Sur un autre Topic, on a amorcé une discussion sur la pratique journalistique (politique), sa partialité/impartialité, sa déontologie… Interessante opinion parue sur le journal « le Monde » sur un phénomène tendant à supplanter les journaux et la fonction de journaliste…. Le Web. Les partisans verront un grand coup de pied dans la fourmilière et une remise en cause « en interne » du journalisme politique, d’autres verront un outil « sans contrôle » et sujet à toutes les manipulations et propagandes.
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Point de vue
Le journalisme, quand Internet est roi..., par Hervé Brusini
LE MONDE | 05.03.07 | 14h05 • Mis à jour le 05.03.07 | 14h05
Et voilà que l'innocente souris se transforme en arme létale. D'un coup de clic, un métier est sur le point de disparaître. Après tout, nos campagnes ont bien vu le maréchal-ferrant fermer boutique, alors pourquoi pas le journaliste absorbé par la Toile ? Le dispositif numérique qui permet à la masse de s'exprimer est d'ores et déjà en place... à l'antenne. Vous avez une question à poser au politique ? N'hésitez surtout pas ! Aucun journaliste ne viendra troubler ce dialogue direct, comme on le fait dans les chats. La ****osphère est à ce point à l'ordre du jour que la corporation elle-même s'interroge sur l'apparition d'une nouvelle catégorie : le journaliste citoyen. La force du témoignage mis en ligne, la conviction personnelle publiée à l'échelle planétaire, les faits (ou prétendus tels) rapportés dans l'instant, font vaciller les professionnels de l'info.
Ici et là, les débats agitent peu ou prou la même question : tout le monde est appelé à devenir journaliste, alors, allons-nous vivre dans un monde sans journaliste (au sens désormais ancien du terme) ? Et la corporation d'affirmer que, pour survivre, il faut se retrousser les manches, faire preuve de créativité, mobiliser les talents. Déjà les groupes de presse tentent de mettre en place le modèle économique nouveau. Bref, sur les écrans comme en coulisse, le journalisme vit une crise palpable. Mêlé de désarroi, le sentiment est partagé que débute une ère nouvelle.
Cette circonstance historique agit comme une épreuve de vérité pour tout le métier. La corporation se voit et se sent contrainte à décrire ce qui fait la nature de sa pratique. Elle parle de la valeur ajoutée de son activité, de l'ardente nécessité de recouper les sources. Elle cherche à se distinguer. Il aura fallu l'intensité de ce séisme et la sourde angoisse qui l'accompagne pour qu'enfin la profession expose - un peu - ses arts de faire.
Mais cette attitude nouvelle doit vaincre un obstacle de taille : la vacuité du discours d'une profession sur elle-même. A commencer par son acte de naissance officiel. Le bon président Albert Lebrun a promulgué en 1935 une loi qui en dit long sur les capacités de notre société à définir une profession présentée comme l'un des attributs de la démocratie. Est journaliste (titulaire d'une carte professionnelle), toute personne qui a pour "occupation régulière et rétribuée" d'être journaliste. Cette tautologie bien connue est toujours en vigueur et n'évoque nullement le contenu de la fonction. Avant d'être doté du précieux sauf-conduit, il faut aujourd'hui passer par une école spécialisée. Des disciplines, des matières, des techniques y sont enseignées avec toute l'attention et le sérieux nécessaires. Mais les manuels de référence restent introuvables. Les diverses démarches du métier de journaliste n'ont jamais eu droit à ce privilège pourtant tout à fait banal aux yeux du juriste ou du scientifique. Le corpus basique de toute une profession est réduit aux seules paroles et aux quelques écrits des professionnels qui professent (sans évoquer ici les ouvrages des universitaires).
STATUT DE LA VÉRITÉ
Paradoxalement, le formatage tant reproché aux écoles est peut-être favorisé par ce vide théorique. Nous en sommes tous responsables. Point d'orgue, nous voudrions anticiper l'avenir, dans la méconnaissance presque absolue de notre histoire. Hérodote a mis en place dans ses "enquêtes" le principe du constat oculaire sur le terrain, le général Thucydide a fondé l'exigence du recoupement des récits, l'Eglise du Moyen Age a systématisé les techniques de l'entretien... qu'importe ! On le sait, le journalisme prétend se vivre et s'inventer au fil des jours. La question de sa morale l'a en revanche poussé à une production de chartes et de codes que peu de catégories professionnelles connaissent. Il est légitime de voir une corporation se prendre en charge elle-même dans une relation de respect à l'égard des citoyens. Mais cet exercice louable s'est substitué au travail de simple définition de ce que nous faisons dans chacune de nos éditions. Le mot, l'image, le son utilisés dans le reportage, l'interview ou le sujet explicatif constituent l'identité du journalisme. Pour l'heure, notre discours n'est que de justification : nous ne sommes pas celui que vous croyez, inféodé aux pouvoirs politiques, financier et audimatique ! C'est un peu court.
