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L’espace psycho-spirituel

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  • L’espace psycho-spirituel

    par Marc-Alain Descamps

    A. Le lieu des rencontres entre la spiritualité et la psychanalyse.



    Le psychologique et le spirituel sont au départ deux dimensions nettement séparées, autant que psuké de pneuma. Ils sont d’ailleurs travaillés dans deux domaines aussi séparés que la thérapie et la religion. On les considère souvent comme des couches superposées. Les instincts ont toujours été situés dans la région inférieure celle du sexe et du ventre. Au contraire le rapport au sacré se situe au sommet de la tête ou encore au dessus sous forme de lumière et de feu. Mais de plus en plus au fil des siècles des rapprochements se sont fait et des régions intermédiaires ont été explorées. Avec l’espace psycho-spirituel nous arrivons maintenant à ce que l’on doit considérer comme un interface. L’interface appartient aux deux et unit plus qu’il ne sépare. Alors dans ce nouvel espace, bien des questions se posent.

    La psychothérapie est-elle un substitut de la religion pour atteindre à la spiritualité ?

    La névrose a-t-elle remplacé le péché ?

    Quelles sont les relations entre l'esprit, le corps et l'âme ?

    Peut-on passer de l'émotionnel au spirituel ?

    Y a-t-il une médecine de l'Etre ? et de l’âme ?

    Peut-il y avoir une spiritualité sans morale ?

    Peut-il y avoir un accès direct au Sacré ? Et quelles sont les technologies du sacré ?



    1. Les reproches mutuels.

    Psychologie et Spiritualité sont bien trop proches pour ne pas se trouver en concurrence. Chacun cherche à annexer l'autre domaine en le considérant comme une erreur ou une perte de temps.

    Ainsi les psychologues se méfient énormément de la spiritualité. Ils l'accusent de pratiquer "l'escamotage psychologique". Elle leur paraît dangereuse et certains en font une véritable pathologie. Je me souviens de ce psychiatre, qui se croyait psychanalyste, et considérait toute croyance en Dieu et toute spiritualité, comme la pire des résistances. Dès qu'il s'en rendait compte, toute sa stratégie dans sa "cure analytique" était de commencer par casser cette résistance, fondement de toutes les autres, pour arriver à établir son malade dans l'athéisme et le matérialisme. La seule alternative pour ce dernier était de céder ou de partir rapidement s'il arrivait à s'en apercevoir assez tôt. Le pire est qu'il n'était pas le seul de cet avis. Freud considérait la religion comme une illusion sans avenir, selon son dernier livre "L'avenir d'une illusion". Il écrit : « il suffirait de remplacer le langage religieux de ces âges obscurs et superstitieux par la langage scientifique d’aujourd’hui ». Hélas non, l’expérience a montré le contraire.

    Il va en être de même pour toute une série de psychothérapies et de médecines du divin. Même dans le mouvement transpersonnel on sent cette demande de tout un public (en général porteur des pathologies les plus graves) pour nier l'existence de leurs problèmes et demander l'effacement magique et instantané des symptômes, comme par un signe de croix ou une aspersion d'eau bénite. De même traiter du combat de Zeus contre les Titans, ou de la lutte de Seth et d'Osiris, de l'abandon du Petit Poucet, du sacrifice d'Isaac … ne sont qu'un moyen de s’égarer en mythologisant ses problèmes personnels. Au mieux par ces méthodes impersonnelles certains espèrent enkyster leur délire ou leur névrose, de façon à cela ne contamine pas leur personnalité à l'entour et leur permette de continuer à vivre sans rien changer.

    Une autre critique de marque se trouve dans la personnalité de quelques "êtres spirituels" (ou qui se disent tels). Mais aussi pourquoi ces personnes célèbres aiment-elles tellement parler d'elles et de leur égo ? Elles n'aiment pas que cela d'ailleurs, mais aussi le sexe, l'argent, le confort, le luxe et pouvoir. Il est vrai qu'il en a toujours été ainsi dans les religions officielles.



