Une et multiple, la femme chez C.G. Jung
Plus on étudie les comportements de la femme, plus on s'aperçoit qu'ils
sont multiformes, imprévisibles, charmants et détestables, uniques en un mot.
Nous allons tenter de décrire quelques aspects de la façon dont la femme
actuelle donne vie à ses potentialités. Elle aspire en effet à une prise de
conscience plus élevée. Elle est plus "éveillée" que sa mère - qui n'était que
mère -, grâce aux études qu'il lui est donné de pouvoir faire aujourd'hui.
La femme actuelle veut se délivrer de ses complexes, qui sont les
"moteurs" de la psyché et les transformer en centres énergétiques. Elle tentera
d'abord pour cela, plus ou moins consciemment, - et de plus en plus
consciemment, une fois entrée en analyse -, de développer ses quatre fonctions,
telles que les entend la psychologie jungienne :
La Sensation (irrationnelle), par les "plaisirs de la vie", la nourriture, le
sport, la sexualité, tout ce qui relève du corps dans sa "sagesse" ; - ce qui exclut
tout hédonisme outrancier. Cette sensation sera toujours teintée d'affectivité, où
la fonction Sentiment (raisonnable) entrera pour une bonne part, soutenue par la
pratique d'un art ou les diverses activités sociales offertes aujourd'hui par
l'exercice d'une profession. Il y aura à faire également effort pour stimuler la
fonction Pensée (raisonnable), et cela, dès l'école, puis au long de la vie, par les
lectures, la réflexion, les actes désintéressés (s'ils le sont vraiment). Enfin,
l'Intuition (non raisonnable) incitera la femme à s'ouvrir à l'humain et à une
certaine "connaissance" venue de l'être, et dépassant le simple savoir !
Son "centre" acquis, son mythe personnel découvert, elle ira - voyageuse
immobile - au devant de la vraie vie, femme rayonnante, femme "ultime", dont
l'"enthousiasme" (l'en-dieusement) pourra susciter une certaine jalousie.
Outre les fonctions, la femme peut incarner quatre formes ainsi réparties
par Jung : Mère-Epouse, Hétaïre, Amazone et Médiale. Bien entendu, une
deuxième forme peut s'ajouter parfois à la principale. La troisième et la
quatrième formes restent souvent inconscientes. Aucune femme ne saurait
répondre à une seule de ces formes dans son autonomie et sa "pureté" absolues ;
tout s'y trouve en interdépendance ; mais comme pour les fonctions, une forme
l'emporte toujours sur les autres.
Précisons encore que ces quatre formes correspondent à des aspects de
l'anima chez l'homme . Il s'agit donc de "projections" de sa part.
La Mère : son esprit étant dirigé vers l'avenir, elle nourrira, éduquera,
soignera, encouragera ses enfants. Son aspect négatif sera l'étouffement,
l'appropriation de l'enfant, la difficulté de la défusion. Souvent possessive, la
mère est celle qui n'aime guère voir s'égailler les poussins.
On entend par anima la part psychique féminine qui habite dans l'homme, comme l'animus désigne la part psychique virile qui habite dans la femme.
Illustration : Elisabeth téléphone chaque soir à chacun de ses cinq enfants
pour leur raconter ce que font les autres. Elle se mêle de tout, mélange les
cartes, perturbe les couples, les incite au divorce, brouille les enfants entre eux.
Quand on lui reproche d'avoir dit ceci ou cela, elle répond : "Je n'ai jamais dit
ça". Et elle est sincère : ce n'est pas elle qui a parlé, c'est l'animus en elle ; la
preuve en est que dans ces moments-là, sa voix a changé.
L'Hétaïre s'attache à la psychologie de l'époux. Elle exige une relation
dans la profondeur, voir dans le domaine spirituel. Elle ignore en elle l'aspect
maternel ou le sacrifie sans peine ; mais elle peut aussi faire courir au couple
qu'elle a devant elle et où elle va s'introduire le risque du divorce. Celui-ci
obtenu, - non sans réticence de la part du mari, lequel est d'ailleurs fidèle moins
par fidélité que par paresse -, le couple une fois brisé, elle ne veut plus de cet
homme-là : "On ne pouvait vraiment par avoir confiance en lui !"
