L’élection présidentielle de 2019 : Entre espoirs et périls
El Watan - 12 NOVEMBRE 2018 À 10 H 08
L’élection présidentielle de 2019 intervient dans un contexte on ne peut plus défavorable, comme l’Algérie n’en a jamais connu depuis le recouvrement de son indépendance.
Elle offre l’image d’un pays qui vit mal une absence manifeste de l’autorité publique, un Etat déliquescent, une population traversée par un désespoir qu’explique la perte de ses repères et de ses valeurs, une crise économique appréhendée davantage comme une conséquence d’une mauvaise gouvernance que comme fatalité, une baisse du pouvoir d’achat, une hausse du taux de chômage, une succession d’«affaires» où la corruption et la rapine ont gangrené aussi bien l’appareil économique que les institutions et les esprits.
Dans cette ambiance délétère, il ne se passe pas un seul jour sans son lot de révélations qui renforcent le doute du peuple sur les capacités de ses gouvernants à diriger le pays, tant leurs actions s’inscrivent aux antipodes de ce qu’il en attend… Ainsi, les Algériens ne sont pas sans vivre cette gouvernance, où se côtoient incompétence, malhonnêteté, népotisme, clanisme, affairisme, courtisanerie et autres mauvais «ismes», comme un profond traumatisme dont ils ne demandent qu’à en sortir au plus vite.
Certains, ayant perdu tout espoir, ont, au péril de leur vie, choisi la voie de la «harga», d’autres, nourrissant encore quelques espoirs en les joutes électorales à venir pour voir les choses changer vers le mieux, rongent leur frein en attendant. Tel est le décorum de la joute électorale de 2019.
Les Algériens n’attendent rien de moins de ce rendez-vous que la fin de tout ce qui a contribué à mettre leur pays sur une pente aussi raide que fatale, avec, en contrebas, – craignent-ils – son effacement, tant les forces centrifuges poussant vers le sécessionnisme n’ont jamais été aussi manifestes et les conditions pour la réalisation de leurs desseins aussi favorables.
Au lieu de répondre à ces attentes populaires, une poignée de pseudo-nationalistes, autoproclamés détenteurs de la légitimité historique, et prétendument soucieux du devenir de la nation, se méprenant de la maturité et de l’intelligence de ce peuple, ont fait de la continuité au nom de la stabilité un hymne et de l’adulation de l’homme une idéologie. Et, quoiqu’ils s’abstiennent de préciser si c’est de la stabilité de leur situation de rentiers qu’il s’agit ou de celle du pays, le peuple détient la réponse !
Il est convaincu que ceux qui l’ont mené à l’état de désespoir dans lequel il se trouve, alors qu’ils disposaient de conditions on ne peut plus favorables, ne sauraient se convertir, l’espace d’un mandat supplémentaire, qui bouclerait leur quart de siècle de règne, en bons samaritains, pour améliorer son sort et faire sortir le pays du bourbier dans lequel leur politique l’a enfoncé. Ils ont failli et leur échec est collectif. Il est loin d’être celui d’un homme seul, il est celui de tout un système, désormais arrivé aux termes de son existence, entre autres, par défaut d’une idéologie en rapport avec son temps, à laquelle les incantations des thuriféraires ne sauraient en aucune manière se substituer.
Dépourvues de cadre normatif, au lieu de susciter l’adhésion, ces invocations ne font que contribuer à légitimer le doute sur tout ce qui est dit ou entrepris par l’Etat.
Il ne pouvait, en toute logique, en être autrement tant la préoccupation majeure est la satisfaction de l’ego et non du collectif, du clan et non de l’Etat. C’est à travers cette grille qu’il faille décrypter cette ferveur faussement militante, encore moins nationaliste.
Lorsque l’adulation de l’individu s’érige en idéologie et devient la motivation suprême d’un prétendu militantisme et de l’engagement politique, le doute n’est plus permis, la République est en danger ! La courtisanerie empreinte d’obséquiosité ne saurait, sauf à insulter les valeurs que le 1er Novembre nous a laissées en legs, s’ériger en référentiel républicain, encore moins, révolutionnaire. Le peuple algérien n’a pas brisé les chaînes du colonisé qu’il était pour accepter les ficelles de marionnette dont on cherche à le parer.
La Révolution ne s’est pas faite pour que les Algériens se convertissent en idolâtres ! Et, s’il fallait à tout prix qu’il en soit ainsi, l’image des «six immortels» aurait été la plus indiquée, tant ils ont incarné et continueront à le faire pour les générations à venir, le sens du sacrifice et du don de soi pour que l’Algérie soit telle qu’ils l’ont voulue, n’ayant pour seul et unique héros que le peuple. Par les temps qui courent, il ne serait pas inutile de rappeler que, s’il est une valeur cardinale pour la défense de laquelle les Novembristes ont été intransigeants, c’est bien celle de la transcendance de l’individu qu’elles que soient ses vertus. Notre histoire en est témoin.
