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Le revirement de politique de de gaulle en algerie en septembre 1959

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  • Le revirement de politique de de gaulle en algerie en septembre 1959

    La franchise tardive de De Gaulle sur les insuffisances de la France en l'Algérie, durant 120 ans - Les non-dits de De Gaulle à la haute hiérarchie de l'armée française, le 30 août 1959, au quartier général de Challe, en Kabylie - Les mobiles majeurs du changement de politique de De Gaulle en Algérie -Les pressions de ses alliés et les menaces du débat imminent aux Nations Unies sur la question algérienne - L'opposition croissante de la presse et de la gauche françaises - La résistance phénoménale des populations paysannes et de l'ALN face à la guerre totale de Challe - La contre offensive diplomatique du GPRA et la menace rouge de Moscou et de Pékin - Les ventes d'armes des Etats Unis au Maroc et à la Tunisie.



    La franchise tardive de De Gaulle sur « les insuffisances françaises en Algérie durant 120 ans »

    La proclamation solennelle de De Gaulle, le 16 septembre 1959, du droit à l'autodétermination des Algériens eut un effet de douche froide sur l'armée d'Algérie, sur les Pieds Noirs et sur toute la classe politique française de droite, demeurée passionnément attachée à « l'Algérie Française ». Il est certain que ces réactions eussent été beaucoup plus rapides et plus brutales si De Gaulle n'avait pas pris la précaution de se rendre en Algérie, deux semaines auparavant, et d'expliquer de vive voix, à la haute hiérarchie militaire, les mobiles de son initiative, ses implications et la nécessité de reporter la mise en œuvre effective de l'autodétermination, après la pacification totale du pays.

    Selon De Gaulle, trois raisons majeures plaidaient alors (août 1959) en faveur de ce recours à une consultation des populations algériennes sur leur avenir:


    - la première était que la « situation faite aux autochtones était insupportable dans ce pays où la France, depuis cent vingt ans, n'avait pas fait tout l'effort nécessaire ».


    - la seconde concernait « la conjoncture internationale caractérisée par un hostilité ouverte à la France qui « ne le lui permet pas de faire fi de l'opinion internationale, tout particulièrement à une époque où la plus grande partie du monde est en train de s'affranchir. »

    - la troisième constatation développée par De Gaulle, lors de cette visite au QG de Challes en Kabylie en août 1959, était que « la France ne pouvait garder les Algériens avec elle que s'ils le veulent eux mêmes et que si l'Algérie était transformée de fond en comble, avec la population, pour elle et par elle, en vue d'en faire un état moderne. Sans elle, ajouta De Gaulle la pacification, aussi complète fût-elle, serait vaine et sans lendemain.

    Bien évidemment, l'origine, la nature et l'évolution du conflit qui opposait les Algériens àla Francene pouvait se circonscrire à la carence des gouvernements français qui se sont succédés au pouvoir durant cent vingt ans, quant à la prise en charge correcte du développement de l'Algérie et du progrès de ses populations. Même réduits uniquement à cet aspect, c'est la première fois dans l'histoire coloniale de l'Algérie, qu'un Président dela Républiquereconnaissait clairement que la colonisation avait échoué.


    S'agissant de cette reconnaissance par De Gaulle des erreurs du passé, les Algériens eussent été bien plus réceptifs à une initiative de ce genre, s'il l'avait faite, par exemple, après mai 1945. Il était alors le chef incontesté et adulé de la Franceet de l'empire qu'il venait tout juste de libérer grâce en partie aux sacrifices des indigènes d'Algérie. Il avait alors tous les pouvoirs pour récompenser ces valeureux combattants, autrement que par les massacres de leurs familles, l'incendie de leurs gourbis et les fours à chaux vive[1] pour leurs « meneurs ».

    Or, c'est sous l'autorité de De Gaulle que l'armée française et les colons, la veille encore unanimes derrière Pétain, ont perpétré ces crimes, le jour même où le monde entier célébrait la victoire contre l'Allemagne nazie. Triste ironie de l'histoire coloniale de l'Algérie, c'est en pleurant de rage que les tirailleurs originaires de la région, de retour de Cassino, des Ardennes, du Rhin et dela Forêtnoire, ont vécu cette victoire, devant les ruines encore fumantes de leurs douars bombardés sans relâche, toute la semaine, par la marine de guerre et l'aviation françaises.

