Le protectionnisme et une politique extraterritoriale agressive permettent aux Etats-Unis de Trump de dominer le reste du monde. Et le président américain vient de renforcer les mesures pour mieux contrôler les investissements étrangers aux Etats-Unis. En France, le Sénat plaide pour la mise en place de plateformes financières spécifiques et pour un rôle accru de l'euro afin de contrer les sanctions extraterritoriales américaines.
Les Etats-Unis, l'hyperpuissance à qui rien ne résiste ou presque. Avec Donald Trump, Washington assume aujourd'hui complètement ce rôle de gendarme du monde. L'actuel président américain ne fait pourtant qu'utiliser un arsenal judiciaire mis en place depuis longtemps par ses prédécesseurs comme les lois Helms-Burton et d'Amato adoptées en 1996. Elles pénalisaient les transactions commerciales réalisées respectivement avec Cuba, la Libye et l'Iran. Les précédents présidents américains n'ont jamais hésité eux non plus à se servir de cet arsenal.
En conséquence, entre 2009 et 2016, les banques européennes ont par exemple versé environ 16 milliards de dollars de pénalités infligées pour violations des sanctions internationales américaines et/ou de la législation anti-blanchiment aux administrations américaines, dont 8,97 milliards pour BNP Paribas. Ces sanctions entraînent "aussi, inévitablement, des interrogations sur un possible ciblage des entreprises européennes et sur la loyauté de certaines pratiques des administrations américaines", avaient d'ailleurs estimé en février 2016 les auteurs d'un rapport sur l'extraterritorialité de la législation américaine, les députés Pierre Lellouche et Karine Berger.
Souveraineté, Donald Trump réveille un peu l'Europe
Pour autant, Donald Trump va sans aucun complexe un cran plus loin. Le retrait unilatéral des États-Unis le 8 mai dernier de l'accord nucléaire avec l'Iran conclu en 2015 et la remise en application concomitante des sanctions américaines ont fragilisé, voire annihilé la mise en œuvre d'un accord politique pourtant jugé capital dans la lutte contre la prolifération nucléaire et pour la stabilité régionale. Cette décision entraîne un retrait massif des entreprises européennes des échanges avec l'Iran par crainte des sanctions extraterritoriales des États-Unis. Washington a également amplifié les sanctions contre la Russie de Poutine et a en outre lancé une guerre commerciale contre la Chine. C'est beaucoup. A tel point que les États-Unis pratiquent sans complexe une politique juridique extérieure...
Car au-delà des sanctions économiques et financières que les Etats-Unis infligent aux entreprises non américaines, Washington met en péril la qualité des relations transatlantiques et affecte surtout l'autonomie des décisions économiques des autres pays et leur souveraineté diplomatique. D'ailleurs on voit naître des alliances assez inimaginables il y a peu de temps encore : l'Union européenne s'allie à la Chine et la Russie pour contrer les Etats-Unis sur le dossier iranien. En France, le Sénat plaide pour la mise en place de plateformes financières spécifiques et pour un rôle accru de l'euro afin de contrer les sanctions extraterritoriales américaines. Ainsi, une plateforme comme celle dont l'Union européenne vient d'annoncer la création avec l'Iran permettra ainsi à ce pays de continuer à exporter du pétrole et à acheter des biens à l'étranger sans échanges financiers.
"Ce n'est pas une banque mais un dispositif sur lequel on enregistrerait des + et des -", a expliqué mercredi le sénateur Philippe Bonnecarrère, en saluant son côté à la fois "rustique et robuste". "Quand l'Iran vendrait du pétrole en Chine ou en Inde, des + viendraient s'aligner sur cette plateforme au prorata des ventes", a précisé le sénateur centriste du Tarn (Union centriste), auteur d'un rapport de la Commission des Affaires européennes du Sénat, intitulé "L'extraterritorialité des sanctions américaines : quelles réponses de l'Union européenne ?".
1/ L'arme de l'extraterritorialité
La domination des Etats-Unis sur le reste du monde tient à ce que certaines lois américaines s'appliquent à des personnes physiques ou morales de pays tiers en raison de liens parfois ténus avec les Etats-Unis (un paiement en dollars par exemple). C'est l'arme imparable des Etats-Unis pour sanctionner les personnes et les entreprises non américaines. Les lois s'appliquent notamment à toutes les sociétés présentes sur les marchés financiers réglementés américains. Ces lois concernent essentiellement trois domaines : les sanctions internationales imposées, y compris de façon unilatérale, par les Etats-Unis ; la corruption d'agents publics à l'étranger ; et, enfin, l'application de la fiscalité personnelle américaine aux citoyens américains non résidents. Pour Donald Trump, l'application d'une politique extraterritoriale agressive est semble-t-il sa doctrine.
