En cour Le prince lors de son arrivée à l’Elysée, où il fut reçu le 10 avril 2018.
Il prétend guider jusqu’aux rivages de la modernité une pétromonarchie ensablée dans ses archaïsmes, mais son ascension dépoussière trois figures mythologiques de l’Antiquité grecque ou romaine : Icare, Narcisse et Janus. Icare, parce qu’à 33 ans tout juste, Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz al-Saoud, alias MBS, semble s’être brûlé les ailes au soleil du pouvoir absolu. Narcisse, car le prince héritier d’Arabie saoudite s’est épris, au risque de s’y perdre, de l’image flatteuse que lui ont si longtemps renvoyée, via écrans, smartphones et tablettes, des courtisans craintifs et une presse complaisante. Janus, enfin, car le fils préféré du vieux roi Salmane aura au fil des mois dévoilé deux visages, moins antagonistes qu’il n’y paraît : celui du réformateur assez hardi pour bousculer de tenaces tabous sociétaux ; celui de l’autocrate implacable, impulsif, immature et irascible qui ne tolère pas la moindre voix dissonante. Le changement, certes, mais octroyé d’en haut, dicté par le palais, et je-ne-veuxvoir- qu’une-tête. Quitte à faire rouler celle qui trouble le choeur des louanges et ternit l’éclat de l’épopée.
Sans doute cette griserie tyrannique at- elle scellé, de manière atroce, le sort de l’éditorialiste dissident Jamal Khashoggi, assassiné le 2 octobre dans l’enceinte du consulat saoudien d’Istanbul (Turquie). Les simili-aveux lâchés à reculons par Riyad dix-huit jours plus tard – selon cette fable grotesque, le chroniqueur du Washington Post aurait succombé à un échange de coups de poings – obéissent à un seul et unique leitmotiv : il faut sauver le soldat MBS. D’où le sacrifice, a minima symbolique, de deux poids lourds du premier cercle, fusibles de choix : le général saint cyrien et ex-pilote de chasse Ahmed al- Assiri, chef adjoint des services secrets du royaume ; et le conseiller médias Saoud al-Qahtani, propagandiste zélé et hargneux que, dans un entretien posthume publié par Newsweek, Khashoggi relègue au rang de « voyou ».
Pas sûr que l’éviction de ce duo de super lampistes suffira à étouffer l’incendie. Certes, Salmane père n’a nulle intention de lâcher le fiston aux abois. Le souverain octogénaire, que l’on dit anémié par d’épisodiques accès de démence sénile, vient de dégainer un décret royal plaçant celui-ci à la tête de la commission chargée en toute hâte de réorganiser l’appareil de renseignement. De là à abdiquer en sa faveur... L’hypothèse, un temps avancée par quelques « saoudologues », a pris du plomb dans l’aile, tant MBS paraît fragilisé. Or le papa poule a toujours protégé ce garçon prometteur, y compris contre lui-même ; le recadrant au besoin, notamment quand il osa prôner, au nom d’« intérêts communs », un rapprochement avec Israël. Il n’empêche : le cordon sanitaire censé prémunir contre les vents contraires le successeur désigné s’effiloche. La monarchie wahhabite tremble sur ses bases. Et son prince est nu.
Piège Jamal Khashoggi pénètre dans le consulat saoudien d’Istanbul, le 2 octobre. Il n’en ressortira pas.
Ambiguïté A Emmanuel Macron : «Nous avons perdu quarante ans à combattre les idées extrémistes. »
Cet épisode dévastateur souille à jamais la geste romanesque de l’autodidacte dévoré d’ambition, dopé par une inextinguible soif de revanche. Bien sûr, Mohammed a pour mère Fahda, troisième épouse et favorite supposée du monarque. Mais il n’a ni le brio, ni le cursus, ni d’ailleurs les faveurs des plus illustres de ses demifrères, restés attachés à la maman répudiée. Globe-trotters polyglottes, Sultan, le premier astronaute du monde arabe, Abdelaziz, futur viceministre de l’Energie, et Fayçal, désormais gouverneur de Médine, ont rehaussé leur filiation de la patine que procurent les diplômes raflés sur de prestigieux campus américains ou britanniques.
