage, arrestations des candidats et des élus nationalistes, bourrage des urnes, fraudes diverses, etc...
    Tous les recours en annulation déposés par les victimes du truquage auprès du Conseil d'État furent rejetés en bloc.
    Depuis, lorsqu'on parle d'élections truquées, on les désigne sous le qualificatif "d'élections à la Naegelen".
    Finalement, sur les 60 postes à pourvoir dans le 2ème collège, seuls 8 candidats du PPA/MTLD et 9 candidats de l'UDMA de Ferhat Abbas avaient été déclarés élus, la grande majorité des postes à pourvoir furent attribués par l'Administration à ses candidats " béni-oui-oui".
    En 1949, éclatait au sein du PPA/MTLD, ce qu'on avait appelé "le complot" ou "la crise berbériste".
    En fait, il s'agissait d'un courant interne qui avait contesté l'orientation idéologique arabo-islamique très prononcée que Messali Hadj qui, quoique ayant été jadis permanent du PCF, avait imprimée au Parti, après qu'il fut tombé sous l'influence du druze libanais, Chakib Arslan au cours d'un long séjour auprès de lui à Genève, en Suisse.
    Ce courant, né dans le milieu des militants lycéens nationalistes à Alger, préconisait une "Algérie algérienne" et avait été soutenu par les responsables du district de Kabylie du PPA/MTLD et de l'OS (Bennaï Ouali et Amar Ould Hamouda) et s'était étendu à la Fédération de France du Parti, après le déplacement à Paris de Rachid Ali Yahia (encore vivant de nos jours).
    La Direction du PPA/MTLD avait de suite crié au complot ourdi contre le Parti et avait chargé Krim Belkacem et Ouamrane Amar, pour la Kabylie et Radjef Belkacem, membre de la Direction, pour la France, aux fins de mener des purges sévères en dénonçant et excluant systématiquement du Parti tous les éléments jugés "suspects".
    Ainsi, le Parti avait perdu un grand nombre de cadres valeureux et de militants aguerris. Certains d'entre eux dont Bennaï Ouali, Ould Hamouda Amar, cousin du futur Colonel Amirouche, Embarek Ait Menguellat, tous anciens dirigeants du PPA/MTLD et de l'OS en Kabylie, seront jugés, condamnés et exécutés par leurs anciens subordonnés, en 1956 et1957, après le déclenchement de la lutte armée.
    Hocine Aït Ahmed, membre de la Direction et Responsable national de l'OS, ayant été mis en demeure de dénoncer les "comploteurs", n'avait pas voulu se prononcer sur le sujet, ce qui l'avait rendu suspect aux yeux des autres membres de la Direction et avait entraîné sa mise à l'écart de la Direction du Parti et son remplacement à la tête de l'OS par Ahmed Ben Bella.
    En 1950, l'OS était dévoilée et démantelée par les services de police. Sa direction et une grande partie de ses militants furent arrêtés, traduits devant les tribunaux et condamnés à de lourdes peines de prison. On saura plus tard que, lors de son arrestation, le dirigeant national de l'OS, Ahmed Ben Bella, avait donné à la police coloniale toutes les structures et les noms de tous les responsables de cette organisation.
    Au cours de la session du Comité Central du PPA/MTLD de mars 1950, Messali Hadj, sûr de son charisme et de son autorité incontestable, avait fait déposer une motion par laquelle il demandait la présidence à vie du Parti et le droit de veto sur toutes les décisions du Parti. La motion, n'ayant pas recueilli le nombre de voix requis, avait été rejetée.
    Cette initiative malheureuse fut le point de départ d'une nouvelle crise qui allait mener le Parti à sa disparition en 1954.
    Le 14 mai 1952, Messali Hadj était arrêté à Orléansville après un meeting et déporté en France, à Niort (France).
    Tout au long de l'année 1953 jusqu'au printemps de l'année 1954, le fossé n'avait pas cessé de se creuser entre, d'une part, Messali Hadj, toujours en résidence surveillée, et ses partisans au sein du Bureau Politique, d'autre part, le Comité Central qui lui reprochait d'entretenir le culte de sa personnalité, son pouvoir personnel excessif et sa mégalomanie. Peu à peu, les querelles avaient atteint la base et le Parti s'était trouvé éclaté deux tendances: les messalistes et les centralistes.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      Le 23 mars 1954, un groupe d'anciens responsables régionaux de l'OS qui avaient échappé aux arrestations massives de 1950 (Mostefa Benboulaïd, Mohamed Boudiaf, Didouche Mourad), se disant "neutralistes", avait constitué, en liaison avec le Comité central, le Comité Révolutionnaire pour l'Unité et l'Action (CRUA) en vue de tenter de réconcilier les deux tendances opposées en engageant le Parti dans l'action armée.
      La rupture fut définitivement consommée lorsque les partisans de Messali Hadj tinrent un congrès du Parti du 13 au 15 juillet 1954 à Hornu en Belgique sans la participation du Comité Central et lorsque celui-ci organisa, de son côté, un autre congrès du Parti du 13 au 16 août 1954 à Alger qui avait adopté l'exclusion du Parti de Messali Hadj.

