L’Algérie et ses voisins : Une stratégie évidente de satellisation /Par Moussa Hormat-Allah
Le Calame - Le Calame entame à partir d’aujourd’hui, en exclusivité, la publication des bonnes feuilles du nouveau livre de M. Moussa Hormat-Allah, intitulé :
«Conflit du Sahara : Dans le premier cercle de Driss Basri, l’ancien ministre marocain de l’Intérieur ». Ce livre sortira très prochainement.
Note de l’auteur
L’étude qui suit a été adressée concomitamment à SM le Roi Mohamed VI par le biais de M. Mohamed Yassine Mansouri, directeur général de la DGED et à SEM Mohamed ould Abdelaziz, président de la République par l’intermédiaire de M. Moulaye ould Mohamed Laghdaf, alors ministre, secrétaire général de la Présidence.
Ce rendez-vous avec l’ancien premier ministre a été pris par mon frère et ami, M. Mohamed Yehdhih ould Mokhtar El Hassan, ancien ministre de l’Intérieur. Dans l’intérêt bien compris des pays de la sous-région, d’autres études stratégiques ont été adressées, par la suite, aux deux chefs d’Etat précités.
L’ETUDE
Dans tout processus de décision, le recours à la prospective est devenu incontournable. Car la prospective favorise la prise en compte de l’avenir dans les décisions du présent. Elle permet d’anticiper les événements et de se faire une idée précise de l’évolution probable d’un évènement donné. Ce faisant, on peut ainsi envisager, à l’avance, les parades appropriées pour faire face à cet évènement. Ceci est d’autant plus important si cet évènement peut menacer l’avenir ou le devenir d’un ou plusieurs Etats.
Dans cette optique, et au-delà des contingences du présent, il est permis de réfléchir sur ce que seront, demain, les rapports de l’Algérie avec ses voisins.
Cette projection dans le futur doit, naturellement, se faire sur la base d’éléments d’appréciation géopolitiques et géostratégiques précis ou prévisibles. Dans le cas d’espèce, c’est-à-dire celui de l’Algérie, on devra prendre en compte tous les paramètres présents ou à venir à partir de la vision que l’on s’en fait à Alger.
L’hégémonisme algérien : une revanche sur l’adversité
Est-il besoin de rappeler cette vérité élémentaire : tout Etat a, en principe, une stratégie pour conduire sa politique étrangère et assurer, le cas échéant, sa présence et son rayonnement dans sa zone d’influence.
Du reste, la volonté d’hégémonisme de l’Algérie est revendiquée et assumée officiellement. A ce sujet, on se rappelle le fameux discours du président Boumediene où il a martelé avec vigueur : « Tout ce qui se passe entre Le Cap et Le Caire doit avoir l’aval d’Alger ».
En clair, Boumediene assigne à l’Algérie un objectif précis : le leadership panafricain.
Il va sans dire, que si on est animé par une telle volonté de leadership continental, on doit, en toute bonne logique, avoir la même ambition sur le plan sous-régional.
Par-delà les longues et douloureuses périodes d’occupation notamment turque et française, les velléités d’hégémonisme de l’Algérie sont, probablement, nées de deux événements qui ont marqué l’histoire récente de ce pays. Ces événements ont traumatisé les Algériens et ont forgé, dans la douleur, la conscience collective de ce peuple.
Au premier chef, les massacres de Sétif dans le Constantinois algérien en 1945 où les forces françaises ont exécuté de sang-froid plus de quarante-cinq mille algériens (45.000) à la suite d’une manifestation pacifique pour réclamer l’indépendance du pays.
Traumatisé par la vue de ce spectacle macabre, l’écrivain algérien Kateb Yacine, alors lycéen témoigne : « C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que j’ai ressenti devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme(…) ».
Au lendemain de ces massacres, les chefs historiques du FLN entrèrent en dissidence et prirent le maquis. D’abord Krim Belkacem, suivi peu après par Aït Ahmed, Ben Bella…
Le deuxième évènement marquant, est la débâcle de la jeune armée algérienne en 1963 lors de la guerre des sables qui l’opposa à l’armée marocaine.
Pour conjurer ce passé traumatisant, l’ANP (l’Armée Nationale Populaire) s’est assignée pour mission de s’ériger en rempart pour que les Algériens ne revivent jamais plus Sétif ou Hassi Beïda. Ce qu’ils appellent communément la « Hougra ».
Source de fierté nationale et symbole d’une revanche sur l’adversité, l’ANP est une institution vénérée où se reconnaissent tous les Algériens.
L’Etat lui a accordé une priorité absolue pour la mettre dans des conditions optimales de combat en cas de conflit.
On a calculé qu’entre 2000 et 2015, ses seuls achats d’armement se sont élevés à 150 milliards de dollars et ce, à raison d’une moyenne de 10 milliards de dollars par an.
