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hommage à Benyahia, un homme politique d'exception

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  • hommage à Benyahia, un homme politique d'exception

    Les Grands Hommes de l’Ecole diplomatique d’Abdelaziz Bouteflika : Mohamed Seddik Benyahia où la subtilité à fleur de peau (8ème partie)


    Algérie 1 - Contribution | 31 Aout 2018 | 16:19
    Mohamed Ould el Bachir

    La plus haute louange d’un expert universitaire est dans ce qualificatif ''digne d’intérêt’’, comme une valeur sûre.

    De ce point de vue, la personnalité, l’itinéraire révolutionnaire et le parcours diplomatique de Mohamed Seddik Benyahia (né le 30 janvier 1932 à Jijel) constituent immanquablement un legs historique méritant l’intérêt, le questionnement et l’étude et devrait inciter davantage de diplomates et d’intellectuels à lire son héritage.

    Parce que prestigieuse, la diplomatie algérienne avait dès le départ eu la chance de compter dans ses rangs, à l’instar de Benyahia, un nombre relativement important d’hommes d’envergure et de cadres de qualité. Tous s'employèrent à faire du ministère des Affaires étrangères un outil efficace au service de l'Etat.

    Je n’étais pas encore en mesure de comprendre les choses diplomatiques, quand Mohamed Seddik Benyahia monopolisa mon attention.

    Le 30 mai 1981, à Bamako, il a échappé miraculeusement à la mort dans le crash, en pleine brousse, de l’avion qui le transportait. Peu après, j’écoutais la radio, quand un communiqué annonça la bonne nouvelle. Ce jour-là, la mort n’était pas au rendez-vous. Un berger avait retrouvé l’épave au milieu de la brousse, à son bord, Benyahia blessé, coincé dans son siège. A ses côtés, son secrétaire général, en état de choc, le commandant de bord blessé également coincé, et trois membres d’équipage décédés.

    Il est peut - être difficile pour moi, à l’époque, de mesurer le retentissement d’une telle nouvelle. Mon statut ne me permettait pas de cerner la valeur de Benyahia, diplomate chevronné, mais, avant tout, militant patriotique, dévoué dès son jeune âge à la cause nationale, et dont le nom avait en outre une forte connotation politique.

    Dans une Algérie où les valeurs de novembre avaient encore beaucoup d’influence, le militantisme de Benyahia au cours des vingt dernières années de sa vie lui valait, en effet, le double surnom très plaisant de «renard du désert», que l’opinion algérienne a réservé à un de ses dignes fils qui ont porté haut sa cause, en raison justement de ses capacités de persuasion et de sa maturité d’esprit, et de " petit Benyahia", comme aimaient à l’appeler ses compagnons, en raison de sa silhouette frêle et sa corpulence fragile.

    Le récit détaillé de la mort de Benyahia était dans les kiosques, dans une des éditions du journal El Moudjahid, qui donnait le ton : ‘’ Le routier de la diplomatie, à la subtilité à fleur de peau, et au regard perspicace, doté d’une volonté inébranlable, ne survivra pas à un autre accident et décède le 3 mai 1982 dans le crash de son avion à la frontière entre l’Irak et la Turquie, avec lui, une délégation du MAE, composée de 15 cadres. Ce triste événement a mis fin à une vie au service de la patrie’’.

    Les titres, photos et articles consacrés à sa mort tragique couvraient plus de la moitie des ‘unes’ des journaux de la presse nationale et internationale. Les liaisons téléphoniques et télégraphiques crépitaient , ce jour - là , de capitale en capitale, d’Alger à Pékin , de Moscou à Paris, de Rome à New York, de Berlin à Londres, de Ryad à Rabat , partout où des hommes et des femmes aiment et recherchent la paix.

    En attendant que l’Histoire livre tous ses secrets, il nous revient de rendre à Benyahia toute la place qu’il mérite dans la glorieuse histoire de la diplomatie algérienne, dont le Ministre Abdelkader Messahel en fait un devoir institutionnel avec la promotion de l’IDRI et ne rate de ce fait aucune occasion pour rendre aux icones diplomatiques algériennes un vibrant et solennel hommage.