    Inversement dans la spiritualité, il est souvent de bon ton de critiquer la psychanalyse et de s'en moquer. Au mieux on considère une psychothérapie comme une perte de temps, au pire comme un danger. Ce serait une culture de l'égo qui ne peut que mener au "nombrilisme". A force de patauger dans la mare, on souille tout autour et cela finit par sentir mauvais. Il ne faut pas trop revenir sur ses frustrations et ses aigreurs, on risque de s'y enliser. Il ne faut pas trop gratter ses plaies, car elles vont finir par augmenter et s'envenimer. Une autre tentation est la victimologie, on s'installe à la place de victime et on ne la quitte plus en faisant défiler toute la kyrielle de ses jérémiades.

    Certains adeptes de la non-dualité finissent par nier tout intérêt à toute thérapie psychologique, la seule thérapie réelle étant l'accès à un état non-duel par la conversion au Védanta. Pourtant leur enseignement serait bien plus convainquant, si leur personnalité n'était pas si trouble.

    Ces reproches mutuels se retrouvent en psychanalyse entre Freud et Jung. Qui pourra réparer la dramatique séparation du 25 mars 1909 où la psychanalyse s’est déchirée entre matérialisme et spiritualité ? Il faudrait pour cela joindre à la rigueur méthodologique des freudiens, la position non-matérialiste de Jung.

    Il ne s'agit pas de nier l'existence de problèmes : ils sont nombreux et importants. Mais c'est cela qui est passionnant, tout un nouveau domaine de recherche est en train de s'ouvrir. Il y a autant de danger à prendre du psychologique pour du spirituel, que de méconnaître du spirituel en le prenant pour du psychologique.



    2. La dimension spirituelle de la psychanalyse.

    La psychologie est née comme ouverture à la spiritualité. Bien avant Socrate, Empédocle d'Akragas est le type même de cet être complet qui unit les deux chemins. Comme bien des êtres réalisés des Indes, c'était un itinérant. Il allait de ville en ville, accompagné de ses nombreux disciples. Il avait de longs cheveux et une longue barbe blanche. Toujours vêtu de blanc, c'était un végétarien convaincu, qui refusait même les sacrifices d'animaux en usage dans la religion grecque. Il avait une activité de psychothérapeute et de thaumaturge, comme le fera par la suite Apollonios deThyane.

    La psychologie est née comme étude de l'âme avec Leibnitz, puis plus tard avec Wundt et Weber et Fechner en 1880. Puis s'est installée la mode de la psychologie sans âme. Cela a commencé dans la Russie communiste de 1917 avec les chiens de Pavlov et sa prétention matérialiste d'expliquer l'homme tout entier à partir du réflexe conditionné. Dès 1945 les communistes français ont développé la religion de la seule psychologie russe avec Bechterev, Luria … S'y sont ajoutés les pigeons de Skinner et le comportementalisme américain, avec sa théorie de la boite noire pour faire l'impasse sur ce qui se produit entre le stimulus et sa réponse. Donc seuls étaient scientifiques ceux qui ne tenaient pas compte de l'esprit et de l'âme. Cela trouvait un appui chez les physiologistes pour lesquels la pensée est le produit du cerveau et dont le modèle reste toujours l'homme neuronal. Sous le nom de cognitivisme un retour s'est opéré dans les années 1990 vers l'étude de la pensée en elle-même.

