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Le voyage soufi d’Isabelle Eberhardt.

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  • Le voyage soufi d’Isabelle Eberhardt.

    Le voyage soufi d’Isabelle Eberhardt


    « L’errant est celui qui circule sur la terre pour y puiser des sujets de méditation et, par ce moyen, s’approche d’ Allah, suivant un goût d’isolement qui naît de son penchant même pour la société »


    Ibn Arabi (Futûhât )


    “J’écris comme j’aime....” disait Isabelle Eberhardt (Genève 1877/ Aïn-Sefra 1904) et plus de cent ans après sa mort, ceux qui lisent les récits de son errance saharienne peuvent ressentir encore l’émotion qui accompagnait sa quête d’absolu. Charme particulier qui trouve sa source dans cette exigence d’une écriture du cœur pour dépeindre les personnages et les paysages de sa vie nomade, brutalement interrompue dans la crue d’un oued, à l’age de 27 ans.
    Première européenne à vivre l'islam à travers le soufisme au Maghreb, et à en témoigner dans ses écrits, ce n’est pas la moindre des singularités de cette étrange jeune femme, qui vivait au Sahara sous le nom masculin de Mahmoud Saâdi.
    Depuis un siècle, de génération en génération, son œuvre n’a cessé d’être redécouverte et republiée. Une nouvelle édition commémorait en 2004 le centenaire de sa disparition*. Récits de vies, ses nouvelles ou ses notes de route permettent d’imaginer ce que fut le périple bref et intense qui l’amena très vite à rejoindre les soufis des zaouïa du Sud. Isabelle Eberhardt répond dans ses écrits, à sa manière libre et fervente, aux interrogations de notre temps. Au début d’un siècle déjà dominé par la matière, elle avait choisi résolument l’Esprit.
    Isabelle Eberhardt fut en fait la première soufi européenne, une trentaine d’années avant que les écrits de René Guénon viennent susciter en France un mouvement vers la mystique de l’islam. Mais cela, les derniers biographes d’Isabelle Eberhardt l’ont sous-estimé et le public la connaît surtout pour son personnage de baroudeur du désert: femme transgressive travestie en cavalier arabe.
    Ses textes, au contraire, soulignent à maintes reprises la radicalité de sa démarche. Son voyage sans retour vers ce qu’elle nomme le “vieil islam” n’est autre que la recherche du soufisme maintenu dans sa pureté originelle.
    Notre travail sur son œuvre, depuis 20 ans, notre chemin personnel (avec la reconstitution de son parcours, sur le terrain en Algérie, en Tunisie et au Maroc au cours de nombreux séjours), nous font mieux comprendre maintenant la profondeur de sa quête de zaouiya en zaouiya, jusqu’à ses silences (limite du littéraire) sur le plus intime de sa pratique: ses rapports de murid , d’initiée, avec les marabouts du Sud.
    Nous pouvons en reconstituer les étapes comme autant de “makam” sur la voie d’une réalisation, survenue avant sa mort précoce dans la crue de l’oued Sefra, le 21 octobre 1904. Elle avait 27 ans. Ses écrits (journal, notes de route, correspondance, nouvelles) nous permettent de suivre l’itinéraire spirituel qui ne cesse jamais de canaliser sa vie aventureuse.
    Isabelle Eberhardt a capté très tôt les vibrations des maîtres spirituels; dès son arrivée à Annaba en 1897, ils inspirent l’une de ses premières nouvelles, “Les Oulemas”, où elle se met en scène :



    “... Pendant longtemps j’allais à la mosquée en dilettante, presque impie, en esthète avide de sensations... Et pourtant dès les commencements extrêmes de ma vie arabe, la splendeur incomparable du Dieu de l’Islam m’éblouit...


    Un soir d’été en entendant la voix du mueddin “ ... je sentis une exaltation sans nom emporter mon âme vers les régions ignorées de l’extase... Pour la première fois je murmurais avec leur foi inébranlable Allahou Akbar ... j’allais me prosterner dans la poussière... Je n’étais plus seul en face de la splendeur triste des mondes.”