    De cet itinéraire, l’on retient ses études en droit à l'université d'Alger et son inscription en 1953 au barreau d’Alger, avant d’assurer, deux ans plus tard, la défense de Rabah Bitat, incarcéré à la prison de Barberousse.

    En juillet 1955, il fonda avec ses compagnons, dont Belaïd Abdeslam et Benbaâtouche, l’UGEMA (l’Union générale des étudiants musulmans algériens). En août 1956, il est désigné, au Congrès de la Soummam, membre suppléant du CNRA et avec la création du GPRA, il occupera le poste de Directeur de cabinet de Ferhat Abbas, pour ensuite représenter l’Algérie à la conférence des étudiants afro-asiatiques à Bandoeng.

    Benyahia a également été le représentant permanent de l’Algérie en armes au Caire, aux Nations unies (en 1957), à Accra (1958), à Monrovia (1959), en Indonésie et ailleurs.

    Grâce à lui, l’insertion internationale du FLN, déjà acquise à la Conférence de Bandoeng, est affirmée et étendue.

    Le 21 juin 1960, le GPRA envoie trois émissaires, Mohamed Benyahia, Hakimi Ben Amar, Ahmed Boumendjel, pour rencontrer à Melun le général Robert de Gastines (officier de cavalerie), le colonel Mathon (cabinet militaire de Michel Debré) et Roger Moris (ancien contrôleur civil au Maroc) qui doivent préparer de futurs entretiens de Gaulle-Ferhat Abbas.

    Dans ce processus, notre diplomate avait, plus d’un trait : une intégrité à toute épreuve et un esprit pondéré. Il y eut Melun, puis le premier et le second Evian. Benyahia est toujours là.

    M. Rédha Malek a ainsi relaté et analysé les compétences tactiques de Benyahia et son intelligence diplomatique le long des négociations. «L’homme, hors norme, a marqué de son empreinte les négociations d’Evian», a-t-il soutenu.

    Au lendemain de l’indépendance, l’homme au verbe caustique, comme aimait à le décrire l’historien Mohamed Harbi, est nommé tour à tour ambassadeur à Moscou puis à Londres jusqu’à 1966, ministre de la Culture et de l’information, de 1966 à 1970, avant de prendre en main le département de l’Enseignement supérieur.

    Après ce passage remarqué, Benyahia est désigné ministre des Finances, pendant deux années, avant de faire les beaux jours de la diplomatie algérienne, lorsqu’il prenait en main, en 1979, les rênes du ministère des Affaires étrangères.

    Sans doute l’affaire de la prise d’otages de 52 Américains détenus en Iran, en étant avec d’autres compagnons les vrais artisans de leur libération, en janvier 1981. Un coup de maître qui confirmera, dès lors, le respect international pour ce fin diplomate.

    Au même titre que Si Rahal Abdellatif, son apport fut aussi de doter l’appareil diplomatique d’une grande fonctionnalité organisationnelle n’hésitant pas à confier des postes de responsabilité à de jeunes compétences diplomatiques.

    L’expérience diplomatique de Benyahia se développera avec ces nombreuses activités. Sa culture politique s’étend. Ses connaissances du droit international s’approfondissent. Son sens de la négociation s’affirme, disent ceux qui l’ont connu.

    De manière générale, Benyahia fut de tous les sommets des Non-alignés, de toutes les réunions internationales importantes où les pays débattaient de leurs problèmes et tentaient de faire entendre leurs voix sur la scène internationale.

    Cependant, si brillante fut-elle, de l’avis de tous ceux qui l’ont connu, la carrière diplomatique de notre personnage ne fut qu’un volet, certes important, de sa vie politique. Il fut à la fois un leader d’opinion, un manager, un intellectuel et un grand commis de l’Etat. Mais, plus encore, ce fut un homme engagé dans la renaissance de la nation algérienne.

    En outre, la vie de Benyahia était depuis toujours faite d’engagement politique total, de réflexion et d’action. Sa place dans l’histoire diplomatique algérienne reste donc à mettre en relief avec celle des autres figures de proue de l’Ecole diplomatique d’Abdelaziz Bouteflika.

