Recueil des mémoires du général Khaled Nezzar : Des révélations palpitantes sur octobre 88 et la mort suspicieuse de Boumediène
SALIMA TLEMCANI 27 NOVEMBRE 2018
Quelque 231 pages de biographie et 145 autres de références et documents historiques pour retracer les événements vécus par l’ancien ministre de la Défense nationale, le général-major Khaled Nezzar, depuis la mort de feu Houari Boumediène, en 1979, jusqu’en 1992, lorsqu’il a démissionné.
Edité chez Chihab Editions, Recueil des mémoires du général Khaled Nezzar, préfacé par un ancien cadre de la Révolution algérienne, Mohamed Maarfia, est un livre palpitant d’anecdotes, de faits inédits et de révélations qui plongent le lecteur dans les méandres d’une des périodes aussi complexe que douloureuse, marquée par les calculs politiciens des dirigeants du parti unique, l’entrée par effraction des partis islamistes, les alliances contre-nature, l’assassinat de Mohamed Boudiaf et l’explosion de la violence et du terrorisme intégriste.
«Ce n’est pas par narcissisme que j’ai entrepris d’écrire mes mémoires. Seul m’a inspiré le souci de rendre hommage à toutes les victimes du terrorisme et aux officiers, sous-officiers et hommes de troupes de l’Anp, ainsi qu’aux membres des services de sécurité, tous corps confondus, qui se sont sacrifiés sans compter pour éviter que le pays connaisse la régression que des forces du passé lui avaient programmée (…).
Le plus dur a été accompli. Il reste aux élites civiles et militaires, au-delà des conjonctures et des périphéries, à aller de l’avant pour répondre aux aspirations profondes de notre peuple», écrit l’auteur.
Il évoque la mort «suspicieuse» de Houari Boumediène, en parlant du contexte de l’époque. «Depuis la nationalisation des hydrocarbures en 1971 et ‘‘la mainmise’’ de l’Algérie sur le Front du Polisario, Houari Boumediène est loin d’être l’ami des monarchies lointaines ou proche des Français, Américains surtout celui d’Israël», écrit Nezzar.
Il nous apprend que les Etats-Unis «testent les intentions de l’Algérie en ce qui concerne l’arme nucléaire par le biais d’un de leurs agents qui a réussi à gagner la confiance du Président, j’ai nommé Messaoud Zeghar.
Cet agent propose de fournir à l’Algérie le dossier technique complet et les ingrédients pour parvenir à la fabrication d’une bombe atomique. Abdelaziz Bouteflika, réaliste, et Sadek Guellal, notre ambassadeur à Washington, méfiant, font avorter le projet. Mais les services étrangers ont déjà la puce à l’oreille».
Il poursuit son récit : «Les votes aux Nations unies, les interventions sur le Canal de Suez, le Front du refus et l’aide financière et militaire accordée aux mouvements de libération à travers le monde font que beaucoup de pays considèrent l’Algérie de Boumediène comme ennemi n°1.» Pour Nezzar, Houari Boumediène «est probablement victime d’un complot fomenté par des ennemis puissants et déterminés. Peu importe la main qui administre le poison.
Les coupables sont à chercher parmi ceux qui ont intérêt à voir l’homme, qui est en passe de faire de l’Algérie la ‘‘Prusse’’ de l’Afrique du Nord, disparaître. Le service de protection rapprochée de Boumediène, et à sa tête Abdelmadjid Allahoum et Ferhat Zerhouni, ne fait pas le poids face aux professionnels formés et outillés pour des actions de ce genre». L’auteur cite une longue liste de dirigeants et de responsables arabes et africains éliminés par les services français, l’ex-SDECE, ancêtre de la DGSE, sur ordre du pouvoir politique.
Il consacre un long paragraphe à la désignation de Chadli Bendjedid comme successeur de Houari Boumediène, sur décision d’«une poignée de militaires». «Salim Saadi connaît très bien Chadli Bendjedid, tout comme moi-même, qui était son adjoint pendant la Guerre de Libération nationale.