    Texte d’adhésion suivi de beaucoups d’autres:

    “... Sans religion fille du hasard et élevée au milieu de l’incrédulité et du malheur, je n’attribue au fond de mon âme le peu de bonheur qui m’est échu qu’à la clémence d’Allah et tous mes malheurs à ce Mektoub mystérieux contre quoi il est parfaitement inutile et si insensé de s’insurger...”.



    Elle rencontrera son premier cheikh (maître spirituel), au cœur des dunes de l’ouadi Souf, (Sud-Est algérien) et en reçoit le wird en entrant dans la puissante confrérie Qadria.
    Plus tard, loin du dar el islam , en “exil” à Marseille (pour cause de “trouble à l’ordre public dans les territoires du sud”) apparait la “question maraboutique ... qui commence à germer dans mon âme...”. Elle écrit, entre autres, dans son “Journalier”: “Nous sommes les serviteurs de Djilani (abd el Qader Djilani de Bagdad) et nous nous devons à lui... Il ne suffit pas de dire et même d’être convaincu que Dieu est Dieu et Mohamed son prophète. Cela ne suffit nullement pour être un musulman. Il faut que celui qui se dit musulman se donne, corps et âme, et à jamais, jusqu’au martyre, au besoin, à l’islam, que ce dernier pénètre l’âme du croyant, anime chacun de ses actes, chacune de ses paroles. Sans cela, toutes les pratiques mystiques ne servent à rien.
    Dieu est beauté. En ce mot se résume tout: le Bien, la Vérité, la Sincérité, la Pitié... Avec cette foi-là, animé de cet esprit, l’homme devient fort... Il acquiert une force qui aux yeux du vulgaire devient surnaturelle... il devient marabout.”.
    Ce choix, pour une jeune occidentale, de rejoindre les musulmans et parmi eux les plus inspirés, les mystiques soufis, reste aussi dérangeant aujourdhui qu’à l’époque coloniale. Dans ce désir d’islam, demeure, cent ans après, toute la charge subversive du voyage soufi d’Isabelle Eberhardt qui conserve à son œuvre sa modernité.

    * "Le voyage soufi d'Isabelle Eberhardt", essai, M-O.D et J-R.H, éditions Joelle Losfeld.


    *Editions du centenaire : Isabelle Eberhardt. “Journaliers”, “Au Pays des sables”, “Sud Oranais”, “Amours nomades”, chez Joelle Losfeld, collection semi-poche “Arcanes”


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  • #2
    Ce choix, pour une jeune occidentale, de rejoindre les musulmans et parmi eux les plus inspirés, les mystiques soufis, reste aussi dérangeant aujourdhui qu’à l’époque coloniale
    Cher Abdelhamid,
    Isabelle Eberhardt est une européenne rebelle qui débarqua un jour de 1897 avec sa mère à Annaba. En côtoyant l'Islam et les musulmans, elle décida de ne plus retourner en Europe. Une fois au sud du pays en tant que journaliste elle rapporta dans ses interviews enregistrées avec ces soldats européens battus par l’armée de la résistance populaire menée par Cheikh Bouamama, toute la grandeur des soulèvements populaires armés. Ses écrits portés profondément sur la spiritualité sont une véritable œuvre de dialogue entre les civilisations. Elle se convertit à l’Islam et trouve son inspiration dans les médersas et les mosquées. C'est a elle que l'on rapporte la parole célèbre: « Je sentis une exaltation sans nom emporter mon âme vers les régions ignorées de l'extase »

    Le 21 octobre 1904, la ville d'Aïn Sefra fut le théâtre d'une catastrophe naturelle. L'oued se transforma en torrent furieux et la ville fut emportée. Isabelle, affaiblie par le paludisme, n'avait pas pu fuir. On la retrouva dans les ruines de sa maison, vêtue de son habit de cavalier arabe. Isabelle fut enterrée au cimetière musulman ou elle gît jusqu'à présent et que les musulmans épris de spiritualité visitent chaque année. J'ai eu l'immense honneur de faire partie d'une délégation en ce sens.
    https://www.youtube.com/watch?v=NRtzZN-3clU
    A chaque instant la vérité nous interpelle, y sommes nous attentifs.
    Rien n'est de moi, Je vous irrigue des écrits et de la connaissance des grands.

