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Raymond Cloarec : “J'ai tué 73 Algériens”

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  • Raymond Cloarec : “J'ai tué 73 Algériens”

    Actualités : MENSONGES ET CALOMNIES D'UN TORTIONNAIRE DEVENU GÉNÉRAL DE L'ARMÉE FRANÇAISE
    CONFESSION D'UN EX-PARACHUTISTE A ALGER (1955 A 1961)
    Raymond Cloarec : “J'ai tué 73 Algériens” II

    Le Soir d'Algérie Jeudi 20 Octobre 2005



    Nous poursuivons la publication de l'interview de l'ex-parachutiste Raymond Cloarec qui a exercé au sein du 3e RPC et RPIMA de février 1955 à février 1961. Il révèle comment il a tué 73 Algériens avant de démissionner de l'armée française à la veille de l'Indépendance nationale. Pris de remords, Cloarec tente de se “libérer”.
    L. S. : Quelle forme d'interrogatoires ? (Il me fixe longuement du regard puis affirme) : les tortures évidemment ... Des villageois ont fini par nous confirmer que les rebelles étaient bien là au cours de cette nuit. Des signes de leur présence étaient visibles. Il ne restait dans le village que les vieux, les infirmes et les femmes. Le lieutenant les avait fait interroger. Sans répit. Des cris, des hurlements. A la fin de ces interrogatoires, nous avons reçu l'ordre de faire disparaître ce lieu de ravitaillement et de repos. Il nous a demandé de les abattre. Il y avait 37 personnes.
    L. S. : Comment les avez-vous tuées ?
    R. C. : En les mitraillant sur la place du village. Ensuite nous avons mis le feu au village. Il y avait des vieux, des infirmes. Certains avaient le nez coupé, d'autres les oreilles. Même que parmi ces gens il y en avait qui étaient obligés de servir les bandes armées.
    L. S. : Quel était le nom de ce village ?
    R. C. : Je ne m'en rappelle plus. C'était sur les hauteurs de Bougie.
    L. S. Vous en parlez avec une grande froideur...
    R. C. : Je revois les yeux des personnes qui nous regardaient lorsque nous les mitraillions. Nous étions 3 ou 4 mais c'est ... c'était le lieutenant qui nous l'ordonnait. “Vous le faites” disait-il. Nous avions un fou. Lorsque nous arrivions dans les villages, la première chose qu'il ferait, c'était de tuer le chien kabyle qui aboyait.
    L. S. : Qui était ce lieutenant ?
    R. C. : Je ne peux pas le dire. C'est marqué P dans mon journal. Sa famille existe encore. Mais lui est mort dans un accident d'hélicoptère en France après la guerre. Les remords m'habitent.
    L. S. : Qu'est-ce que cela vous fait aujourd'hui de rencontrer dans la rue des Algériens ?
    R. C. : Je pense aux morts. Je n'ai jamais pu avoir la paix en moi. Je combats seul parce que je n'ai jamais pu raconter à ma femme ou à mon fils. Personne n'avait su quoi que ce soit avant la publication d'un article sur Le Nouvel Observateur. J'ai pris le risque de tout perdre en parlant. J'avais longuement réfléchi avant de décider d'en parler de mon vivant.
    L. S. : Comment vous sentez-vous ?
    R. C. : Bien maintenant. Mon épouse commence à comprendre les choses. Depuis l'article publié par Le Nouvel Observateur, mon épouse, qui est coiffeuse, n'a plus une cliente. Toutes ses clientes sont des pieds-noirs, elles n'ont plus remis les pieds dans son salon de coiffure. Nous avons perdu toute la clientèle. Cela fait partie des risques que j'avais calculés. Je me suis marié en 1959. Nous sommes en 2005. J'ai même pris le risque de voir mon épouse me quitter. Je ne savais pas qu'elle serait sa réaction. Mon épouse a choisi de me soutenir mais elle est vexée à mort à cause de la honte, des pieds-noirs qui n'acceptent pas que j'aie avoué.
    L. S. : Vous affirmez avoir tué 73 Algériens
    R. C. : Eh oui ! Malheureusement Vous avez parlé de 37 personnes que vous avez tuées. Et les autres ?
    R. C. : J'ai tué 30 personnes dans une grotte. Il y a tous les détails dans mes citations.
    L. S. : Que pensez-vous de ces citations ?
    R. C. : Je ne les porte pas. Je ne porte pas mes décorations.
    L. S. : Pourquoi ?
    R. C. : On n'a pas fait de moi un héros. En France, porter la légion d'honneur, c'est être un héros. Moi, je ne me suis jamais considéré comme un héros. Je n'ai jamais rien demandé. Je me considère comme un assassin. Personne aujourd'hui n'est capable de dire que les personnes que j'ai tuées étaient coupables de quoi que ce soit. Je ne peux pas le supporter, je n'arrive plus à le supporter. Seul la mort me libérera de ce cauchemar. C'est un harcèlement perpétuel, constant. Cela dure depuis 50 ans. J'ai toujours le regard de ces personnes que j'ai tuées. Dans les yeux, elles me fixent toujours.