    Mohamed Ould El Bachir (Universitaire)
    Othmane BENZAGHOU

  • #2
    Les circonstances troubles de sa mort dans une exécution signée qui a abattu un avion civile venu tenter une paix entre 2 pays belligérants, l'Iran et l'Irak est d'une dimension insoupçonnée. Elle pourrait montrer la réalité des enjeux diplomatiques qui se jouait dans cette région charnière. L'Algerie a perdu avec cet ignoble assassinat un homme d'exception ainsi que la fine fleur de ses cadres qui accompagnaient cette délégation...
    Othmane BENZAGHOU

    Commentaire


    • #3
      Témoignage du général Nezzar sur l’assassinat de Benyahia par Saddam
      Algérie Patriotique - septembre 14, 2018 - 8:03 Kenzi Adam 52 Commentaires
      Saddam Benyahia
      C'est Saddam qui a ordonné d'abattre l'avion qui transportait Benyahia. D. R.
      Le général à la retraite Khaled Nezzar révèle, dans le second tome de ses mémoires, à paraître en octobre prochain, de nouvelles informations sur l’assassinat de l’ancien ministre des Affaires étrangères en mai 1982. Le témoignage de l’ancien ministre de la Défense nationale est sans équivoque : c’est bien Saddam Hussein qui a ordonné d’abattre l’avion présidentiel qui transportait Mohamed-Seddik Benyahia, huit cadres du ministère des Affaires étrangères, un journaliste et les quatre membres de l’équipage.



      Nous publions l’extrait des mémoires qui traite de ce sujet et confirme la responsabilité du régime de Saddam Hussein dans la mort de quatorze Algériens sans que le président Chadli Bendjedid réagisse.

      M. A.-A.

      «L’état-major de l’armée irakienne est composé de militaires compétents et réalistes. Ils sont formés dans les meilleures académies d’Irak, d’Angleterre et d’Union soviétique. Pendant notre Guerre de libération nationale, des dizaines d’officiers algériens suivent en Irak des cours dispensés par des spécialistes émérites. Surtout dans le domaine de l’artillerie. Je suis convaincu que la haute hiérarchie militaire irakienne ne se leurre pas sur l’issue d’une éventuelle guerre avec la puissante Amérique, ses alliés et leurs moyens colossaux. Pourquoi cette haute hiérarchie ne met-elle pas en garde Saddam Hussein ? Sans doute, parce que le dictateur ne tolère aucun conseil et aucun appel à la modération. Comme Hitler hier – toute proportion gardée –, il pense qu’il peut tenir tête au monde entier. Comme Hitler, il conduit son armée au désastre, son pays à la destruction et sa personne à l’impasse. Saddam fabrique de ses propres mains la corde qui le pend le 30 décembre 2006.

      Le dictateur tombe dans le piège que lui tend une diplomate américaine qui fait une lecture juste du profil psychologique de l’homme que les Etats-Unis lancent sur l’Iran de Khomeiny. ‘’Vous avez les mains libres au Koweït’’ et le fonceur, comme son nom l’indique, fonce tête baissée sur Koweït City. Saddam veut reconfigurer le Moyen-Orient à sa façon. Il ne sait pas que le nouveau Moyen-Orient est déjà dans les cartons de Georges Bush père et fils. L’Irak est destiné à redevenir un tas de confettis déchirés par les zizanies des exégètes autistes des islams.

      Envoyer l’ANP au secours de Saddam Hussein ? Quel responsable politique algérien, quel militaire algérien peut l’envisager ? En quoi l’Algérie est-elle responsable des déboires de Saddam ? Les sentiments de compassion et de solidarité envers le peuple frère d’Irak mené à la tragédie par un dictateur mégalomane, je les ressens comme chaque Algérien, mais les bons sentiments sont une chose, les intérêts bien compris de mon pays en sont une autre.

      Peu de temps auparavant, lorsque Bendjedid est sollicité pour rejoindre la coalition qui va détruire le régime de Saddam et l’Irak avec, j’ai, au nom de l’ANP, déclaré notre hostilité à appuyer, de quelque manière que ce soit, cette opération.

      Je mesure à cette occasion le manque de responsabilité des chouyoukh (du FIS, ndlr) qui n’hésitent pas à exposer l’Algérie à de terribles représailles. Nos forces auraient été détruites avant d’atteindre le champ de bataille et notre peuple aurait été affamé par l’embargo. Comment expliquer tout cela aux excités assis en face ?

