Des députés de la majorité ont empêché Saïd Bouhadja d’accéder à l’Assemblée. Cette crise est un nouveau signe de fébrilité au sein du sérail à six mois de la présidentielle.
Par Amir Akef (Alger, correspondance)
LE MONDE Le 17.10.2018 à 17h20 • Mis à jour le 18.10.2018 à 10h29
Des députés du FLN et du RND bloquent l’accès à l’Assemblée populaire nationale, à Alger, le 16 octobre 2018.
« Coup d’Etat » (El Khabar), « Coup de force » (El Watan), « la loi des hors-la-loi » (HuffPost Algérie)… Les médias algériens soulignent, jeudi 18 octobre, le caractère illégal de l’action des députés de la majorité, notamment du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND), qui ont proclamé, la veille au soir, la « vacance » du poste de président de l’Assemblée nationale. Mardi, ils avaient cadenassé le siège de l’Assemblée pour empêcher son président, Saïd Bouhadja, d’y accéder.
L’action des députés est unanimement décriée par les juristes : la vacance de la présidence de l’Assemblée populaire nationale (APN) ne peut être constatée que « par suite de démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès ». Or, M. Bouhadja (FLN) est bien vivant.
L’opposition parlementaire n’est pas en reste. C’est un « véritable putsch guidé par des clans habitués aux coups d’Etat », a déclaré le chef du groupe parlementaire du RCD (laïc), Athmane Mazouz. C’est « un non-sens sur le plan de la réglementation », assure celui du FFS, Saddek Slimani. Le chef du parti islamiste MSP, Abderrazak Makri, a dénoncé un « coup d’Etat » mené par les « députés de l’allégeance », et demande au Conseil constitutionnel d’intervenir.
Voitures de service
Ce coup de force est l’aboutissement d’une crise aussi soudaine que mystérieuse qui oppose, depuis plusieurs semaines, les députés de la majorité au titulaire du perchoir depuis que, le 23 septembre, M. Bouhadja a limogé le secrétaire général chargé de l’administration, Bachir Slimani.
Téléguidés par leur secrétaire général, Djamel Ould Abbès, les députés du FLN, rejoints par ceux du RND du premier ministre, Ahmed Ouyahia, accusent M. Bouhadja de « mauvaise gestion » et de « frais de mission » excessifs. Lui réplique qu’il a, au contraire, mis de l’ordre et découvert que des députés s’accaparaient jusqu’à quatre ou cinq voitures de service pour leur usage personnel. Une réponse qui a fait fureur sur les réseaux sociaux, sur lesquels s’exprime ouvertement le mépris de nombreux Algériens à l’égard de députés « payés 270 000 dinars par mois [environ 1 950 euros] juste pour lever les mains [approuver les lois] et faire des affaires ». L’attitude des députés de la majorité est violemment critiquée sur les réseaux sociaux où le mot « baltajiyya » (« hommes de main ») est en vogue.
Après avoir semblé sur le point de céder, M. Bouhadja est entré en résistance en déclarant qu’il ne se démettrait que si le président Bouteflika lui en faisait la demande. La Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée sont en sa faveur : rien ne l’oblige à démissionner dans les circonstances actuelles.
Ancien maquisard, M. Bouhadja, qui a reçu l’appui de la puissante organisation nationale des moudjahidine (anciens combattants), bénéficie depuis d’une popularité inattendue. Sur les réseaux sociaux, on l’appelle à ne pas céder et à « mourir debout ». L’homme s’est même offert le luxe d’une sortie en public, le 11 octobre, en s’attablant à une terrasse de café et en prenant des photos avec des passants.
Prétexte
Le refus de Bouhadja a créé une situation inextricable d’autant que la présidence de la République ne semblait guère désireuse de s’impliquer. « Il n’y a pas eu de coup de fil de la présidence et il n’y en aura pas. Saïd Bouhadja n’a pas été nommé par décret. Il n’a pas été désigné par le président de la République », a affirmé Ahmed Ouyahia. Mais le premier ministre est sorti lui-même du droit en demandant à Bouhadja de partir.
Pour beaucoup, la question du sort du secrétaire général n’est en réalité qu’un prétexte. « Le gaspillage au sein des institutions n’a jamais été source de conflit ouvert, cela se règle à huis clos », souligne un ancien député. Dès lors, pourquoi cette crise ? Des analystes établissent avec prudence un lien possible avec les incertitudes sur la candidature ou non du président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et malade, à l’élection présidentielle prévue en avril 2019. L’ex-ministre de la communication Abdelaziz Rahabi, lui, n’hésite pas. Dans une déclaration au journal El Khabar, il affirme qu’il y a une « conviction » au sein des clans du régime que « le président Bouteflika ne va pas se présenter pour un cinquième mandat ».