    Les non-dits de De Gaulle à la haute hiérarchie militaire française, le 30 août 1959, au QG de Challe en Kabylie

    Quoiqu'il en fût, rien ne servait en août 1959 de rebâtir le passé de l'Algérie avec des « si » et des hypothèses à posteriori, ni avec des regrets et des condamnations concernant les erreurs commises et les occasions perdues. L'histoire coloniale de l'empire coloniale français et singulièrement celle de l'Algérie, n'ont été, en vérité, qu'une lamentable et longue suite des unes et des autres.

    Revenons donc à De Gaulle et à sa proclamation du droit du peuple algérien à l'autodétermination, le 19 septembre 1959, et constatons que, même en des circonstances aussi exceptionnelles et aussi cruciales pourla France, et pour l'Algérie, il s'est gardé de révéler la vérité sur toutes ses intentions concernant l'avenir des Algériens. Pourtant, il était clair à ce moment là précisément que sa passion viscérale pour l'Algérie française, son nationalisme quasiment mystique et son passé de chef militaire et de chef d'Etat littéralement habité par la grandeur dela France, ne le conduiraient à renoncer à « l'Algérie française », que contraint et forcé. Il était également clair qu'il voulait la conserver française, coûte que coûte, et qu'il ne pouvait pas renoncer à ses richesses ni à son rôle de pivot central de l'édifice qu'il n'avait cessé de construire, depuis son retour au pouvoir, avec une constance et une détermination qui forcent l'admiration.

    En fait, depuis mai-juin 1958, il avait fait le siège de ses alliés américains et européens avec, chaque fois, des propositions nouvelles plus audacieuses que les précédentes. Toutes, nous l'avons vu, avaient un dénominateur commun : la reconnaissance d'une place privilégiée pourla Francedans la direction du monde libre et un engagement inconditionnel et irrévocable des Alliés pour le maintien de l'Algérie dans le giron français.

    Que s'est-il donc passé de si grave et de si redoutable pour l'avenir de la France, pour que De Gaulle renonce, le 19 septembre 1959, à l'Algérie française, et par voie de conséquence également, au Maghreb et à l'Afrique subsaharienne, fondements de la politique française, depuis plus d'un siècle ? Laissons de côté quelques hypothèses souvent évoquées par ses laudateurs, affirmant effrontément que son amour de la liberté l'a emporté, à ce moment là, sur son nationalisme. Un fait est certain : De Gaulle n'était ni un sentimental ni un libérateur des peuples. Il était nationaliste :la France, sa grandeur et son avenir seuls comptaient à ses yeux.

    Calculateur, froid, diplomate chevronné, Chef de guerre et stratège endurci par les épreuves que le destin avait imposé à son « cher et grand pays » depuis un demi-siècle, De Gaulle était aussi un réaliste. Et c'est son réalisme qui le conduisit, au milieu de l'été de 1959, à constater la faillite de toute sa politique étrangère concernant la guerre d'Algérie, au moins, dans cinq domaines :

    - Les Américains et l'OTAN,
    - l'Afrique
    - l'Eurafrique,
    - L'Europe Occidentale,
    - Et l'Organisation des Nations Unies.

    Ce réalisme le conduisit également à constater froidement que tous ses efforts tendant à isoler le FLN et le GPRA au plan international avaient échoué et que si l'ALN, au plan militaire, avait subi des pertes sévères, il n'en demeurait pas moins que la rébellion armée en Algérie était loin d'être éradiquée.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Pour de nombreux auteurs, dont Réda Malek, cette proclamation du 19septembre 1959 était due, pour l'essentiel, aux revers accumulés par De Gaulle depuis son retour au pouvoir dans ses relations avec les Etats Unis et l'OTAN et aux menaces d'une nouvelle débâcle aux Nations Unies, à l'occasion des débats sur la question algérienne. Il est certain que les difficultés de De Gaulle avec les Américains, et l'orage qui s'annonçait aux Nations Unies, conjugués aux pressions de plus en plus fermes des Européens, excédés par les atermoiements du gouvernement français concernant l'avenir des Algériens et par le maintien en Algérie des troupes françaises initialement destinées au théâtre d'opérations européen (France et République fédérale allemande), ont conduitla Franceà recourir à tous les moyens pour gagner un répit.

