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Les pièges de la spiritualité

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  • Les pièges de la spiritualité

    Les pièges de la spiritualité


    par Marc-Alain Descamps



    Beaucoup aiment bien disserter sur les pièges et impasses de la spiritualité, ils n'y sont en fait jamais entrés. Et répéter ce même discours leur sert de justification pour ne pas y entrer. De toute évidence, ils n'ont aucune vie spirituelle, ce qui ne les empêche pas de beaucoup en parler.

    La règle absolue dans ce domaine est :

    On ne peut renoncer qu'à ce que l'on a

    et on ne peut dépasser que ce que l'on a atteint.

    Il ne peut être traité de ce sujet que par ceux qui sont entrés dans la vie spirituelle et en ont eu l'expérience. Le but est toujours d'aider ceux qui sont en progression et rencontrent des obstacles, donc cela doit aider à vaincre les difficultés momentanées et non à dissuader d'entrer dans l’amour de Dieu.



    Ne pas avoir réglé ses problèmes psychanalytiques risque de pervertir le travail spirituel. L'esprit rusé va tout tourner à son profit. Il va tenter de donner un sens spirituel à ses perversions en nommant autrement ses travers. Il va choisir dans les disciplines spirituelles ce qui va dans le sens de ses défauts, au lieu d'aller à leur encontre, comme n'aurait manqué de leur proposer le moindre guide spirituel.

    Le problème principal est que la spiritualité en tant que superstructure ne vient qu’en dernier et coiffe l’ensemble de la personne humaine, par conséquent tout se transpose en elle. En particulier tous les défauts et les problèmes psychologiques (psychanalytiques, psychopathologiques et psychiatriques) vont se transposer tels quels dans sa vie spirituelle et mener à choisir une voie qui aille dans le sens de ses défauts et permette de ne pas changer. On a ainsi trouvé une justification divine à ses travers. Par exemple :

    - Celui qui vit dans l’indifférence, car il est coupé de ses sensations, va choisir la voie du détachement. Rien ne lui est plus facile, car il n’arrive pas à se décider et il se moque de tout. A coté se trouve aussi la voie du Renoncement ouverte à tous ceux qui sont en dépression ou simplement déprimés.

    - La voie de l’humilité est prise par celui qui vit dans la dépréciation, le mépris, la haine de soi ; (« Je ne vaux rien parce que mon papa est mort quand j’avais dix ans, ou a divorcé ou est parti … Donc je ne mérite pas mieux »).

    - La mort de l’égo est un thème qui plaît beaucoup à tous ceux qui se haïssent eux-mêmes et sont suicidaires. Faute de tuer leur corps, ils sont d’accord pour faire le sacrifice symbolique de leur moi-égo. Mais ceux qui ont des problèmes psychotiques d’identité et ne savent plus qui ils sont, peuvent aussi choisir ce masque justificatif.

    - L’instable qui ne peut rien construire (famille, travail, insertion municipale) ou celui qui détruit aussitôt ce qu’il vient de construire, car il s’ennuie dans le succès, va adopter la voie de l’errant (beatnik, vagabond, pèlerin …). Il fait le tour du monde sur son bateau ou du désert sur son chameau. Il ne peut pas s’attacher, donc il se croit libre.

    - L’agoraphobe, au contraire, qui a peur des autres et de l’organisation de la vie va devenir ermite. Il ne rêve que de rester toute sa vie dans sa cellule ou dans sa grotte. Il médite tout seul et ne s’occupe que de lui-même dans un profond égoïsme, heureux dans la clôture du couvent qui le couve.

    - Le claustrophobe qui a peur d’être enfermé ou mis en prison, va devenir le moine prêcheur itinérant. Il va développer tout un discours apologétique sur « l’Ouvert » par opposition au fermé, au clos.

    - Les masochistes (et les sadiques car on ne peut pas les séparer, unis dans leur sadomasochisme) ont eu d’extraordinaires justifications dans les siècles précédents avec tous les raffinements des ascèses, jusqu’à se croire un saint (ou une sainte) parce qu’il (ou elle) se flagelle deux fois par jour. Mais les variétés des mortifications et tortures ont été quasi-infinies. Ainsi les anorexiques sont passées inaperçues dans la glorification des jeûnes, comme le sont maintenant les Top-models anorexiques.

    - Le dominateur puissant et orgueilleux transpose sa volonté de puissance sur l’Ordre religieux dont il devient vite le Général, ne travaillant désormais que pour le bien de l’Ordre. Et les narcissiques ressentent toute atteinte à leur Ordre comme une blessure narcissique.

    - Les délirants ont toute latitude pour développer un extraordinaire système religieux (hérétique on non), ou écrire leurs livres de conversations avec Dieu, les anges, les esprits des morts ou des extragalactiques conducteurs d’OVNI ... Mais comme l’écrit Freud (L’avenir d’une illusion), c’est le mérite de toutes les religions d’éviter la peine de s’inventer un délire individuel en entrant directement dans un grand délire collectif.