Illustration : Florence rencontre un homme marié, père de famille. Après
avoir vécu avec lui de temps à autre (y compris plusieurs années sans vouloir
s'encombrer de lui en permanence), elle l'oblige à acheter un appartement, à
demander le divorce ; celui-ci enfin obtenu, elle lâche le divorcé ; - elle est déjà
partie à la conquête d'un autre !
L'Amazone joue les indépendantes. Ce qui lui est facilité par des études lui
permettant de gagner sa vie sans rien devoir à personne. La liberté financière est
un acquis important, ajouté à la contraception ; - les deux facettes de la profonde
révolution de notre époque. La liberté financière rend la femme libre de l'homme
; et la contraception la rend plus consciente, tout en renforçant l'inconscient,
donc le doute et l'incertitude de son comportement, que l'avortement viendra
accroître avec "la mauvaise conscience" : aucune femme n'en sort indemne.
L'Amazone est une rivale pour l'homme. Elle n'en a pas moins de
l'ambition pour lui, qui cherche davantage a être reconnu par la société qu'à
réussir l'amour du couple. Chez elle, l'animus est exigeant d'elle-même ; elle
demande peu à l'homme, car elle n'ignore pas que celui-ci prend - conquiert -
plus qu'il ne donne.
Illustration : Bête à concours, Andrée est chef d'entreprise. Elle "en veut".
Elle pourrait aller jusqu'à dire comme Atrée : "Oderint, dum metuant !" ("Qu'ils
me haïssent, pourvu qu'ils me craignent !"). Elle a le crâne rasé, s'est
moralement fait couper les seins. Toute à sa volonté de puissance, sa devise est :
Réussir. Matériellement, s'entend.
La Médiale 2 : sa fonction Intuition prime les trois autres, qui peuvent
s'estomper d'autant plus aisément que l'Intuition aspire fortement au spirituel.
Elle plonge dans l'inconscient collectif, où vivent tous les possibles ; elle
pressent, exprime ce qui flotte dans l'"air du temps" et qui se manifestera plus
tard.
Illustration : Pendant la guerre de 39/45, Thérèse s'intéresse déjà à la
philosophie indoue. En 1950, elle rencontre des Soufis, alors connus des seuls
rares spécialistes de l'Islam. En 1960, elle se passionne pour l'alchimie
spirituelle dont personne n'a encore entendu parler.
Quelle que soit la catégorie à laquelle appartient une femme, elle sera de
nature plutôt extravertie ou plutôt introvertie.
L'Extravertie attend tout du dehors vers lequel elle se tourne incessamment. Elle parle plus qu'elle n'écrit : elle est verbomotrice. Elle a le contact facile ; il lui est nécessaire. Elle se plaît à tout ce qui relève de l'extérieur, quitte à verser dans le seul paraître, à s'en contenter. Cette attitude a
besoin d'un correctif.
Voici un rêve : "Je suis chez moi, dit Françoise, dans la salle d'accueil ;
mais ce chez moi est une auberge. Je me rends dans ma chambre ; une femme est
couchée sur mon lit : 'Que faites-vous là ?', lui dis-je. - "Je viens vous protéger".
Je n'en crois rien, je la gifle ; elle part en pleurant. Un petit garçon apparaît,
puis une fillette aux mains sanglantes."
Ce rêve, plein d'enseignement, a aidé la rêveuse à transformer la vision
qu'elle avait de sa vie et lui a soufflé la façon de s'y prendre. En effet, nous ne
pouvons vivre tout le temps dans une auberge où passent sans cesse de nouveaux
voyageurs, nous avons besoin d'intimité, où des amis choisis viennent à notre
invitation, ou après s'être annoncés.
Notre chambre est un lieu encore plus intime. Une facette inconnue de la
rêveuse est couchée, sans gêne, à sa place, assurant qu'elle est sa protectrice. En
réalité, cette facette lui révèle qu'elle se conduit d'une façon incongrue : elle
oublie de s'occuper de son mari pour se consacrer à beaucoup d'autres êtres qui
lui sont étrangers, au risque de se disperser. La gifle marque le rejet de cette
part d'elle-même. Le mal serait sans remède si n'arrivait le petit garçon. Le
garçon est toujours entreprenant. C'est pour la rêveuse l'apparition d'un jeune
animus qui l'incite à faire quelque chose pour elle-même, de quoi, probablement,
créer avec ses mains, la femme ayant besoin de les occuper par des travaux qui
laissent "phantasmer" l'animus.