Ni ennemi ni ami, le Web jette une lumière cruelle sur toutes ces défaillances. L'enjeu est essentiel : il pose la question du statut de la vérité dans le monde du haut débit. Et de la place à réserver à ceux qui ont pour fonction de la produire.
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Hervé Brusini est directeur délégué à l'information à France 3.
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Point de vue
Le journalisme, quand Internet est roi..., par Hervé Brusini
LE MONDE | 05.03.07 | 14h05 • Mis à jour le 05.03.07 | 14h05
Et voilà que l'innocente souris se transforme en arme létale. D'un coup de clic, un métier est sur le point de disparaître. Après tout, nos campagnes ont bien vu le maréchal-ferrant fermer boutique, alors pourquoi pas le journaliste absorbé par la Toile ? Le dispositif numérique qui permet à la masse de s'exprimer est d'ores et déjà en place... à l'antenne. Vous avez une question à poser au politique ? N'hésitez surtout pas ! Aucun journaliste ne viendra troubler ce dialogue direct, comme on le fait dans les chats. La ****osphère est à ce point à l'ordre du jour que la corporation elle-même s'interroge sur l'apparition d'une nouvelle catégorie : le journaliste citoyen. La force du témoignage mis en ligne, la conviction personnelle publiée à l'échelle planétaire, les faits (ou prétendus tels) rapportés dans l'instant, font vaciller les professionnels de l'info.
Ici et là, les débats agitent peu ou prou la même question : tout le monde est appelé à devenir journaliste, alors, allons-nous vivre dans un monde sans journaliste (au sens désormais ancien du terme) ? Et la corporation d'affirmer que, pour survivre, il faut se retrousser les manches, faire preuve de créativité, mobiliser les talents. Déjà les groupes de presse tentent de mettre en place le modèle économique nouveau. Bref, sur les écrans comme en coulisse, le journalisme vit une crise palpable. Mêlé de désarroi, le sentiment est partagé que débute une ère nouvelle.
Cette circonstance historique agit comme une épreuve de vérité pour tout le métier. La corporation se voit et se sent contrainte à décrire ce qui fait la nature de sa pratique. Elle parle de la valeur ajoutée de son activité, de l'ardente nécessité de recouper les sources. Elle cherche à se distinguer. Il aura fallu l'intensité de ce séisme et la sourde angoisse qui l'accompagne pour qu'enfin la profession expose - un peu - ses arts de faire.
Mais cette attitude nouvelle doit vaincre un obstacle de taille : la vacuité du discours d'une profession sur elle-même. A commencer par son acte de naissance officiel. Le bon président Albert Lebrun a promulgué en 1935 une loi qui en dit long sur les capacités de notre société à définir une profession présentée comme l'un des attributs de la démocratie. Est journaliste (titulaire d'une carte professionnelle), toute personne qui a pour "occupation régulière et rétribuée" d'être journaliste. Cette tautologie bien connue est toujours en vigueur et n'évoque nullement le contenu de la fonction. Avant d'être doté du précieux sauf-conduit, il faut aujourd'hui passer par une école spécialisée. Des disciplines, des matières, des techniques y sont enseignées avec toute l'attention et le sérieux nécessaires. Mais les manuels de référence restent introuvables. Les diverses démarches du métier de journaliste n'ont jamais eu droit à ce privilège pourtant tout à fait banal aux yeux du juriste ou du scientifique. Le corpus basique de toute une profession est réduit aux seules paroles et aux quelques écrits des professionnels qui professent (sans évoquer ici les ouvrages des universitaires).
STATUT DE LA VÉRITÉ
Paradoxalement, le formatage tant reproché aux écoles est peut-être favorisé par ce vide théorique. Nous en sommes tous responsables. Point d'orgue, nous voudrions anticiper l'avenir, dans la méconnaissance presque absolue de notre histoire. Hérodote a mis en place dans ses "enquêtes" le principe du constat oculaire sur le terrain, le général Thucydide a fondé l'exigence du recoupement des récits, l'Eglise du Moyen Age a systématisé les techniques de l'entretien... qu'importe ! On le sait, le journalisme prétend se vivre et s'inventer au fil des jours. La question de sa morale l'a en revanche poussé à une production de chartes et de codes que peu de catégories professionnelles connaissent. Il est légitime de voir une corporation se prendre en charge elle-même dans une relation de respect à l'égard des citoyens. Mais cet exercice louable s'est substitué au travail de simple définition de ce que nous faisons dans chacune de nos éditions. Le mot, l'image, le son utilisés dans le reportage, l'interview ou le sujet explicatif constituent l'identité du journalisme. Pour l'heure, notre discours n'est que de justification : nous ne sommes pas celui que vous croyez, inféodé aux pouvoirs politiques, financier et audimatique ! C'est un peu court.
Ni ennemi ni ami, le Web jette une lumière cruelle sur toutes ces défaillances. L'enjeu est essentiel : il pose la question du statut de la vérité dans le monde du haut débit. Et de la place à réserver à ceux qui ont pour fonction de la produire.
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Hervé Brusini est directeur délégué à l'information à France 3.
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