Selon le rapport publié le 18 mars 2013 par l’institut d’études stratégiques de Stockholm, l’Algérie a fait son entrée parmi les 6 pays importateurs majeurs d’armes au monde.
Bien qu’elle ait diversifiée ses sources d’approvisionnement, l’Algérie est restée, par ailleurs, le leader en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en matière d’acquisition d’armement russe.
Nous donnerons plus loin, un aperçu sur cet impressionnant arsenal militaire algérien. Mais déjà une double question vient tout de suite à l’esprit : L’Algérie veut-elle se défendre contre qui ? Ou, à l’inverse, l’Algérie veut-elle attaquer qui ?
A la première question la réponse est aisée. L’Algérie pourrait vouloir se défendre contre ses voisins.
On conviendra facilement que ni la Tunisie, ni la Mauritanie, ni le Mali, ni le Niger, ni la Libye ne peuvent constituer pour elle aucune sorte de menace. Chacun de ces États a déjà procédé avec elle à la ratification et au bornage des frontières communes. Ce sont, de surcroit, des pays qui se trouvent, pour la plupart, dans la mouvance d’Alger.
Reste le Maroc. Alger est bien conscient que les rapports de force militaire –sur le papier – avec Rabat sont largement en sa faveur bien que le Maroc dispose d’une puissante armée avec des officiers de grande valeur. Du reste, Hassan II a déjà répondu, sous forme de boutade, à cette question : « On n’a jamais vu une Monarchie menacer une République ».
Il faut souligner que les deux pays n’ont pas accordé le même intérêt à leur armement. En schématisant, on peut dire que le Maroc s’est occupé de son développement économique sans se soucier outre mesure de la protection de son territoire. L’Algérie, pour sa part, s’est occupée de la protection de son territoire sans se soucier outre mesure de son développement économique.
Pas de méprise. Par sa puissance militaire inconsidérée, l’Algérie vise un double objectif : s’imposer certes comme une superpuissance africaine mais surtout imposer, dans la foulée, son diktat au Maroc en vue d’une nouvelle redistribution des cartes sur le plan géopolitique. Pour ce faire, la stratégie d’Alger est simple : affaiblir durablement le royaume chérifien, son rival potentiel et, accessoirement, fragiliser ses autres voisins notamment la Mauritanie et le Mali. Mais au fait, l’Algérie a-t-elle les moyens militaires de son ambition ?
Le Calame - Le Calame entame à partir d’aujourd’hui, en exclusivité, la publication des bonnes feuilles du nouveau livre de M. Moussa Hormat-Allah, intitulé :
«Conflit du Sahara : Dans le premier cercle de Driss Basri, l’ancien ministre marocain de l’Intérieur ». Ce livre sortira très prochainement.
Note de l’auteur
L’étude qui suit a été adressée concomitamment à SM le Roi Mohamed VI par le biais de M. Mohamed Yassine Mansouri, directeur général de la DGED et à SEM Mohamed ould Abdelaziz, président de la République par l’intermédiaire de M. Moulaye ould Mohamed Laghdaf, alors ministre, secrétaire général de la Présidence.
Ce rendez-vous avec l’ancien premier ministre a été pris par mon frère et ami, M. Mohamed Yehdhih ould Mokhtar El Hassan, ancien ministre de l’Intérieur. Dans l’intérêt bien compris des pays de la sous-région, d’autres études stratégiques ont été adressées, par la suite, aux deux chefs d’Etat précités.
L’ETUDE
Dans tout processus de décision, le recours à la prospective est devenu incontournable. Car la prospective favorise la prise en compte de l’avenir dans les décisions du présent. Elle permet d’anticiper les événements et de se faire une idée précise de l’évolution probable d’un évènement donné. Ce faisant, on peut ainsi envisager, à l’avance, les parades appropriées pour faire face à cet évènement. Ceci est d’autant plus important si cet évènement peut menacer l’avenir ou le devenir d’un ou plusieurs Etats.
Dans cette optique, et au-delà des contingences du présent, il est permis de réfléchir sur ce que seront, demain, les rapports de l’Algérie avec ses voisins.
Cette projection dans le futur doit, naturellement, se faire sur la base d’éléments d’appréciation géopolitiques et géostratégiques précis ou prévisibles. Dans le cas d’espèce, c’est-à-dire celui de l’Algérie, on devra prendre en compte tous les paramètres présents ou à venir à partir de la vision que l’on s’en fait à Alger.
L’hégémonisme algérien : une revanche sur l’adversité
Est-il besoin de rappeler cette vérité élémentaire : tout Etat a, en principe, une stratégie pour conduire sa politique étrangère et assurer, le cas échéant, sa présence et son rayonnement dans sa zone d’influence.