Elle constate enfin que la fillette a elle-même les mains en sang. Aurait-
elle été maltraitée ? Non, mais c'est l'animus négatif qui lui parle de façon
sanglante (la femme a toujours une relation profonde avec le sang), de façon à ce
qu'elle cesse de contrarier en elle quelque chose qui veut naître.
Cendrillon moderne, l'Introvertie préfère, quant à elle, rester à la maison.
Peut-être par peur des autres. Elle attend le retour de l'époux, la naissance de
l'enfant, la cuisson du plat, le séchage du linge. Elle attend, et elle est le temps,
comme l'homme, au loin, est l'espace. La mort du père ou du mari libérera peut-
être sa parole, mais sa nature profonde la prédispose à la vie intérieure.
Rêve : "Je suis chez moi, raconte Isabelle ; je refuse de sortir. De ma
fenêtre je jette une bouteille vide sur la tête de mon prétendant. Mon père est à
côté de moi ; il a un visage fermé des mauvais jours. La robe blanche que je
désir pour me marier n'est plus celle que j'ai choisie : elle est de bure sombre,
presque noire. Je m'achemine seule sur un chemin de pierres vers le couvent."
Un tel rêve a-t-il besoin d'être interprété ? Remarquons seulement que la
femme ne quitte sa maison que pour une maison encore plus fermée ; elle ne se
rend pas au couvent par vocation religieuse, mais par sentiment d'échec. La
bouteille vide (c'est encore heureux !) est le symbole de la féminité, comme tout
contenant. Elle en fait une arme offensive. Le père l'a rendue muette.
Tout animus, comme toute anima, présente un aspect négatif et un aspect
positif.
L'aspect négatif de l'animus, que nous avons remarqué, cherche à
provoquer la discussion pour la discussion, à seule fin d'avoir le dessus. C'est un
archétype dont la force dépasse la femme. S ous son emprise, elle peut se montrer
autoritaire, têtue, agressive ou infantile, tisser des ruses, faire "battre des
montagnes", se faire sorcière et castratrice. Chez l'homme, l'influence de
l'animus négatif de sa mère le rendra irritable, dépressif, versatile, susceptible ;
il deviendra morose, hypocondriaque, estimera qu'il n'est rien, et que rien n'a de
sens.
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Plus on étudie les comportements de la femme, plus on s'aperçoit qu'ils
sont multiformes, imprévisibles, charmants et détestables, uniques en un mot.
Nous allons tenter de décrire quelques aspects de la façon dont la femme
actuelle donne vie à ses potentialités. Elle aspire en effet à une prise de
conscience plus élevée. Elle est plus "éveillée" que sa mère - qui n'était que
mère -, grâce aux études qu'il lui est donné de pouvoir faire aujourd'hui.
La femme actuelle veut se délivrer de ses complexes, qui sont les
"moteurs" de la psyché et les transformer en centres énergétiques. Elle tentera
d'abord pour cela, plus ou moins consciemment, - et de plus en plus
consciemment, une fois entrée en analyse -, de développer ses quatre fonctions,
telles que les entend la psychologie jungienne :
La Sensation (irrationnelle), par les "plaisirs de la vie", la nourriture, le
sport, la sexualité, tout ce qui relève du corps dans sa "sagesse" ; - ce qui exclut
tout hédonisme outrancier. Cette sensation sera toujours teintée d'affectivité, où
la fonction Sentiment (raisonnable) entrera pour une bonne part, soutenue par la
pratique d'un art ou les diverses activités sociales offertes aujourd'hui par
l'exercice d'une profession. Il y aura à faire également effort pour stimuler la
fonction Pensée (raisonnable), et cela, dès l'école, puis au long de la vie, par les
lectures, la réflexion, les actes désintéressés (s'ils le sont vraiment). Enfin,
l'Intuition (non raisonnable) incitera la femme à s'ouvrir à l'humain et à une
certaine "connaissance" venue de l'être, et dépassant le simple savoir !
Son "centre" acquis, son mythe personnel découvert, elle ira - voyageuse
immobile - au devant de la vraie vie, femme rayonnante, femme "ultime", dont
l'"enthousiasme" (l'en-dieusement) pourra susciter une certaine jalousie.
