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Bébés nés sans main ou sans bras : la faute aux pesticides ?

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  • Bébés nés sans main ou sans bras : la faute aux pesticides ?

    Plusieurs bébés sont nés sans main ou sans bras dans trois départements ces dernières années. Le flou demeure sur l'origine de ces anomalies. Comment expliquer ces malformations ? Les pesticides sont-ils en cause ? LCI s'est tourné vers le professeur Charles Sultan, endocrinologue et spécialiste de la pollution environnementale.


    Pourquoi quatorze bébés sont-ils nés sans main ou sans bras dans plusieurs départements français ? Une enquête a mis au jour ces dernières semaines ce qui pourrait devenir un scandale sanitaire. MSi aucune cause, y compris environnementale, n'a pu être mise en évidence par les enquêtes de l'agence sanitaire Santé publique France, la piste des pesticides ne fait aucun doute pour certains observateurs : ce lundi, Yannick Jadot, tête de liste d'EELV pour les européennes, s'est dit convaincu de la responsabilité des pesticides : "Toutes les familles qui ont été touchées par ces malformations vivent à côté des champs de maïs et des champs de tournesol", a-t-il rappelé sur LCI.



    Cette hypothèse est-elle plausible ? LCI a posé la question à Charles Sultan, Professeur d'endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier et membre du groupe santé environnement, à l'origine d'une étude menée dans le sud de la France sur le lien entre perturbateurs endocriniens et anomalies congénitales.

    LCI : Peut-on établir un lien direct entre malformations et facteurs environnementaux ?

    Pr Sultan : Oui. Contrairement à ce qui avait été considéré comme un dogme, la barrière placentaire n’est pas une barrière. Je dirais même que c’est une éponge. La femme enceinte est soumise à une pollution constante à travers l’air qu’elle respire mais aussi l’eau qu’elle boit et les nutriments qu’elle absorbe. Un fœtus qui n’est pas encore né est déjà contaminé par près de 300 perturbateurs endocriniens que l’on retrouve dans le sang du cordon. Mais il est extrêmement difficile de définir une relation de cause à effet entre les malformations et un produit spécifique. Cependant il a été prouvé que le taux de malformations était beaucoup plus élevé chez les enfants dont les mamans avaient subi une pollution atmosphérique pendant la grossesse. Et pour cause : les particuliers fines et notamment les dioxines sont génératrices de malformations et les pesticides sont tératogènes (ndlr : à l'origine de la production de malformations). A noter qu’il existe des périodes de vulnérabilité pendant la vie fœtale selon l’organe considéré qui fait qu’au moment ou cet organe se différencie il est particulièrement sensible à toute agression exogène. Par exemple, un fœtus pollué entre la 7e et la 14e semaine sera à coup sûr concerné par une malformation génitale. Sur ce point, on sait désormais que toute agression fœtale est à l’origine d’anomalies qui vont s’exprimer en période post natale, soit pendant la puberté, soit à l’âge adulte. En l’occurrence, la malformation génitale traduit une contamination qui va continuer de se réaliser plus tard à travers une atteinte du testicule et des spermatozoïdes.

    LCI : Il est donc très difficile d’imputer un type de malformation à un facteur environnemental en particulier ?

    Pr Sultan : Un "cluster" de malformations, à savoir une accumulation, n’est pas le fruit du hasard. Il peut être soit d’origine génétique soit endocrinienne, soit environnementale. Pour essayer de définir une relation de cause à effet, il faut d’abord identifier des faisceaux d’éléments qui reposent notamment sur l’origine familiale. Ensuite, on peut envisager des études sur le sang ou les cheveux pour tenter d’effectuer des analyses toxicologiques des produits à risque, comme les pesticides. Une fois ces faisceaux d’éléments identifiés, on s’intéresse à la géolocalisation, c’est-à-dire une zone à risque susceptible d’être associée à des malformations. Pour ce qui est des malformations génitales, il a par exemple été démontré qu’elles peuvent être liées à la présence dans la zone d’incinérateurs, de dépôts d’ordures ou à une imprégnation forte de pesticides. Autant d'indices qui peuvent orienter vers une cause environnementale. En matière de pollution environnementale, une autre démarche est employée régulièrement : l’étude cas-témoins. Elle consiste à identifier un certain nombre d’enfants porteurs de malformations pour les comparer à des enfants témoin.

    LCI : Existe-t-il des exemples dans l’histoire récente de malformations officiellement imputées aux pesticides ?

    Pr Sultan : On s’appuie en effet sur des scandales sanitaires pour essayer de tirer les enseignements. Il y en a deux dans l’histoire récente. Le premier c’est l’agent orange, le surnom donné à un pesticide qui a été déversé par milliers de tonnes pendant la guerre du Vietnam par les américains pour stériliser le pays. C’était un herbicide contenant de la dioxine en l’occurrence qui a généré chez les enfants vietnamiens toute une série de malformations : des membres, cardiaque, du système nerveux, génitale, etc. Le deuxième exemple est celui du Distilbène, un xénoestrogène qui a été prescrit à des milliers de femmes enceintes et qui est le prototype de l’action des perturbateurs endocriniens. En l’occurrence, il a le même mécanisme d’action que les pesticides et il a entrainé toute une série de malformations focalisées sur le système génital. Ces deux exemples montrent qu’il existe un modèle clinique expérimental de malformations induit par les pesticides. L’autre aspect important est l’effet transgénérationnel, c’est-à-dire la contamination sur plusieurs générations. Nous sommes en train de l’étudier actuellement avec nos confrères vietnamiens notamment car nous en sommes à la quatrième génération contaminée par l’agent orange. C’est-à-dire qu’il existe des preuves d’un effet transgénérationnel de la dioxine chez les arrières petits enfants qui présentent des altérations des membres ou du cerveau. Pour ce qui est du Distilbène, nous avons été parmi les premiers au monde à montrer que les "petits enfants Distilbène" présentaient un taux de malformations génitales 40 fois supérieur à la normale.

    LCI
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