Du reste, la volonté d’hégémonisme de l’Algérie est revendiquée et assumée officiellement. A ce sujet, on se rappelle le fameux discours du président Boumediene où il a martelé avec vigueur : « Tout ce qui se passe entre Le Cap et Le Caire doit avoir l’aval d’Alger ».
En clair, Boumediene assigne à l’Algérie un objectif précis : le leadership panafricain.
Il va sans dire, que si on est animé par une telle volonté de leadership continental, on doit, en toute bonne logique, avoir la même ambition sur le plan sous-régional.
Par-delà les longues et douloureuses périodes d’occupation notamment turque et française, les velléités d’hégémonisme de l’Algérie sont, probablement, nées de deux événements qui ont marqué l’histoire récente de ce pays. Ces événements ont traumatisé les Algériens et ont forgé, dans la douleur, la conscience collective de ce peuple.
Au premier chef, les massacres de Sétif dans le Constantinois algérien en 1945 où les forces françaises ont exécuté de sang-froid plus de quarante-cinq mille algériens (45.000) à la suite d’une manifestation pacifique pour réclamer l’indépendance du pays.
Traumatisé par la vue de ce spectacle macabre, l’écrivain algérien Kateb Yacine, alors lycéen témoigne : « C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que j’ai ressenti devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme(…) ».
Au lendemain de ces massacres, les chefs historiques du FLN entrèrent en dissidence et prirent le maquis. D’abord Krim Belkacem, suivi peu après par Aït Ahmed, Ben Bella…
Le deuxième évènement marquant, est la débâcle de la jeune armée algérienne en 1963 lors de la guerre des sables qui l’opposa à l’armée marocaine.
Pour conjurer ce passé traumatisant, l’ANP (l’Armée Nationale Populaire) s’est assignée pour mission de s’ériger en rempart pour que les Algériens ne revivent jamais plus Sétif ou Hassi Beïda. Ce qu’ils appellent communément la « Hougra ».
Source de fierté nationale et symbole d’une revanche sur l’adversité, l’ANP est une institution vénérée où se reconnaissent tous les Algériens.
L’Etat lui a accordé une priorité absolue pour la mettre dans des conditions optimales de combat en cas de conflit.
On a calculé qu’entre 2000 et 2015, ses seuls achats d’armement se sont élevés à 150 milliards de dollars et ce, à raison d’une moyenne de 10 milliards de dollars par an.
Selon le rapport publié le 18 mars 2013 par l’institut d’études stratégiques de Stockholm, l’Algérie a fait son entrée parmi les 6 pays importateurs majeurs d’armes au monde.
Bien qu’elle ait diversifiée ses sources d’approvisionnement, l’Algérie est restée, par ailleurs, le leader en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en matière d’acquisition d’armement russe.
Nous donnerons plus loin, un aperçu sur cet impressionnant arsenal militaire algérien. Mais déjà une double question vient tout de suite à l’esprit : L’Algérie veut-elle se défendre contre qui ? Ou, à l’inverse, l’Algérie veut-elle attaquer qui ?
A la première question la réponse est aisée. L’Algérie pourrait vouloir se défendre contre ses voisins.
On conviendra facilement que ni la Tunisie, ni la Mauritanie, ni le Mali, ni le Niger, ni la Libye ne peuvent constituer pour elle aucune sorte de menace. Chacun de ces États a déjà procédé avec elle à la ratification et au bornage des frontières communes. Ce sont, de surcroit, des pays qui se trouvent, pour la plupart, dans la mouvance d’Alger.
Reste le Maroc. Alger est bien conscient que les rapports de force militaire –sur le papier – avec Rabat sont largement en sa faveur bien que le Maroc dispose d’une puissante armée avec des officiers de grande valeur. Du reste, Hassan II a déjà répondu, sous forme de boutade, à cette question : « On n’a jamais vu une Monarchie menacer une République ».
Il faut souligner que les deux pays n’ont pas accordé le même intérêt à leur armement. En schématisant, on peut dire que le Maroc s’est occupé de son développement économique sans se soucier outre mesure de la protection de son territoire. L’Algérie, pour sa part, s’est occupée de la protection de son territoire sans se soucier outre mesure de son développement économique.
Pas de méprise. Par sa puissance militaire inconsidérée, l’Algérie vise un double objectif : s’imposer certes comme une superpuissance africaine mais surtout imposer, dans la foulée, son diktat au Maroc en vue d’une nouvelle redistribution des cartes sur le plan géopolitique. Pour ce faire, la stratégie d’Alger est simple : affaiblir durablement le royaume chérifien, son rival potentiel et, accessoirement, fragiliser ses autres voisins notamment la Mauritanie et le Mali. Mais au fait, l’Algérie a-t-elle les moyens militaires de son ambition ?
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