    - Ceux qui vivent un éclatement de leur personnalité (Spaltung) ont des lambeaux de leur inconscient qu’ils ne reconnaissent plus ou parfois des personnalités multiples. Ils entendent des voix, ont des apparitions, des visions, des hallucinations, des transes, des phénomènes de possession ... Ces messages de leur inconscient, ils les nomment intuitions, prémonitions, guide intérieur. Ils voient des synchronicités partout, ils ont l’impression d’avoir déjà vécu cela, d’être déjà venus en ces lieux, d’y avoir été dans une autre vie. Certains confondent leurs pulsions avec « le maître intérieur ».

    On peut d’ailleurs se poser la question de savoir s’il y a une transposition ou une simple translation, alors qu’il faudrait une sublimation. Ces problèmes psycho-spirituels sont étudiés dans « La psychanalyse spiritualiste ».

    - Il y a celui qui cultive le détachement spirituel des biens de ce monde et des gens, alors que ce n'est que de l'indifférence. Il ne discute pas, non pas parce qu'il est conciliant, mais parce qu'il se moque de tout. Il ne s'attache pas, car il est incapable d'aimer et souvent coupé de ses sensations.

    - D'autres apparaissent humbles et semblent cultiver la modestie et l'humilité. Jamais ils ne se vantent et ils considèrent que le plus gros défaut est l'orgueil. Mais il ne faut pas confondre l'humilité et le mépris de soi. Ces personnes vivent dans la dépréciation et la critique personnelle, rien de ce qu'elles font n'est bien. "Je ne vaux rien, je ne mérite pas mieux". La racine en est le masochisme et la haine de soi. Et cela peut provenir de causes très diverses : mon papa est parti quand j'avais douze ans, j'ai trahi, j'ai été trompée ou abandonnée, etc.

    - Lorsqu'on est en dépression ou dans un état dépressif, il est facile de dire que l'on renonce à tout et de prôner le lâcher-prise et l'abandon …

    - Ce sont souvent des suicidaires ou des personnes atteintes d'une profonde haine d'elles-mêmes qui choisissent la voie de la mort de l'égo et ils leur est facile de parler de la disparition du sentiment d'identité, car c'est justement cela leur maladie.

    - J'ai bien connu un homme qui se croyait très transpersonnel, donnait des leçons aux autres et prétendait régenter le mouvement transpersonnel européen. Et c'est vrai qu'il n'avait rien de personnel. Mais il n’était pas transpersonnel, il était en fait infra-personnel, c'était un véritable enfant, aux raisonnements et choix infantiles, comme un vrai bébé capricieux, il en était resté au stade de la mégalomanie infantile et ne supportait pas la moindre désobéissance ou opposition. Il n'avait jamais accédé au niveau de la personne, ni même de l'adulte responsable.

    - Bien des personnes m'ont consulté au sujet de la méditation, car au bout de cinq ans, voire de dix ans, elles n'avaient obtenu aucun résultat. L'enquête et les explications montrent toujours l'existence d'un problème psychologique non-résolu. Et pour cause, car il n'est jamais reconnu comme un problème psychologique. Par exemple, on trouve assez souvent des rancunes et une absence de pardon pour des rivalités entre frères ou entre sœurs et frères, des persécutions, voire des jeux incestueux. Pour d'autres, cela peut être l'essai de rattraper un échec sportif, scolaire ou professionnel.

    Dans certains groupes de méditation Zen, sans aucune préparation psychologique, les exercices sont faits très régulièrement avec beaucoup de volonté, de force et de rigueur. Et au bout de deux ou trois ans de contrôle de la posture les problèmes psychologiques finissent par émerger dans le champ de la conscience. Ils échappent au refoulement dans l'inconscient, car le silence de la méditation finit par corroder et ronger à l'intérieur. Alors les deux cas les plus fréquents sont l'apitoiement sur soi et la colère. Soudain au milieu de la méditation, la tristesse est tellement grande que les larmes viennent à couler et l'on ne sait jamais pourquoi. Pour d'autres au contraire c'est la colère qui sort et ils ont envie de se lever soudain en hurlant et ils n'osent plus revenir. Pourtant les maîtres Zen connaissent parfaitement le processus et conseillent en ce cas de regarder passer ces perturbations dans sa conscience avec la même indifférence que l'on a en contemplant filer des nuages d'orage dans un ciel de tempête. C'est d'ailleurs l'occasion d'entrer dans la phase du Vipassana, la Vision pénétrante.

    Dans le rapport à un instructeur, guide ou gourou, bien des équivoques s'installent. Des cas exemplaires d'attachement réussi peuvent n'être en réalité que des opérations de compensation. De violentes haines familiales ont amenés des jeunes à se fâcher et à quitter leurs parents, parfois sans les prévenir. Par la suite, ils sont à la recherche d'un substitut de père ou de mère et se mettent à son service avec dévouement et soumission. Ceci pour un certain temps ; dès qu'ils considèrent avoir suffisamment payé pour leurs fautes ou n'avoir pas assez de reconnaissance et d'amour compensateur, ils peuvent réitérer et brutalement partir à nouveau sans prévenir.


    Marc-Alain Descamps
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