Par Amir Akef (Alger, correspondance)
LE MONDE Le 17.10.2018 à 17h20 • Mis à jour le 18.10.2018 à 10h29
Des députés du FLN et du RND bloquent l’accès à l’Assemblée populaire nationale, à Alger, le 16 octobre 2018.
« Coup d’Etat » (El Khabar), « Coup de force » (El Watan), « la loi des hors-la-loi » (HuffPost Algérie)… Les médias algériens soulignent, jeudi 18 octobre, le caractère illégal de l’action des députés de la majorité, notamment du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND), qui ont proclamé, la veille au soir, la « vacance » du poste de président de l’Assemblée nationale. Mardi, ils avaient cadenassé le siège de l’Assemblée pour empêcher son président, Saïd Bouhadja, d’y accéder.
L’action des députés est unanimement décriée par les juristes : la vacance de la présidence de l’Assemblée populaire nationale (APN) ne peut être constatée que « par suite de démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès ». Or, M. Bouhadja (FLN) est bien vivant.
L’opposition parlementaire n’est pas en reste. C’est un « véritable putsch guidé par des clans habitués aux coups d’Etat », a déclaré le chef du groupe parlementaire du RCD (laïc), Athmane Mazouz. C’est « un non-sens sur le plan de la réglementation », assure celui du FFS, Saddek Slimani. Le chef du parti islamiste MSP, Abderrazak Makri, a dénoncé un « coup d’Etat » mené par les « députés de l’allégeance », et demande au Conseil constitutionnel d’intervenir.
Voitures de service
Ce coup de force est l’aboutissement d’une crise aussi soudaine que mystérieuse qui oppose, depuis plusieurs semaines, les députés de la majorité au titulaire du perchoir depuis que, le 23 septembre, M. Bouhadja a limogé le secrétaire général chargé de l’administration, Bachir Slimani.
Téléguidés par leur secrétaire général, Djamel Ould Abbès, les députés du FLN, rejoints par ceux du RND du premier ministre, Ahmed Ouyahia, accusent M. Bouhadja de « mauvaise gestion » et de « frais de mission » excessifs. Lui réplique qu’il a, au contraire, mis de l’ordre et découvert que des députés s’accaparaient jusqu’à quatre ou cinq voitures de service pour leur usage personnel. Une réponse qui a fait fureur sur les réseaux sociaux, sur lesquels s’exprime ouvertement le mépris de nombreux Algériens à l’égard de députés « payés 270 000 dinars par mois [environ 1 950 euros] juste pour lever les mains [approuver les lois] et faire des affaires ». L’attitude des députés de la majorité est violemment critiquée sur les réseaux sociaux où le mot « baltajiyya » (« hommes de main ») est en vogue.
Après avoir semblé sur le point de céder, M. Bouhadja est entré en résistance en déclarant qu’il ne se démettrait que si le président Bouteflika lui en faisait la demande. La Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée sont en sa faveur : rien ne l’oblige à démissionner dans les circonstances actuelles.
Ancien maquisard, M. Bouhadja, qui a reçu l’appui de la puissante organisation nationale des moudjahidine (anciens combattants), bénéficie depuis d’une popularité inattendue. Sur les réseaux sociaux, on l’appelle à ne pas céder et à « mourir debout ». L’homme s’est même offert le luxe d’une sortie en public, le 11 octobre, en s’attablant à une terrasse de café et en prenant des photos avec des passants.
Prétexte
Le refus de Bouhadja a créé une situation inextricable d’autant que la présidence de la République ne semblait guère désireuse de s’impliquer. « Il n’y a pas eu de coup de fil de la présidence et il n’y en aura pas. Saïd Bouhadja n’a pas été nommé par décret. Il n’a pas été désigné par le président de la République », a affirmé Ahmed Ouyahia. Mais le premier ministre est sorti lui-même du droit en demandant à Bouhadja de partir.
Pour beaucoup, la question du sort du secrétaire général n’est en réalité qu’un prétexte. « Le gaspillage au sein des institutions n’a jamais été source de conflit ouvert, cela se règle à huis clos », souligne un ancien député. Dès lors, pourquoi cette crise ? Des analystes établissent avec prudence un lien possible avec les incertitudes sur la candidature ou non du président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et malade, à l’élection présidentielle prévue en avril 2019. L’ex-ministre de la communication Abdelaziz Rahabi, lui, n’hésite pas. Dans une déclaration au journal El Khabar, il affirme qu’il y a une « conviction » au sein des clans du régime que « le président Bouteflika ne va pas se présenter pour un cinquième mandat ».
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