2/ L'arme des sanctions économiques
Hier, Cuba, la Libye, le Soudan, aujourd'hui, l'Iran à nouveau, la Russie. Les États-Unis mettent en œuvre des sanctions économiques et embargos au cas par cas. Ainsi, le Congrès américain a voté la loi CAATSA (Counter America's Adversaries Through Sanctions Act ou en français "Contrer les ennemis des Etats-Unis par le biais des sanctions") pour sanctionner la Russie. Cette loi impose des sanctions économiques contre toute entité ou pays, qui conclut des contrats d'armement avec des entreprises russes. Les Etats-Unis ont également rétabli en mai un embargo contre l'Iran et demandent au reste du monde de le respecter sous peine d'imposer des pénalités financières aux entreprises américaines et étrangères qui y contreviendraient. Donald Trump a appelé fin septembre tous les pays de la planète à isoler le régime iranien, dénonçant la "dictature corrompue" au pouvoir selon lui à Téhéran.
Et gare à ceux qui voudrait passer entre les mailles du filet. L'Office of Foreign Assets Control (OFAC), service du Trésor qui veille à l'application des sanctions internationales américaines dans le domaine financier, emploie environ 200 personnes et dispose d'un budget de plus de 30 millions de dollars. L'OFAC surveille notamment les transactions financières mondiales pour détecter les mouvements suspects. Toutes les transactions faites par les circuits officiels sont enregistrées et donc contrôlables dès lors que l'on dispose de moyens de traitement de masse. C'est bien sûr le cas des Etats-Unis.
Ainsi, BNP Paribas s'est vu infliger en 2014 une amende stratosphérique de près de 9 milliards pour violation des sanctions internationales américaines. Dans cette affaire, le ministère de la Justice américain (Department of Justice) a mis en avant la dimension de sécurité nationale, qui est l'une des justifications traditionnelles de l'extraterritorialité. Début septembre, la Société générale a évalué à près de 1,2 milliard d'euros les amendes qu'elle devra payer après avoir effectué des transactions en dollars impliquant des pays sous le coup de sanctions américaines, notamment l'Iran.
Actuellement, Danske Bank, la plus grande banque danoise, a annoncé début octobre faire l'objet d'une enquête des autorités américaines. Sa filiale estonienne, qui est au centre du scandale, a vu transiter entre 2007 et 2015 quelque 200 milliards d'euros à travers les comptes de 15.000 clients étrangers non-résidents en Estonie. Les transactions ont été faites en dollars et en euros. Une part importante de ces fonds a été jugée suspecte, ce qui pourrait porter la somme d'argent sale à plusieurs dizaines de milliards d'euros, provenant essentiellement de Russie.
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Les Etats-Unis, l'hyperpuissance à qui rien ne résiste ou presque. Avec Donald Trump, Washington assume aujourd'hui complètement ce rôle de gendarme du monde. L'actuel président américain ne fait pourtant qu'utiliser un arsenal judiciaire mis en place depuis longtemps par ses prédécesseurs comme les lois Helms-Burton et d'Amato adoptées en 1996. Elles pénalisaient les transactions commerciales réalisées respectivement avec Cuba, la Libye et l'Iran. Les précédents présidents américains n'ont jamais hésité eux non plus à se servir de cet arsenal.
En conséquence, entre 2009 et 2016, les banques européennes ont par exemple versé environ 16 milliards de dollars de pénalités infligées pour violations des sanctions internationales américaines et/ou de la législation anti-blanchiment aux administrations américaines, dont 8,97 milliards pour BNP Paribas. Ces sanctions entraînent "aussi, inévitablement, des interrogations sur un possible ciblage des entreprises européennes et sur la loyauté de certaines pratiques des administrations américaines", avaient d'ailleurs estimé en février 2016 les auteurs d'un rapport sur l'extraterritorialité de la législation américaine, les députés Pierre Lellouche et Karine Berger.
Souveraineté, Donald Trump réveille un peu l'Europe
Pour autant, Donald Trump va sans aucun complexe un cran plus loin. Le retrait unilatéral des États-Unis le 8 mai dernier de l'accord nucléaire avec l'Iran conclu en 2015 et la remise en application concomitante des sanctions américaines ont fragilisé, voire annihilé la mise en œuvre d'un accord politique pourtant jugé capital dans la lutte contre la prolifération nucléaire et pour la stabilité régionale. Cette décision entraîne un retrait massif des entreprises européennes des échanges avec l'Iran par crainte des sanctions extraterritoriales des États-Unis. Washington a également amplifié les sanctions contre la Russie de Poutine et a en outre lancé une guerre commerciale contre la Chine. C'est beaucoup. A tel point que les États-Unis pratiquent sans complexe une politique juridique extérieure...