Nous sommes tous les deux convaincus que le chef de la 2e Région militaire n’est pas qualifié pour exercer la magistrature suprême. Nous sommes fortement réticents, pour ne pas dire plus, à le voir prendre en main les destinées de l’Algérie (…).
Chadli Bendjedid et – je ne le dis pas pour toucher à sa personne assurément respectable – a des connaissances très limitées et un caractère émotif et influençable (…). Abdelhamid Latrèche, secrétaire général au ministère de la Défense nationale, m’apprend que les jeux sont faits et que Chadli Bendjedid est désigné coordinateur de l’armée. Dès lors, le système étant ce qu’il est, il se trouve à la verticale du fauteuil présidentiel.
La question, nous le saurons plus tard, est réglée entre Kasdi Merbah, Abdellah Belhouchet et Mohamed Atailia, ces deux derniers apportent abusivement la caution de tous les chefs de Région. A la centrale, seuls quelques officiers sont favorables à Chadli Bendjedid.
Mostefa Belloucif, plus que les autres, se dépense beaucoup. Les affinités régionales et l’espoir de percer grâce à la faveur du future Président expliquent le forcing. Le parti et les hauts cadres de l’administration se rallient ensuite au fait accompli de ces décideurs.»
Boumediène et sa puissante Sécurité militaire
L’auteur écrit que la lutte pour le pouvoir est très courte entre Chadli Bendjedid et les deux autres candidats en lice : Abdelaziz Bouteflika et Mohamed Salah Yahiaoui. «En devenant chef de l’armée, Chadli Bendjedid tient entre ses mains le levier le plus déterminant.
Bouteflika vu, à tort ou à raison, comme le dépositaire légitime de la pensée de Houari Boumediène, a le soutien de l’élite administrative et de ceux qui se sont reconnus de la politique de l’Etat national, d’essor économique et d’aide aux peuples opprimés du président Boumediène. Mais ces opinions ne pèsent rien face à l’activisme de Kasdi Merbah.» Entre Bouteflika et Merbah, explique Nezzar, il existe un ancien contentieux.
«Le refus de Bouteflika d’accepter que Merbah place des éléments de la sécurité militaire dans les différentes ambassades et au ministère des Affaires étrangères est longtemps sujet de discorde entre les deux hommes. Bouteflika porte l’affaire devant le président du Conseil de la Révolution et obtient gain de cause après s’être écrié : ‘‘Nous devons avoir confiance les uns en les autres (…).’’ La surpuissance de la SM (Sécurité militaire) est la conséquence du long tête-à-tête de Boumediène avec lui-même. Le décideur absolu qu’est Boumediène ne peut le rester que s’il dispose d’un outil de pouvoir absolu.
La SM, au fil des années, devient cet outil. Boumediène ne cherche pas l’adhésion volontaire de la population mais sa soumission ‘‘pour le plus grand bien’’ de cette dernière. La SM coordonne et régente le vaste dispositif policier qui rigidifie l’ossature du système.» Khaled Nezzar se lance dans un véritable réquisitoire contre la gestion de Chadli Bendjedid, qui augurait, selon lui, la crise socioéconomique des années 1980. «Au lieu de s’entourer de vraies compétences en mesure de l’aider avec efficacité dans sa tâche, Bendjedid ouvre toutes grandes les portes de la médiocrité et l’irresponsabilité (…).
La parentèle arrogante et corrompue transforme la présidence d’abord en cour, en sérail ensuite, Abdelhamid Brahimi, pour ses certitudes obtuses, inamovible chef de gouvernement, est l’exemple parfait du parvenu qui construit sa carrière politique par l’entrisme et le bluff. Etudiant médiocre, foudre de guerre, allergique au bruit de canon, piètre wali, boursier au long cours, insupportable pédant, il met littéralement en pièces l’œuvre de Belaïd Abdeslam et Sid Ahmed Ghozali (…).
