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Mystique et psy : La question de l »amour et du sujet

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  • Mystique et psy : La question de l »amour et du sujet

    MYSTIQUE ET PSY : LA QUESTION DE L »AMOUR ET DU SUJET
    Ce qui m »a intéressée, c »est que la mystique actuellement échappe aux religions établies: on parle de « spiritualité laïque ou athée » (Comte-Sponville) ou de « mystique sauvage »(Michel Hulin) à propos d »états de fusion cosmique que beaucoup d »entre nous peuvent éprouver face à un paysage, en écoutant de la musique…états familiers à beaucoup de poètes et d »écrivains qui ont trouvé les mots pour le dire.

    Brève définition de la mystique: (étymologie:verbe grec mueo: initier) le mystique n »est pas un croyant ordinaire. Il cherche l »union intime et amoureuse avec Dieu (on peut parler de hiérogamie) et pour y parvenir, il va désinvestir les objets extérieurs, créer un vide en lui pour pouvoir accueillir Dieu. L »expérience mystique-qui est une expérience psychosomatique- comportera différents degrés dans l »échelle de la béatitude: des états très accessibles comme le sentiment d »une union avec la nature, une sensation de présence, de bien-être et des états plus spectaculaires comme les extases, les ravissements, et des phénomènes surnaturels comme les visions, les hallucinations

    Pourquoi ce nouage entre la psy et la mystique? La psy donne des outils méthodologiques pour approcher certains états mystiques (mais pas pour en débusquer les secrets) et permet d »échapper au discours théologique et donc permet de dissocier mystique et religion.

    Mais surtout la mystique interroge la psy sur deux points essentiels que l »on vient d »évoquer: la question de l »amour et la question du sujet.

    Je me limiterai à deux psy emblématiques du XXème siècle, Freud et Lacan parce qu »ils se répondent en miroir et représentent deux époques: Freud, fin du XIXème siècle et première moitié du XXème, Lacan, 2ème moitié du XXème siècle.

    Au regard de la psychiatrie de la fin du XIXème siècle, la mystique est considérée comme une pathologie, une hystérie (d »autant que beaucoup de mystiques sont des femmes), une épilepsie, voire une paranoïa. Ce regard va évoluer avec la psychanalyse et devient plus subtil, plus nuancé: encore méfiant, prudent mais interrogateur chez Freud; bienveillant, plein d »empathie chez Lacan (et chez Winicott): la mystique devient une question centrale pour la psychanalyse.

    PREMIERE PARTIE: FREUD

    Freud, rationaliste et athée va être poussé à s »intéresser au sentiment religieux et aux états extatiques par son ami Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1916. Agnostique, rationaliste, ennemi des dogmes religieux, ne croyant pas à la survie de l »âme, ce dernier a cependant des dispositions pour vivre des états de fusion avec le Grand Tout. Dans une lettre du 3 décembre 1927 en réponse à L »Avenir d »une illusion, R.Rolland évoque « le sentiment religieux spontané ou plus exactement la sentation religieuse, la sensation de l »éternel » comme quelque chose sans frontière, « sans bornes perceptibles, et comme océanique ».

    Freud va demander à Romain Rolland son accord (14 juillet 1929) pour reprendre et interpréter la notion de sentiment océanique dans le premire chapitre du Malaise dans la culture publié en 1930. Freud est très mal à l »aise avec la mystique et avec le sentiment océanique.

    D »abord pour des raisons personnelles: ce sentiment océanique, il reconnaît ne l »avoir jamais éprouvé « Je ne puis découvrir en moi ce sentiment océanique » et « la mystique m »est aussi fermée que la musique » (lettre à R.R.).
    Ensuite pour des raisons plus fondamentales pour le savant (théoricien) et le clinicien qu »il est: la mystique interroge en effet la conception freudienne du moi qu »il a élaborée dans la seconde topique et met en cause la démarche psychanalytique.
    LA CONCEPTION DU MOI

    Quelle est donc la conception du moi freudien?