Resté au pays, le cadet, lui, ne peut se prévaloir que d’une modeste licence en droit, cueillie à l’université Roi-Saoud de Riyad. « De plus, relève un diplomate familier du palais, il était à l’adolescence timide, complexé, bourré de tics et affecté d’un léger bégaiement. Handicaps dont il ne reste plus aujourd’hui que quelques vestiges. » « Son anglais, hier rudimentaire, a nettement gagné en fluidité, souligne en écho un autre connaisseur des arcanes saoudiens.
Dire que, voilà deux ou trois ans, il le baragouinait à peine... » Reste que le gaillard massif à la barbe d’un noir de jais et au regard tantôt perçant, tantôt absent sous le shenagh – keffieh à carreaux rouges et blancs –, peine encore à se délester de cette gaucherie de fonceur un peu rustaud.
Le cygne noir de la couvée ? N’exagérons rien. S’il soutient avoir été éduqué à la dure par une Fahda fidèle à la tradition bédouine, et qu’il assignera d’ailleurs à résidence lorsqu’elle aura le front de douter à voix haute de sa stratégie, Mohammed fut surtout choyé par un père aussi attentif qu’indulgent. « A 12 ans, insiste un initié, il l’accompagnait déjà partout. » Nul doute que dans le sillage de ce gestionnaire rigoureux, qui tend à voir en lui son bâton de vieillesse, Mohammed a beaucoup appris.
Bonimenteur Dans le bureau Ovale, Donald Trump vante auprès de son hôte les armements made in USA. Le gage d’un soutien indéfectible ?
Certes, l’enfant gâté, fondu de bridge et de sports nautiques, goûte aux loisirs de la jeunesse dorée. Certes, ce disciple assumé de Margaret Thatcher fasciné par le Japon cède un temps aux délices du business, entre boursicotage et immobilier. Une arène où affleure déjà son tropisme jupitérien, mélange de volontarismeet de brutalité. « Un jour, raconte un témoin privilégié, il a envoyé sous enveloppe une balle de revolver au juge qui rechignait à lui attribuer l’emprise foncière convoitée. » Un écart qui lui vaudra le sobriquet d’Abou Rasasa, le « père de la cartouche ».
Qu’importe cette embardée affairiste : dans l’ombre du pater familias, le rejeton s’initie aux jeux du pouvoir. En la matière, les travaux pratiques à haute dose valent tous les lauriers académiques. Premier laboratoire : la Maison royale, instance chargée de résoudre les litiges plus ou moins feutrés des sommités du clan Saoud. A sa tête, Salmane l’ancien, flanqué de son fils, voit défiler les dirty secrets et les turpitudes de l’aristocratie. Ce qui peut toujours servir. MBS enrichira cette formation sur le tas au gré des affectations du géniteur, oeuvrant à ses côtés au gouvernorat de Riyad et au ministère de la Défense, puis, bien entendu, l’épaulant lorsque lui échoit la dignité de prince héritier. Quand, en janvier 2015, le père accède au trône, son assistant très spécial sort de l’ombre, quitte à griller les étapes à la hussarde.
Cénacle Le prince a très vite fréquenté la crème des dirigeants de la planète. Ici, au côté de Vladimir Poutine lors du Mondial de football 2018.
En quatre mois, le voici propulsé aux commandes du mastodonte pétrolier Aramco, d’un fonds souverain richement doté, de l’économie nationale et de la Défense. Encore faut-il verrouiller, au profit du cumulard, le processus successoral. Pour ce faire, le nouveau monarque recale tour à tour deux princes d’âge mûr promis au trône.
Survenu en juin 2017, le bannissement du second, Mohammed ben Nayef, ministre de l’Intérieur pourtant crédité de la neutralisation de la nébuleuse djihadiste Al-Qaeda dans les années 2000, vaut d’être relaté, tant il illustre la rudesse des moeurs de la cour. Convoqué au palais, le superflic, isolé et privé de ses téléphones portables, se voit sommé de s’effacer. Il résiste plusieurs heures durant. Peine perdue : diabétique, affaibli par les séquelles de l’attentat-suicide auquel il survécut en 2009, le proscrit finit par craquer. Reste à mettre en scène sa soumission, dûment filmée...