SALIMA TLEMCANI 27 NOVEMBRE 2018
Quelque 231 pages de biographie et 145 autres de références et documents historiques pour retracer les événements vécus par l’ancien ministre de la Défense nationale, le général-major Khaled Nezzar, depuis la mort de feu Houari Boumediène, en 1979, jusqu’en 1992, lorsqu’il a démissionné.
Edité chez Chihab Editions, Recueil des mémoires du général Khaled Nezzar, préfacé par un ancien cadre de la Révolution algérienne, Mohamed Maarfia, est un livre palpitant d’anecdotes, de faits inédits et de révélations qui plongent le lecteur dans les méandres d’une des périodes aussi complexe que douloureuse, marquée par les calculs politiciens des dirigeants du parti unique, l’entrée par effraction des partis islamistes, les alliances contre-nature, l’assassinat de Mohamed Boudiaf et l’explosion de la violence et du terrorisme intégriste.
«Ce n’est pas par narcissisme que j’ai entrepris d’écrire mes mémoires. Seul m’a inspiré le souci de rendre hommage à toutes les victimes du terrorisme et aux officiers, sous-officiers et hommes de troupes de l’Anp, ainsi qu’aux membres des services de sécurité, tous corps confondus, qui se sont sacrifiés sans compter pour éviter que le pays connaisse la régression que des forces du passé lui avaient programmée (…).
Le plus dur a été accompli. Il reste aux élites civiles et militaires, au-delà des conjonctures et des périphéries, à aller de l’avant pour répondre aux aspirations profondes de notre peuple», écrit l’auteur.
Il évoque la mort «suspicieuse» de Houari Boumediène, en parlant du contexte de l’époque. «Depuis la nationalisation des hydrocarbures en 1971 et ‘‘la mainmise’’ de l’Algérie sur le Front du Polisario, Houari Boumediène est loin d’être l’ami des monarchies lointaines ou proche des Français, Américains surtout celui d’Israël», écrit Nezzar.
Il nous apprend que les Etats-Unis «testent les intentions de l’Algérie en ce qui concerne l’arme nucléaire par le biais d’un de leurs agents qui a réussi à gagner la confiance du Président, j’ai nommé Messaoud Zeghar.
Cet agent propose de fournir à l’Algérie le dossier technique complet et les ingrédients pour parvenir à la fabrication d’une bombe atomique. Abdelaziz Bouteflika, réaliste, et Sadek Guellal, notre ambassadeur à Washington, méfiant, font avorter le projet. Mais les services étrangers ont déjà la puce à l’oreille».
Il poursuit son récit : «Les votes aux Nations unies, les interventions sur le Canal de Suez, le Front du refus et l’aide financière et militaire accordée aux mouvements de libération à travers le monde font que beaucoup de pays considèrent l’Algérie de Boumediène comme ennemi n°1.» Pour Nezzar, Houari Boumediène «est probablement victime d’un complot fomenté par des ennemis puissants et déterminés. Peu importe la main qui administre le poison.
Les coupables sont à chercher parmi ceux qui ont intérêt à voir l’homme, qui est en passe de faire de l’Algérie la ‘‘Prusse’’ de l’Afrique du Nord, disparaître. Le service de protection rapprochée de Boumediène, et à sa tête Abdelmadjid Allahoum et Ferhat Zerhouni, ne fait pas le poids face aux professionnels formés et outillés pour des actions de ce genre». L’auteur cite une longue liste de dirigeants et de responsables arabes et africains éliminés par les services français, l’ex-SDECE, ancêtre de la DGSE, sur ordre du pouvoir politique.
Il consacre un long paragraphe à la désignation de Chadli Bendjedid comme successeur de Houari Boumediène, sur décision d’«une poignée de militaires». «Salim Saadi connaît très bien Chadli Bendjedid, tout comme moi-même, qui était son adjoint pendant la Guerre de Libération nationale.
