Annonce

Réduire
Aucune annonce.

À Etel Adnan

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • À Etel Adnan

    Celle qui parle a vu naître les pierres
    Les temples
    Comme eux elle a résisté au vent
    Aux étés implacables
    Au blanc de la neige
    À l’obscurité
    Elle a étreint les statues
    S’est écroulée à leur ombre
    S’est écroulée avec elles
    S’est toujours relevée
    Sans jamais pleurer
    S’est époussetée et
    A continué
    Telle la mémoire
    Elle est dépourvue d’affect dépourvue de sentiment
    Elle est mémoire
    Elle sait mais ne dit pas
    Pas tout en tous cas
    Elle parle se parle
    Ce qu’elle dit a la force de l’évidence
    Ne serait-ce que pour elle seule
    Chaque mot tonne telle une sentence
    Chaque sentence est irrévocable
    Ses images sont-elles confuses ?
    Elle n’en a cure
    Elles lui viennent d’un temps sien
    D’un temps autre
    Où les dieux badinaient avec les enfants
    Où les cieux déchaînaient les éléments
    Où les colonnes étaient toutes debout
    Ces images lui viennent enroulées dans des suaires blancs
    Ce sont ses offrandes
    À ce qui reste de l'humanité
    Celle qui parle est une gardienne
    Gardienne de temples
    Gardienne du temps
    Revenue de tous les désirs de toutes les guerres
    Elle ne fait plus qu’un avec les pierres
    Son sang est couleur de marbre
    Sa voix couleur du miel éternel
    Celle qui parle ne sait pas qu’elle parle
    Ni même qu’on l’écoute elle dit
    Ne veut convaincre personne
    Sa parole est aveugle
    Quelque chose de grave et de profond
    Qui a à voir avec le ventre de la terre
    Avec le ventre
    Avec le centre
    Parole qui n’hésite pas
    Ne tremble pas
    Même si elle fait trembler
    Celle qui parle a baissé ses armes
    Comme qui a traversé les arcs-en-ciel
    Celle qui parle a été une femme
    A été corps et âme

    La-voilà déesse détachée de sa statue
    Errant parmi les ombres.



    Par Nabil El-Azan
    Né à Beyrouth, Nabil el-Azan a accompli successivement deux parcours universitaires, l’un en Sciences politiques et l’autre en Études théâtrales à Paris où il vit depuis 1978.
    Metteur en scène et directeur de la compagnie La Barraca, il crée principalement des pièces d’auteurs contemporains dont Aziz Chouaki, Enzo Cormann, Daniel Danis, Carole Fréchette, Jean Louvet, Christian Rullier… Auteur de deux ouvrages (May Arida, Le rêve de Baalbeck et Vingt-six lettres de poussières), Nabil el-Azan a également traduit certains textes dont Les Proscrits de Johan Sigurjonsson et Mirages de Issa Makhlouf.
    Publications récentes d'Etel Adnan :
    Nuit d’Etel Adnan, traduit de l’américain par Françoise Despalle, éditions de l’Attente, 2017.
    dz(0000/1111)dz
Chargement...
X