    Il est défini dans la deuxième topique (le moi et le ça 1923). Il est distingué du « ça », le pôle pulsionnel et du « Surmoi », l »instance psychique qui fixe la loi, les limites et intériorise les interdits. Alors que le « ça » est dominé par les passions et les instincts, le moi représente la raison et la sagesse. « Le Moi est celui qui assume la manoeuvre du gouvernail ».

    Le moi a donc chez Freud une fonction de maîtrise et de rassemblement du sujet.

    En quoi l »expérience mystique est-elle une menace pour le moi? Parce que les frontières entre le moi et l » objet risquent de s »effacer. Elle fragilise le moi.
    Freud émet donc une hypothèse à propos de ces états de fusion: certains individus peuvent régresser suffisamment loin pour retrouver les sensations du nourisson qui a un lien intime avec le Tout. Donc Freud situera ces états du côté de la régression et non de la sublimation des pulsions sexuelles, comme l »oeuvre d »art.

    Mais Freud, en comparant cet état au retour à la quiétude intra-utérine ne convainc pas R.Rolland. Celui-ci fera valoir que le sentiment océanique » est aussi « une expansion illimitée, positive, consciente d’elle-même » et qu’elle s’accompagne « d’un bien-être souverain irréductible à une quiétude infantile.
    FREUD ET L »AMOUR
    Pour Freud, il ne peut y avoir d »amour qu »à partir de la reconnaissance de l »identité sexuée, dans le cadre de l »organisation génitale de la libido. Aussi l »amour mystique est-il pour lui frappé de suspicion. Tout juste donne-t-il quelques fragments de réflexion qui démontrent que l »on est, soit dans le narcissisme soit dans une impossibilité.
    Pour Freud, il ne peut y avoir d »amour qu »à partir de la reconnaissance de l »identité sexuée, dans le cadre de l »organisation génitale de la libido. Aussi l »amour mystique est-il pour lui frappé de suspicion. Tout juste donne-t-il quelques fragments de réflexion qui démontrent que l »on est, soit dans le narcissisme soit dans une impossibilité. Dans Malaise dans la culture, il évoque très brièvement « l »amour universel » de François d »Assise, cet amour considéré par les hommes comme « la position la plus haute ». Freud a un autre point de vue: il reconnaît à François « un sentiment de bonheur intérieur » qui est une des « techniques d »accomplissement du principe de plaisir », mais le mystique évite de cette façon-là « les oscillations et les désillusions de l »amour génital, en transformant la pulsion en une motion inhibée quant au but ». De nouveau, Freud attribue ce sentiment de bonheur divin au narcissisme du petit enfant.
    Dans Psychologie de masse et analyse du moi, il fait allusion à la prescription de l »Eglise catholique qui demande à s’identifier au Christ et d »aimer les autres chrétiens comme le Christ les a aimés. Désir que l’on retrouve dans l »itinéraire des mystiques chrétiens et qui se réalise au prix de certaines mortifications et pénitences. Freud rétorque: « Faible humain, on n »est pas obligé de se croire capable de la grandeur d »âme et de la force d »amour du Sauveur ».
    DEUXIEME PARTIE: LACAN

    Les observations de Lacan sur la mystique sont dispersées dans son oeuvre, par contre, il a une grande connaissance de la mystique chrétienne et manifeste beaucoup de respect et d »empathie pour cette tradition.