Nous sommes tous les deux convaincus que le chef de la 2e Région militaire n’est pas qualifié pour exercer la magistrature suprême. Nous sommes fortement réticents, pour ne pas dire plus, à le voir prendre en main les destinées de l’Algérie (…).
Chadli Bendjedid et – je ne le dis pas pour toucher à sa personne assurément respectable – a des connaissances très limitées et un caractère émotif et influençable (…). Abdelhamid Latrèche, secrétaire général au ministère de la Défense nationale, m’apprend que les jeux sont faits et que Chadli Bendjedid est désigné coordinateur de l’armée. Dès lors, le système étant ce qu’il est, il se trouve à la verticale du fauteuil présidentiel.
La question, nous le saurons plus tard, est réglée entre Kasdi Merbah, Abdellah Belhouchet et Mohamed Atailia, ces deux derniers apportent abusivement la caution de tous les chefs de Région. A la centrale, seuls quelques officiers sont favorables à Chadli Bendjedid.
Mostefa Belloucif, plus que les autres, se dépense beaucoup. Les affinités régionales et l’espoir de percer grâce à la faveur du future Président expliquent le forcing. Le parti et les hauts cadres de l’administration se rallient ensuite au fait accompli de ces décideurs.»
Boumediène et sa puissante Sécurité militaire
L’auteur écrit que la lutte pour le pouvoir est très courte entre Chadli Bendjedid et les deux autres candidats en lice : Abdelaziz Bouteflika et Mohamed Salah Yahiaoui. «En devenant chef de l’armée, Chadli Bendjedid tient entre ses mains le levier le plus déterminant.
Bouteflika vu, à tort ou à raison, comme le dépositaire légitime de la pensée de Houari Boumediène, a le soutien de l’élite administrative et de ceux qui se sont reconnus de la politique de l’Etat national, d’essor économique et d’aide aux peuples opprimés du président Boumediène. Mais ces opinions ne pèsent rien face à l’activisme de Kasdi Merbah.» Entre Bouteflika et Merbah, explique Nezzar, il existe un ancien contentieux.
«Le refus de Bouteflika d’accepter que Merbah place des éléments de la sécurité militaire dans les différentes ambassades et au ministère des Affaires étrangères est longtemps sujet de discorde entre les deux hommes. Bouteflika porte l’affaire devant le président du Conseil de la Révolution et obtient gain de cause après s’être écrié : ‘‘Nous devons avoir confiance les uns en les autres (…).’’ La surpuissance de la SM (Sécurité militaire) est la conséquence du long tête-à-tête de Boumediène avec lui-même. Le décideur absolu qu’est Boumediène ne peut le rester que s’il dispose d’un outil de pouvoir absolu.
La SM, au fil des années, devient cet outil. Boumediène ne cherche pas l’adhésion volontaire de la population mais sa soumission ‘‘pour le plus grand bien’’ de cette dernière. La SM coordonne et régente le vaste dispositif policier qui rigidifie l’ossature du système.» Khaled Nezzar se lance dans un véritable réquisitoire contre la gestion de Chadli Bendjedid, qui augurait, selon lui, la crise socioéconomique des années 1980. «Au lieu de s’entourer de vraies compétences en mesure de l’aider avec efficacité dans sa tâche, Bendjedid ouvre toutes grandes les portes de la médiocrité et l’irresponsabilité (…).
La parentèle arrogante et corrompue transforme la présidence d’abord en cour, en sérail ensuite, Abdelhamid Brahimi, pour ses certitudes obtuses, inamovible chef de gouvernement, est l’exemple parfait du parvenu qui construit sa carrière politique par l’entrisme et le bluff. Etudiant médiocre, foudre de guerre, allergique au bruit de canon, piètre wali, boursier au long cours, insupportable pédant, il met littéralement en pièces l’œuvre de Belaïd Abdeslam et Sid Ahmed Ghozali (…).
Commentaire