Hallucinations
par Mahdi Boukhalfa
C'est une bien curieuse et étonnante proposition que le roi du Maroc vient de faire à l'Algérie : faire table rase du passé et reconstruire de nouvelles relations. Mais, peut-on décemment ajouter du crédit ou avoir confiance dans les déclarations conjoncturelles de bonnes intentions d'un roi acculé ?
Le discours de Mohammed VI célébrant les 43 années d'occupation du Sahara Occidental a été accompagné d'une proposition tout à fait à l'opposé de ce qui est attendu en pareille circonstance, car, jusque-là, le Maroc a habitué l'opinion publique internationale par ses déclarations incendiaires contre l'Algérie, accusée d'attenter à la «souveraineté» du Maroc sur un territoire non autonome. Ce discours dans le «sens du poil» intervient paradoxalement à un moment crucial dans la négociation entre le Maroc et le Front Polisario, sous l'égide de l'ONU, pour la mise en place d'un processus, qui doit être irréversible, devant mener à l'autodétermination au Sahara Occidental. Faut-il croire aux bonnes intentions de Mohammed VI, soudain devenu «sage», lorsqu'il dépêche son ministre des Affaires étrangères à Nouakchott, où s'était tenue la semaine dernière l'une des plus importantes foires commerciales jamais organisée par l'Algérie en Afrique ? Du reste, ce discours cache mal les difficultés économiques et la précarité sociale dans l'est du pays, l'Oriental, qui vit mal depuis 1994 la fermeture des frontières et que Rabat veut rouvrir coûte que coûte. Le soudain retour à la raison du roi doit-il pour autant être pris au sérieux ? A bien considérer l'état que traversent les relations entre les deux pays durant ces 15 dernières années, pour ne pas aller au-delà, il est bien légitime de lancer un «warning» pour prévenir contre toute mauvaise surprise. Juste deux événements pour rappeler qu'à Rabat on a la mémoire courte et, surtout, on ne s'embarrasse pas de faire volte-face, ni de récuser ce qui a été accepté la veille. Il y a d'abord, tout près de nous, au mois de mai dernier, les affirmations gravissimes du ministre des Affaires étrangères marocain Nacer Bourita contre l'Algérie, l'accusant de servir de plateforme au Hezbollah libanais pour alimenter en armes, fournies par l'Iran, le Front Polisario. L'accusation grotesque intervenait alors que les Etats-Unis de Donald Trump se sont désengagés de l'accord sur le nucléaire iranien, plongeant Téhéran et ses partenaires européens dans une situation compliquée. Ensuite, il suffit simplement de rappeler qu'en juin 2005, le gouvernement marocain alors dirigé par Driss Jettou, un industriel de «la chaussure», avait cyniquement intimé au Premier ministre algérien de l'époque, M. Ahmed Ouyahia, de ne pas venir à Rabat pour une visite de travail où devaient être discutés les contentieux entre les deux pays, au-devant desquels il y avait celui sur le foncier et les avoirs algériens au Maroc. Très officiellement, le Maroc diffuse un communiqué dans lequel il déclare que cette visite «est inopportune». S'il y a une volte-face plus «insultante» que celle-là, il n'y a que le palais royal qui peut la faire. Alors, face à cette soudaine volonté du roi de reconstruire ce qu'il s'est efforcé de détruire depuis son accession au trône, les observateurs ne peuvent être que méfiants. Mohammed VI est connu pour des marches arrière précipitées ou des accès de colère violents à chaque fois qu'il est acculé par le Conseil de sécurité de l'ONU pour faire avancer le processus de règlement du conflit au Sahara Occidental. Quant aux relations de bon voisinage, le seul perdant ne peut être que le Maroc, qui devrait «prendre de la graine» auprès de la Tunisie.
Le Quotidien d'Oran
par Mahdi Boukhalfa
C'est une bien curieuse et étonnante proposition que le roi du Maroc vient de faire à l'Algérie : faire table rase du passé et reconstruire de nouvelles relations. Mais, peut-on décemment ajouter du crédit ou avoir confiance dans les déclarations conjoncturelles de bonnes intentions d'un roi acculé ?
Le discours de Mohammed VI célébrant les 43 années d'occupation du Sahara Occidental a été accompagné d'une proposition tout à fait à l'opposé de ce qui est attendu en pareille circonstance, car, jusque-là, le Maroc a habitué l'opinion publique internationale par ses déclarations incendiaires contre l'Algérie, accusée d'attenter à la «souveraineté» du Maroc sur un territoire non autonome. Ce discours dans le «sens du poil» intervient paradoxalement à un moment crucial dans la négociation entre le Maroc et le Front Polisario, sous l'égide de l'ONU, pour la mise en place d'un processus, qui doit être irréversible, devant mener à l'autodétermination au Sahara Occidental. Faut-il croire aux bonnes intentions de Mohammed VI, soudain devenu «sage», lorsqu'il dépêche son ministre des Affaires étrangères à Nouakchott, où s'était tenue la semaine dernière l'une des plus importantes foires commerciales jamais organisée par l'Algérie en Afrique ? Du reste, ce discours cache mal les difficultés économiques et la précarité sociale dans l'est du pays, l'Oriental, qui vit mal depuis 1994 la fermeture des frontières et que Rabat veut rouvrir coûte que coûte. Le soudain retour à la raison du roi doit-il pour autant être pris au sérieux ? A bien considérer l'état que traversent les relations entre les deux pays durant ces 15 dernières années, pour ne pas aller au-delà, il est bien légitime de lancer un «warning» pour prévenir contre toute mauvaise surprise. Juste deux événements pour rappeler qu'à Rabat on a la mémoire courte et, surtout, on ne s'embarrasse pas de faire volte-face, ni de récuser ce qui a été accepté la veille. Il y a d'abord, tout près de nous, au mois de mai dernier, les affirmations gravissimes du ministre des Affaires étrangères marocain Nacer Bourita contre l'Algérie, l'accusant de servir de plateforme au Hezbollah libanais pour alimenter en armes, fournies par l'Iran, le Front Polisario. L'accusation grotesque intervenait alors que les Etats-Unis de Donald Trump se sont désengagés de l'accord sur le nucléaire iranien, plongeant Téhéran et ses partenaires européens dans une situation compliquée. Ensuite, il suffit simplement de rappeler qu'en juin 2005, le gouvernement marocain alors dirigé par Driss Jettou, un industriel de «la chaussure», avait cyniquement intimé au Premier ministre algérien de l'époque, M. Ahmed Ouyahia, de ne pas venir à Rabat pour une visite de travail où devaient être discutés les contentieux entre les deux pays, au-devant desquels il y avait celui sur le foncier et les avoirs algériens au Maroc. Très officiellement, le Maroc diffuse un communiqué dans lequel il déclare que cette visite «est inopportune». S'il y a une volte-face plus «insultante» que celle-là, il n'y a que le palais royal qui peut la faire. Alors, face à cette soudaine volonté du roi de reconstruire ce qu'il s'est efforcé de détruire depuis son accession au trône, les observateurs ne peuvent être que méfiants. Mohammed VI est connu pour des marches arrière précipitées ou des accès de colère violents à chaque fois qu'il est acculé par le Conseil de sécurité de l'ONU pour faire avancer le processus de règlement du conflit au Sahara Occidental. Quant aux relations de bon voisinage, le seul perdant ne peut être que le Maroc, qui devrait «prendre de la graine» auprès de la Tunisie.
Le Quotidien d'Oran
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