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    • #3
      « Je sentis une exaltation sans nom emporter mon âme vers les régions ignorées de l'extase »

      Superbe expression métaphysique religieuse et c'est dommage que cela n'est pas ressenti par tous.






      les musulmans épris de spiritualité visitent chaque année. J'ai eu l'immense honneur de faire partie d'une délégation en ce sens.

      Chapeau bas Said et profond respect !

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      • #4
        personnellement j'éprouve une très grande admiration pour cette courageuse demoiselle.

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        • #5
          Deux points de repères , que j'ai choisi, sur la vocation d’Isabelle à vivre en Algérie terre d’islam.


          La jeunesse d’Isabelle Eberhardt.
          « Quand au désir d’Isabelle de vivre en pays musulman , il semble bien qu’il pris naissance sous l’influence d’Archivir qui connut les De Moerder à Genève . Musulman convaincu, il fit même la cour à la jeune Isabelle alors qu’il occupait un poste de secrétaire à l’ambassade de Turquie . ... »
          Isabelle Eberhart, : Le dernier voyage dans l’ombre chaude de l’islam. De Mohammed Rochd, page 38


          Retour définitif en Algérie.
          « Finalement en Août 1901, Isabelle obtint , grâce à ses démarches auprès d’un colonel, la permutation de Slimene . Ils purent ainsi se marier civilement et ainsi elle acquit le droit de retourner en Algérie ou elle revint la mi janvier 1902. ... »
          Isabelle Eberhart, : Le dernier voyage dans l’ombre chaude de l’islam. De Mohammed Rochd. page 49
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          Dernière modification par abdelhamid31, 10 novembre 2018, 14h33.

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          • #6
            Très intéressant, merci Abdelhamid.

            J'ai lu quelques poèmes du mystique Rumi, c'est trés jolie et trés profond, le soufisme d'Afrique du Nord a-t-il un lien avec le soufisme d'Asie ? Il me semble que la référence de par chez nous est plutôt Ibn Arabi, dont je ne connais pas grand chose, a-t-il écrit des choses intéressantes disponible en français ou en anglais ?

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            • #7
              a-t-il écrit des choses intéressantes disponible en français ou en anglais ?
              Oui, plusieurs centaines d'ouvrages dont le célèbre et monumental ouvrage de 15000 pages : " Futuhat mekkiya " ou " les ouvertures mecquoises " traduit seulement en anglais. Cependant , on trouve quelques extraits en Français sur le net dont je t'invite à les découvrir .


              le soufisme d'Afrique du Nord a-t-il un lien avec le soufisme d'Asie ?

              Il existe différentes "écoles" de soufisme , mais toutes ont un seul but : l'union avec la divinité .
              Dernière modification par abdelhamid31, 10 novembre 2018, 21h12.

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              • #8
                @Abdelhamid

                Merci pour ces renseignements.

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                • #9
                  personnellement j'éprouve une très grande admiration pour cette courageuse demoiselle.
                  Cher Abdelhamid,
                  Vous avez pleinement raison de vous émerveiller sur le cas de cette grande connaissante spirituelle et écrivaine suisse, de parents d'origine russe, qui vogua avec un amour profond a travers le Sahara Algérien. Par une démarche intérieure incomparable, mu par l'amour désintéressé, elle put retrouver l’essence du message universel de l'Islam avec tout son parfum et sa béatitude. Elle fut continuellement inondée par l'intarissable flux du divin en tant que sensations spirituelles intenses et en tant qu'illuminations intérieures. Ne soyons pas totalement surpris car en toute religion les docteurs de la Loi conçoivent dans une certaine mesure que les mystiques puissent être visités par l’extase et ils ne demandent que d’en contrôler les débordements, et de ne pas évoquer cela ouvertement devant des profanes. La tradition musulmane présente la manifestation de Dieu et sa vision au paradis comme l’ultime rétribution et la récompense suprême, et c'est en ce sens que la vie d'Elizabeth peut se résumer en une attente apocalyptique pleine d'amour et de sérénité, mais aussi de fièvre et de tristesse, pour la contemplation du divin dans une union d'amour illimitée.
                  A chaque instant la vérité nous interpelle, y sommes nous attentifs.
                  Rien n'est de moi, Je vous irrigue des écrits et de la connaissance des grands.