    Cependant d'autres mobiles ont participé et précipité cette décision. La montée en puissance du GPRA sur la scène internationale, la résistance incroyable des populations algériennes de l'intérieur et de l'ALN, la dislocation, par pans entiers, de l'édifice stratégique néo-colonial que De Gaulle s'était efforcé de construire en Afrique (communauté française), et entre l'Europe et le continent africain (Eurafrique) et les menaces, toutes récentes des Marocains et des Tunisiens, de ne plus s'opposer au débarquement des matériels militaires chinois ou soviétiques destinés à l'ALN, ont certainement pesé sur cette rupture de De Gaulle avec sa politique antérieure, vis à vis des Algériens.

    Tout aussi important furent :
    - le poids de l'opposition d'une fraction de plus en plus importante de la population française à la prolongation de la guerre,
    - les menaces d'une reprise des opérations du FLN dans l'Hexagone,
    - et l'engagement dela Chineet de l'URSS aux côtés des combattants algériens.

    Si, en ce qui concerne les difficultés de De Gaulle avec les Etats Unis et les autres membres de l'OTAN ou ses déceptions européennes ou africaines, nombre de chercheurs en ont souligné l'ampleur et les retombées prévisibles sur la suite immédiate des événements. Cependant, on doit souligner que la résistance phénoménale des populations et de l'ALN et la contre-offensive du GPRA en direction de Moscou, de Pékin, de l'Afrique subsaharienne et de l'Amérique Latine et les succès indéniables de la diplomatie algérienne dans divers forums internationaux et singulièrement aux Nations Unies, n'ont pas bénéficié du même intérêt de la part des historiens qui se sont intéressés par la guerre d'Algérie. Pourtant, cette résistance de l'intérieur et ce dynamisme de l'appareil diplomatique du GPRA à l'extérieur ont bien marqué l'évolution des événements, dès l'automne de 1959.

    C'est à partir de cette période qu'on peut considérer, en effet, que le sort de la guerre pour De Gaulle, ne dépendait plus essentiellement de la situation militaire à l'intérieur et que désormais, il fallait compter aussi avec les équipes politiques du GPRA. De toutes façons, l'armée française avait utilisé tous les moyens, pour briser la résistance des populations algériennes, et les contraindre à accepter docilement le sort que la France déciderait pour elle.

    800 000 hommes étaient engagés à ce moment là en Algérie, 263 000 harkis et des services de sécurité (police et gendarmerie) totalisant 200 000 hommes les soutenaient. Pour avoir une idée plus précise encore de l'engagement militaire de la France, il y a lieu de souligner que 2 millions de jeunes français ont servi en Algérie de 1954 à 1962.


    L'appui de la presse internationale à la lutte des Algériens

    Les prises de position d'une partie croissante de la presse française, contre la poursuite de la guerre en Algérie, furent, sans aucun doute, une arme redoutable que le FLN et ses sympathisants à l'étranger ont su utiliser efficacement pour combattre les excès et la prolongation de la guerre.

    Ainsi, chaque fois que le New York Times publiait une lettre de Abdelkader Chanderli, le représentant du FLN (puis du GPRA) à New York, Debré se déchaînait contre le State Department. D'ailleurs, il se déchaînait tous les matins contre la presse française, de plus en plus hostile à la guerre totale que conduisait Challe en Algérie. Il vilipendait également tous les martins la presse allemande, italienne et suédoise, beaucoup plus libres que leur gouvernement respectif de dire ouvertement les horreurs de la guerre d'Algérie, son caractère inhumain et sanglant ainsi que ses conséquences possibles sur la paix dans le monde.

    Ces prises de position de la presse internationale en faveur du peuple algérien et leur impact sur les gouvernements étrangers et l'opinion publique en France et ailleurs eurent des conséquences indiscutables sur la démoralisation, et la lassitude des Français, face au prolongement de la guerre. Tout ce qui se perpétrait comme horreurs et comme crimes de guerre ou crimes contre l'humanité en Algérie et tout ce qui plaidait en faveur d'un règlement négocié était enfin étalé au grand jour. Le FLN, très habilement amplifiait ces dénonciations. Il les traduisait dans toutes les langues et les présentait au reste du monde.

