Publié par Mustapha Hammouche
le 30-09-2018
Quelle qu’en sera l’issue, l’affaire de la destitution de Bouhadja constitue un beau cas de droit constitutionnel à l’algérienne.
Aux termes de la loi, le président de l’Assemblée nationale est élu pour un mandat de cinq ans, la durée d’une mandature législative. Pour procéder à l’élection d’un nouveau président d’Assemblée, le bureau de l’APN doit préalablement constater la vacance de la présidence. À cet effet, le règlement intérieur prévoit quatre cas possibles de vacance : la démission, l’incapacité, l’incompatibilité ou le décès. Le texte ne précise pas la nature de l’incompatibilité : avec la fonction ou avec la majorité ? Incompatibilité politique, morale ou… d’humeur ?
Le critère d’incompatibilité n’étant pas précisé, que faire lorsqu’on veut destituer un président d’APN si aucune des autres conditions n’est réunie ? Il ne reste que la démission. Mais la démission est, par nature, à l’initiative du démissionnaire. Pas dans le cas algérien, non. Mais là, la suggestion de la démission ne peut pas venir de n’importe qui, surtout pas de la base qui “élit”.
Alors pourquoi des députés, même constituant la majorité, demandent-ils à leur président, qu’ils sont supposés avoir élu pour cinq ans, de déposer sa démission ? À ce qu’on sait, ils lui reprochent d’avoir révoqué le secrétaire général de l’Assemblée. Or, cette décision relève légalement de sa prérogative, puisque la loi et le règlement intérieur disposent qu’il pourvoit à tous les postes administratifs de l’institution. Il n’y a donc que le droit du travail pour limiter son omnipotence en la matière. Le fait est que les députés ont “élu” Bouhadja, mais ne l’ont pas choisi. C’est une des règles de fonctionnement de ce qui est devenu un État-Présidence. Ce fonctionnement dénonce ouvertement le principe démocratique de séparation des pouvoirs, mais tout en s’inquiétant des intrigues de palais, tout le monde ferme les yeux sur cette perversion de la République. Le choix des présidents d’Assemblée par le président de la République matérialise la soumission du “pouvoir” législatif à l’absolutisme du pouvoir exécutif, lui-même institutionnellement réduit à une réalité autocratique. Qu’importe si cette réalité est altérée par quelque jeu d’influences. Ce qui vaut pour l’APN et le Conseil de la nation vaut pour le “pouvoir” judiciaire et pour les institutions d’arbitrage, comme la Banque d’Algérie ou le Conseil constitutionnel. Et, puisque des députés FLN frondent, il vaut aussi pour le FLN qui n’est qu’un instrument d’action politique, un appareil, à la disposition du pouvoir réel.
En 2004, Amar Saâdani, appelé pour remplacer Karim Younès à la tête de l’APN, n’a même pas cherché à sauver les formes : à peine son élection proclamée, et devant les députés qui venaient de l’“élire”, il a, en toute franchise, “remercié le président de la République pour la confiance qu’il a placée en lui”. Et Bouhadja vient de rappeler ce simple fait qu’il n’y a pas d’indépendance du législatif. “Si Bouteflika me le demande, je démissionne”, a-t-il dit, rappelant à tous la règle générale.
Il veut bien partir, mais “dans la légalité”, à la l’algérienne.
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le 30-09-2018
Quelle qu’en sera l’issue, l’affaire de la destitution de Bouhadja constitue un beau cas de droit constitutionnel à l’algérienne.
Aux termes de la loi, le président de l’Assemblée nationale est élu pour un mandat de cinq ans, la durée d’une mandature législative. Pour procéder à l’élection d’un nouveau président d’Assemblée, le bureau de l’APN doit préalablement constater la vacance de la présidence. À cet effet, le règlement intérieur prévoit quatre cas possibles de vacance : la démission, l’incapacité, l’incompatibilité ou le décès. Le texte ne précise pas la nature de l’incompatibilité : avec la fonction ou avec la majorité ? Incompatibilité politique, morale ou… d’humeur ?
Le critère d’incompatibilité n’étant pas précisé, que faire lorsqu’on veut destituer un président d’APN si aucune des autres conditions n’est réunie ? Il ne reste que la démission. Mais la démission est, par nature, à l’initiative du démissionnaire. Pas dans le cas algérien, non. Mais là, la suggestion de la démission ne peut pas venir de n’importe qui, surtout pas de la base qui “élit”.
Alors pourquoi des députés, même constituant la majorité, demandent-ils à leur président, qu’ils sont supposés avoir élu pour cinq ans, de déposer sa démission ? À ce qu’on sait, ils lui reprochent d’avoir révoqué le secrétaire général de l’Assemblée. Or, cette décision relève légalement de sa prérogative, puisque la loi et le règlement intérieur disposent qu’il pourvoit à tous les postes administratifs de l’institution. Il n’y a donc que le droit du travail pour limiter son omnipotence en la matière. Le fait est que les députés ont “élu” Bouhadja, mais ne l’ont pas choisi. C’est une des règles de fonctionnement de ce qui est devenu un État-Présidence. Ce fonctionnement dénonce ouvertement le principe démocratique de séparation des pouvoirs, mais tout en s’inquiétant des intrigues de palais, tout le monde ferme les yeux sur cette perversion de la République. Le choix des présidents d’Assemblée par le président de la République matérialise la soumission du “pouvoir” législatif à l’absolutisme du pouvoir exécutif, lui-même institutionnellement réduit à une réalité autocratique. Qu’importe si cette réalité est altérée par quelque jeu d’influences. Ce qui vaut pour l’APN et le Conseil de la nation vaut pour le “pouvoir” judiciaire et pour les institutions d’arbitrage, comme la Banque d’Algérie ou le Conseil constitutionnel. Et, puisque des députés FLN frondent, il vaut aussi pour le FLN qui n’est qu’un instrument d’action politique, un appareil, à la disposition du pouvoir réel.
En 2004, Amar Saâdani, appelé pour remplacer Karim Younès à la tête de l’APN, n’a même pas cherché à sauver les formes : à peine son élection proclamée, et devant les députés qui venaient de l’“élire”, il a, en toute franchise, “remercié le président de la République pour la confiance qu’il a placée en lui”. Et Bouhadja vient de rappeler ce simple fait qu’il n’y a pas d’indépendance du législatif. “Si Bouteflika me le demande, je démissionne”, a-t-il dit, rappelant à tous la règle générale.
Il veut bien partir, mais “dans la légalité”, à la l’algérienne.
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