Car au-delà des sanctions économiques et financières que les Etats-Unis infligent aux entreprises non américaines, Washington met en péril la qualité des relations transatlantiques et affecte surtout l'autonomie des décisions économiques des autres pays et leur souveraineté diplomatique. D'ailleurs on voit naître des alliances assez inimaginables il y a peu de temps encore : l'Union européenne s'allie à la Chine et la Russie pour contrer les Etats-Unis sur le dossier iranien. En France, le Sénat plaide pour la mise en place de plateformes financières spécifiques et pour un rôle accru de l'euro afin de contrer les sanctions extraterritoriales américaines. Ainsi, une plateforme comme celle dont l'Union européenne vient d'annoncer la création avec l'Iran permettra ainsi à ce pays de continuer à exporter du pétrole et à acheter des biens à l'étranger sans échanges financiers.
"Ce n'est pas une banque mais un dispositif sur lequel on enregistrerait des + et des -", a expliqué mercredi le sénateur Philippe Bonnecarrère, en saluant son côté à la fois "rustique et robuste". "Quand l'Iran vendrait du pétrole en Chine ou en Inde, des + viendraient s'aligner sur cette plateforme au prorata des ventes", a précisé le sénateur centriste du Tarn (Union centriste), auteur d'un rapport de la Commission des Affaires européennes du Sénat, intitulé "L'extraterritorialité des sanctions américaines : quelles réponses de l'Union européenne ?".
1/ L'arme de l'extraterritorialité
La domination des Etats-Unis sur le reste du monde tient à ce que certaines lois américaines s'appliquent à des personnes physiques ou morales de pays tiers en raison de liens parfois ténus avec les Etats-Unis (un paiement en dollars par exemple). C'est l'arme imparable des Etats-Unis pour sanctionner les personnes et les entreprises non américaines. Les lois s'appliquent notamment à toutes les sociétés présentes sur les marchés financiers réglementés américains. Ces lois concernent essentiellement trois domaines : les sanctions internationales imposées, y compris de façon unilatérale, par les Etats-Unis ; la corruption d'agents publics à l'étranger ; et, enfin, l'application de la fiscalité personnelle américaine aux citoyens américains non résidents. Pour Donald Trump, l'application d'une politique extraterritoriale agressive est semble-t-il sa doctrine.
2/ L'arme des sanctions économiques
Hier, Cuba, la Libye, le Soudan, aujourd'hui, l'Iran à nouveau, la Russie. Les États-Unis mettent en œuvre des sanctions économiques et embargos au cas par cas. Ainsi, le Congrès américain a voté la loi CAATSA (Counter America's Adversaries Through Sanctions Act ou en français "Contrer les ennemis des Etats-Unis par le biais des sanctions") pour sanctionner la Russie. Cette loi impose des sanctions économiques contre toute entité ou pays, qui conclut des contrats d'armement avec des entreprises russes. Les Etats-Unis ont également rétabli en mai un embargo contre l'Iran et demandent au reste du monde de le respecter sous peine d'imposer des pénalités financières aux entreprises américaines et étrangères qui y contreviendraient. Donald Trump a appelé fin septembre tous les pays de la planète à isoler le régime iranien, dénonçant la "dictature corrompue" au pouvoir selon lui à Téhéran.
Et gare à ceux qui voudrait passer entre les mailles du filet. L'Office of Foreign Assets Control (OFAC), service du Trésor qui veille à l'application des sanctions internationales américaines dans le domaine financier, emploie environ 200 personnes et dispose d'un budget de plus de 30 millions de dollars. L'OFAC surveille notamment les transactions financières mondiales pour détecter les mouvements suspects. Toutes les transactions faites par les circuits officiels sont enregistrées et donc contrôlables dès lors que l'on dispose de moyens de traitement de masse. C'est bien sûr le cas des Etats-Unis.
Ainsi, BNP Paribas s'est vu infliger en 2014 une amende stratosphérique de près de 9 milliards pour violation des sanctions internationales américaines. Dans cette affaire, le ministère de la Justice américain (Department of Justice) a mis en avant la dimension de sécurité nationale, qui est l'une des justifications traditionnelles de l'extraterritorialité. Début septembre, la Société générale a évalué à près de 1,2 milliard d'euros les amendes qu'elle devra payer après avoir effectué des transactions en dollars impliquant des pays sous le coup de sanctions américaines, notamment l'Iran.
Actuellement, Danske Bank, la plus grande banque danoise, a annoncé début octobre faire l'objet d'une enquête des autorités américaines. Sa filiale estonienne, qui est au centre du scandale, a vu transiter entre 2007 et 2015 quelque 200 milliards d'euros à travers les comptes de 15.000 clients étrangers non-résidents en Estonie. Les transactions ont été faites en dollars et en euros. Une part importante de ces fonds a été jugée suspecte, ce qui pourrait porter la somme d'argent sale à plusieurs dizaines de milliards d'euros, provenant essentiellement de Russie.
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