Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Maria Zakharova, Russe d’influence

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Maria Zakharova, Russe d’influence


    SUCCÈS  Cette femme de 42 ans est la figure montante de la diplomatie du Kremlin. Son verbe franc et tranchant n’épargne pas la politique étrangère de l’Occident, prisonnière de ses bons sentiments.



    Côté face, il y a bien sûr Sergueï Lavrov. Le visage de la diplomatie russe, connu du monde entier depuis près de quinze ans. Une trogne d’acteur, une stature imposante, un charisme foudroyant. Un homme madré, né en Géorgie comme Staline, mais d’origine arménienne. Beaucoup s’accordent à dire qu’il restera comme l’un des plus grands ministres des Affaires étrangères de son pays, période tsariste et parenthèse communiste comprises. Côté pile, il y a Maria Zakharova, 42 ans, sa porte-parole. Elle est l’autre visage de la politique extérieure de Poutine. Peu connue hors de ses frontières, mais véritable star chez elle, où elle apparaît fréquemment sur les écrans de télévision. Derrière un charme ravageur et un sourire enjôleur, un caractère bien trempé, un verbe sans langue de bois, elle aussi. Pour la BBC, elle figurait, en 2016, parmi les cent femmes les plus influentes au monde. Les esprits les plus machistes disent qu’elle est « une Lavrov en jupon ».

    Pourrait-elle lui succéder un jour ? Elle se garde bien de répondre mais reconnaît qu’ils sont comme les deux doigts d’une main, les deux versants d’une pièce. Ils appréhendent la marche de la planète d’un même regard, sans concessions. Ils en tirent les mêmes enseignements, tranchés. La seule différence, dit-elle, « c’est qu’il est cigarette, moi, je fume le ci*gare ». Maria Zakharova en a d’ailleurs un qui porte son nom à Moscou, comme Churchill, signe de sa popularité. Le temps consacré au travail la distingue également de son patron. « Lavrov est un work addict. Moi, concède-t-elle, je veux réserver de la place à ma famille. »

    Tous les week-ends, quand elle le peut, elle s’échappe donc dans sa datcha, à une cinquantaine de kilomètres de Moscou, non loin de l’aéroport. Là, au milieu des champs et dans une maison qui n’a rien d’un palais, elle se ressource. Son ingénieur de mari, Andreï, épousé en 2005, lui mijote quelques plats. Sa fillette peut lui confier des *secrets. Et puis, elle retrouve ses parents adorés avec qui elle entretient une relation fusionnelle. Son père est un ancien diplomate, aujourd’hui professeur d’économie. Il a commencé sa carrière sous Leonid Brejnev.

    « L’Occident ne nous a jamais compris »
    C’est à Pékin, où elle l’a suivi en poste à l’âge de 6 ans, qu’il lui a inoculé le virus de la diplomatie. Quand elle parle en sa présence, elle guette sa réaction. Sous l’œil paternel, l’intraitable porte-parole de Lavrov redevient une adolescente presque mal assurée. Elle le vénère, lui qui parle cinq langues étrangères couramment, dont le français à la perfection, quand elle ne maîtrise « que » l’anglais et le chinois. Sa mère a tellement aimé l’empire du Milieu qu’elle est devenue une spécialiste reconnue des arts populaires de ce pays. Elle a écrit de nombreux livres sur le sujet.

    La Chine, c’est la grande affaire de la famille. « C’est là-bas que je me suis ouverte au monde, ra*conte Maria Zakharova. Je rêvais d’être sinologue plus tard. » Son pays en a décidé autrement, à sa sortie de l’Institut des relations internationales en 1998. Sitôt diplômée, elle est bombardée au service de presse du ministère des Affaires étrangères, où elle est notamment chargée de l’édition mensuelle de La Revue diplomatique. Intéressant, mais pas suffisant, selon elle, y compris financièrement. Donc elle travaille à côté pour arrondir ses fins de mois comme interprète. De chinois, évidemment !

    Ironie de l’histoire, elle passera quelques jours aux côtés de Mikhaïl Khodorkovski, qui est alors la première fortune russe, à la tête du groupe pétrolier Ioukos. « Un jour, il m’a proposé de m’embaucher à plein temps, moyennant un salaire énorme, confie-t-elle. Mais je n’ai pas aimé l’ambiance, ni les gens… » Dit-elle la vérité ? Toujours est-il que Khodorkovski, qui avait de grandes ambitions politiques, se voit arrêter net dans son ascension par Vladimir Poutine. Accusé de tous les maux : fraude fiscale, vol, blanchiment d’argent… L’oligarque déchu passera plusieurs années à l’ombre avant d’être gracié par le maître du Kremlin en 2013. Pendant ce temps, son ancienne interprète, elle, s’envole pour New York. Elle passe trois ans à la représentation permanente russe aux Nations unies. Est-ce là-bas qu’elle commence à se forger quelques-unes de ses opinions - pas vraiment flatteuses - sur l’Occident ? Sans aucun doute. Le sentiment de supériorité des Américains, « faisant à chaque instant sentir qu’ils avaient gagné la guerre froide », a piqué au vif son orgueil et sa fibre patriotique. Elle affirme que Moscou, avec Poutine, était prêt à construire un nouveau monde, mais que les États-Unis n’en ont pas voulu.

    Maria Zakharova est d’un bloc. Elle a les convictions chevillées au corps. Tenter de les contrarier, c’est se heurter à un mur. Il y a aussi chez elle du ressentiment. « L’Occident ne nous a jamais compris, lance-t-elle. Pendant que nous chassions les isla*mistes en Tchétchénie, vous êtes restés les bras croisés. Maintenant, vous mesurez, avec l’expérience, combien nous avions raison. Vous pouvez vous en mordre les doigts. » Pareil face au bourbier syrien, où Poutine soutient Bachar el-Assad : « Vos préjugés sont toujours les mêmes, alors que la rébellion au régime de Damas est infestée d’islamistes qui ne vous veulent pas de bien. » La porte-parole de Lavrov s’enflamme contre l’autocensure qui règne en Occident pour ne pas heurter le politiquement correct, le vrai-faux esprit de tolérance. Elle reconnaît, certes, que la corruption est monnaie courante dans son pays, mais elle ne l’échangerait pas contre la « dictature du libéralisme ». Inutile de pinailler, de remuer des affaires sensibles comme l’annexion de la Crimée ou le sort réservé à des opposants politiques. « La Russie de Poutine, assène-t-elle, c’est la stabilité, l’innovation, le développement, la sécurité. Poutine a relancé la Russie. » C’est simple, la diplomate Maria Zakharova n’a qu’un rêve : « Que l’Ouest nous laisse tranquilles et comprenne que les Russes ne sont pas les agresseurs… » Un message que Vladimir Poutine répétera peut-être à Emmanuel Macron à Paris le 11 novembre, s’il accepte de participer aux commémorations de l’armistice de 1918. Le président de la République française, dit-elle, « parle beaucoup, mais n’a pas fait ses preuves, c’est encore Merkel la chef de l’Europe ».

    figaro
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
Chargement...
X