      J’ai une autre raison de ne nourrir aucune sympathie particulière pour Saddam Hussein. C’est lui qui donne l’ordre d’abattre le Grumman Gulfstream II présidentiel qui transporte notre ministre des Affaires étrangères, Mohamed-Seddik Benyahia et la délégation qui l’accompagne en mission de paix dans la région. Mohamed-Seddik Benyahia meurt le 3 mai 1982 avec huit cadres du ministère des Affaires étrangères, un journaliste et les quatre membres de l’équipage du Grumman. La commission d’enquête dépêchée sur place est présidée par le ministre des Transports de l’époque, Salah Goudjil. Les techniciens de notre aviation retrouvent, dans les débris de l’avion, les fragments du missile air-air qui fait exploser l’avion algérien. Le missile fait partie d’un lot fourni à l’Irak par les Russes. L’Algérie obtient le numéro de série de ce missile.

      Qui peut, en dehors du dictateur, décider d’abattre un tel avion ? Quelle ‘’raison d’Etat’’ a empêché Bendjedid de rendre public le résultat de l’enquête ? Protester, demander des comptes à Saddam est au-dessus des capacités de Bendjedid. Des années plus tard, notre ministre des Transports de l’époque, chef de la commission d’enquête, éludera prudemment la question de la responsabilité dans la destruction de notre avion.

      Malheureux Benyahia, mort pour la paix, mort au service des peuples frères d’Iran et d’Irak, mort parce que le dictateur irakien et les ayatollahs voulaient continuer à s’entretuer. C’est là, beaucoup plus que partout ailleurs dans la région, que l’Orient est compliqué. Un chaos d’ethnies, de peuples, de frontières, de religions, de schismes, d’intérêts divers et antagoniques, de raisons d’Etat multiples et fluctuantes qui n’obéissent, le plus souvent, qu’à des mégalomanies de dirigeants, des ambitions, des égoïsmes suicidaires de clans au pouvoir, agités, instrumentés par des mains expertes dont chaque doigt tire ou dévide un fil de l’immense toile d’araignée installée par des Etats aussi puissants que déterminés.

      L’attitude des responsables irakiens de l’époque ne concourt pas à les disculper. Loin de là. Ils se contentent de rejeter les accusations iraniennes dans un communiqué des plus sommaires. Feu Bachir Boumaâza, ex-président du Conseil de la nation, dont on ne peut douter des sentiments envers Saddam et de son aversion du régime des mollahs, est ‘’troublé’’. Un détail l’intrigue. L’absence aux funérailles de Benyahia de Tarek Aziz, le puissant chef de la diplomatie irakienne. Il lui en fait part. ‘’Je comprends à vos questions que mes propos ne vous ont pas totalement convaincu’’, lui déclare Tarek Aziz. Boumaâza conclut son compte rendu de l’entretien avec le responsable irakien par des propos où il exprime ses doutes et son amertume.

      Le panarabisme du Baath irakien et ses prétentions au leadership arabe ne doivent souffrir ni contestation ni concurrence. Or, la médiation algérienne est soutenue par un bon dossier et elle est conduite d’une main de maître. Elle a toutes les chances de réussir. Saddam ne peut admettre qu’un Arabe arbitre un conflit entre un Arabe et un non-Arabe. Pour lui, ‘’l’ennemi d’un pays arabe est l’ennemi de tous les Arabes’’. Pour lui, les Algériens sont venus se mêler d’affaires qui ne les regardent pas.»

      In Recueil des mémoires du général Khaled Nezzar, tome II, éditions Chihab, à paraître en octobre 2018.
      Othmane BENZAGHOU

      Commentaire


      • #4
        Saddam a scrupuleusement suivi les injonctions et notamment quand il fallait se débarrasser de ceux qui voulaient trouver une paix entre l'Iran et l'Irak... Cet assassinat ignoble est commandite comme a été commandite la guerre avec l'Iran, l'invasion du Koweït.... Voir la prise de pouvoir par Saddam en 1979 après qu'il ait signé un accord de paix avec l'Iran en 1975 à Alger...