      C'était le groupe du CRUA (remanié), déçu par son échec à réunifier le Parti, qui, pour dépasser la crise ouverte, avait décidé de convoquer les anciens cadres de l'OS en liberté (en grande partie de la Région de l'Est, car ce sont surtout ceux-là que Mohamed Boudiaf, ancien responsable de l'OS pour la Région, connaisait) à la réunion dite des "22" au Clos-Salembier (EL Madania).
      Au cours de cette réunion historique présidée par Mostefa Benboulaïd, le plus âgé et respecté de tous, il avait été décidé:
      1- le principe du passage à la lutte armée pour libérer le pays, adopté au vote à l'unanimité des membres présents.
      Cependant, un groupe minoritaire de quatre membres présents, dit "Groupe de Constantine" avait émis des réserves sur le passage immédiat à la lutte armée, estimant nécessaire une préparation adéquate préalable.
      2 - la désignation d'un coordinateur au vote secret dont le dépouillement était confié au seul président de séance qui seul donc pourrait connaître le nom de l'élu, à charge pour celui-ci de désigner ses collaborateurs immédiats.
      Le choix s'était porté sur Mohamed Boudiaf qui, à son tour, s'était associé Mostefa Benboulaïd, Didouche Mourad, Larbi Ben M'hidi et Rabah Bitat.
      Les cinq réunis, avaient estimé qu'aucune lutte armée n'avait de chance de succès si l'on n'associait pas la Kabylie où il y avait déjà des maquis nationalistes clandestins organisés depuis 1947, sous l'autorité de Krim Belkacem et de son adjoint, Amar Ouamrane dit "Bouqerou", tous deux dirigeants du PPA/MTLD en Kabylie.
      Les cinq avaient pris contact avec Krim Belkacem pour l'inciter à les rejoindre. Ce dernier, naturellement partisan de la lutte armée dans laquelle il était déjà engagés depuis si longtemps, mais néanmoins réputé pour sa proximité avec Messali Hadj, avait pris la précaution d'envoyer des émissaires au leader charismatique pour le sonder sur ses positions et ses intentions sur la question.
      Déçu par les réponses recueillies par ses émissaires, Krim Belkacem avait rejoint les cinq et c'est ainsi que s'était constitué le groupe des premiers "six chefs historiques".
      Réunis, ces six chefs avaient estimé que, pour réussir, il était nécessaire d'avoir des soutiens à l'extérieur du pays pour obtenir des armes et des appuis politiques et diplomatiques. Il avaient donc décidé d'associer à leur projet les trois délégués du PPA/MTLD (Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella), exilés au Caire et intégrés dans le Bureau du Maghreb de Abdekrim El Khatabi.
      Ainsi, le nombre des chefs historiques à l'origine du déclenchement de la lutte armée était passé de six à neuf.
      C'était le groupe des six premiers chefs historiques qui, après avoir mis au point la déclaration du 1er novembre 1954, avait annoncé la création des FLN/ALN et fixé, au cours de leur dernière réunion le 23 octobre 1954 à Saint-Eugène (Bologhine), la date du déclenchement pour la nuit de la Toussaint du 31 octobre au 1er novembre.
      Ils avaient découpé le pays en cinq zones, chacun d'eux prenant la tête de l'une de ces zones,la tâche de coordination étant confiée à Mohamed Boudiaf et s'étaient séparés en se promettant de se rencontrer à nouveau trois mois après.
      Alors que les centralistes n'avaient pas tardé à rejoindre le nouveau mouvement, Messali Hadj, ainsi débordé par les jeunes militants qui s'étaient initiés et formés au patriotisme dans son parti, ne voulut pas faire de même et créa, avec ses partisans, en décembre 1954, un nouveau parti, le Mouvement National Algérien (MNA) dont il avait pris la tête.
      Le MNA avait longtemps tenté de faire croire qu'il était à l'origine du déclenchement de la lutte armée et avait même organisé, au debut, des maquis parallèles. Son hostilité à l'égard du FLN l'avait conduit à des luttes fratricides qui avaient fait des milliers de morts et de blessés tant en France qu'en Algérie et son influence allant en s'amenuisant, il avait fini, dans la collaboration avec les forces de la répression .

      En France, tout le monde avait entendu parler, à travers la presse écrite et la radio des premières actions de guerre en Algérie qui avaient généralement été accueillies avec enthousiasme dans les milieux des émigrés algériens. Beaucoup de ces émigrés souhaitaient apporter concrètement un soutien au combat qui venait d'être engagé au moins sur le plan financier, mais, la situation était confuse et beaucoup de questions restaient sans réponses: qui avait lancé la lutte armée ? Le PPA/MTLD en proie à ses divisions? Une des tendances de ce parti? Si oui, laquelle? Si ce n'était pas le PPA/MTLD, qui d'autre? Les militants favorables aux thèses messalistes, de loin les plus nombreux et les plus actifs en France, soutenaient que, bien sûr, c'était Messali Hadj qui avait donné l'ordre du déclenchement.
      Dès le début de l'année 1954, les travailleurs algériens émigrés s'étaient organisés spontanément par village d'origine pour collecter des cotisations et des dons. Ils avaient établis des contacts secrets avec les maquis en Algerie et mis en place des réseaux clandestins d'acheminement des fonds récoltés.