    L. S. : Vous avez tué 37 personnes dans un village. Et les autres ?
    R. C. : ... Les détails sont écrits dans ma décoration que je vous ai montrée tout à l'heure ( il me remet trois photocopies de citations datées du 1er novembre 1957, du 12 février 1957, et du 4 avril 1958)
    L. S. : Donc on vous a décoré pour avoir tué des personnes...
    R. C. : Oui. La légion d'honneur ... Lorsqu'on a tant de citations, on reçoit la légion d'honneur.
    L. S. : Une légion d'honneur pour avoir tué des innocents et de surcroît sans être armés. Elle devrait être décernée lorsqu'on se distingue au combat, lorsqu'on abat un adversaire armé. Pas dans ce cas ...
    R. C. : Evidemment oui. Lisez bien ; c'est la plus haute décoration à titre militaire. A l'ordre de l'Armée. (Il relit la précédente décoration citée plus haut) Sans la baraka, le 4 avril 1958 aurait pu être mon dernier jour de vie. Dans mon cahier journal, je donne tous les détails, je raconte comment cela s'est passé.
    L. S. : Vous êtes cité comme un combattant alors que vous avez mitraillé des civils sans armes ... Vous reconnaissez les avoir tués comme un assassin.
    R. C. : Non. Pas ceux-là qui avaient les armes à la main. Lorsque j'ai récupéré leurs deux mitrailleuses, ma veste était tout transpercée. C'était dans les Aurès, j'étais à découvert sur un versant. Les rebelles étaient dans une grotte au dessous. C'était loyal mais pour rien.
    L. S. : Vous continuerez à les qualifier de rebelles. Ne pensez-vous pas que ...
    R. C. : C'est une façon de parler. Dans mes écrits je les qualifie de résistants. Pour moi c'étaient des résistants. Lisez mes cahiers.
    L. S. : Vous avez participé à ce qu'on appelle les deux batailles d'Alger. Quel commentaire faites-vous à propos de la première “Bataille d'Alger”
    R. C. : La première bataille d'Alger a été plus calme que la deuxième.
    L. S. : Pourquoi ? Pourtant la torture a été massivement et systématiquement pratiquée
    R. C. : Plus calme parce que nous découvrirons la guerre. On travaillait, on agissait sur les réseaux, j'ai en ma possession tous les organigrammes du FLN, les poseurs de bombes, tout... Le processus de découverte des bombes, le déroulement chrono, tout est là (il expose quatre organigrammes originaux du 3e RPC. Il s'agit de “organisation rebelle d'Alger (schéma du 27 août 1957), “Organisation FLN d'Alger (schéma provisoire du 8 mars 1957)”, “affaire des bombes (situation au 31 août 1957)”, et “déroulement chrono : processus de la découverte de la filière bombes”. (Lire annexes).
    L. S. : Vous ne répondez pas à la question précédente, celle de la pratique de la torture à vaste échelle. Dans leurs demeures, dans les cafés, dans des écoles, devant leurs familles, des centaines de personnes ont été torturées à La Casbah . La terrible répression a été vigoureusement condamnée, vous n'en dites rien.
    R. C. : Les parachutistes n'étaient pas les tortionnaires, je n'en étais pas un.
    L. S. : Des témoignages existent, des rescapés aussi, des organisations ont dénoncé le comportement des parachutistes qui ont installé une terreur et une psychose permanentes à tel point, que Robert Lacoste, dans une lettre à Guy Mollet, datée du 14 février 1957, souhaitait vivement que “ces troupes s'en aillent dès que possible”. Ce n'est pas pour dire qu'il avait bonne conscience... Toutes les commissions d'enquête venues en Algérie pour faire la lumière sur la pratique généralisée des tortures étaient unanimes à conclure que les Béret rouges, les Bérets verts, les Bérets bleus, c'est-à-dire les parachutistes autant que la gendarmerie, la police et la DST ont infligé les tortures afin d'extorquer des aveux ou des déclarations. Mais vous, vous affirmez tout le contraire ...
    R. C. : Lorsqu'on entrait dans un secteur, c'était pour avoir des renseignements, lorsqu'on bouclait un secteur c'était pour capturer le gars qui venait pendant la nuit pour rencontrer ses responsables FLN, et lorsqu'on arrêtait les suspects, on les remettait aux DOP dans des villas pour interrogatoires. Nous n'étions pas les tortionnaires, je n'étais pas un tortionnaire. J'ai tué mais je n'ai pas torturé. Nous, les parachutistes, préférions être dans les djebels. Mais les tortures, je l'ai écrit, dans mes cahiers, c'était dégueulasse. (A suivre

    A NOTRE AMI BBO777
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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