    Une grande partie des bulletins d'information des missions du GPRA à travers le monde, était consacrée à la revue de la presse internationale. Ainsi, Abdelkader Chanderli, a eu l'intelligence de consacrer presqu'entièrement son bulletin d'information quotidien à ce que la presse française avait publié, quelques heures plus tôt à Paris, sur la guerre d'Algérie et ses horreurs. C'était sa manière à lui de dire aux Américains et à leur gouvernement : « Voici des témoignages irrécusables. Ils sont le fait d'éminents journalistes français. Le FLN pourrait les compléter et les commenter. Il ne le fait pas et laisse l'opinion publique américaine seule juge ». Bien entendu, chaque fois qu'un numéro de « Témoignage Chrétien », du « Monde », de « France Observateur » ou de « Combat » était saisi, ce qui arrivait souvent avec De Gaulle, Debré, ou Soustelle, Chanderli se faisait un devoir de montrer au public américain, que même la presse française était étouffée et ligotée par le pouvoir gaulliste.

    A ce sujet, Benjamin Stora[2] révèle :


    « Les saisies de journaux en Métropole et en Algérie ont été beaucoup plus importants sous le régime gaulliste que sous la IVème république : 179 journaux saisis en métropole du 1er juin 1958 à juin 1962 (soit une moyenne annuelle de 44 saisies) contre 60 saisies en métropole du 1er novembre 1954 au 31 mai 1958 (soit 13 saisies en moyenne par an » et il ajoute :

    « Que ce soit en Algérie ou en métropole, les années de plus forte censure seront 1960 (154 saisies), 1961 (127 saisies) et en 1962 (120 saisies).

    La torture et les camps de concertation : crimes de guerre de la France en Algérie

    La dénonciation de ces deux crimes majeurs de l'armée française en Algérie étaient à l'origine de ces saisies. A ces horreurs se sont ajoutés au fil des années, les massacres collectifs, les incendies de villages et des forêts, les zones interdites, les caves à vin, les fours à chaux et la multitude de dénis de justice perpétrés en France ou en Algérie, depuis le début de la guerre».

    Le 16 septembre 1959, au moment où De Gaulle préconise le recours à l'autodétermination, 11 018 militants algériens de la Fédérationde France[3] sont soit en prison, soit dans un des quatre camps d'internement qui leur étaient réservés (Mourmelou, Vadenay (Marne), Saint Maurice, l'Ardoise (Gard, Thol (Ain) et Larzak (Aveyron).

    « A trois reprises, à quelques jours d'intervalle, à Aïn Isser (Préfecture de Tlemcen) à Mercur-Lacombe (Préfecture de Mascara) et Mouzaïa ville (Préfecture de Blida), des indigènes, arrêtés comme suspects, ont été confinés dans des caves à vin, et contraints d'y passer la nuit. Une partie d'entre eux ont été mortellement intoxiqués par l'anhydride de carbone ».

    Les pertes en vies humaines dans ces trois incidents se chiffrent ainsi : 50 cadavres à Aïn Isser, 16 à Mercier Lacombe et 21 à Mouzaïa ville). (Extrait de rapport remis à Bourgès Manoury par la commission de sauvegarde des droits et libertés individuels[4] composée de l'ambassadeur André François Poncet, du Général Zeller, Me Maurice Garçon, et du Président du conseil de l'Ordre des médecins, le professeur Robet de Vernejoul.

    L'enfermement n'était pas pratiqué dans l'hexagone seulement. En Algérie, des centaines de milliers de familles et d'individus étaient maintenus manu-militari dans des camps d'internement qui rappelaient, par les méthodes et le traitement disciplinaire infligés aux détenus, les camps nazis de la deuxième guerre mondiale. Certes, aucune fumée de fours crématoires n'était visible à l'horizon. Mais la mort lente, par la faim, les coups, la misère physiologique, le froid et la maladie n'avaient rien à envier à l'horreur et au sadisme des camps de concentration nazis.