    LE MOI LACANIEN

    A la différence du moi freudien, le moi lacanien s »apparente davantage au moi de la tradition spirituelle occidentale-mais aussi orientale-, au moi des Pères de l »Eglise (L »amor sui de saint Augustin oposé à l »amor Dei, cet « amour de soi jusqu »au mépris de Dieu et cet amour de Dieu jusqu »au mépris de soi »). Dans cette tradition, le moi deviendra au XVIIème siècle, le réceptacle des puissances de l »amour-propre: vanité, envie, jalousie, comparaison, haine de l »autre…

    Ce moi, selon Lacan, se forge au moment du stade du miroir-entre 6 et 18 mois-, quand l »enfant reconnaît son image dans le miroir. Il va s »identifier à son reflet et court le risque d »être prisonnier des projections des autres, de leurs captations imaginaires. Ce moi, qui est du côté du regard des autres, de la réification, de la dimension que Lacan appelle imaginaire, il est, non pas à renforcer, comme le moi freudien, mais au contraire, à déconstruire, il doit se libérer des identifications aliénantes, s »il veut accéder à son désir authentique.
    Pour désigner ce moi qui tente d »accéder à sa vérité, Lacan utilisera le terme de sujet. Le sujet est du côté du désir et du symbolique (du langage).
    Lacan sera donc plus à l »aise que Freud pour accueillir le phénomène mystique puisque la démarche que propose Lacan pour déconstruire le moi rejoint les étapes des mystiques pour anéantir le moi-amour-propre, faire le vide , désinvestir des objets du monde extérieur et accueillir Dieu: autrement dit, il s »agit d »un moi remanié. « Un moi dans l »Autre » ou « un Autre dans le moi », dira Kristeva à propos de Thérèse.
    Lacan suggèrera aux analystes dans un séminaire de 1955, un idéal en partie virtuel, jamais complètement atteint: être des sujets sans moi, des sujets pleinements réalisés. On voit donc se dessiner un parallélisme entre l »ascèse proposée aux analystes, voire aux analysants( découvrir leur désir authentique en déconstruisant leur moi) et l »itinéraire mystique. C »est cette ascèse qui peut faire naître une vraie parole, où le sujet -analysant rencontrera le sujet-analyste;

    LACAN ET L »AMOUR

    La pensée de l »amour chez Lacan est hantée par la question: peut-il y avoir un amour qui ne soit pas purement narcissique, qui permette la rencontre avec un autre véritable? Il va tenter de répondre à la question par le détour de la mystique.

    C »est à travers le vide que Lacan établit un lien entre la mystique et la féminité. Le trou-l »espace intérieur troué, ouvert, illimité dont parle Jeanne Guyon- renvoie au manque du phallus, à l »absence de sigifiant pour la femme.
    Le paradoxe, c »est que ce manque ouvre à une forme de jouissance. Dans le très populaire séminaire XX « Encore » (1972), Lacan invente le terme de jouissance autre ou jouissance supplémentaire pour définir une jouissance non-phallique. « Jouissance au-delà du phallus », « dont peut-être elle-même ne sait rien, sinon qu »elle l »éprouve ». Illustration de cette jouissance, c »est la Thérèse du Bernin. Relation étroite donc entre la femme, Dieu comme noms voisins de cet Autre.
    La position mystique-féminine, non réservée aux femmes est ouverture, réceptivité, accueil de l »Autre, de Dieu qui va occuper la place du vide. Certes, cette attitude comporte des risques de dépersonnalisation, de perte de soi (beaucoup de mystiques femmes frôlent la folie), mais est aussi un chemin pour rencontrer l »Autre dans son vide, son néant.
    Mais la jouissance n »est pas l »amour. La question de l »amour reste en suspens à la fin du séminaire Encore. Dans une conférence , Lacan dira que le but de la psychanalyse c »est ce vide d »amour-propre qui favorisera l »accueil de…l »amour du prochain. Jusqu »à la fin de sa vie, il s »interrogera sur la notion d » « amour ». Mais il y a eu une avancée par rapport à Freud dans la perception de la mystique: elle représente un pas (peut-être seulement un pas) vers la sortie du narcissisme qui peut guider incroyants et agnostiques vers une redéfinition de l »amour et de la spiritualité.

    Source*: internet
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