    Et le retour de la spiritualité a pu se faire en 1994 dans le DSM IV le Manuel des Psychiatres américains. Une nouvelle catégorie diagnostique est apparue sous le titre de "Problèmes religieux ou spirituels". Elle a été préparée par trois psychiatres de San Francisco, Lukoff, Lu et Turner, et une commission, regroupant pendant deux ans plus de 300 articles sur les thèmes psychospirituel. La définition en est : "Catégorie utilisée quand un problème religieux ou spirituel occupe une place prépondérante sur le plan clinique. Par exemple les expériences de désarroi impliquant une perte de la foi ou son questionnement, les problèmes dus à la conversion à une nouvelle religion, et de façon plus large les questionnements de nature spirituelle, mais non reliée à une église ou une religion". Ce qui est important est que cette catégorie psychospirituelle n'est pas considérée comme un désordre mental ou une pathologie psychiatrique, mais se trouve avec le phénomène de deuil dans la section "normale" bien qu'exigeant l'aide d'un professionnel. Les dix sous-catégories comprennent : perte ou questionnement de foi, changement d'appartenance confessionnelle, conversion à une nouvelle religion, intensification de sa propre foi, adhésion à de nouveaux cultes ou leur abandon, maladies en phase terminale, tout approche de la mort, expériences mystiques intenses, crise d'émergence spirituelle. Il faudrait y ajouter tout ce qui a trait aux sectes, aux techniques d'évolution spirituelle (chamanisme, Yoga, Zen, Taï-chi, Soufisme, Hésychasme …), aux éveils de Kundalini, sorties hors du corps, coma, élargissement de la conscience, rêve lucide, etc.



    Ainsi l'on commence à comprendre que la psychologie a une dimension spirituelle permanente et inéliminable. L'étude des besoins se complète par celle des motivations et s'achève dans celle des Valeurs, par le dépassement vers le désintéressement. Celle de la mémoire ne peut éliminer la mémoire des rêves. L'étude de la conscience comprend les états modifiés de conscience et l'élargissement de la conscience vers le Surconscient. De même que l'inconscient ne doit être que du refoulé plus ou moins pathologique, mais peut être créatif, thérapeutique et source d'inspiration. L'imagination n'est pas que la reproduction d'images, mais peut être passive et devenir créatrice. L'étude de l'identité, du sujet et du moi nous mènent au dépassement du moi et de l'égo vers le Soi. Enfin c'est mutiler l'homme que de nier sa dimension vers le Sacré et le Divin.

    Le drame du rapport entre la religion et la psychologie se trouve dans cette confidence d'Asari : "J'ai cherché Dieu et je n'ai trouvé que moi-même, je suis entré en moi et j'y ai trouvé Dieu".



    3. La dimension psychologique de la spiritualité.

    Il n'est pas possible de se lancer directement dans la spiritualité, sans avoir fait d'abord une remise en ordre psychologique. On ne fait pas l'économie d'une psychothérapie ou d'une psychanalyse. Si on n'en a pas fait une préalablement, elle se fait au cours de l'évolution spirituelle, dans le meilleur des cas. En particulier cela est possible quand on a la chance de pouvoir vivre auprès d'un maître authentique. C'est ce qui rend le cas de Milarépa exemplaire. Dans le récit de sa vie, on voit parfaitement que son maître Marpa, par toutes les épreuves qu'il lui impose, l'amène à se délivrer de sa culpabilité pour tous les méfaits qu'il a commis par attachement à sa mère. Il en est de même dans la série de livres qu'a publié Castanéda et cela est d'autant plus convainquant qu'il n'en a pas du tout conscience. Mais ses deux maîtres Don Juan Matus et Don Génaro lui font dépasser son blocage avec son père et retrouver tous les traumatismes de son enfance, en particulier dans l'histoire scolaire avec son souffre-douleur, Nez-en-bouton.

    Malheureusement, il est assez rare de pouvoir disposer d'un guide spirituel rien que pour soi. Alors si l'on ne compte que sur ses propres forces, les problèmes psychologiques risquent de bloquer la progression spirituelle ou au moins de la retarder considérablement. C'est à dire que toute la force qui devrait être employée à faire le saut pour changer d'état de conscience et accéder à l'autre réalité est utilisée (et gaspillée même) à lutter contre la psychose, la névrose ou les problèmes psychologiques. En fait tout cela a été soigneusement enseveli sous une lourde chape de plomb, celle de la religion ou de la spiritualité. Après il est plus facile de les nier et de faire comme si de rien n'était. Mais cela stoppe leur progression spirituelle, ils sont bloqués et pour toujours.

    Marc-Alain Descamps
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