    En 1959, Delouvrier, le nouveau Délégué Général en Algérie demande qu'une enquête soit effectuée sur ces camps de regroupement. L'enquête aboutit en mars 1959, à un rapport officiel qui fait état d'un million de personnes détenues dans ces camps de regroupement (le Monde du 18 avril 1959).

    Quant à M. Rocard, il avait écrit en avril 1957, dans son rapport « la politique de pacification fait qu'il y a actuellement deux millions d'Algériens en camp de concentration ». Il n'y a pas malheureusement pas de doute : entre la date de ce rapport (avril 1957) et le discours du 16 septembre 1959, soit deux ans et demi plus tard, le nombre et la condition des internés d'Algérie et de l'Hexagone n'ont cessé de s'aggraver et de prendre finalement les propositions d'un véritable désastre humanitaire.

    Quoique les développements de la guerre d'Algérie, au plan militaire et le terrorisme d'Etat des forces armées françaises en Algérie ne figurent pas dans le champ fixé à cet ouvrage consacré à la diplomatie du FLN et du GPRA, il n'en demeure pas que l'impossibilité pour l'armée et l'administration françaises de « mater » les Algériens de l'intérieur et de l'hexagone a impressionné fortement De Gaulle. Il était arrivé à la même conclusion en ce qui concerne l'ALN.

    Le jugement et la condamnation à mort du Colonel Si Salah, pour haute trahison avec l'ennemi, dès son retour de Paris, par un conseil de guerre de la wilaya IV, a été également un choc pour De Gaulle.

    Les accords d'Evian, deux ans et demi plus tard, ont mis à l'abri les auteurs de ces crimes. En vérité, nul ne pourra effacer ces infâmies ni absoudre leurs auteurs. Dans le mémoire collective des Algériens, cette réclusion prolongée de centaines de milliers de civils restera une opprobre indélibile[5]. Plus que la torture, les massacres collectifs, les assassinats par hélicoptère ou par enterrement des suppliciés encore en vie dans leurs tombes - sadisme suprême, creusées par eux mêmes - ont déshonoré l'armée française, ses chefs et son gouvernement. Ainsi que De Gaulle.


    Les responsabilités personnelles de De Gaulle dans ces crimes de guerre
    Un des points d'interrogation les plus fréquents des Algériens des deux générations d'après guerre concernant l'aggravation tragique des excès de l'armée et de l'administration françaises en Algérie, dès le retour de De .Gaulle au pouvoir, porte sur les responsabilités de ce dernier dans ces excès. Pour nombre d'entre eux, l'image d'un De.Gaulle, champion de la liberté de l'Europe contre le fascisme hitlérien, héros national de la libération de la Franceet Chef de la résistance des Français de 1940 à 1945, contre l'occupation nazie de son pays, ne cadre pas avec les horreurs indicibles de la pacification de l'Algérie conduite sous son égide et son approbation* jusqu'au printemps 1962.

    Pourtant, pour les Algériens et pour nombre de gouvernements étrangers, De.Gaulle est responsable au premier Chef[6] des malheurs des populations civiles des campagnes algériennes. Rien ne se faisait, dans le domaine militaire surtout, sans son accord préalable, ou pour le moins sans qu'il lui en fût rendu compte immédiatement. En tout cas rien, en ce qui concerne le déroulement du Plan Challe, n'échappait à son attention vigilante. Il était donc parfaitement au fait des ravages dont les campagnes algériennes étaient victimes. Il pouvait y mettre un terme ou, au moins, les réduire. S'il ne l'a pas fait, c'est parce qu'il était convaincu que l'enfermement et le lavage de cerveau des populations civiles rurales étaient indispensable au succès de l'isolement et à la destruction de l'ALN, conditions sine qua-quo, avec le succès du Plan de Constantine 3 octobre 1958, lancé pour que la paix revienne et pour que l'Algérie entière se soumette et rentre au bercail, en demandant l'aman.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Le plan de Constantine : outil de propagande ou le réel projet de développement de l'Algérie

      Présenté par De.Gaulle à Constantine le 3 octobre 1958 avec la mise en scène spectaculaire qui accompagnait, traditionnellement chacune de ses apparitions publiques en Algérie, le Plan de développement de l'Algérie, conçu pour dix (10) ans, n'avait pas sérieusement démarré, douze moi après.
      Au demeurant, ce Plan de Constantine, élaboré pour faire rattraper en dix (10) ans le retard accumulé durant plus d'un siècle, ne fut, pour les objectifs qu'il s'est donnés, qu'un complément de propagande à l'action de « pacification » de grande envergure, alors en cours.