C’est dire que le culte de la personne n’a jamais fait partie de notre culture politique. Prétendre le contraire, c’est remettre en question les fondamentaux de ce qui a donné corps à notre nation et le bien-fondé de la collégialité, comme cadre décisionnel, qui a été la marque de fabrique de notre Révolution, et dont l’Algérie indépendante a fait un socle de gouvernance.
Cette irruption d’une pratique étrangère à nos mœurs politiques est on ne peut plus révélatrice de la vacuité doctrinale et idéologique qui caractérise certains partis, du vide dangereux que représente l’absence de débats d’idées au sein de la classe politique nationale et de la mise dos-à-dos des générations présentes, au moment où le resserrement des rangs et l’unité s’imposent non plus comme un choix, mais comme nécessité absolue pour sauver la nation.
La démocratie, pourtant consacrée pour la énième fois dans la loi fondamentale, n’a jamais été en aussi net recul. Le peuple boude les institutions, raille ses gouvernants et, de plus en plus, perd toute confiance en son Etat. Il lui tourne le dos… Ainsi, la fracture entre la population et ses dirigeants se creuse chaque jour davantage, conséquence évidente d’une légitimité à acquérir et d’une méfiance à bannir.
Le peuple vit désormais seul l’angoisse et l’inquiétude. Désemparé et désespéré, de plus en plus convaincu que son aspiration au meilleur des mondes relève de l’impossible, il a réduit ses ambitions à une seule et unique revendication : la reconnaissance de son état de citoyen par le respect de son choix électoral individuel. Au lieu d’être à son écoute et de répondre à ses questionnements, on ne peut plus légitimes, ceux qui, l’espace d’une campagne, se sont convertis en gardiens du temple, veulent lui imposer ce qu’ils considèrent être la panacée à tous les maux dont il souffre : la continuité au nom de la stabilité.
A l’évidence, ceci dénote que, du réel, gouvernants et gouvernés ont des perceptions différentes, si elles ne sont pas totalement divergentes, laissant penser que chacune des deux parties vit sur sa propre planète. Un discours d’autistes, en somme. Dès lors, nous assistons à deux mouvements antagonistes. D’un côté, les uns crient au changement, de l’autre, c’est à la stagnation, érigée en credo idéologique par défaut, qu’on fait campagne.
De cette confrontation se nourrira l’élection présidentielle de 2019. Sera-t-elle ce qu’ont été toutes celles qui l’ont précédée, ou constituera-t-elle le point de rupture que trois générations ont si patiemment attendu depuis plus d’un demi-siècle ? Rien n’invite à penser que le pouvoir, disposant des moyens qui sont les siens, puisse arriver à faire avaler aux Algériens cette fois-ci, encore, une pilule aussi amère. Rien ne se passera comme par le passé. Indéniablement, les conditions qui prévalent sont des plus complexes et nullement pareilles à celles que le pays a eu à connaître depuis 1962. Elles sont d’ordre interne et externe.
Sur le plan externe, le monde est devenu fort effervescent, il se caractérise par une mutation dans les relations internationales qui présage de l’avènement d’un nouvel ordre mondial devant se substituer à celui né de la Deuxième Guerre mondiale, avec l’émergence de nouveaux pôles de puissance et de nouveaux rapports de force où la compétitivité dans tous les domaines sera féroce et l’instabilité une variable dont il serait hasardeux de ne pas en tenir compte.
Ces transformations dont nous vivons les prémisses supposent des postures impliquant des positionnements et des stratégies en totale rupture avec ceux du moment, et encore davantage avec ceux du passé, tant les remises en cause qu’elles recèlent sur les plans géopolitique, géostratégique, politique, économique, scientifique et technologique sont importantes. Plus aucune économie nationale n’est fermée. Plus aucune politique de sécurité nationale n’est exclusivement interne. S’il en est ainsi des grandes puissances, comment pourrait-il en être autrement des autres.
Sur le plan interne, quoique les aspects économiques, sécuritaires et sociaux pèsent de tout leur poids sur le quotidien des Algériens, ce sont ceux d’ordre politique qui sont déterminants tant, de leur résolution dépendent les premiers. Il en est ainsi du déficit démocratique des institutions qui n’est pas sans déteindre sur, d’une part, leur légitimité et leur fonctionnement et, d’autre part, sur le rapport, d’une manière plus générale, du peuple à l’Etat dont il ne cesse de dénoncer l’absence. C’est de cette attitude que naît la perversion citoyenne et se nourrit la pratique de la corruption.