Outre les fonctions, la femme peut incarner quatre formes ainsi réparties
par Jung : Mère-Epouse, Hétaïre, Amazone et Médiale. Bien entendu, une
deuxième forme peut s'ajouter parfois à la principale. La troisième et la
quatrième formes restent souvent inconscientes. Aucune femme ne saurait
répondre à une seule de ces formes dans son autonomie et sa "pureté" absolues ;
tout s'y trouve en interdépendance ; mais comme pour les fonctions, une forme
l'emporte toujours sur les autres.
Précisons encore que ces quatre formes correspondent à des aspects de
l'anima chez l'homme . Il s'agit donc de "projections" de sa part.
La Mère : son esprit étant dirigé vers l'avenir, elle nourrira, éduquera,
soignera, encouragera ses enfants. Son aspect négatif sera l'étouffement,
l'appropriation de l'enfant, la difficulté de la défusion. Souvent possessive, la
mère est celle qui n'aime guère voir s'égailler les poussins.
On entend par anima la part psychique féminine qui habite dans l'homme, comme l'animus désigne la part psychique virile qui habite dans la femme.
Illustration : Elisabeth téléphone chaque soir à chacun de ses cinq enfants
pour leur raconter ce que font les autres. Elle se mêle de tout, mélange les
cartes, perturbe les couples, les incite au divorce, brouille les enfants entre eux.
Quand on lui reproche d'avoir dit ceci ou cela, elle répond : "Je n'ai jamais dit
ça". Et elle est sincère : ce n'est pas elle qui a parlé, c'est l'animus en elle ; la
preuve en est que dans ces moments-là, sa voix a changé.
L'Hétaïre s'attache à la psychologie de l'époux. Elle exige une relation
dans la profondeur, voir dans le domaine spirituel. Elle ignore en elle l'aspect
maternel ou le sacrifie sans peine ; mais elle peut aussi faire courir au couple
qu'elle a devant elle et où elle va s'introduire le risque du divorce. Celui-ci
obtenu, - non sans réticence de la part du mari, lequel est d'ailleurs fidèle moins
par fidélité que par paresse -, le couple une fois brisé, elle ne veut plus de cet
homme-là : "On ne pouvait vraiment par avoir confiance en lui !"
Illustration : Florence rencontre un homme marié, père de famille. Après
avoir vécu avec lui de temps à autre (y compris plusieurs années sans vouloir
s'encombrer de lui en permanence), elle l'oblige à acheter un appartement, à
demander le divorce ; celui-ci enfin obtenu, elle lâche le divorcé ; - elle est déjà
partie à la conquête d'un autre !
L'Amazone joue les indépendantes. Ce qui lui est facilité par des études lui
permettant de gagner sa vie sans rien devoir à personne. La liberté financière est
un acquis important, ajouté à la contraception ; - les deux facettes de la profonde
révolution de notre époque. La liberté financière rend la femme libre de l'homme
; et la contraception la rend plus consciente, tout en renforçant l'inconscient,
donc le doute et l'incertitude de son comportement, que l'avortement viendra
accroître avec "la mauvaise conscience" : aucune femme n'en sort indemne.
L'Amazone est une rivale pour l'homme. Elle n'en a pas moins de
l'ambition pour lui, qui cherche davantage a être reconnu par la société qu'à
réussir l'amour du couple. Chez elle, l'animus est exigeant d'elle-même ; elle
demande peu à l'homme, car elle n'ignore pas que celui-ci prend - conquiert -
plus qu'il ne donne.
Illustration : Bête à concours, Andrée est chef d'entreprise. Elle "en veut".
Elle pourrait aller jusqu'à dire comme Atrée : "Oderint, dum metuant !" ("Qu'ils
me haïssent, pourvu qu'ils me craignent !"). Elle a le crâne rasé, s'est
moralement fait couper les seins. Toute à sa volonté de puissance, sa devise est :
Réussir. Matériellement, s'entend.
La Médiale 2 : sa fonction Intuition prime les trois autres, qui peuvent
s'estomper d'autant plus aisément que l'Intuition aspire fortement au spirituel.
Elle plonge dans l'inconscient collectif, où vivent tous les possibles ; elle
pressent, exprime ce qui flotte dans l'"air du temps" et qui se manifestera plus
tard.
Illustration : Pendant la guerre de 39/45, Thérèse s'intéresse déjà à la
philosophie indoue. En 1950, elle rencontre des Soufis, alors connus des seuls
rares spécialistes de l'Islam. En 1960, elle se passionne pour l'alchimie
spirituelle dont personne n'a encore entendu parler.