        Nos footeux fougueux sont l'expression d'une profonde ignorance et d'un idéal révolutionnaire qui était faussement représente par un Saddam qui est loin d'avoir pu reprendre le flambeau de Nasser, ayant mené à la destruction de son pays...
        Dernière modification par ott, 14 septembre 2018, 14h02.
        Othmane BENZAGHOU

        Commentaire


        • #5
          Le général Nezzar raconte les derniers moments de la vie de Benyahia (II)
          septembre 16, 2018 - 7:50 Kenzi Adam 1 Commentaire

          L’ancien ministre de la Défense nationale explique, dans ce passage extrait du second tome de son recueil de mémoires à paraître en octobre prochain, pourquoi il était impossible que les Israéliens soient derrière l’assassinat de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed-Seddik Benyahia, car ce dernier avait changé son itinéraire à la dernière minute pour des raisons familiales. Il répond ainsi à ceux qui ont réagi à son premier témoignage publié vendredi par ******************.

          Le général à la retraite Khaled Nezzar a également tenu à préciser que les propos tenus par feu Bachir Boumaâza au sujet de Saddam Hussein ont été repris d’un hommage que le journaliste Ammar Belhimer a rendu au ministre chahid à l’occasion du trentième anniversaire de sa mort.

          Interrogé sur les raisons pour lesquelles il «n’aborde le sujet de l’assassinat de Mohamed-Seddik Benyahia qu’aujourd’hui», le général Nezzar a répondu qu’au moment du déroulement des faits, il était un simple officier de l’ANP et que, de ce fait, il était loin des décisions politiques prises par le président Chadli et son gouvernement. «Durant les années qui ont suivi, comme tout le monde le sait, j’étais pris par les événements douloureux qu’a vécus le pays et la situation d’extrême urgence à laquelle nous devions faire face», a-t-il expliqué, serein.

          M. A.-A.

          La suite du témoignage du général Khaled Nezzar :

          «J’ai connu feu Mohamed-Seddik Benyahia lors du voyage présidentiel qui nous a menés à Belgrade, New-Delhi et Pékin, puis aux Emirats arabes unis. Ce voyage de près d’un mois est instructif à plus d’un titre mais, au fond, sans aucun intérêt pour notre pays. Le seul dossier traité au cours de ce voyage concerne la réalisation d’une usine d’armement et une autre de munitions. Les prix obtenus auprès des Chinois sont quatre fois moins chers que ceux proposés par nos ‘’amis’’ serbes.

          Dès notre arrivée à Belgrade, les Serbes nous annoncent qu’ils ne prennent à leurs frais que dix personnes, soit uniquement les membres de la délégation officielle. Les autres, environ 115 personnes, sont à notre charge. Salah Goudjil, chargé des discussions avec nos ‘’hôtes’’, leur rappelle que nous avons vidé, lorsque M. Tito est venu à Alger pour la Conférence afro-asiatique, la totalité de l’hôtel El-Aurassi. Ils répondent sans sourciller : ‘’Vous l’avez bien voulu. Nous, on ne vous a rien demandé !’’

          L’Inde et la Chine agissent de la même façon envers nous. Aux Emirats, par contre, nous retrouvons la générosité et l’hospitalité des Arabes.

          Sur le chemin du retour en Algérie et alors que je me trouve assis à côté de Benyahia, ce dernier s’ouvre à moi pour dire : ‘’Il était prévu que je me rende en Iran à partir des Emirats, mon avion m’attend là-bas, mais comme je suis resté trop longtemps absent, ma fille me manque, je rentre donc avec vous et je repartirai de là-bas.’’ En arrivant aux Emirats, alors que nous roulions sur le tarmac, j’aperçois le Grumman ainsi que notre ambassadeur en Iran, M. Gherieb, parmi le comité d’accueil. Une semaine après notre retour, j’apprends la triste nouvelle : l’avion de notre ministre des Affaires étrangères est abattu au-dessus de l’Irak. Aucun survivant parmi la délégation et l’équipage. Que Dieu ait leur âme !

          Mais revenons à cette rencontre avec les chouyoukh.