Avant même cet adoubement, MBS ne doutait ni de son aura ni de son étoile. Il pouvait fort bien raccrocher au nez ô combien bourbon de l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos, après lui avoir asséné un péremptoire «Papa est occupé », ou infliger, au mépris du protocole, à Barack Obama, alors locataire de la Maison-Blanche, un laïus sur les échecs de la diplomatie made in Washington. « Rendons-lui cette justice, nuance un visiteur régulier : c’est un gros bosseur, qui a mis tout le monde au boulot. Il m’est arrivé d’être reçu à 1h30 du matin au beau milieu d’une ruche bourdonnante, ou de croiser à l’aube des ministres exténués au sortir d’une réunion. »
Parrains Ses rencontres avec les VIP du monde entier (ici, Richard Branson) ont contribué à forger sa légende « d’Arabe du futur », jeune et ultraconnecté.
Il s’adonne un temps au business, où affleure son mélange de volontarisme et de brutalité
INTERROGATOIRES MUSCLÉS
Un autre épisode met en lumière l’autoritarisme de celui que l’on surnomme mezza voce « le Féroce » : la rafle du Ritz-Carlton de Riyad. Le 4 novembre 2017, près de 400 VIP–hommes d’affaires, ministres, hauts fonctionnaires, dont 11 princes de sang royal – sont instamment priés de se rendre dans ce palace, théâtre d’une réunion urgente. Le traquenard : cibles d’une razzia anticorruption, plusieurs dizaines d’entre eux, soumis à des interrogatoires musclés, ne sortiront de la prison cinq-étoiles que trois mois plus tard, et après avoir monnayé au prix fort leur liberté. Montant total des amendes ainsi extorquées : 1 milliard de dollars environ. Stress, défaillance cardiaque ? Un nanti au moins suc - combera à ce traitement de choc. «Blitzkrieg plutôt bien perçu au sein de la jeunesse et des classes moyennes, mais contre-productif à long terme, note un ancien ambassadeur. Plutôt que d’orchestrer ce racket sélectif en douceur, MBS a affolé les investisseurs étrangers et amplifié la fuite des fonds propres saoudiens. Pire, il s’est aliéné durablement tout un pan de l’establishment, qui ne lui pardonnera pas de sitôt une telle humiliation. »
Il prétend guider jusqu’aux rivages de la modernité une pétromonarchie ensablée dans ses archaïsmes, mais son ascension dépoussière trois figures mythologiques de l’Antiquité grecque ou romaine : Icare, Narcisse et Janus. Icare, parce qu’à 33 ans tout juste, Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz al-Saoud, alias MBS, semble s’être brûlé les ailes au soleil du pouvoir absolu. Narcisse, car le prince héritier d’Arabie saoudite s’est épris, au risque de s’y perdre, de l’image flatteuse que lui ont si longtemps renvoyée, via écrans, smartphones et tablettes, des courtisans craintifs et une presse complaisante. Janus, enfin, car le fils préféré du vieux roi Salmane aura au fil des mois dévoilé deux visages, moins antagonistes qu’il n’y paraît : celui du réformateur assez hardi pour bousculer de tenaces tabous sociétaux ; celui de l’autocrate implacable, impulsif, immature et irascible qui ne tolère pas la moindre voix dissonante. Le changement, certes, mais octroyé d’en haut, dicté par le palais, et je-ne-veuxvoir- qu’une-tête. Quitte à faire rouler celle qui trouble le choeur des louanges et ternit l’éclat de l’épopée.
Sans doute cette griserie tyrannique at- elle scellé, de manière atroce, le sort de l’éditorialiste dissident Jamal Khashoggi, assassiné le 2 octobre dans l’enceinte du consulat saoudien d’Istanbul (Turquie). Les simili-aveux lâchés à reculons par Riyad dix-huit jours plus tard – selon cette fable grotesque, le chroniqueur du Washington Post aurait succombé à un échange de coups de poings – obéissent à un seul et unique leitmotiv : il faut sauver le soldat MBS. D’où le sacrifice, a minima symbolique, de deux poids lourds du premier cercle, fusibles de choix : le général saint cyrien et ex-pilote de chasse Ahmed al- Assiri, chef adjoint des services secrets du royaume ; et le conseiller médias Saoud al-Qahtani, propagandiste zélé et hargneux que, dans un entretien posthume publié par Newsweek, Khashoggi relègue au rang de « voyou ».