      Les nouveaux dirigeants du FLN s'étaient vite soucié de contrer cette propagande trompeuse et s'était attaché à sensibiliser et à mobiliser la communauté algérienne émigrée pour la soustraire à la forte influence messaliste et, considérant l'émigration algérienne comme une source sûre de revenus financiers dont avait besoin la lutte armée, chacun d'eux voulait s'attribuer le contrôle de cette émigration au nom du FLN en plaçant un homme de confiance à la tête de la future fédération:
      - Mohamed Boudiaf, ancien responsable de la Fédération de France du PPA/MTLD qui venait d'être désigné comme coordinateur du FLN par les cinq autres premiers chefs historiques, avait désigné Mourad Terbouche,
      - Krim Belkacem, un des six premiers chefs historiques, désigné à la tête de la Zone III (Kabylie), avait envoyé un représentant des maquisards, Saïd Mouzarine,
      - Ahmed Ben Bella, un des neuf chefs historiques, réfugié au Caire depuis son évasion de la prison de Blida, avait mandaté son fidèle compagnon, Ali Mahsas.
      Ceci avait contribué à ajouter de la confusion à la confusion.
      Peu à peu, le travail de sensibilisation et de clarification mené inlassablement par les premiers cadres et militants du FLN avait porté ses fruits et fini par supplanter très largement la propagande du MNA de Messali Hadj. Le nouveau mouvement s'était largement et solidement implanté au sein de la communauté émigrée, surtout après l'opération dite de "quadrillage" de la fin 1957 au cours de laquelle chaque travailleur émigré avait été contacté par les militants de l'Organisation et placé devant ses responsabilités quant à l'aide qu'il pouvait apporter au combat libérateur.
      Entre 1954 et 1957, plusieurs Comités Fédéraux successifs avaient été décapités par les arrestations fréquentes de leurs membres.
      Après sa désignation à la tête de la Fédération par le CCE en juin 1957, Omar Boudaoud avait mis en place un nouveau Comité Fédéral composé des cinq membres suivants:
      - lui-même, chargé de la coordination, des liaisons avec les instances supérieures (CCE, GPRA), de la logistique, des réseaux de soutien et des contacts politiques,
      - Amar Ladlani dit "Salah", dit "Kadour", dit "Pedro", chargé de l'Organisation (Nidham),
      - Rabah Bouaziz dit "Saïd", envoyé d'Algérie par le Colonel Sadek, chef de la Wilaya IV , pour porter la guerre en France, chargé de l'Organisation Spéciale (OS),
      - Ali Haroun dit "Alain", chargé de la presse-information, des DPI, du Collectif des Avocats, des détentions et de la formation des cadres,
      - Abdelkrim Souici, chargé de la Région Suisse, des finances, de l'AGTA (syndicat des travailleurs), des intellectuels et des sections universitaires (étudiants).
      Le FLN avait finalement mis fin à la collecte des cotisations par village d'origine et la Fédération s'était organisée sur une base territoriale, en fonction de la densité de la population des travailleurs algériens émigrés. Le territoire français avait été divisé successivement en 3 zones jusqu'en 1957, 4 wilayas en 1958, 6 wilayas en 1959 et jusqu'à 7 wilayas en 1961.
      Son organigramme, de forme pyramidale, reposait sur les hiérarchies parallèles et le cloisonnement. Sur le plan organique, les différents échelons de la pyramide étaient les suivants: cellule, fraction, groupe, section, kasma, secteur, district, région, zone, amala (ou super-zone), wilaya.
      Les réunions, à chaque échelon, se tenaient toutes les semaines.
      Trois rapports devaient être fournis, chaque mois, à l'échelon supérieur : un rapport organique sur les effectifs, un rapport financier et un rapport politique.
      Les responsables, à partir du chef de région et au-dessus (dans certains cas, à partir du chef de district), étaient employés à plein temps et rémunérés par l'Organisation au même salaire de 60 000 anciens francs par mois, quel que soit l'échelon. On les désignait sous le terme de "permanents".
      A la base, il y avait les cellules de militants, les cellules d'adhérents et les cellules de sympathisants, composées chacune de 2 à 3 éléments et d'un chef et chaque membre d'une cellule ne connaissait que les autres membres de sa cellule, mais pas les éléments des autres cellules. Les chefs de cellules se réunissaient avec un chef et formaient ainsi une fraction. Les chefs de fractions se réunissaient avec un chef et formaient ainsi un groupe et ainsi de suite jusqu'au sommet de la pyramide.
      A cette organisation, étaient rattachés, à différents niveaux:
      - les Comités de Secours aux détenus (CSD), chargés d'apporter des aides aux détenus et à leurs familles,
      - les Commissions de Justice, chargées du règlement des litiges entre les travailleurs algériens émigrés,
      - les Commissions d'hygiène chargées d'une part, de veiller à la tenue vestimentaire correcte des travailleurs algériens dans les lieux publics, d'autre part, de contrôler les conditions et les tarifs appliqués par les restaurants que ces derniers fréquentaient et les hôtels qui les hébergeaient,
      - les groupes armés (GA), relevant au début du Chef de région, puis du Chef de wilaya, chargés de la protection de l'Organisation, de la riposte aux attaques messalistes et de l'exécution des traîtres, des collaborateurs et des agents les plus acharnés des services ennemis.