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El Watan - 12 NOVEMBRE 2018 À 10 H 08
L’élection présidentielle de 2019 intervient dans un contexte on ne peut plus défavorable, comme l’Algérie n’en a jamais connu depuis le recouvrement de son indépendance.
Elle offre l’image d’un pays qui vit mal une absence manifeste de l’autorité publique, un Etat déliquescent, une population traversée par un désespoir qu’explique la perte de ses repères et de ses valeurs, une crise économique appréhendée davantage comme une conséquence d’une mauvaise gouvernance que comme fatalité, une baisse du pouvoir d’achat, une hausse du taux de chômage, une succession d’«affaires» où la corruption et la rapine ont gangrené aussi bien l’appareil économique que les institutions et les esprits.
Dans cette ambiance délétère, il ne se passe pas un seul jour sans son lot de révélations qui renforcent le doute du peuple sur les capacités de ses gouvernants à diriger le pays, tant leurs actions s’inscrivent aux antipodes de ce qu’il en attend… Ainsi, les Algériens ne sont pas sans vivre cette gouvernance, où se côtoient incompétence, malhonnêteté, népotisme, clanisme, affairisme, courtisanerie et autres mauvais «ismes», comme un profond traumatisme dont ils ne demandent qu’à en sortir au plus vite.
Certains, ayant perdu tout espoir, ont, au péril de leur vie, choisi la voie de la «harga», d’autres, nourrissant encore quelques espoirs en les joutes électorales à venir pour voir les choses changer vers le mieux, rongent leur frein en attendant. Tel est le décorum de la joute électorale de 2019.
Les Algériens n’attendent rien de moins de ce rendez-vous que la fin de tout ce qui a contribué à mettre leur pays sur une pente aussi raide que fatale, avec, en contrebas, – craignent-ils – son effacement, tant les forces centrifuges poussant vers le sécessionnisme n’ont jamais été aussi manifestes et les conditions pour la réalisation de leurs desseins aussi favorables.
Au lieu de répondre à ces attentes populaires, une poignée de pseudo-nationalistes, autoproclamés détenteurs de la légitimité historique, et prétendument soucieux du devenir de la nation, se méprenant de la maturité et de l’intelligence de ce peuple, ont fait de la continuité au nom de la stabilité un hymne et de l’adulation de l’homme une idéologie. Et, quoiqu’ils s’abstiennent de préciser si c’est de la stabilité de leur situation de rentiers qu’il s’agit ou de celle du pays, le peuple détient la réponse !
Il est convaincu que ceux qui l’ont mené à l’état de désespoir dans lequel il se trouve, alors qu’ils disposaient de conditions on ne peut plus favorables, ne sauraient se convertir, l’espace d’un mandat supplémentaire, qui bouclerait leur quart de siècle de règne, en bons samaritains, pour améliorer son sort et faire sortir le pays du bourbier dans lequel leur politique l’a enfoncé. Ils ont failli et leur échec est collectif. Il est loin d’être celui d’un homme seul, il est celui de tout un système, désormais arrivé aux termes de son existence, entre autres, par défaut d’une idéologie en rapport avec son temps, à laquelle les incantations des thuriféraires ne sauraient en aucune manière se substituer.
Dépourvues de cadre normatif, au lieu de susciter l’adhésion, ces invocations ne font que contribuer à légitimer le doute sur tout ce qui est dit ou entrepris par l’Etat.
Il ne pouvait, en toute logique, en être autrement tant la préoccupation majeure est la satisfaction de l’ego et non du collectif, du clan et non de l’Etat. C’est à travers cette grille qu’il faille décrypter cette ferveur faussement militante, encore moins nationaliste.
Lorsque l’adulation de l’individu s’érige en idéologie et devient la motivation suprême d’un prétendu militantisme et de l’engagement politique, le doute n’est plus permis, la République est en danger ! La courtisanerie empreinte d’obséquiosité ne saurait, sauf à insulter les valeurs que le 1er Novembre nous a laissées en legs, s’ériger en référentiel républicain, encore moins, révolutionnaire. Le peuple algérien n’a pas brisé les chaînes du colonisé qu’il était pour accepter les ficelles de marionnette dont on cherche à le parer.
La Révolution ne s’est pas faite pour que les Algériens se convertissent en idolâtres ! Et, s’il fallait à tout prix qu’il en soit ainsi, l’image des «six immortels» aurait été la plus indiquée, tant ils ont incarné et continueront à le faire pour les générations à venir, le sens du sacrifice et du don de soi pour que l’Algérie soit telle qu’ils l’ont voulue, n’ayant pour seul et unique héros que le peuple. Par les temps qui courent, il ne serait pas inutile de rappeler que, s’il est une valeur cardinale pour la défense de laquelle les Novembristes ont été intransigeants, c’est bien celle de la transcendance de l’individu qu’elles que soient ses vertus. Notre histoire en est témoin.