Pas sûr que l’éviction de ce duo de super lampistes suffira à étouffer l’incendie. Certes, Salmane père n’a nulle intention de lâcher le fiston aux abois. Le souverain octogénaire, que l’on dit anémié par d’épisodiques accès de démence sénile, vient de dégainer un décret royal plaçant celui-ci à la tête de la commission chargée en toute hâte de réorganiser l’appareil de renseignement. De là à abdiquer en sa faveur... L’hypothèse, un temps avancée par quelques « saoudologues », a pris du plomb dans l’aile, tant MBS paraît fragilisé. Or le papa poule a toujours protégé ce garçon prometteur, y compris contre lui-même ; le recadrant au besoin, notamment quand il osa prôner, au nom d’« intérêts communs », un rapprochement avec Israël. Il n’empêche : le cordon sanitaire censé prémunir contre les vents contraires le successeur désigné s’effiloche. La monarchie wahhabite tremble sur ses bases. Et son prince est nu.
Piège Jamal Khashoggi pénètre dans le consulat saoudien d’Istanbul, le 2 octobre. Il n’en ressortira pas.
Ambiguïté A Emmanuel Macron : «Nous avons perdu quarante ans à combattre les idées extrémistes. »
Cet épisode dévastateur souille à jamais la geste romanesque de l’autodidacte dévoré d’ambition, dopé par une inextinguible soif de revanche. Bien sûr, Mohammed a pour mère Fahda, troisième épouse et favorite supposée du monarque. Mais il n’a ni le brio, ni le cursus, ni d’ailleurs les faveurs des plus illustres de ses demifrères, restés attachés à la maman répudiée. Globe-trotters polyglottes, Sultan, le premier astronaute du monde arabe, Abdelaziz, futur viceministre de l’Energie, et Fayçal, désormais gouverneur de Médine, ont rehaussé leur filiation de la patine que procurent les diplômes raflés sur de prestigieux campus américains ou britanniques.
Resté au pays, le cadet, lui, ne peut se prévaloir que d’une modeste licence en droit, cueillie à l’université Roi-Saoud de Riyad. « De plus, relève un diplomate familier du palais, il était à l’adolescence timide, complexé, bourré de tics et affecté d’un léger bégaiement. Handicaps dont il ne reste plus aujourd’hui que quelques vestiges. » « Son anglais, hier rudimentaire, a nettement gagné en fluidité, souligne en écho un autre connaisseur des arcanes saoudiens.
Dire que, voilà deux ou trois ans, il le baragouinait à peine... » Reste que le gaillard massif à la barbe d’un noir de jais et au regard tantôt perçant, tantôt absent sous le shenagh – keffieh à carreaux rouges et blancs –, peine encore à se délester de cette gaucherie de fonceur un peu rustaud.
Le cygne noir de la couvée ? N’exagérons rien. S’il soutient avoir été éduqué à la dure par une Fahda fidèle à la tradition bédouine, et qu’il assignera d’ailleurs à résidence lorsqu’elle aura le front de douter à voix haute de sa stratégie, Mohammed fut surtout choyé par un père aussi attentif qu’indulgent. « A 12 ans, insiste un initié, il l’accompagnait déjà partout. » Nul doute que dans le sillage de ce gestionnaire rigoureux, qui tend à voir en lui son bâton de vieillesse, Mohammed a beaucoup appris.
Bonimenteur Dans le bureau Ovale, Donald Trump vante auprès de son hôte les armements made in USA. Le gage d’un soutien indéfectible ?
Certes, l’enfant gâté, fondu de bridge et de sports nautiques, goûte aux loisirs de la jeunesse dorée. Certes, ce disciple assumé de Margaret Thatcher fasciné par le Japon cède un temps aux délices du business, entre boursicotage et immobilier. Une arène où affleure déjà son tropisme jupitérien, mélange de volontarismeet de brutalité. « Un jour, raconte un témoin privilégié, il a envoyé sous enveloppe une balle de revolver au juge qui rechignait à lui attribuer l’emprise foncière convoitée. » Un écart qui lui vaudra le sobriquet d’Abou Rasasa, le « père de la cartouche ».