      Voici brièvement quelques éléments essentiels :

      1) Extension de la scolarisation :
      1°) Enseignement primaire : Construction de 2025 salles de classe nouvelles de 1958 à 1960 dans le but de parvenir au terme du programme à la scolarisation de 1.400.000 enfants algériens sur 2.450.000 d'âge scolaire, soit 60%.

      2°) Enseignement secondaire : objectif : 2.500 élèves algériens de plus par an.
      3°) Enseignement technique : objectif : 3500 élèves algériens de plus par an.
      4°).Enseignement supérieur : objectif : aucun objectif précis n'a été fixé ni en matière de créations universitaires nouvelles ni en matière d'effectifs.
      A noter cependant que les indications disponibles relèvent que 6.553 étudiants fréquentaient l'université d'Alger et que parmi eux 894 étaient algériens[7].


      2) L'Implantation de la grande industrie :
      Dans ce domaine, le Plan de Constantine prévoyait, notamment :
      a).la mise en exploitation à partir de 1962 du gisement de phosphates de Djebel Honk avec un rythme de production de 1.400.000 tonnes par an soit 800.000 Tonnes de minerai enrichi (75% de teneur)
      b) la construction d'une raffinerie de pétrole à Alger-Maison Carrée (2.500.000T).
      c) un complexe r ambitieux à Arzew –Mostaganem en vue :
      - de la liquéfaction du gaz naturel, 3 milliards de m3.
      - la fabrication d'ammoniaque, d'engrais azoté, de chlore et de soude.
      - des unités d'électrométallurgie de l'aluminium et des ferro-alliages.

      3) Le Complexe sidérurgique de Annaba:
      a).Le Complexe sidérurgique de Annaba (à l'époque Bône) devait être également crée dans le cadre du Plan de Constantine. Le démarrage de la production (500.000 Tonnes/an) était prévu pour fin 1962.
      Le Complexe devait créer 3.000 emplois directs et 5 à 6 fois plus d'emplois indirects.
      b).Ces trois secteurs de l'industrialisation de l'Algérie, devaient être complétés par des industries alimentaires, de fabrication de matériaux de construction, de transformation de métaux, d'industries chimiques, de textiles et de cuirs.
      Ces créations nouvelles ou ces extensions concernaient 417 entreprises et devaient créer, une fois en pleine activité (1963) 29.655 emplois. Elles devaient être financées à 75% par des sociétés privées françaises.
      4) La modernisation de l'agriculture et la reforme agraire :
      a).dans le Plan de Constantine, la modernisation de l'agriculture traditionnelle n'a été traitée que sous l'angle de la formation des moniteurs qui devaient être affectés dans les communes rurales, sur la base de deux moniteurs agricoles par commune.
      Par contre, le Plan est muet, sur la question essentielle de la terre et sur les moyens financiers et matériels nécessaires à la mise en oeuvre de ce qu'il appelle ''la réforme agraire'' et qui ne concerne que200.000 hectaresrachetés à prix d'or par le Trésor public de l'Algérie àla Compagnie Genevoise.
      Par prudence, ces sociétés de l'Hexagone se sont gardées de s'engager dans la réalisation des projets.
      De toutes façons De.Gaule savait bien, en septembre 1959, au moment de la proclamation du droit des Algériens à l'autodétermination, que les Sociétés Françaises se seraient pas au rendez-vous.
      5) L'Habitat
      Le cinquième volet prioritaire du Plan de Constantine concernait l'habitat et ses projets de construction (en cinq ans de 120.000 logements urbains et 910.000 logements ruraux pour un million de personnes.


      En plus, indique le Plan, 1024 nouveaux villages officiels et 1000 villages provisoires (appellation pudique des camps de regroupement) devaient être achevés en 1960.
      Pour minimiser le coût de ces opérations ''mille villages'', les matériaux étaient fournis par les S.A.S (Service d'Action Sociale) de l'armée française tandis que la main-d'œuvre était à la charge des bénéficiaires, c'est-à-dire des assignés à résidence dans ces camps.