      Outre l'Organisation, véritable colonne vertébrale de la Fédération placée sous la responsabilité de "Kaddour" Ladlani, assisté plus tard par des contrôleurs, il existaient d'autres structures telles que:
      - l'Organisation Spéciale, avec une branche "Renseignements" et une branche "Action", rattachée directement à Rabah Bouaziz,
      - les Délégués Politiques et à l'information (DPI) et le Collectif des Avocats, rattachés directement à Ali Haroun,
      - l'AGTA, branche de l'UGTA en France, et les intellectuels et les Sections Universitaires (étudiants) rattachées directement à Abdekrim Souici,
      - les réseaux de soutien, rattachés directement à "Omar" Boudaoud.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        En août 1958, dans le but d'obliger l'ennemi à disperser ses forces et de soulager ainsi les maquis en Algérie de la pression des grandes opérations menées par l'armée française et après avoir fait donner une formation adéquate, au Maroc, à ses commandos de l'OS, la Fédération du FLN en France avait ouvert un second front en s'attaquant à des objectifs stratégiques et économiques sur le territoire francais, portant ainsi la guerre sur le sol même de l'ennemi, ce qui était unique dans les annales des guerres de libération nationale.
        Contrairement aux mensonges des milieux colonialistes, la Fédération du FLN en France n'avait jamais eu recours au terrorisme aveugle, ceci non seulement par principe, mais également dans le souci de préserver la sensibilité des tranches du peuple français favorables à sa cause et qui, parfois, lui apportaient leur soutien actif.
        Pour illustrer cela, il suffit de citer un exemple parmi d'autres, celui de l'exécution du traître Ali Chekkal au Stade de Colombes par le fidaï Mohamed Bensadok âgé, à l'époque, de 26 ans et qui est encore vivant aujourd'hui.
        Ali Chekkal était avocat, bâtonnier du barreau de Mascara et ancien vice-président de l'Assemblée algérienne. Il consacrait toutes ses activités à condamner le FLN, exprimer son attachement à la France et défendre la cause de l'Algérie française. Il affirmait à tout bout de champ qu'en Algérie, il ne connaissait qu'un seul drapeau, le drapeau français. Sa haine du FLN l'avait conduit à faire partie de la délégation française à l'ONU à New-York pour soutenir et défendre les thèses colonialistes. Condamné à mort comme traître par le FLN, il bénéficiait de mesures spéciales de protection policière au point que son chauffeur était un inspecteur de police et que, même pendant son sommeil, il était protégé par un autre inspecteur logé dans une chambre voisine de la sienne.
        Le 26 mai 1957, il était à tribune officielle au Stade de Colombes, au côté de René Coty, Président de la République Française et d'autres personnalités pour assister à la finale de la coupe de France de football. A la fin du mach, Mohamed Sadok s'était difficilement frayé un passage au milieu des spectateurs et des services de sécurité et, arrivé près de lui, l'avait abattu d'une seule balle.
        Il s'agissait là de l'exécution d'un traitre. L'affaire avait fait grand bruit et démontré que si le FLN avait voulu viser le Président de la République française, il était à la portée de ses balles.
        En matière de finances, la Fédération du FLN en France contribuait au budget global du GPRA à concurrence de 80%, dispensant cet organe dirigeant de quémander des aides auprès des États "frères" et préservant ainsi sa liberté d'action.
        En raison de l'importance de cette contribution et des différents apports dans d'autres domaines, le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA), instance suprême de la Révolution, avait décidé, lors de sa session de décembre 1959 / janvier 1960, de donner à la Fédération du FLN en France le même statut que les wilayas de l'intérieur du pays et le même nombre de représentants en son sein. Ainsi, à partir de cette date, les membres du Comité Fédéral s'étaient retrouvés tous les cinq membres du CNRA.

        Au moment du déclenchement de la lutte armée en Algérie, je travaillais à Air-France-Orly depuis 1953 et j'étais délégué du personnel du Syndicat CGT. Par la suite, pensant avoir été repéré par la police sur mon lieu de travail pour mes activités clandestines, j'avais abandonné mon poste pour entrer dans la clandestinité totale, quoique j'avais repris, de temps en temps, un travail de courte durée pour avoir des justicatifs de fiches de paie, en cas d'interpellation, notamment chez BULL (entreprise d'informatique) ou même au Ministère des Affaires étrangères (Office des étudiants d'outre-mer). J'habitais au début Rue de l'Eglise dans le XVème arrondissement de Paris dans un foyer où j'occupais la chambre n°14 que le futur colonel Amirouche, militant actif du PPA/MTLD, venait de libérer pour se rendre discrètement en Algérie en vue de prendre le maquis.