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                  • #10
                    et ils ne demandent que d’en contrôler les débordements

                    Ah oui ! ...ça ne me surprend pas et je suggérerais à ces docteurs de la loi de s'occuper de leurs affaires...c'est à dire la loi !

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                    • #11
                      Mon ami Said,
                      Un mystique accompli n’a nullement besoin de la loi , étant par essence , induite en lui-même depuis sa naissance et intrinsèque à son être . Tout « lui même » est loi de Dieu . Depuis son enfance et jusqu’à sa « réalisation » , sa vie n’est qu’assujettissement à cette loi divine tant sur les expériences de la vie qu’à sa mise en pratique continuelle . Elle est sa conduite , son guide , ses espoirs, ses menaces, elle est « tout » pour lui, durant sa vie entière. Elle est juste, sans failles, sans à priori, sans conditions. Elle est en lui et c’est tout ! La loi de Dieu est ma vie à moi, elle est ce qui me rapproche de l’éternel, elle n’a pas de nom autre que : Amour ! C'est par l'amour de Dieu que la loi est accomplie. Elle englobe la loyauté envers les créatures et le divin, la fidélité , les souffrances inhérentes, la persévérance .
                      Les docteurs de la loi , sont pour moi des opportunistes qui recherchent leur propre gloire guidés par leurs ambitions personnelles. Un mystique n’a pas de titre , n’en n’a pas besoin et surtout pas d’un qualificatif de docteur qu’il laisse sans regret aux prétendants à cette notoriété .
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                      • #12
                        Les docteurs de la loi , sont pour moi des opportunistes qui recherchent leur propre gloire guidés par leurs ambitions personnelles.
                        Par opposition aux mystiques, Roger Garaudi dans son livre "L'islam vivant" traite certains d'entre eux de techniciens de l'islam.
                        Dernière modification par delci, 12 novembre 2018, 17h24.
                        ثروة الشعب في سكانه ’المحبين للعمل’المتقنين له و المبدعين فيه. ابن خلدون

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                        • #13
                          je suggérerais à ces docteurs de la loi de s'occuper de leurs affaires...c'est à dire la loi !
                          Cher Abdelhamid,
                          L'accomplissement de l’homme sur cette terre, dans le cadre de la religion révélée, n'a jamais été synonyme de l'abandon de la loi. Il reste plus que vrai que le moyen le plus approprié de la purification, comme le précisent le Coran et la Sunna, est la commémoration sans cesse du souvenir de Dieu. La concentration de toute la pensée en s'efforçant de se dépouiller des images éphémères fait effectivement parvenir à un état de réceptivité qui laisse la lumière divine se réfléchir en profondeur chez les cheminant vers Dieu. C'est en suivant la loi du Coran et de la Sunna du prophète, paix et salut sur lui, que Dieu accorde ce délice spirituel tant recherché par les humains qui à la fois encourage et confirme le croyant. C'est donc seulement a travers le culte sacré et le respect total des prescriptions divines dans le sens de l’humilité et de la soumission les plus complètes que l'on peut enfin réaliser notre foi et cheminer vers le Seuil de notre Créateur. Nous voyons clairement que dans tous les cas la loi est respectée a la lettre, et ne pas comprendre cela c'est donc perdre l’âme de l'Islam. ....Il n'y a pas une chose par laquelle mon adorateur se rapproche de moi plus aimée de moi que ce que je lui ai prescrit comme obligation ! Et mon adorateur ne cesse de se rapprocher de moi par les pratiques surérogatoires jusqu'à ce que je l'aime !.... (Boukhari).

                          Plus profond encore, les rites forment plutôt la vraie libération de l'âme de son entrave intellectuelle et corporelle dans un élan d'amour, de gratitude et surtout de repentance.. Il faut savoir qu'en absolument aucun cas l'Islam ne délivre les adorateurs des exigences de la loi car même si celle-la n'est pas pour tout le monde un reflet naturel incarné de l'Amour, elle en comporte en elle dans tous les cas la senteur de son origine divine. C'est le mariage total et sublime d'un corps a la recherche du lien divin avec une âme mouvementée par la passion d'Amour vers son bien-aimé. Cette similitude se trouve dans chaque détail du rite musulman. Rien n'y est fortuit ou laissé au hasard....
                          A chaque instant la vérité nous interpelle, y sommes nous attentifs.
                          Rien n'est de moi, Je vous irrigue des écrits et de la connaissance des grands.