C’est dire que le culte de la personne n’a jamais fait partie de notre culture politique. Prétendre le contraire, c’est remettre en question les fondamentaux de ce qui a donné corps à notre nation et le bien-fondé de la collégialité, comme cadre décisionnel, qui a été la marque de fabrique de notre Révolution, et dont l’Algérie indépendante a fait un socle de gouvernance.
Cette irruption d’une pratique étrangère à nos mœurs politiques est on ne peut plus révélatrice de la vacuité doctrinale et idéologique qui caractérise certains partis, du vide dangereux que représente l’absence de débats d’idées au sein de la classe politique nationale et de la mise dos-à-dos des générations présentes, au moment où le resserrement des rangs et l’unité s’imposent non plus comme un choix, mais comme nécessité absolue pour sauver la nation.
La démocratie, pourtant consacrée pour la énième fois dans la loi fondamentale, n’a jamais été en aussi net recul. Le peuple boude les institutions, raille ses gouvernants et, de plus en plus, perd toute confiance en son Etat. Il lui tourne le dos… Ainsi, la fracture entre la population et ses dirigeants se creuse chaque jour davantage, conséquence évidente d’une légitimité à acquérir et d’une méfiance à bannir.
Le peuple vit désormais seul l’angoisse et l’inquiétude. Désemparé et désespéré, de plus en plus convaincu que son aspiration au meilleur des mondes relève de l’impossible, il a réduit ses ambitions à une seule et unique revendication : la reconnaissance de son état de citoyen par le respect de son choix électoral individuel. Au lieu d’être à son écoute et de répondre à ses questionnements, on ne peut plus légitimes, ceux qui, l’espace d’une campagne, se sont convertis en gardiens du temple, veulent lui imposer ce qu’ils considèrent être la panacée à tous les maux dont il souffre : la continuité au nom de la stabilité.
A l’évidence, ceci dénote que, du réel, gouvernants et gouvernés ont des perceptions différentes, si elles ne sont pas totalement divergentes, laissant penser que chacune des deux parties vit sur sa propre planète. Un discours d’autistes, en somme. Dès lors, nous assistons à deux mouvements antagonistes. D’un côté, les uns crient au changement, de l’autre, c’est à la stagnation, érigée en credo idéologique par défaut, qu’on fait campagne.
De cette confrontation se nourrira l’élection présidentielle de 2019. Sera-t-elle ce qu’ont été toutes celles qui l’ont précédée, ou constituera-t-elle le point de rupture que trois générations ont si patiemment attendu depuis plus d’un demi-siècle ? Rien n’invite à penser que le pouvoir, disposant des moyens qui sont les siens, puisse arriver à faire avaler aux Algériens cette fois-ci, encore, une pilule aussi amère. Rien ne se passera comme par le passé. Indéniablement, les conditions qui prévalent sont des plus complexes et nullement pareilles à celles que le pays a eu à connaître depuis 1962. Elles sont d’ordre interne et externe.
Sur le plan externe, le monde est devenu fort effervescent, il se caractérise par une mutation dans les relations internationales qui présage de l’avènement d’un nouvel ordre mondial devant se substituer à celui né de la Deuxième Guerre mondiale, avec l’émergence de nouveaux pôles de puissance et de nouveaux rapports de force où la compétitivité dans tous les domaines sera féroce et l’instabilité une variable dont il serait hasardeux de ne pas en tenir compte.
Ces transformations dont nous vivons les prémisses supposent des postures impliquant des positionnements et des stratégies en totale rupture avec ceux du moment, et encore davantage avec ceux du passé, tant les remises en cause qu’elles recèlent sur les plans géopolitique, géostratégique, politique, économique, scientifique et technologique sont importantes. Plus aucune économie nationale n’est fermée. Plus aucune politique de sécurité nationale n’est exclusivement interne. S’il en est ainsi des grandes puissances, comment pourrait-il en être autrement des autres.
Sur le plan interne, quoique les aspects économiques, sécuritaires et sociaux pèsent de tout leur poids sur le quotidien des Algériens, ce sont ceux d’ordre politique qui sont déterminants tant, de leur résolution dépendent les premiers. Il en est ainsi du déficit démocratique des institutions qui n’est pas sans déteindre sur, d’une part, leur légitimité et leur fonctionnement et, d’autre part, sur le rapport, d’une manière plus générale, du peuple à l’Etat dont il ne cesse de dénoncer l’absence. C’est de cette attitude que naît la perversion citoyenne et se nourrit la pratique de la corruption.
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