        Amirouche travaillait dans une usine et possédait dans sa chambre une vieille machine à coudre de marque "Singer" qu'il utilisait pour retoucher ou rapiécer les vêtements des locataires du foyer. Régulièrement, il distribuait clandestinement le périodique "l'Algérie Libre", organe du PPA/MTLD et se faisait souvent housiller et menacer d'exclusion du foyer et dénonciation à la police par le Directeur du foyer.
        Aucun d'entre ses colocataires ne pensait que cet homme modeste et peu loquace allait devenir le Chef de la Wilaya 3 et le cauchemar de la quatrième puissance militaire mondiale soutenue par toute la puissance de l'OTAN.

        J'avais adhéré au FLN au printemps 1955, quelques mois après le déclenchement de la guerre de libération nationale. Je versais chaque mois ma cotisation et avais activé à différents échelons de l'Organisation. En 1956, je fus atteint d'une maladie grave, la tuberculose.
        J'étais hospitalisé pendant deux mois à l'hôpital Boucicaut, puis, je fus envoyé dans un sanatorium dans le Jura réservé aux personnes travaillant dans l'aviation, où j'avais subi une opération chirurgicale (ablation de près de la moitié d'un poumon) et où j'avais été soigné jusqu'en 1958.
        Pendant mon séjour au sanatorium, j'avais beaucoup lu et repris mes cours de droit en m'inscrivant aux cours par correspondance de l'Université de Besançon, la plus proche du sanatorium. J'avais aussi continué à verser ma cotisation mensuelle au FLN du fait que le statut du personnel d'Air-France me permettait de continuer à bénéficier de mon salaire pendant toute la durée de ma maladie.
        C'était pendant cette période que j'avais appris le décès de mon père recueilli chez lui par un parent très éloigné, notre maison, située à l'écart du village, étant interdite d'habitation par l'armée française, omniprésente dans tous les villages de Kabylie entourés de grillage et de fils de fer barbelés pour les "protéger des fellagas".
        A ma sortie du sanatorium, j'avais séjourné pendant six mois dans une maison de convalescence réservée aux etudiants située à Sceaux et dont l'accès m'était rendu possible par mon inscription à l'Université de Besançon.
        Je n'avais pas attendu la fin de ma convalescence pour reprendre mes activités clandestines au sein du FLN en assumant successivement la responsabilité des Comités de Secours aux Détenus (CSD) au niveau de la Wilaya 1 (Paris), sous le pseudonyme de "Malek" et la responsabilité de Délégué Politique et à l'Information (DPI), toujours au niveau de la Wilaya 1, sous le pseudonyme de "Xavier", de responsable du collectif des avocats du FLN, sous le même pseudonyme de " Xavier".
        En décembre 1959, je m'étais marié religieusement avec une de mes agents de liaison avec laquelle j'allais passer les 37 années suivantes de ma vie jusqu'à ce que la mort nous sépara.
        J'habitais, à cette époque, dans une chambre avec un coin cuisine, à Fresnes, non loin de la célèbre prison. La cérémonie du mariage (fat'ha), réduite au strict minimum en raison des circonstances, s'était déroulée dans le petit appartement qu'habitaient mes futurs beaux-parents à Barbès dans le XVIIIème arrondissement de Paris avec leurs cinq enfants. Comme invités et témoins du mariage, il y avait:
        - de mon côté: mon frère, deux cousins émigrés, un autre DPI et un étudiant tunisien avec qui je m'étais lié d'amitié durant la période de ma convalescence à Sceaux,
        - du côté de ma future belle-famille: les deux parents, les enfants, un oncle et trois cousins ou proches.
        La table était mise lorsque le cheikh chargé de célébrer la cérémonie, désigné par la commission de justice locale de l'Organisation et que nous ne connaissions pas, était arrivé.
        Ayant remarqué sur table des grandes bouteilles de bière "Vastar" au milieu des bouteilles de limonade et de jus de fruits, le cheikh manifesta son mécontentement et déclara que la présence sur la table de ces bouteilles était contraire aux principes de l'Islam. Pour le calmer et lui faire plaisir, nous dûmes les retirer et les soustraire à sa vue.
        Au moment de la cérémonie, avant de prononcer la fat'ha, il avait exposé les conditions nécessaires pour que le mariage soit religieusement licite: il fallait notamment que j'énonce mes nom et prénom ainsi que les noms et prénoms de mes parents et que le père de la fiancée énonce les nom et prénom de sa fille ainsi que les noms et prénoms des parents de celle-ci.
        Après mon refus de révéler ma véritable identité devant tout le monde, en application des règles de clandestinité édictées par le FLN, toute l'assistance avait approuvé ma position.
        Devant cette unanimité, le Cheikh dût terminer hâtivement la cérémonie et quitta rapidement les lieux, sans finir son verre de jus de fruit ni accepter de partager le repas de mariage.
        Quant au mariage civil à la Mairie, nous étions d'accord ma épouse et moi de n'y avoir recours que plus tard, en cas de nécessité, conformément aux directives du FLN de ne faire appel aux services de l'administration française que quand on ne pouvait pas faire autrement.
        Ce sera le cas quelques mois plus tard, quand mon épouse tomba enceinte de notre premier enfant.