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                          • #14
                            @mon ami said,
                            je n'ai jamais prétendu ça :
                            L'accomplissement de l’homme sur cette terre, dans le cadre de la religion révélée, n'a jamais été synonyme de l'abandon de la loi.
                            Mais Al-Halladj a lui même dit que " la loi est une chose terrestre pour les Hommes "
                            Ce que j'insinue est autre chose et pourtant accessible à la compréhension par tous.

                            Chaque homme, selon les Soufis, est le théâtre d'un combat, d'un jihâd intérieur. L'âme charnelle (nafs) l'attire vers les plaisirs mondains, et tout ce qui satisfait son égoïsme. L'esprit supérieur (rûh) l'aimante vers le monde spirituel et la parole divine. Le lieu de ce combat, c'est le cœur, qui sera selon les cas encombré de souillures, pervers, ou purifié. Ces dimensions « gnostiques » du cœur ont été exposées avec grande clarté par le profond penseur de tendance soufie Ghazâlî dans son œuvre maîtresse Revivification des sciences de la religion (3° Partie, livre 1 « Commentaire sur les merveilles du cœur »). Le cœur désigne pour lui la réalité profonde de l'homme, ce qui le rend unique dans toute la création.
                            La fonction du cœur, dans la pensée ghazâlienne, est celle d'un miroir. Il est fait pour refléter les lumières divines. Mais les préoccupations égoïstiques et mondaines l’ont couvert de rouille (l'image est coranique) et de souillures diverses. Les rites religieux et les exercices spirituels soufis - dont principalement le dhikr, ont pour fonction de purifier sa surface. Progressivement, le mystique perçoit les modalités de la grâce divine avec plus d'acuité. Il peut parvenir à la purification complète, et à ce moment là connaître l' « annihilation » devant l'apparition fulgurante des lumières divines se manifestant dans son propre cœur. Il ne s'agit pas pour Ghazâlî d'une fusion entre Dieu et le mystique, mais d'une contemplation unitive dont le cœur est à la fois l'organe et le réceptacle : « Chaque cœur, malgré les différences individuelles, est prédisposé à connaître la réalité des êtres, car il est lui-même un être divin (amr rabbânî) et noble, qui par cela même se distingue des autres substances du monde, car il est le lieu de la science des choses divines ». Cette expérience du divin n'exclut pas la raison discursive, le aql, mais elle l'intègre et le dépasse en quelque sorte. La théologie spéculative prend ici la place d'une simple science auxiliaire, secondaire dont les docteurs en font un crédo.