          Je me demande si le cheikh, en face, ne se paye pas ma tête quand il me dit vouloir aller sauver Saddam. Qu’importe ! J’opte pour l’explication patiente. Un cours de géostratégie : l’éloignement, l’hostilité des voisins de l’Irak, la politique des grandes puissances occidentales et les possibilités réelles de l’Algérie. Abassi revient à la charge avec de grandes amplitudes. Pendant qu’il plane, je repense à la ruée sur les casernes provoquée par Ben Bella, en 1963, lors de la brève Guerre des sables qui oppose l’Algérie et le Maroc, et les difficultés de tout ordre – logistiques principalement – qui en découlent. La caserne Ali-Khodja, sur les hauts d’Alger, est submergée par un raz-de-marée de peuple. L’odyssée des quelques centaines de volontaires retenus est chaotique et pénible. Mais les situations ne sont pas les mêmes. Ces gens, en face de moi, ont d’autres arrière-pensées. Du côté de Lamtares, dans le Belezma, à la périphérie ouest de l’Aurès, d’où je suis natif, on raconte beaucoup d’histoires de lions. Un fauve, en mal de chair fraîche, propose un marché léonin à un modeste herbivore : ‘’Je te donne un quintal d’orge, mais je te dévore après.’’ Les chouyoukh se méprennent sur le sens de mon sourire. Ali Benhadj fait dans le théâtre. Des citations coraniques, des dires de grands érudits et de belles sentences de son cru, avec force moulinets des avant-bras et de l’index. Il se croit dans un meeting. La conclusion de la diatribe de l’idole des mosquées militantes d’Alger est à la mesure de la réputation du personnage. ‘’Si, dans trois jours, nous n’obtenons pas satisfaction, nous agirons !’’ Un ultimatum ? ‘’Oui !’’ martèle Benhadj.

          Abassi se rejette en arrière, visiblement effrayé par l’audace de son compagnon. Les autres chouyoukh baissent la tête. Le silence devient assourdissant. Je maîtrise ma colère. Je me lève, marquant la fin de l’entretien. Les autres font de même. ‘’Dans trois jours, alors ?’’ Ali Benhadj confirme : ‘’Dans trois jours !’’ Je hoche la tête de haut en bas. Une façon de leur dire que j’ai tout compris. J’appuie sur un bouton. Un planton vient raccompagner l’état-major du FIS.

          Si les chefs intégristes avaient une connaissance moins approximative des causes et des effets des crises qui émaillent la vie politique algérienne depuis 1962, ils sauraient que l’une des raisons du coup d’Etat du 19 juin 1965 est la tentative de constitution, par Ahmed Ben Bella, d’une milice populaire pour inverser le rapport des forces en sa faveur face à une ANP entièrement entre les mains de Houari Boumediene.

          Ce ne sont ni les jeunes recrues du FIS qui bombent le torse au passage des cortèges officiels, en agitant la banderole «bel vote oue’la bel be’lot» ni les rodomontades d’Abassi relatives aux déboires des armées russes en Tchétchénie qui m’inquiétaient, mais la capacité des intégristes à mobiliser la rue. Le souvenir des heures tragiques d’octobre 1988 est encore présent dans toutes les mémoires.

          Il faut, en octobre 1988, des prodiges de valeur aux éléments d’intervention pour parer au feu qui monte de toute part. Les gros porteurs de l’armée de l’air volent sans désemparer d’un point à l’autre du territoire pour déverser leurs lots de gendarmes épuisés par le manque de sommeil.

          La foule est une machine de guerre

          Les foules déchaînées sont une machine de guerre. A la longue, lorsque le pouvoir, en face, répugne à verser le sang, elles ont toujours le dernier mot.

          La pression sur Bendjedid pour l’amener le plus vite possible vers la ‘’formalité’’ du vote devient permanente.

          Alger a une place importante dans la stratégie du FIS. L’exemple iranien a fait bonne école. Tout ce qui se passe dans la capitale est immédiatement visible par les médias et les diplomates étrangers qui informent leurs gouvernements.

          Les organisateurs des manifestations procèdent, contre rétribution, à des déplacements massifs de sympathisants des zones rurales vers Alger. Les mosquées qui maillent les quartiers populaires répercutent les appels à la mobilisation. Les militants les plus aguerris, structurés à l’échelle de l’immeuble, de la rue et du quartier, sont aux commandes. Leur détermination et leur maîtrise de l’organisation assurent un large succès aux opérations.