        En tant que responsable des CSD (Code CSDW1), sous l'autorité du Contrôleur de wilayas, j'étais chargé de superviser et de coordonner les activités des responsables des comités de secours aux détenus des super-zones (ou amalas).
        Les missions des Comités de Secours aux Détenus consistaient, avec le concours des structures organiques, à :
        - recenser, de la façon la plus exhaustive possible, tous les militants du FLN ayant fait l'objet d'une mesure d' emprisonnement et déterminer les adresses postales de leurs lieux de détention,
        - trouver à chacun de ces détenus un correspondant, si possible un parent, si non, un autre militant qui se faisait passer pour tel,
        - adresser, chaque mois, au militant détenu, un mandat-carte de 5 000 anciens francs, quelle que soit le poste de responsabilité occupé avant l'arrestation,
        - rechercher et trouver les familles des militants détenus vivant en France et leur attribuer des aides financières selon un barème fixé par le Comité Fédéral.
        J
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          Je n'avais assumé cette responsabilité que pendant quelques mois.
          En tant que DPI de la Wilaya 1 (Code DPIW1), sous l'autorité de Ali Haroun, membre du Comité Fédéral, j'étais chargé :
          a) de recevoir, dans des boîtes à lettres au noms d'amis européens, sous double enveloppe, le courrier que m'adressait de l'étranger le Comité Fédéral: directives, déclarations, communiqués, mises au point, brochures, bulletins, tracts, bilans des opérations militaires en Algérie édités par l'Etat-Major Général, le journal El Moudjahid, l'Ouvrier Algérien (organe de l'UGTA),
          b) de faire reproduire les documents reçus par un groupe de soutien de trotskistes tendance "Pablo" (Quatrième Internationale), car il existait un autre mouvement trotskiste dit de tendance "Lambert" qui soutenait les messalistes du MNA. ("Pablo", de son vrai nom, Michel Raptis, anarchiste d'origine grecque, sera conseiller technique de Ben Bella après l'indépendance et inspirera les décrets sur l'auto-gestion),
          c) d'assurer la diffusion des documents reproduits, selon le cas:
          - au sein de l'Organisation, par l'intermédiaire du Chef de Wilaya, pour l'information et la formation des cadres, des militants, des adhérents et des sympathisants,
          - par la poste,aux organes de presse (agences de presse, journaux, revues et périodiques divers),
          - par la poste, aux intellectuels, aux artistes, aux parlementaires et personnalités politiques diverses,
          d) de lire la presse, de suivre tous les événements concernant la lutte en cours et d'en adresser mensuellement la synthèse au Comité Fédéral,
          e) En cas d'urgence, de répondre, au nom du FLN, à toute attaque ou diffusion de fausses informations dans la presse, et d'en informer le Comité Fédéral,
          f) de faire parvenir, chaque mois, au Comité Fédéral, un rapport politique établi, selon un canevas prédéterminé, sur la base:
          - de la synthèse des rapports politiques mensuels des chefs de amalas que me transmettait le chef de wilaya,
          - des rapports politiques mensuels fournis par les délégués du DPI au niveau des amalas et des zones, en contact direct avec la base militante.
          g) d'assister périodiquement à des réunions de coordination hors de France, avec les DPI des autres wilayas, sous la présidence d'Ali Haroun et parfois en présence de Omar Boudaoud et de Belkacem Benyahia, de la Commission Centrale de Presse et Information.

          Jusqu'en 1957, les membres du Comité Fédéral exerçaient leurs activités clandestines sur le territoire français et de ce fait, le Comité était périodiquement décapité ou diminué par les nombreuses arrestations de ses membres.
          Certes, les responsables arrêtés étaient assez rapidement remplacés, mais cela provoquait tout de même des perturbations dans le fonctionnement normal de l'Organisation.
          Aussi, pour remédier à cette situation, en 1958, après la désignation de Omar Boudaoud, le Comité Fédéral avait décidé de s'installer hors de France, en ancienne République Fédérale Allemande, avec comme siège la ville de Cologne. Certains de ses membres, notamment "Kaddour" Ladlani et "Saïd" Bouaziz, avaient continué à entrer de temps en temps en France, en fonction des nécessités de l'Organisation.
          Pour permettre la continuation de la tenue, en Allemagne ou en Belgique, des réunions de coordination de ses membres avec leurs subordonnés directs demeurés en France, le Comité Fédéral avait mis en place des réseaux de soutien formés d'Européens afin d'assurer notamment, les déplacements sécurisés des cadres et le passage clandestin des frontières, hors des points de contrôle, grâce à des passeurs connaissant bien la région..
          Au cours d'un voyage de ce genre, trois autres DPI et moi-même ,venus de villes différentes de France, avions été arrêtés en pleine rue à Bruxelles par la Sûreté nationale belge, au début du mois de janvier 1961.
          Nous habitions alors, mon épouse et moi, dans l'ancien appartement de mes beaux-parents à Barbès, eux-mêmes ayant déménagé dans un autre appartement à Sceaux. Mon épouse venait d'accoucher de notre premier enfant deux jours auparavant et, à mon départ de Paris, elle se trouvait encore à l'hôpital Lariboisière dans le Xème arrondissement de Paris.