                            Il est question souvent - dans le Coran déjà,
                            S:53- V:11
                            « Le cœur n'a pas menti en ce qu'il a vu. » de la « vision du cœur ». Le plus souvent, cette expression indique en fait l'expérience intérieure induisant une certitude totale, aussi évidente et forte qu'une perception sensible. Cette connaissance, cette « gnose », n'est pas de l'ordre d'une acquisition mentale. Elle requiert un itinéraire exigeant, que le Soufi Nûrî (9°-10° siècle) résuma dans son opuscule Les stations des cœurs. Le cœur, c'est la Kaaba, la voie mystique revenant à un pèlerinage et un vaste rituel à l'intérieur de soi-même en quelque sorte. Il ne s'agit pas ici d'acquérir, par accumulation d'expériences, un savoir sur le monde divin, mais au contraire de se dépouiller,
                            de rendre le cœur libre, vide, disponible : nous retrouvons ici l'image du miroir. Comme l'écrivit plus tard le grand maître soufi et poète Roumi dans son célèbre Masnavî :
                            « Contemple dans ton propre cœur toutes les sciences des prophètes, sans livres, sans professeurs, sans maîtres, Le livre du Soufi n'est pas composé d'encre et de lettres ; il n'est rien d'autre qu'un cœur blanc comme de la neige ».
                            Mais la voie soufie n'est pas seulement affaire de connaissance. Les mystiques musulmans nous parlent inlassablement de la condition première du voyage : l'éclosion de l'amour (ishq). Cet amour n'est pas une donnée affective, dans le sens de la sentimentalité humaine. C'est une énergie immense et transcendante, qui à l'instar de la passion amoureuse, envahit, possède celui qui la reçoit. Par ailleurs, une autre différence importante le distingue de l'affectivité humaine exprimée par la dévotion ordinaire : le ishq ne se porte pas vers Dieu en tant qu'Il serait un « objet » qui puisse être aimé. Dieu est incommensurable et l'homme incapable de constituer par lui-même une source d'un véritable amour. Si l'amour éclôt dans le cœur du mystique, c'est que Dieu le suscite afin de pouvoir réverbérer sa propre perfection.
                            Ainsi écrivait Sultân Valad :
                            « Le Dieu Très-Haut est épris de Lui-même et n'a personne qui Lui soit égal afin qu'Il puisse le contempler. Il joue constamment un jeu d'amour avec Lui-même. C'est pourquoi il te faut te libérer de toi-même et de la contemplation de toi-même et te remplir d'amour et de passion pour Dieu, afin qu'Il Se voie Lui-même en toi (...) ».
                            Comment conclure, si ce n'est par un hadîth, : « Le cœur du croyant est le Trône de Dieu ». Car le plus profond des mystères de Dieu, c'est l'homme précisément. Et c'est ce qui le rend si difficilement accessible, car il est bien sûr plus aisé de dépouiller des bibliothèques entières ou de faire le tour du monde que de se connaître soi-même. Et pourtant - les Soufis répètent souvent un autre hadîth, que j'aurais aussi bien pu placer en exergue de ce texte, où Dieu dit : « Ni ma terre ni mon ciel ne Me contiennent, mais le cœur de mon serviteur croyant Me contient ».
                            Comment cela se concevrait-il ? « Il y a en cela une remémoration pour ceux qui ont un cœur ». On lui demanda qui étaient « ceux qui ont un cœur ». Il répondit : « Ceux dont Dieu est le cœur ».


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                            • #15
                              Mais Al-Halladj a lui même dit que " la loi est une chose terrestre pour les Hommes "
                              Cher Abdelhamid,
                              Une chose reste plus que sure, tout ce qu'a dit El Hallaj est conforme a la religion islamique dans son sens ésotérique. Pour les savants orthodoxes moins portés sur la spiritualité, il aurait mécru puisque ses explications pour eux ne sont que pure invention qui ne découlerait point de la profondeur du Coran et des hadiths du prophète de l'Islam, paix et salut sur lui, et c'est la cause pour laquelle ils étaient très réticents. Le supplice infligé d'El Hallaj n'est donc du qu'à l'ignorance et à l'intolérance que peut impliquer une vision trop rigide de la religion où l'aspect profondément spirituel est regardé avec méfiance. Mais peut-être que quelques part il faut nécessairement payer le prix de l'amour qui ne peut être caché.. Les écrits de El Hallaj, s'ils semblent pouvoir se passer de commentaires, recèlent, des perles mystiques, faisant de ce grand amoureux un très proche du soufisme. Il aurait prôné l'ivresse de Dieu en revendiquant l'identité suprême, et se disait grand croyant dans une dimension mystique.

                              Il ne faut pas être expéditif dans de pareils cas, certaines de ses paroles sur la loi indiqueraient effectivement que l'homme sur le chemin de Dieu n'a pas besoin d'actes conformistes ou de lieu dédié pour vénérer son Dieu, et que la fréquentation des sanctuaires religieux n'est ni une garantie du contact avec Dieu, ni un indicateur du respect d'une discipline intérieure. Il attire seulement notre attention pour ne pas être dupes que d'autres efforts spirituels doivent accompagner le croyant pour arriver a l'extase avec le divin et boire enfin le "VIN" de l’éternité qui efface toutes les formes de pensées. Il s'est exprimé avec un langage ésotérique que peu savent déchiffrer. Il est actuellement vénéré comme un saint chez les soufis. Mais entendons-nous bien, que les conformistes ne purent en rien l'égaler quand il s'agissait de respect de la loi et des prescriptions divines. Rien en ce sens n'a pu être relevé contre lui.
                              A chaque instant la vérité nous interpelle, y sommes nous attentifs.
                              Rien n'est de moi, Je vous irrigue des écrits et de la connaissance des grands.

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