          Pour fanatiser davantage ses partisans, Abassi Madani fait intervenir directement Dieu en faveur de son parti. En mai 1990, au plus fort de la campagne électorale pour les municipales, au-dessus d’un stade comble de la capitale, au moment où, après forces dévotions, le leader intégriste évoque le nom d’Allah, les lettres qui composent le cri de ralliement des djihadistes du monde entier – ‘’Allah Akbar’’ – apparaissent en motifs de lumière sur l’écran bas des nuages. Ce qui procède d’une utilisation grossière du laser soulève une immense clameur hystérique. ‘’Le miracle divin’’ fait tomber en catalepsie des milliers de jeunes. L’inqualifiable manipulation psychologique montre à quel degré d’avilissement de l’islam les intégristes s’adonnent pour obtenir le ralliement des foules.

          Un mois plus tard, le FIS emporte la majorité des communes. Il fait main basse sur les fichiers électoraux. Dans chaque district, il sait qui est qui. Ses militants font le tri. Des centaines de milliers de cartes électorales sont détruites. Les budgets ainsi que les moyens matériels et humains de ces collectivités passent sous leur coupe. Ils vont être mis à la disposition des groupes paramilitaires qui préparent les offensives terroristes qui vont embraser l’Algérie au cours de la décennie 1990. Au mépris de la Constitution et de la loi, la devise de la République ‘’Par le peuple et pour le peuple’’ est effacée du fronton des communes et remplacée par ‘’Baladiya islamiya’’ (commune islamique). Les murs croulent sous les inscriptions coraniques qui appellent à la mobilisation des croyants contre les ‘’mécréants’’, au djihad et à la ‘’purification des mœurs’’.

          Des nervis aux ordres régentent la société par la terreur. La musique est déclarée blasphématoire. Les conservatoires sont occupés et les instruments de musique brisés. Des spectacles sont interdits par la violence.

          Sous le prétexte qu’ils ont organisé des réveillons de fin d’année, hôtels et restaurants sont saccagés. Des chanteurs populaires, tels Meskoud ou Aït Menguellat sont sommés, alors qu’ils sont sur scène, d’interrompre leur récital. La police anti-émeute doit intervenir pour protéger les artistes et leur public. Le sport n’est plus permis aux filles. Des baigneuses sont poursuivies et violentées sur les plages. De jeunes couples sont interpellés et brutalisés. Les femmes sont particulièrement ciblées.

          Avec la conquête des communes, les islamistes disposent désormais d’un solide tremplin administratif pour sauter plus loin. Le ‘’calme’’ dont se félicite Mouloud Hamrouche au moment où le chaos est à son paroxysme est-il une preuve de cécité ou de cynisme ?».
          Othmane BENZAGHOU

          Commentaire


          • #6
            Notre généralissime ne devrait pas ignorer qu'une capacité opérationnelle se déploie quand des opportunités se présentent, et n'est pas nécessairement l'apanage d'une planification minutieuse et minutée... Une capacité opérationnelle n'est directement sous la direction d'un commanditaire, dont la commande est passée depuis belle lurette...

            Intéressant que notre généralissime mette l'accent sur Mouloud Hamrouche, celui qui a été limogé en juin, "pour cause de passivité". Il faudrait ainsi que ce généralissime se penche sur pourquoi son ministre de l'intérieur, Larbi Belkheir, chargé des élections,rien que ça, ne se chargera pas du tout de la loi électorale, et permettra à son fidèle serviteur, le sinistre Belkhadem, de faire voter une loi electorale majoritaire qui a fait d'un parti avec 30% des voies le vainqueur d'une élection...
            Othmane BENZAGHOU

            Commentaire


            • #7
              Assassinat de Benyahia : Salah Goudjil confirme la version du général Nezzar


              Algérie Patriotique - septembre 18, 2018 - 6:28 Kenzi Adam

              Salah Goudjil, ancien ministre des Transports sous Chadli.