          Alain (Ali Haroun) avait convoqué les DPI des wilayas de France auxquels il avait fixé rendez-vous sur un quai de la Gare Centrale de Bruxelles en vue d'une réunion régulière de coordination.
          Nous nous étions donc retrouvés à quatre avec Alain ,au lieu convenu. Celui-ci nous avait quittés après nous avoir fixé un nouveau rendez-vous pour le soir même dans le lieu de la réunion qu'il nous avait indiqué.
          Nous étions à peine sortis ensemble de la gare que des grosses voitures banalisées s'étaient brusquement arrêtées en file le long du trottoir à notre hateur. Des policiers en civil en sortirent et nous avaient menottés et embarqués. Nous nous étions retrouvés séparés les uns des autres dans un lieu que nous ignorions totalement.
          Les interrogatoires séparés avaient duré 38 heures avec quelques interruptions et porté essentiellement sur les motifs de notre présence à Bruxelles. A la fin, on nous avait rassemblés, menottés et encadrés, chacun par deux policiers en civil, raccompagnés par train jusqu'à la frontière française où nous fûmes débarrassés des menottes et relâchés.
          Après nous être assurés que nous n'étions pas attendus par la police française, nous avions eu des échanges sur les interrogatoires subis, puis nous nous étions séparés, chacun de nous prenant le train en direction de la ville d'où il était venu.
          Pendant le trajet en direction de Paris, j'avais changé plusieurs fois de wagon pour m' assurer que je ne faisait l'objet d'aucune filature policière. Je n'avais rien noté d'insolite dans le train, comme à la gare du Nord, à mon arrivée.
          Sorti de la gare, j'avais décidé de rendre visite à mon épouse et à notre nouveau-né à l'Hôpital Lariboisière proche, avant de rentrer chez nous pour faire ma toilette et dormir un peu pour récupérer.
          Toujours par précaution et pour déjouer toute éventuelle filature, je ne m'y étais pas rendu directement. J'avais fait plusieurs détours dans des petites rues désertes en surveillant mes arrières, puis j'était entré dans un petit bureau de tabac où il n'y avait que deux clients entrain de bavarder au comptoir en sirotant leurs verres de vin rouge.
          J'avais commandé une boisson et m'étais installé, pour un bon bout de temps, au jeu de flipper. La vue donnait bien sur la ruelle que je venais d'emprunter.
          La ruelle était toujours déserte, sauf qu'à un moment, un homme élancé et chauve, d'âge moyen, était entré, avait acheté un paquet de cigarettes et était immédiatement ressorti pour continuer à remonter la ruelle en pente.
          Je l'avais bien observé, il n'avait même pas tourné ses regards vers moi et, à mes yeux, il ne présentait rien de suspect et aucun danger pour moi.
          J'avais quitté le bureau de tabac, étais entré à l'hôpital, non par l'entrée principale très fréquentée, mais par la petite porte située à l'arrière des bâtiments et pus ainsi rendre visite à mon épouse et à mon enfant.
          Après cette affaire de Bruxelles que Ali Haroun a rapporté dans les pages 123 à 125 de son livre "La 7ème Wilaya - la guerre du FLN en France 1954-1962", le Comité Fédéral avait changé mon affectation en me désignant comme responsable du Collectif des Avocats du FLN, en remplacement de Aboubaker Belkaïd qui venait d'être arrêté à la frontière.
          Le Collectif des Avocats que j'étais chargé de coordonner à partir de février 1961, avait notamment pour mission d'assurer d'une part, la défense des militants du FLN inculpés devant les tribunaux en France et en Algérie, d'autre part, la liaison entre le Comité Fédéral et les Comités de Détention dans les prisons et les camps.
          A l'époque, il était constitué de près d'une centaine d'avocats algériens et étrangers (français et belges qui avaient accepté d'assurer la défense des militants suivant les principes de défense définis par le Comité Fédéral) et placé sous la responsabilité d'un Comité composé d'un coordinateur et de quatre membres avocats: Maitres Abdessamed Benabdallah, Mourad Oussedik, Jacques Vergès et Amokrane Ould Aoudia (assassiné dans son cabinet). Il était structuré en un Bureau de Presse sous la responsabilité de Maitre Jacques Vergès, un délégué pour l'Algérie (Maître Maurice Courrège) et trois zones sous la responsabilité de Maîtres Bendi-Merad (Zone Sud), Michel Zavrian (Zone Nord et Est) et Amokrane Ould Aoudia (Région Parisienne et Centre). Sous la responsabilité de Maître Serge Moureaux, un Collectif des avocats belges qui venaient plaider aussi devant les tribunaux français, avait été créé par la suite.
          Ainsi, la défense des militants du FLN poursuivis devant les tribunaux ennemis était assurée et prise en charge par la Fédération.
          Les avocats étrangers exerçaient leur noble métier pour le FLN par conviction et sympathie pour la cause qu'ils estimaient juste. Pour les avocats algériens, la question ne se posait pas. Ils se considéraient comme des militants et ils étaient considérés comme tels.
          Les honoraires dérisoires qui leur étaient versés variaient entre 20 000 et 150 000 anciens francs, suivant le temps consacré à la défense des militants du FLN.