Quelle que soit la catégorie à laquelle appartient une femme, elle sera de
nature plutôt extravertie ou plutôt introvertie.
L'Extravertie attend tout du dehors vers lequel elle se tourne incessamment. Elle parle plus qu'elle n'écrit : elle est verbomotrice. Elle a le contact facile ; il lui est nécessaire. Elle se plaît à tout ce qui relève de l'extérieur, quitte à verser dans le seul paraître, à s'en contenter. Cette attitude a
besoin d'un correctif.
Voici un rêve : "Je suis chez moi, dit Françoise, dans la salle d'accueil ;
mais ce chez moi est une auberge. Je me rends dans ma chambre ; une femme est
couchée sur mon lit : 'Que faites-vous là ?', lui dis-je. - "Je viens vous protéger".
Je n'en crois rien, je la gifle ; elle part en pleurant. Un petit garçon apparaît,
puis une fillette aux mains sanglantes."
Ce rêve, plein d'enseignement, a aidé la rêveuse à transformer la vision
qu'elle avait de sa vie et lui a soufflé la façon de s'y prendre. En effet, nous ne
pouvons vivre tout le temps dans une auberge où passent sans cesse de nouveaux
voyageurs, nous avons besoin d'intimité, où des amis choisis viennent à notre
invitation, ou après s'être annoncés.
Notre chambre est un lieu encore plus intime. Une facette inconnue de la
rêveuse est couchée, sans gêne, à sa place, assurant qu'elle est sa protectrice. En
réalité, cette facette lui révèle qu'elle se conduit d'une façon incongrue : elle
oublie de s'occuper de son mari pour se consacrer à beaucoup d'autres êtres qui
lui sont étrangers, au risque de se disperser. La gifle marque le rejet de cette
part d'elle-même. Le mal serait sans remède si n'arrivait le petit garçon. Le
garçon est toujours entreprenant. C'est pour la rêveuse l'apparition d'un jeune
animus qui l'incite à faire quelque chose pour elle-même, de quoi, probablement,
créer avec ses mains, la femme ayant besoin de les occuper par des travaux qui
laissent "phantasmer" l'animus.
Elle constate enfin que la fillette a elle-même les mains en sang. Aurait-
elle été maltraitée ? Non, mais c'est l'animus négatif qui lui parle de façon
sanglante (la femme a toujours une relation profonde avec le sang), de façon à ce
qu'elle cesse de contrarier en elle quelque chose qui veut naître.
Cendrillon moderne, l'Introvertie préfère, quant à elle, rester à la maison.
Peut-être par peur des autres. Elle attend le retour de l'époux, la naissance de
l'enfant, la cuisson du plat, le séchage du linge. Elle attend, et elle est le temps,
comme l'homme, au loin, est l'espace. La mort du père ou du mari libérera peut-
être sa parole, mais sa nature profonde la prédispose à la vie intérieure.
Rêve : "Je suis chez moi, raconte Isabelle ; je refuse de sortir. De ma
fenêtre je jette une bouteille vide sur la tête de mon prétendant. Mon père est à
côté de moi ; il a un visage fermé des mauvais jours. La robe blanche que je
désir pour me marier n'est plus celle que j'ai choisie : elle est de bure sombre,
presque noire. Je m'achemine seule sur un chemin de pierres vers le couvent."
Un tel rêve a-t-il besoin d'être interprété ? Remarquons seulement que la
femme ne quitte sa maison que pour une maison encore plus fermée ; elle ne se
rend pas au couvent par vocation religieuse, mais par sentiment d'échec. La
bouteille vide (c'est encore heureux !) est le symbole de la féminité, comme tout
contenant. Elle en fait une arme offensive. Le père l'a rendue muette.
Tout animus, comme toute anima, présente un aspect négatif et un aspect
positif.
L'aspect négatif de l'animus, que nous avons remarqué, cherche à
provoquer la discussion pour la discussion, à seule fin d'avoir le dessus. C'est un
archétype dont la force dépasse la femme. S ous son emprise, elle peut se montrer
autoritaire, têtue, agressive ou infantile, tisser des ruses, faire "battre des
montagnes", se faire sorcière et castratrice. Chez l'homme, l'influence de
l'animus négatif de sa mère le rendra irritable, dépressif, versatile, susceptible ;
il deviendra morose, hypocondriaque, estimera qu'il n'est rien, et que rien n'a de
sens.
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