      Comme on peut le constater à travers ce bref condensé des données officielles françaises sur le Plan de Constantine, le projet, dans son ensemble était bien timoré eu égard aux besoins immenses des populations rurales dont les 4/5 vivaient dans une misère chronique, de l'aveu même des auteurs du plan, lors de son lancement, le 3 octobre 1958 à Constantine par le Général De.Gaulle.
      Pis encore, quelle que fût le domaine, que le Plan entendait promouvoir (Education, Industrialisation, PME, Habitat, Emploi ou Action Sociale) les objectifs étaient bien modestes, les moyens insuffisants et les délais trop longs.

      L'Algérie indépendante en sait quelque chose. Avec des moyens infiniment plus importants et une volonté politique nationale beaucoup plus déterminée et plus engagée, elle en est encore, en 2007, à s'acharner à réaliser un million de logements pour offrir un toit décent à tous les Algériens.
      En vérité, De.Gaulle a lancé le Plan de Constantine beaucoup plus pour donner une teinte humanitaire et sociale à la reconquête militaire de l'Algérie, dans le but d'aider celle-ci à sortir de sa misère[8]. Il était clair pour ses alliés, ainsi que pour l'opinion publique de plus en plus récalcitrante de l'hexagone, que l'objectif principal de tout le chahut[9] fait autour du Plan de Constantine, n'était qu'un subterfuge supplémentaire, pour passer le cap difficile des débats imminents à l'assemblée Générale des Nations Unies et pour justifier les longs délais arrêtés par De Gaulle pour la mise en œuvre de l'autodétermination.
      Les succès diplomatiques du GPRA et « la menace rouge » sur l'Algérie
      Les succès du GPRA et les reconnaissances de plus en plus nombreuses dont il bénéficiait en septembre 1959, un an après sa création, étaient devenus une préoccupation constante de la diplomatie française. L'audience croissante de l'Algérie combattante dans le monde émergent (Moyen Orient, Maghreb, Afrique, Asie, Amérique Latine et Bloc Socialiste) réduisait d'autant plus celle dela Francesur la scène internationale que De.Gaule avait pris la décision, bien maladroitement, dès septembre 1958, de rompre les relations diplomatiques et de cesser l'aide économique de son gouvernement à tous les pays qui reconnaîtraient le GPRA.
      En dépit de ces menaces, une trentaine de pays ont décidé de passer outre. Par voie de conséquence l'isolement dela Francesur la scène Internationale s'accéléra, non seulement aux Nations Unies mais également dans tous les forums où la question du droit des peuples à la liberté était à l'ordre du jour.
      Partout où se réunissaient des juristes démocrates, des organisations humanitaires, des mouvements féminins, des syndicalistes, ou des étudiants, le drame du peuple algérien était dénoncé etla Francemise au ban des Nations civilisées, dans des termes de plus en plus sévères et de plus en plus attentatoires à la susceptibilité chatouilleuse de De .Gaulle.
      En fait, cette hostilité internationale était devenue tellement intolérable pour lui qu'il lui fallait absolument trouver le moyen de la neutraliser. La reconnaissance du droit à l'autodétermination des Algériens participait sans aucun doute de cette stratégie de sortie de l'isolement.
      Non moins préoccupantes pour De .Gaule, à ce moment là étaient la fin de la neutralité affichée par l'URSS à l'égard de la question algérienne, et la mise en œuvre d'une politique de soutien actif aux Combattants algériens.

      Nous avons vu précédemment que les Soviétiques ont tenu les engagements faits aux dirigeants du GPRA et que, bravant les menaces de la marine de guerre française, de nombreux cargos battant pavillon d'un pays Socialiste, et chargés de matériels et d'équipements de guerre sophistiqués, ont réussi à débarquer sur les quais des ports de Tanger de Casablanca et de Tunis des milliers de tonnes d'armements, individuels et collectifs, des canons longue portée, des véhicules tous terrains, des blocs opératoires de campagne, des équipements pour les plongeurs-saboteurs de l'ALN, ainsi qu'une aérodrome de campagne, en Kits, dans des conteneurs numérotés et dûment inventoriés[10].
      Ces fournitures d'armes soviétiques du GPRA, et leur livraison ''à domicile'', avec l'accord du Gouvernement Marocain, ajoutées aux envois considérables dela Chine Populaire, débarqués à Tunis ou à Casablanca, étaient devenues une hantise pour De.Gaule.
      Pour le Gouvernement français, comme pour les Etats Unis et les autres membres de l'OTAN il était désormais évident que c'était là, de la part de Pékin et de Moscou, l'ultime avertissement adressé àla France, avant un engagement plus substantiel aux côtés des Algériens, sur le terrain des opérations, en Algérie même.