Qu’importe cette embardée affairiste : dans l’ombre du pater familias, le rejeton s’initie aux jeux du pouvoir. En la matière, les travaux pratiques à haute dose valent tous les lauriers académiques. Premier laboratoire : la Maison royale, instance chargée de résoudre les litiges plus ou moins feutrés des sommités du clan Saoud. A sa tête, Salmane l’ancien, flanqué de son fils, voit défiler les dirty secrets et les turpitudes de l’aristocratie. Ce qui peut toujours servir. MBS enrichira cette formation sur le tas au gré des affectations du géniteur, oeuvrant à ses côtés au gouvernorat de Riyad et au ministère de la Défense, puis, bien entendu, l’épaulant lorsque lui échoit la dignité de prince héritier. Quand, en janvier 2015, le père accède au trône, son assistant très spécial sort de l’ombre, quitte à griller les étapes à la hussarde.
Cénacle Le prince a très vite fréquenté la crème des dirigeants de la planète. Ici, au côté de Vladimir Poutine lors du Mondial de football 2018.
En quatre mois, le voici propulsé aux commandes du mastodonte pétrolier Aramco, d’un fonds souverain richement doté, de l’économie nationale et de la Défense. Encore faut-il verrouiller, au profit du cumulard, le processus successoral. Pour ce faire, le nouveau monarque recale tour à tour deux princes d’âge mûr promis au trône.
Survenu en juin 2017, le bannissement du second, Mohammed ben Nayef, ministre de l’Intérieur pourtant crédité de la neutralisation de la nébuleuse djihadiste Al-Qaeda dans les années 2000, vaut d’être relaté, tant il illustre la rudesse des moeurs de la cour. Convoqué au palais, le superflic, isolé et privé de ses téléphones portables, se voit sommé de s’effacer. Il résiste plusieurs heures durant. Peine perdue : diabétique, affaibli par les séquelles de l’attentat-suicide auquel il survécut en 2009, le proscrit finit par craquer. Reste à mettre en scène sa soumission, dûment filmée...
Avant même cet adoubement, MBS ne doutait ni de son aura ni de son étoile. Il pouvait fort bien raccrocher au nez ô combien bourbon de l’ex-roi d’Espagne Juan Carlos, après lui avoir asséné un péremptoire «Papa est occupé », ou infliger, au mépris du protocole, à Barack Obama, alors locataire de la Maison-Blanche, un laïus sur les échecs de la diplomatie made in Washington. « Rendons-lui cette justice, nuance un visiteur régulier : c’est un gros bosseur, qui a mis tout le monde au boulot. Il m’est arrivé d’être reçu à 1h30 du matin au beau milieu d’une ruche bourdonnante, ou de croiser à l’aube des ministres exténués au sortir d’une réunion. »
Parrains Ses rencontres avec les VIP du monde entier (ici, Richard Branson) ont contribué à forger sa légende « d’Arabe du futur », jeune et ultraconnecté.
Il s’adonne un temps au business, où affleure son mélange de volontarisme et de brutalité
INTERROGATOIRES MUSCLÉS
Un autre épisode met en lumière l’autoritarisme de celui que l’on surnomme mezza voce « le Féroce » : la rafle du Ritz-Carlton de Riyad. Le 4 novembre 2017, près de 400 VIP–hommes d’affaires, ministres, hauts fonctionnaires, dont 11 princes de sang royal – sont instamment priés de se rendre dans ce palace, théâtre d’une réunion urgente. Le traquenard : cibles d’une razzia anticorruption, plusieurs dizaines d’entre eux, soumis à des interrogatoires musclés, ne sortiront de la prison cinq-étoiles que trois mois plus tard, et après avoir monnayé au prix fort leur liberté. Montant total des amendes ainsi extorquées : 1 milliard de dollars environ. Stress, défaillance cardiaque ? Un nanti au moins suc - combera à ce traitement de choc. «Blitzkrieg plutôt bien perçu au sein de la jeunesse et des classes moyennes, mais contre-productif à long terme, note un ancien ambassadeur. Plutôt que d’orchestrer ce racket sélectif en douceur, MBS a affolé les investisseurs étrangers et amplifié la fuite des fonds propres saoudiens. Pire, il s’est aliéné durablement tout un pan de l’establishment, qui ne lui pardonnera pas de sitôt une telle humiliation. »
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