          Tous étaient constamment soumis à de terribles menaces de toutes sortes, dont des menaces d'arrestation et de mort.
          Ma responsabilité à la tête du Collectif des Avocats du FLN, interrompue par mon arrestation en avril 1962, n'avait duré que deux mois.

          Le 2 avril 1961, soit quatre mois après l'arrestation de Bruxelles, alors que la veille j'étais rentré tard d'un voyage clandestin en Allemagne, les inspecteurs de la DST s'étaient présentés tôt à mon domicile, avaient procédé à une perquisition minutieuse des lieux sans rien trouver de compromettant et m'avaient emmené à leur siège situé Rue des Saussaies, dans le WIIIème arrondissement de Paris, à côté du Ministère de l'Intérieur. Ils avaient, de même, perquisitionné l'appartement de mes beaux-parents à Sceaux, sans plus de résultats.
          Les nombreux interrogatoires auxquels j'etais soumis du 2 au 7 avril, parfois avec des brutalités, étaient entrecoupés de périodes de repos que je passais dans une cave au sous-sol. Quant à la nourriture, les inspecteurs m'achetaient des sandwichs et des bouteilles d'eau au bistrot voisin avec mon propre argent, sans omettre d'y inclure leurs boissons à mes frais.
          Les questions qui m'étaient posées portaient surtout sur mon voyage à Bruxelles au mois de janvier. J'en avais conclu que les inspecteurs qui se succédaient pendant les interrogatoires ne savaient pas grand chose de mes activités clandestines et des divers autres voyages que j'avais faits en Allemagne et en Belgique avant et après celui de Bruxelles.
          Au début, j'avais nié mon appartenance au FLN et l'existence de ce voyage, jusqu'au moment où on me confronta à un homme qui me dit: "Comment, tu ne reconnais pas? Tu ne te rappelles pas de moi?"
          Sous l'effet de la fatigue, je n'arrivais pas à me le rappeler, quoique sa tête me disait bien quelque chose.
          Je lui avais répondu poliment, sans le tutoyer comme eux le faisaient: "Je ne vous connais pas".
          Il m'avait bien dévisagé, puis avait ajouté : "Comment tu ne me reconnais pas? Tu as donc oublié quand je suis entré au bureau de tabac pour acheter un paquet de cigarettes, alors que tu jouais au flipper en surveillant la rue, à côté de la Gare du Nord?"
          A cet instant, comme si j'avais reçu un coup de massue sur la tête, la scène m'était revenue et j'avais compris que j'avais bel et bien été filé à la Gare du Nord et que la Sûreté nationale belge avait fourni à la police française les informations sur notre interpellation à Bruxelles.
          Devant cette évidence j'avais dû reconnaitre la réalité de ce voyage en soutenant que c'était une excursion touristique.

          (Voir la suite sur la page 2 / 2).
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            Au delà d'un résumé difficile d'une histoire riche et tumultueuse, il serait intéressant de s'interroger sur les raisons pour lesquelles Messali El Hadj avait demandé un droit de veto sur les décisions du comité central. Ce qu'on couvre sous le voile d'une mégalomanie excessive de ce personnage qu'on admet charismatique n'est-il pas des jeux d'appareil que les intellectuels du parti ont mené pour disent-ils insuffler plus de démocratie dans la décision politique. Messali El Hadj leur réponda systématiquement que le PPA restera un parti révolutionnaire. Cette missive ne cache-t-elle pas des jeux d'appareil au sein du PPA entre la base populaire et les anciens militants et la direction accusée de réformisme, qui avait lâché l'OS, au point de soumettre à Messali El Hadj, l'idée d'un rapprochent avec l'UDMA, ce qu'il refusa énergiquement à leur envoyé, voir même la participation aux prochaines joutes électorales coloniales, ce qui avait définitivement coupé le comité centrale de sa base électorale. Se sentant acculée, ce comité centrale sous la direction du Benkhedda, a manœuvré pour exaspérer les positions des uns et des autres, au point de pousser leurs opposants à voter une présidence à vie pour Messali et l'exclusion des centralistes du parti. Une crise ouverte qui a précipité le ralliement des militants à la troisième voie, menée par Boudiaf, et qui a obtenu le ralliement de Krim Belkacem, convaincu que ce groupe avait obtenu suffisamment de soutiens pour pouvoir déclencher la révolution, ce que Messali voulait mener suite aux refus d'aborder la question algérienne à l'assemblé générale de l'ONU. Benbella témoigne au journal le monde à l'indépendance, suite à une question quant à l'origine du premier novembre, que la révolution avait été précédée de 2 mois. Malgré cette course pour le leadership, Messali avait salué le déclenchement de la révolution par un message le 2 novembre, publié le 4, envoyé de l'argent pour la soutenir, notamment à Krim Belkacem, et a participé aux tentatives d'union des mouvements algériens menée au Caire ponctuee par l'arrestation des représentants de Messali par les services de Fathi Dib... La suite fut un conflit sanglant et dommageable pour le leadership, entre mouvements nationaux, puis au sein du FLN...
            Dernière modification par ott, 03 septembre 2018, 15h06.
            Othmane BENZAGHOU

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