      Ainsi plusieurs éléments ont contraint De Gaulle en septembre 1959, à annoncer la politique qu'il conduisait sur l'Algérie. Ces facteurs tiennent tout à la fois à la résistance héroïque du peuple algérien et de l'ALN, à la vanité du plan de Constantine et aux échecs de division de l'ALN, qu'aux ras le bol des Français de l'Hexagone, aux revers diplomatiques de De Gaulle avec les Etats Unis, l'Europe occidentale et l'Afrique. Pour couronner le tout, les Russes et les Chinois ont délivré l'ultime avertissement. De Gaulle a reçu le message « cinq sur cinq ».

      Les Algériens devraient se féliciter que De Gaulle ait interprété correctement ces signaux. On ne sait pas, en effet, ce que seraient devenus notre combat et notre pays avec l'intégration progressive de notre guerre d'indépendance nationale dans la guerre froide qui opposait les deux blocs, à ce moment là ou pire encore, avec la transformation du territoire algérien en théâtre d'opérations de confrontation armée entre les deux géants de l'époque.



      [1] Les Américains, sollicités par l'Etat major français ont refusé de prêter le concours de leur aviation pour ces opérations de répression en Algérie, en mai 1945.

      [2] Benjamin Stora, « La gangrène et l'oubli »,la Découverte, 1992., p.33, 34.

      [3] Benjamin Stora :

      [4] La commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles a été créée par Bourgès Maunury bien partie de sa mission consistait d'abus portées contre l'armée et l'administration françaises en Algérie.

      [5] A propos de ce rapport, il faudrait consulter également « Michel Rocard ou l'art du possible », J-C Simoën, Paris 1979, p. 48-50.
      Quant aux extraits du rapport officiel publiés par le Monde, ils sont reproduits dans la guerre d'Algérie



      [6] Le Général Challe aurait affirmé à Y. Courriere ( "Les Colons" , p ...) qu'avant qu'il ne rejoigne son poste à Alger, De Gaulle a discuté point par point avec lui le programme des opérations et a signé le document résumant la conception, la stratégie et les moyens du Plan connu, depuis lors, sous le nom de "Plan Challe". Challe aurait ajouté que le document a disparu de son coffre à Alger, trois mois après.


      [7] Cette présence importante d'Etudiants algériens (15% des effectifs), trois ans après que l'U.G.F.M.A eut déclenché la grève, ne doit pas surprendre : presque tous ceux qui n'avaient pu ni quitter le pays ni rejoindre les maquis, ont du s'inscrire aux cours pour se mettre à l'abri des tracasseries policières

      [8] Entretien De Gaulle- De louviers, le ../../... à Paris (Y. Courrier- les Colonels, p 369).

      [9] « Tout ce chahut, dit le dicton arabe, pour une malheureuse souris ! ».


      [10] Une équipe de jeunes Officiers-pilotes* algériens, sous la conduite du Commandant Said Ait Messaoudène, le fondateur de l'armée de l'air algérienne, est venue à Rabat, au cours de la première semaine d'octobre 1962, les réclamer à l'auteur, alors chargé d'affaires à l'Ambassade d'Algérie dansla Capitale Marocaine.
      Les hélicoptères étaient dans leurs containers d'origine à Mekhnès où Hassan.II les avait fait mettre à l'abri en attendant que l'Algérie indépendante en prenne livraison. En une semaine, l'escadrille fût prête à rejoindre Alger.
      Et c'est cette escadrille d'hélicoptères qui ouvrit le défilé militaire du Premier Novembre de l'histoire de l'Algérie indépendante, à Alger, dans le ciel de l'avenue de l'ALN, à la grande surprise des invités étrangers et de la population algéroise.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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