              Par R. Mahmoudi – Interrogé par le journal panarabe Al-Araby Al-Jadid sur les révélations faites par l’ex-ministre de la Défense nationale, le général Khaled Nezzar, dans la deuxième partie de ses mémoires qui paraîtront en octobre prochain, et dont ****************** a publié des extraits, l’ancien ministre des Transports Salah Goudjil, qui a été nommé à la tête de la commission d’enquête sur l’affaire du crash de l’avion qui transportait Mohamed Seddik Benyahia, a confirmé la version du général Nezzar, à savoir que c’est l’ex-président irakien qui a donné l’ordre d’abattre ledit avion.



              Goudjil affirme que lors de sa rencontre avec Saddam Hussein à Bagdad, ce dernier a nié toute responsabilité devant lui dans l’assassinat de l’ex-chef de la diplomatie algérienne. «Mais je l’ai confronté, explique Salah Goudjil, avec une preuve, à savoir que des restes de missiles trouvés dans l’épave confirment l’hypothèse d’un tir de missile», notant que l’engin «était de fabrication russe» et que «nous savions que l’Irak en possédait», assène l’ex-ministre des Transports. Et de conclure : «Il était alors clair que les Irakiens étaient impliqués dans l’incident du crash.»

              Les aveux de Salah Goudjil s’arrêtent là, évitant d’évoquer l’attitude de l’ex-président Chadli Bendjedid sur cette histoire.

              Allant à contresens des conclusions du général Nezzar, le journaliste et mémorialiste de Chadli Bendjedid, Abdelaziz Boubakir, prend sa défense. Dans un article posté sur sa page Facebook, Boubakir prétend grosso modo que les Irakiens ont abattu le Grumman qui transportait la délégation algérienne «par erreur», parce que ce qui était visé par les tirs irakiens, selon cette version, c’était un avion libyen de même type, qui transportait le bras droit de Kadhafi, Abdeslam Djelloud, envoyé pour «parasiter» la mission algérienne et parasiter par-là tout le processus de paix initié par l’Algérie dans le conflit irako-iranien.

              D’après Boubakir, Chadli Bendjedid aurait sévèrement interpellé Saddam Hussein sur cette affaire, en lui disant en substance : «Nous savons que c’est vous qui avez donné l’ordre d’abattre notre avion, par erreur, mais ce que je vous demande, c’est de l’avouer en public, en le suppliant en ces termes : ‘’Je vous prie de ne pas me mettre dans l’embarras devant le peuple algérien, parce que je me suis engagé à lui révéler la vérité’’.»

              Saddam aurait alors baissé la tête, en signe de reconnaissance. Boubakir avouera, toutefois, à la fin que «les équilibres de l’Etat et les relations internationales ont imposé de garder le silence sur cette affaire».

              R. M.
              Une autre preuve flagrante de la dimension de ce qu'a été ce président de la république qui demandait à celui qui vient d'abattre un avion avec la fine fleur des cadres de la nation de lui sauver la face. Quelle image affligeante...

              Ce n'est pas pour rien que Nezzar rapporte qu'en s'entretenant avec Chedli, quand il disait quelque chose d'intelligent, il savait que Hamrouche l'avait precede...
              Dernière modification par ott, 18 septembre 2018, 09h09.
              Othmane BENZAGHOU

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              • #8
                J’ai une autre raison de ne nourrir aucune sympathie particulière pour Saddam Hussein. C’est lui qui donne l’ordre d’abattre le Grumman Gulfstream II présidentiel qui transporte notre ministre des Affaires étrangères, Mohamed-Seddik Benyahia et la délégation qui l’accompagne en mission de paix dans la région. Mohamed-Seddik Benyahia meurt le 3 mai 1982 avec huit cadres du ministère des Affaires étrangères, un journaliste et les quatre membres de l’équipage du Grumman. La commission d’enquête dépêchée sur place est présidée par le ministre des Transports de l’époque, Salah Goudjil. Les techniciens de notre aviation retrouvent, dans les débris de l’avion, les fragments du missile air-air qui fait exploser l’avion algérien. Le missile fait partie d’un lot fourni à l’Irak par les Russes. L’Algérie obtient le numéro de série de ce missile.
                Et dire que beaucoup d’algériens continuent de vénérer ce fou sanguinaire...

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